J’ai déjà eu maintes occasions, sur ce blog, d’évoquer les péniches, et encore davantage les écluses. Normal, pour une enfant ayant grandi entre les bords de Sambre et le port du Tréport…
Faisant dernièrement route vers le Sud, j’ai choisi un léger détour pour aller pique-niquer sur les rives de l’Aisne. Après petite étude sur le net, j’avais jeté mon dévolu sur un village dénommé Berry-au-Bac. Car je ne sais si vous avez déjà remarqué cela, mais, très souvent, les lieux où se situaient jadis des bacs ne manquent pas de charme ou de curiosités.
Et je n’ai pas regretté! C’est en ces lieux la jonction de la rivière avec le canal de l’Aisne à la Marne.
A croire qu’un génie avait tout prévu pour ma halte de déjeuner: une table sur un promontoire herbeux, pile à la jonction des deux cours d’eau.
J’ai emprunté la première photo à un blog où vous trouverez des traces de la riche histoire du lieu et de la triste Côte 108. Sur la seconde, vous admirerez l’herbe fraîchement coupée et en imaginerez le délicat arôme…
Une péniche passant l’écluse dans le sens canal-rivière, et une autre attendant pour passer dans l’autre sens, ce qu’elle fit ensuite.
Et ça, ce n’est pas évident. En effet, le gabarit du tunnel pour accéder à l’écluse est strictement adapté à la largeur des péniches de type Freycinet (voir article dédié à ce sujet).
La petite maisonnette que vous voyez sur ces photos est un ancien café, tenu par Monsieur Brasseur. Celui-ci a pris sa retraite, le café est fermé. Mais il s’intéressait toujours à la batellerie lorsqu’un article de l’Union lui était consacré.
« Chez les Brasseur, le Café de la Marine, c’est une histoire de famille. Christian l’a tenu durant plus de 40 ans. Auparavant, c’était son père Albert qui était aux commandes, et quelques années avant, c’était ses grands-parents. Aussi, même si aujourd’hui Christian est à la retraite, il ne s’imagine pas une seule seconde vendre son commerce et déménagé. « « Chez les Brasseur, le Café de la Marine, c’est une histoire de famille. Christian l’a tenu durant plus de 40 ans. Auparavant, c’était son père Albert qui était aux commandes, et quelques années avant, c’était ses grands-parents. Aussi, même si aujourd’hui Christian est à la retraite, il ne s’imagine pas une seule seconde vendre son commerce et déménager ».
Car il tenait aussi un magasin d’accastillage…
Je tenterai prochainement de placer quelques-unes des séquences vidéo que j’ai prise, relatant de difficile passage d’écluse…
Nous étions ensemble hier au pied de la falaise de Mers-les-Bains… Alors, continuons la promenade, si vous le voulez bien, pour observer d’autres traces…
Je fus intriguée par des raies non rectilignes (a-t-on le droit d’adjoindre ces deux termes???) tracées sur le sable, alors que la mer venait juste de découvrir la plage, déserte depuis le retrait des ondes…
Qui avait pu ainsi laisser trace de son passage? Pas un humain à l’horizon… Mais un petit point attira mon attention, et je m’approchai…
Qui déambulait? Un petit vignot, alias vigneau, alias littorine… Ce que parfois ailleurs on nomme « bigorneau » : « Le bigorneau, petit gastéropode, du provençal bigorne, ressemble à une petite enclume. C’est le vigneau de Normandie. — (Éric Barré, Mers et marins en France d’autrefois, Éd. Archives et culture, 2004) »
Et il n’était pas seul à fendre courageusement l’étendue sableuse…
Procession ? Rencontre ? Poursuite amoureuse ? Je vous laisse imaginer…
Les ruisselets dûs au retrait des eaux laissent aussi de beaux dessins sur la plage. Jugez-en vous-même.
S’il n’y avait pas l’eau, on pourrait imaginer un paysage lunaire…
Mais regarder au loin re-situe les lieux : on aperçoit un phare. Point de phare sur l’astre lunaire, à ma connaissance… C’est celui du Tréport, que vous avez pu voir en noir et blanc voici quelques temps, parmi mes « essais ».
Traces de vie, donc, dans le lointain, qui contrastent avec l’étendue déserte devant moi et aux « restes rongés » de la superbe falaise.
