Je ne sais pas si cela vous intéressera, lecteur, lectrice qui gaspillez votre temps à me lire, mais j’ai envie de vous faire partager aussi le bonheur que, depuis ma plus tendre enfance, me procurent les mots.
Alors je commence par celui dont j’ai fait un jeu : essayer de l’employer au maximum, pour le faire revivre. Car ce mot est quelque peu tombé en désuétude, et rares sont les fois où il est prononcé dans la vie courante. Il sonne pourtant si joliment !
« Tintinnabuler »…
Prononcez-le, et vous verrez s’embellir le moment…
« Tintinnabuler »…
Comme les glaçons dans un verre, comme les bouteilles dans un panier, comme les clochettes des animaux dans les alpages…
Evocation d’univers cristallin. De bulles légères. D’air pur et frais.
Où l’ai-je appris? entendu ou vu pour la première fois? Je l’ignore…
Il est présent en littérature, certes…
Le CNRTL cite par exemple Le Capitaine Fracasse de Théophile Gautier :
« Deux robustes chevaux de labour harnachés fort proprement, avec colliers peinturlurés et clarinés de grelots qui tintinnabulaient le plus agréablement du monde au pas ferme et régulier de ces braves bêtes (Gautier, Fracasse, 1863, p. 182). «
Tiens, « clarinés », c’est un joli mot aussi. Et totalement oublié, celui-là, non?
Il cite également une des mes auteures fétiches, Colette :
» L’esprit d’un jeune matelot, habitué invisible et espiègle, qui, revenant à jours fixes, s’enfermait dans l’armoire à vaisselle pour y faire tintinnabuler tasses et soucoupes (Colette, Chambre d’hôtel, 1940, p. 196) «
On apprend qu’il existe un autre verbe, « tintinnuler », de sens voisin. Mais j’aime moins, car l’évocation de « bulle » et « buller » disparaît.
Bien sûr, Sherlock Holmette est allée en rechercher aussitôt l’étymologie… « Tintinnabulum », en latin, désignait un ensemble de clochettes, qui donc produisait ce type de sonorités. En cherchant une image libre de droit d’un tel objet (je n’en ai pas en réserve!), je suis tombée sur celle-ci… Que le lecteur/la lectrice prude me pardonne…
Faites vous-même une recherche sur des images à partir du mot, et vous verrez que ce n’est pas le seul cas où l’objet évoque autre chose que ce que j’en disais plus haut! Mais on en trouve de plus convenables, par exemple au Pérou.
Utilisation religieuse ou pas… Voilà qui a fait couler beaucoup d’encre. Et ce dont, franchement, on se moque un peu quand on utiliser le verbe français.
Mais je n’ai toujours pas l’étymologie, à ce stade de l’enquête… Mes recherches m’entraînent sur des chemins de traverse, tel ce chapitre de livre, en accès libre, dont la présentation vaut le détour, à propos du Tintinnabulum Naturae
Je me suis promis de trouver l’ouvrage et vous en rendrai compte, si vous le voulez. J’aime bien la référence de l’auteur « Un solitaire de Champagne »… On revient aux bulles!
Quant à l’étymologie… facile, en lien avec deux verbes qui n’ont d’autre signification que de renvoyer… aux sons… On tourne en boucle!
A propos de sons… Le verbe « tintinarre » a inspiré une chanson bien loin du tintinnabulement! Comment en est-on arrivé à un tel hiatus? En passant par une phrase du fondateur de Playboy, Hugh M. Helfer : « Si non oscillas, noli tintinarre » (les latinistes et amateurs d’italien remarquent la double erreur d’orthographe, n seul et r redoublé), gravée sur une plaque, peinte sur une verrière… Mais c’est une autre histoire…
Oublions tout cela, revenons à l’essentiel et prononçons ce mot : « tintinnabuller »… aussi bien que Graeme Allwright…
Un air frais, un cristal pur, un entrechoquement de choses légères…
Quel plaisir de laisser doucement tinter, clarinet ces mots à nos oreilles.
Merci pour cette bien plaisante présentation.
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Désolé il fallait lire : clariner (nos smartphones ignorent ces jolis mots)
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