Berthe Morisot et Nice

Tel était le titre de la conférence qui se déroulait à Nice, en ce jeudi pluvieux de septembre, au Centre Universitaire Méditerranéen, alias CUM.

Je n’avais jamais visité cet endroit, à mon grand regret, et c’est avec plaisir que j’en ai découvert l’entrée et l’amphithéâtre dans lequel se tenait l’événement. Les photos précédentes ne sont pas de moi, mais celles qui suivent, oui… alors, pardonnez leur imperfection!

Et en prime, pour celles et ceux d’entre vous qui ne connaîtraient pas les drapeaux…

Un public étonnant, composé en grande partie de « vieilles dames », toutes plus « Tati Danielle » les unes que les autres. Quelques vieux messieurs aussi. Et un « jeune » d’une trentaine d’années, qui semblait perdu au milieu de cette foule de personnes âgées qui m’ont surprise en se montrant exigeantes et désagréables avec la conférencière lorsqu’elle a rencontré des difficultés avec son micro. Et qui ont quitté la salle rapidement à la fin, empêchant l’échange prévu autour de questions. Bref, je n’ai jamais vu un public aussi « malotru »!

Pourtant, la dame en question était très brillante, et a abordé le sujet de manière très personnelle et intéressante. Elle n’avait pas été présentée au début, mais nous avons découvert sa carrière à la fin. Pour en savoir plus sur elle, regardez sur le net… Marianne Mathieu est historienne de l’impressionnisme, et a notamment publié sur Monet/Mitchell, l’impressionnisme… et redynamisé le musée Marmottan, comme le raconte cet article.

Son « angle d’attaque » est original. Elle part du questionnement suivant : « Qu’est-ce qu’on voit, et donc qu’est-ce qu’on ne voit pas sur les tableaux peints à Nice par l’artiste? En quoi cela permet-il d’appréhender les spécificités de son art? »

Et je n’ai pas été déçue. Après avoir évoqué la famille, puis les premières années artistiques de Berthe Morisot, elle est arrivée aux deux séjours hivernaux par Berthe et sa famille à Nice, en 1881-82 et 1888-89. Avec un comité scientifique bien choisi, qu’elle a présenté et dont elle a explicité le rôle, les tableaux ont été analysés et comparés à des archives de l’époque, de manière à situer précisément les lieux où ils ont été conçus. Puis l’étude des carnets et de la correspondance de l’artiste ont permis de retracer la genèse de ces tableaux, pour prouver que « peindre sur le motif » – expression que je découvrais! – ne signifiait pas « peindre à la va-vite ». Mais qu’elle préparait et travaillait ses oeuvres sur un temps long, contrairement à certaines allégations l’accusant de « bâcler » son travail.

Voici quelques exemples des diapositives projetées. Avec, malheureusement, l’angle sous lequel je les voyais. Car arrivée un quart d’heure avant le début, je n’ai pu avoir qu’une place « de côté »!

Pour commencer, des tableaux en lien avec le port de Nice à cette époque…

Puis d’autres montrant des éléments de la plage.

L’idée était ici de situer ce tableau sur la plage (photo copiée sur le net, site de Connaissance des Arts présentant l’exposition actuellement à Nice et bientôt à Gènes)

Beaucoup de recherches aussi, autour d’un petit tableau présentant un yacht éclairé.

L’histoire en a été reconstituée, grâce à des recherches minutieuses…
En ce 25 février 1889, Sa Majesté Carnaval arrive par la mer dans le port de Nice. Une foule nombreuse assiste à l’événement. Parmi laquelle, Berthe et sa fille Julie Manet. Un riche Américain y est également, mais sur son yacht, la Namouna, de James Gordon Bennett, patron du journal New York Herald.

Or celui-ci est le premier à avoir bénéficié d’un éclairage électrique… grâce à Thomas Edison… C’est ce navire qu’a peint Berthe Morisot. Mais, dans la foule??? Non, elle a fait des croquis, puis a finalisé dans son atelier…

Bref, l’heure et demie et les 127 diapositives projetées ne m’ont pas lassée, et j’ai beaucoup appris durant cet exposé passionnant, avant d’acheter le catalogue de l’exposition, que je n’ai pas encore visitée. A rattraper rapidement, car elle se termine ce dimanche!

Conséquences (inattendues?) du développement de l’industrie…

J’ai eu la chance d’assister hier à une conférence très intéressante, dont le thème était l’influence des estampes japonaises sur la peinture française de la fin du 19ème et de la première moitié du 20ème siècle.

JLa conférencière maîtrisait visiblement son sujet, et a réussi à captiver un public nombreux, en plein après-midi de cette belle journée ensoleillée, avec un exposé très bien et très abondamment illustré. Je ne vais, bien évidemment, pas le reprendre ici. Sachez, pour votre intérêt, qu’il est en ligne : elle propose, sur son site, d’accéder à ses conférences en ligne, pour la modique somme de 7 euros… et elles les valent largement!

Un petit mot au passage aussi pour l’association organisatrice, que je découvrais à cette occasion, et dont je viens d’ouvrir la page Facebook. Elle propose visiblement un programme très intéressant!

Pas question, comme je le disais, de « piller » ni même dévoiler le contenu très riche de l’exposé. Juste quelques points qui m’ont particulièrement marquée, et que je vais vous présenter sous forme de jeu. Voici longtemps que je ne vous avais pas fait jouer!

Influences du Japon

Observez donc les tableaux ci-dessous, et tentez d’y retrouver des éléments qui évoquent le Japon…

Commençons par l’artiste qui possédait une impressionnante collection d’estampes, Van Gogh…

Enigme 1 : quel mont est représenté sur ce tableau?