Sans tous ces petits êtres qui animent ciel et plage, ce serait un paysage de fin du monde. Car en levant la tête vers le sommet de la falaise, on aperçoit des restes d’habitat humain, comme ceux d’une superbe demeure que mon oncle rêvait d’acheter quand il était jeune, et dont vous avez pu voir la photo dans un de mes textes portant sur les balades mersoises.
Un autre bâtiment ne va pas tarder à rejoindre le bas. Car le « carré » sombre que l’on aperçoit un peu plus loin n’est autre qu’un blockhaus, trace de la Seconde Guerre Mondiale, qui va bientôt s’effondrer sur le sable comme celui qui orne maintenant la vaste plage de sable proche de la Baie de Somme.
Nous voici revenu-e-s au point de départ, car vous retrouvez ici « l’exposition » dont je traitais hier. A propos, qui parmi vous pourrais m’expliquer pourquoi cet épi métallique est intact au large, mais de plus en plus érodé quand on s’approche de la terre?
C’était hier le Dimanche des Rameaux. J’aime cette tradition qui évoque si bien la Renaissance, le Printemps. Et j’aime tout simplement le mot « rameau ». Allons voir notre vieil ami CNTRL.
1.Division, ramification d’une tige, d’une branche d’arbre; petite branche.Dans les rameaux fleuris Les oiseaux s’appelaient avec de petits cris (Bouilhet, Melaenis, 1857, p. 76). La route jonchée de rameaux morts (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 354):
1. … [ces grands hêtres] sont si chargés de rameaux, et ces rameaux ramifiés encore par filaments sont si chargés de feuilles, qu’on aperçoit à peine, à travers le réseau de leur ramure, l’étang limpide qui brille en bas sous les peupliers. Lamart., Nouv. Confid., 1851, p. 133.
SYNT. Rameau cassé, desséché, flétri; rameau de chêne, de lierre, de sapin; rameaux épais, flexibles, frêles, frémissants, nus, vivaces; longs, lourds, vastes rameaux; jeunes rameaux; les rameaux se balancent, s’étendent.
2.Locutions
a)Rameau d’olivier, rameau vert
− [P. allus. au rameau rapporté par la colombe à Noé, annonçant la fin du Déluge]Christophe Colomb I: Je suis la colombe dans sa main. Qu’il ouvre la main et je partirai et du rivage inconnu là-bas c’est moi qui lui rapporterai un rameau vert (Claudel, Chr. Colomb, 1929, 1repart., p. 1155).
− [Symb. d’espoir, de paix]Cette simple remarque, dans le silence qui l’entoure, est pour notre obstiné le rameau d’olivier. Elle lui fait aussitôt reprendre courage (Sarraute, Ère soupçon, 1956, p. 90):
2. Un jour l’Émir de Qalaat reçut une ambassade des chrétiens de Tripoli, désireux d’établir avec lui des rapports de bon voisinage. Il accueillit avec empressement ces porteurs du rameau vert, car il ne rêvait que de jouir en paix de ses richesses, de ses beaux jardins et de son harem… Barrès, Jard. Oronte, 1922, p. 13.
b)Rameau d’or
− [P. allus. au rameau d’or qu’Énée doit trouver pour pouvoir descendre aux Enfers]N’y a-t-il pas aussi un rameau d’or pour me guider et m’ouvrir les grilles? (Butor, Modif., 1957, p. 180).
− Dans le domaine des traditions, des symb.
♦ Gui, branche de gui.Si le rameau d’or, déjà brandi dans les vallées de la préhistoire, s’est distribué triomphalement dans nos forêts druidiques, il s’éparpille aujourd’hui encore dans la pluie scintillante des étrennes (Dévigne, Légend. de Fr., 1942, p. 100). »
♦ [Symb. d’immortalité ou de sagesse]La loi des lois est qu’il faut penser ce qu’on ne sait pas par ce qu’on sait. Remontant, avec ce rameau d’or, jusqu’aux pensées de nos naïfs ancêtres, je comprends que la magie fut la première physique (Alain, Propos, 1921, p. 333).
« Rameau » évoque pour moi le renouveau, et le paradoxe fragilité / vitalité. Sans compter, bien sûr, la musique de Jean-Philippe.
Quand je suis à Nice, j’apprécie les palmes, et les tressages que l’on en fait.
Cette tradition perdure, et FR3 a fait un reportage à ce sujet, que vous pouvez voir en ligne. Une démonstration de la technique est aussi proposée ici. Nice Matin titrait sur ce thème récemment.
Mais dans les Hauts-de-France (décidément, je ne m’habituerai jamais à cette dénomination), comme dans les Ardennes et en Thiérache, contrées d’origine de ma famille, c’est du buis qui est utilisé. Dans les jardins de nos grands-parents il y avait souvent cet arbuste dont personnellement je n’apprécie ni l’esthétique ni l’arôme. Je vous ai narré voici quelques temps la procession de l’Ile Saint Louis, à Paris. Là aussi, point de palmes, mais du buis.
Mon propos n’est pas de développer sur cette fête qui marque, pour certain-e-s, le début de la Semaine Sainte. Il est de vous raconter comment j’ai eu conscience de la déperdition de traditions entre les générations.
M., une jeune femme d’une trentaine d’années, m’appelle en ce dimanche matin. Nous échangeons, et l’expression « dimanche des Rameaux » est citée. « C’est quoi? ». Explications. « On fait ça par tradition ou parce qu’on y croit? ». Bref, elle ignorait totalement de quoi il s’agissait. Nouvelles explications. J’avoue que cela m’a quelque peu perturbée. D’abord, parce qu’elle est professeure des écoles, donc censée connaître l’Histoire et ouvrir aux diverses cultures. Mais aussi, parce que c’est un membre de ma famille. Et cela m’a poussée à m’interroger sur l’intrication, voire la confusion, entre culture et croyance, qui pousse à oublier, souvent volontairement, les traditions. La laïcité n’empêche pas de les transmettre, me semble-t-il? Teintées ou non de foi, selon les individus. A moins que… Bref, un beau sujet de réflexion pour les géniteurs/trices de nos jours, et pour les aïeux/aïeules de naguère, n’est-ce pas?
Un peu d’humour pour la détente… une image provenant du site d’une paroisse, à l’époque ancienne du GC (Grand Confinement)…
En ce lundi matin, il est temps de repartir travailler, et donc de quitter Bordeaux. Arrivée un peu tôt à la gare, je décide d’aller prendre un jus de fruits. Le quartier de la gare est en chantier, donc peu agréable, comme Paris ces dernières années… Plusieurs bars se font concurrence aux alentours, dont certains encore fermés, car il est bien tôt. Mon choix se porte sur celui qui me semble le plus ancien, de par son architecture : le Terminus. Un nom d’une banalité affligeante, certes. Mais tant pis. En outre, c’est celui où il y a le moins de monde. Quelques personnes en terrasse. Mais nul être humain autre que le serveur à l’intérieur. Cela me donne tout loisir de photographier.
Comme j’ai voulu connaître un peu mieux son histoire, j’ai effectué des recherches. Créé en 1923, il se dénommait jadis « Hôtel du Faisan », et voici une carte postale ancienne dénichée sur le net.
La dénomination « Terminus » est plus tardive, comme vous pouvez le constater. On la voit sur cette autre carte, nettement plus récente, à en juger par le parc automobile et les tramways.
A l’intérieur, des photos rappellent ce passé. Il vient juste d’être rénové, mais on a gardé certains éléments Art Déco qui évoquent sa splendeur d’autrefois. Je vous entraîne dans une petite visite?
L’heure du départ approche, il est maintenant temps de gagner la gare toute proche. Pourquoi s’appelle-t-elle Saint-Jean? Je n’ai pas trouvé… si vous le savez, merci de placer un commentaire!
Plus ancienne que l’hôtel, elle date de 1855, année où la Compagnie du Midi créa la Gare… du Midi. Pourquoi est-elle si loin du centre ville? Parce que sa construction, envisagée au centre, sur les quais, a donné lieu à une levée de boucliers des riverains, et a donc été décalée plus loin. Dommage, non? Comme si les gares d’Orsay, d’Austerlitz et de Lyon avaient dû être construites en banlieue… L’intérieur garde trace du passé, par sa superbe verrière et une carte dont je me suis demandé, sur le moment, pourquoi elle était tronquée et n’allait pas jusqu’à englober Paris. J’ai compris : la construction de la gare est liée à l’implantation de la ligne Bordeaux-Sète. A l’époque, on ne reliait pas tout à la capitale!