Enigme 2 : quels points communs entre l’estampe de Korin Ogata (18ème) et le tableau de Van Gogh (1889)?

Continuons avec Manet…

Enigme 3 : Zola est représenté par le peintre, assis à son bureau, à Paris. Pourtant, le Japon est bien présent. Comment? Attention, deux réponses sont faciles, la troisième l’est beaucoup moins. Et je ne parle pas de la manière dont l’écrivain est représenté!

La villa de Giverny regorgeait d’estampes, et Monet ne s’est pas privé de s’en inspirer (pensez aux nymphéas!). (Source de l’image)

Enigme 4 (pour rire un peu) : quels éléments rappellent le Japon dans le portrait de son épouse (1876)?

Enigme 5 (encore plus!) : quel élément du décor de son jardin, évoquant le Japon, Monet a-t-il peint 47 fois (enfin, dans les tableaux qui nous sont parvenus!)?

Plus difficile cette fois : de quelle nationalité est le peintre qui est à l’origine de l’oeuvre suivante (1888)?

Enigme 7 : de qui est ce tableau qui fut considéré comme « japonisant », et pourquoi?

Mais pourquoi ces influences? Deuxième manche du jeu!

Pourquoi ces influences, à ce moment précis?

Question 1. Qui est représenté sur ce tableau? En quoi est-ce en lien avec le « japonisme »?

Question 2. On parle de « japonisme » à cause de cet homme. Mais qui est-ce? En quelle année eut-il l’idée de désigner ainsi le mouvement?

Question 3. Une adresse à Paris : le 22 rue de Provence. On y allait chez un personnage portant un prénom wagnérien mais un nom à consonance asiatique. Qui était-il? Et pourquoi allait-on chez lui?

Question 4. Un « Musée rétrospectif »… cela fait un peu « pléonasme », non? Dans le « Palais de l’Industrie »… inattendu, non ?

Et pourtant! Il eut lieu en 1965… Combien d’oeuvres originaires d’Asie y sont présentées?

Question 5 : Une délégation japonaise vint à Paris en 1867… à quelle occasion? Quels liens avec le « japonisme »?

Question 6. Deux ans plus tard, une exposition étonnante…

Question 7. Encore des expositions! On voit bien les dates, mais ils ont oublié l’année! Quelle était-elle?

On assiste ainsi, en trois décennies, à une véritable expansion du japonisme. Est-ce à dire que les oeuvres japonaises n’étaient pas connues avant? Que nenni, mais c’est une autre histoire.

Je ne veux pas finir sans évoquer deux artistes dont a abondamment parlé la conférencière hier et que, pour ma part, je ne connaissais pas (encore des lacunes, direz-vous!).

Winslow Homer

« Winslow Homer débute comme reporter dessinateur durant la guerre de Sécession, avant de peindre des scènes décrivant le quotidien de l’armée et du monde rural dans la précision naturaliste qui dominait alors la peinture américaine. Après un séjour parisien, Homer adopte un temps la palette impressionniste, puis trouve sa marque définitive, entre réalisme et symbolisme. » (Musée d’Orsay)

Quels liens avec le japonisme? Il passe par un voyage en France, où cet Américain né à Boston découvre les peintres de l’Ecole de Barbizon – et souvenez-vous qu’un des grands de cette Ecole fut Daubigny, l’un des maîtres de Van Gogh (voir article de 2023), et va sans doute aussi fréquenter les milieux artistiques et les expositions à Paris. Souvenez-vous, 1867, c’est la date de l’Exposition Universelle évoquée ci-dessus!

Le tableau qui suit devrait en évoquer d’autres, pour vous…

Il est parmi les premiers peintres à avoir « tronqué » des objets, et ainsi fait en sorte que le hors-champ, par son absence, devienne si puissant.

En 1887, Monet va inverser l’orientation, remplacer la voile par les rames, et les hommes par les femmes…

On trouve sur le net de nombreuses vidéos qui présentent l’immense oeuvre de l’artiste, mais quasiment toutes en anglais. Je vous laisse donc choisir… Mais pour une présentation de l’homme, je vous conseille la National Gallery.

Henri Rivière

Encore un peintre que je connaissais pas, et qui fut fort inspiré par le Japon. Voici ce qu’en dit la présentation sur Gallica (BNF).

« Henri Rivière (1864-1951) a commencé sa carrière par le dessin et l’eau-forte avant de devenir, en 1886, metteur en scène et scénographe du théâtre d’ombres au cabaret du Chat noir, situé au pied de la butte Montmartre. En 1890, sous l’influence de l’estampe japonaise qu’il collectionne, il découvre la gravure sur bois en couleurs, dont il maîtrise toutes les étapes, du broyage des couleurs à l’impression. Ses suites, nées de la fréquentation régulières des côtes bretonnes, l’inscrivent dans l’histoire de l’estampe comme un acteur majeur du renouveau de l’estampe en couleurs. Il donne aussi ses lettres de noblesse à la lithographie en couleurs grâce à plusieurs séries de paysages (Le Beau pays de Bretagne, La Féerie des heures, Aspects de la nature), dont certains inspirés par la capitale (Paysages parisiens et Les Trente-six vues de la Tour Eiffel). En 2007, son fonds de l’atelier, entré par dation, est venu enrichir les collections du département des Estampes et de la photographie. »

Henri Rivière avait réuni une impressionnante collection d’estampes japonaises, comme l’explique le site de la BNF, Gallica.

On comprend qu’elles aient inspiré son oeuvre…