La carte met en évidence la volonté de relier Bordeaux à la Méditerranée, d’une part (à partir de 1852) et au Pays Basque, à Irun, d’autre part (1854). Vous voyez aussi sur cette carte les lignes maritimes au départ de ce qui fut un port renommé… mais c’est une autre histoire…
Le temps est incertain en ce dimanche matin, mais qu’à cela ne tienne, deux voitures se dirigent vaillamment vers le Bassin d’Arcachon pour y fêter un anniversaire.
Je connais le bassin, et apprécie toujours de m’y rendre, mais je n’étais encore jamais allée à Lanton. Mais impossible de se perdre : les autorités ont tout fait pour nous rappeler où nous sommes…
Le petit port de Cassy m’a vraiment séduite. Peut-être parce qu’il est plus que calme en ce dimanche de printemps? Je n’avais jamais vu de canards glisser sur la vase…
… ni de barques amarrées dans des bassins…
Impossible d’ignorer la principale activité du coin quand on longe le port.
Et cela tombe bien, puisque c’est ce que nous sommes venu-e-s déguster! Le repas est prévu dans un « cabanon » ou « cabane« , mais pas « tchanquée » (terme qui signifie littéralement « sur échasses », donc sur pilotis). Je vous parlerai des ripailles dans un autre article.
Quittons le port pour nous diriger vers la plage, en longeant le chenal.
Des bourrasques de vent, très violentes, rendent difficile la promenade sur la plage pour la seule intrépide, visiblement, que je suis. Mais elles présentent l’avantage de faire évoluer rapidement les nuages, et le soleil apparaît donc par moments, pour mon plus grand plaisir.
Une fin d’après-midi à Bordeaux en ce 25 mars… Stationnement Place des Quinconces, et en route!
Sur le plan ci-dessous je n’ai pu suivre que le début de cette balade. Ensuite, je perds le fil car j’ai enchaîné toutes sortes de petites rues, en direction de la Librairie Mollat, mon étape intermédiaire, située près de « Gambetta ».
Les taggeurs (orthographe???) ne manquent pas d’humour pour ainsi défier Montaigne…
Je suis déjà passée par là à maintes reprises, mais n’avais jamais remarqué ce détail saphique.
La Place de la Bourse, noire de monde la veille, est quasi-déserte.
Se promener tête en l’air est bien la seule manière d’échapper à la société de consommation. Certains détails font de la ville une cité déjà bien méridionale.
Et l’on a l’impression d’assister à un concours de fenêtres.
Certaines boutiques à la devanture remarquable trompent le chaland. Publicité mensongère?
La curiosité me pousse à pousser… une porte et pénétrer dans un immeuble sans prétention. J’ai malheureusement raté la photographie de la fontaine situé en bas de ce bel escalier en colimaçon.
Mais je n’ai pas résisté à l’attrait du carrelage dont l’usure conduit à imaginer tous les pieds qui l’ont produite.
Refermons la lourde porte qui préserve la vie secrète de cet édifice. Il est temps d’aller vers le merveilleux…
Naguère je n’aimais pas Bordeaux. Trop « fermée ». Trop « froide ». Trop « bourgeoisie de province ». Mon ressenti a changé. Et hier après-midi, en arrivant dans la cité, j’ai retrouvé la ville vivante, mais non grouillante, telle que dans mon souvenir. Pour aller de la Gare Saint Jean au Centre Ville, après un petit trajet en tram, j’ai choisi de poursuivre à pied jusqu’au lieu du rendez-vous fixé avec une amie qui y réside avec bonheur.
La première partie du trajet m’a emmenée outre-Méditerranée, en ce premier jour de Ramadan, avec des vitrines arborant des tenues rutilantes et de couleurs éclatantes. Les étals des épiceries, eux, mettaient en avant de superbes dates, avec des étiquettes précisant leur provenance.
Un peu plus loin, j’ai retrouvé sans surprise, mais toujours avec le même questionnement, la jaguar verte encastrée par Jean-François Dosso dans la façade du Parking Victor Hugo. Il aurait pu nommer l’oeuvre « Défenestration de Jaguar »!
La rue Sainte Catherine, elle, accueille toujours autant de badauds et de badaudes, de chalands et de chalandes, que ce soit pour la promenade, sorte de « passeggiata » girondine, ou pour des achats dans les nombreuses boutiques de cette voie rectiligne.
Le rendez-vous était prévu dans un café que je ne connaissais pas, et dont j’ai appris qu’il est une « institution », comme on dit, de la capitale de Nouvelle-Aquitaine, le Café des Arts. Le serveur a pris le temps de m’explique qu’il datait de 1924. Il occupe le rez-de-chaussée d’un « Monument Historique », l’Hôtel Gradis, fondé en 1750. Ce dernier tient son nom d’une famille séfarade originaire de Palestine, qui, chassée d’Espagne à la fin du 15ème siècle, s’est installée à Bordeaux. Deux siècles plus tard elle y a créé une importante compagnie maritime, la Maison Gradis, devenue ensuite Société Française pour le Commerce avec l’Outre-Mer. Une rue de la ville porte le nom de David Gradis.
« David Gradis I (ca1665-1751) est consacré par une rue parce que sa famille a participé activement au consistoire israélite de Bordeaux ; il y a été « syndic de la nation juive » en 1728, et lui-même a acquis en 1724 un terrain dédié au premier cimetière israélite de la ville (près du cours de la Marne). Jusqu’alors « marchand portugais », il est devenu « bourgeois de Bordeaux » en 1731. »
Mais restons au rez-de-chaussée pour admirer le décor Art Déco du café dont voici quelques aperçus, rendus possibles par le fait que 17h est un peu « heure creuse » en cette veille de week-end, qui plus est avec la manifestation prévue à 19h, qui va entraîner de grosses perturbations dans les transports en commun.
L’escalier qui permet d’accéder aux toilettes est remarquable… Observez le médaillon à sa droite…
Sur le palier, un fauteuil et un téléphone fleurant bon le siècle passé.
On parvient ensuite à un petit salon orné d’une belle collection de papillons. Une « antichambre » des lieux d’aisance, eux-même décorés de photographies d’artistes du passé.
Les cocktails sont peu chers, et le serveur, Olivier de son prénom, prend la peine, lorsqu’il sait que j’apprécie un « bon » Mojito, de me préciser qu’il a lui-même rajouté ce qui fait le goût spécifique de ceux qui sont faits dans les règles de l’art, comme les appréciait Ernest Hemingway : avec une goutte d’angostura (à base de rhum, gentiane, écorces d’orange, substances amères et aromates).
Il me faut repartir si je veux pouvoir bénéficier de trams pour me rendre à Blanquefort, où je suis attendue. Après la rue Sainte Catherine, un peu moins noire de monde que d’habitude, j’arrive aux alentours de la Porte Cailhau, vestige de remparts disparus depuis longtemps.
Les terrasses des cafés sont pleines, et un groupe de jeunes garçons joue au ballon, sans craindre de casser les vitrines environnantes ou de faire tomber les passant-e-s. Bref, un condensé de vraie Vie urbaine en quelques centaines de mètres…
Après analyse de l’Informateur, le journal local, pour recherche de la meilleure soirée « Saint Patrick », mon choix s’est porté pour une fête organisée dans un lieu que je ne connaissais pas, « Petit Caux ». Et pour cause… Ce n’est pas une commune, mais un regroupement de communes, dont l’histoire est reliée à un événement regrettable : l’implantation de la centrale nucléaire de Penly (dont, soit dit entre parenthèses, il est actuellement question car on envisage non de la supprimer, mais de l’agrandir!). Bref, en 2002 est créée une communauté de communes. Puis, en 2016 (souvenez-vous, la fameuse loi NOTRe et ses conséquences souvent désastreuses…), elle devient « commune nouvelle », regroupant 18 « communes déléguées » (sic), avec près de 10000 habitant-e-s.
L’événement se situe dans un village où je pense n’avoir jamais mis les pieds : Belleville-sur-Mer. Vous pouvez le voir sur la carte ci-dessus (la seule trouvée), au sud-ouest. Il est en effet assez proche de Dieppe. Le village proprement dit est situé sur la falaise, et n’est pas vraiment « plage », contrairement à ce que son nom pourrait faire penser. On n’accède à la mer que par une petite valleuse (que je n’ai pas réussi à trouver, par manque de temps). Nous sommes ici dans une zone dont la protection s’arrête, bien sûr, à quelques encâblures du site nucléaire. Pour celles et ceux qui s’intéressent à la géologie et à l’ornithologie, quelques lignes extraites d’un texte qu’elles et ils pourront lire en ligne.
« La znieff couvre la côte comprise entre la longue valleuse de Puys (commune de Neuville-lès-Dieppe) et la valleuse du Petit-Berneval, exclue (urbanisée). Les falaises sont hautes, atteignant 80 à 97 m. Elles sont constituées de trois puis de deux couches de craies différentes, dont la craie massive du Turonien formant un large contrefort à leur base. Ces pentes offrent de nombreux sites pour la végétation des murailles, des éboulis et des pelouses aérohalines. Elles sont aussipropices au stationnement et à la nidification de l’avifaune marine et rupestre : Faucon pèlerin, rare mais en progression, Fulmar boréal assez rare, Grand Cormoran, Goéland argenté, Choucas des tours, Hirondelles des fenêtres et de rivage, etc. A l’Est du Camp César (site classé des vestiges d’un camp fortifié gaulois), le plateau est entaillé par trois petites valleuses, l’ancien portde Bracquemont, Parfond-Val et les Chirvals, puis le Val du Prêtre.«
Il pleut tout au long de la route, mais je ne le regrette pas en voyant, depuis le parking, le magnifique arc-en-ciel sur la campagne environnant Scène en Mer, la salle de spectacle.
Ciel et mer ne se distinguent quasiment pas dans le lointain, et les nuages occultent une partie de l’arc…
La salle est située en limite du village, perchée sur la falaise. Ce qui me permettra, au moment d’une pause, d’admirer, du même parking, un superbe couchant.
Mais remontons le temps. Il n’est que 17 heures, le spectacle commence à 18, cela laisse le temps, une fois les billets pris (ainsi que les informations demandées par les ami-e-s qui doivent me rejoindre : places assises? possibilité de dîner?), d’aller visiter Belleville.
Direction : le clocher. Une vieille habitude! Une vaste place, abritant un hôtel de ville flambant neuf (photo empruntée à Wikipédia).
Un pressoir, rappelant que l’on est en Normandie (l’architecture proche ne l’indique guère), ne cache pas une école dont l’importance m’étonne.
Elle aussi semble assez neuve. Mais rien d’étonnant : l’analyse de la démographie montre une incroyable croissance à partir des années 2000. Conséquence de l’implantation de la centrale?
De l’histoire locale on voit peu de choses. Pourtant, Bella Villa est bien attestée dès le 12ème siècle, et sans doute correspond-elle à une villa gallo-romaine. Comme vous avez pu le voir dans le texte ci-dessus, nous ne sommes pas loin du camp gaulois dénommé « Camp César ». Ni de la ville de Briga retrouvée près de Eu. Et je suis certaine que les champs cachent encore bien des trésors de cette époque…
Il faut un restaurant pour évoquer cette histoire. Son nom m’intrigue : de quel marquis est-il question? (Celui de Carabas?)
Eh bien non, c’est le Marquis… de Belleville. Il y en a eu toute une lignée, et l’un d’entre eux a autorisé la commune, en 1986, à prendre son propre blason comme emblème : « D’azur au sautoir d’argent cantonné de quatre aiglettes du même.«
Et l’on comprend, en pénétrant dans l’enclos qui abrite l’église entourée du cimetière, que l’histoire de la commune et celle de la famille de Belleville sont bien liées : toute une partie du cimetière est en effet consacrée à cette famille, dans un ensemble très hétéroclite de tombes, dont voici celles qui m’ont semblé les plus anciennes.
Je fais le tour de l’église pour chercher à y entrer… en vain, toutes les portes sont closes.
» Rebâtie pour le gros-œuvre au début du XIIIe siècle, l’église présentait au départ des murs extérieurs en silex et une structure intérieure en calcaire à trois vaisseaux. Clocher en bâtière Puis vers 1700 une chapelle seigneuriale en silex est édifiée au côté nord du chœur, avant que les bas-côtés ne soient supprimés vers 1730. Vers 1824, la bâtière du clocher est remplacée par une flèche polygonale en charpente.
En 1098, l’église est donnée à l’abbaye du Bec, ce qui explique son patronage à l’abbé du Bec-Hellouin. » (source)
Je me promets de revenir la visiter, car elle semble intéressante, à en juger par les notices dans les bases Mérimée et Palissy… En outre, elle a conservé « son » cimetière, ce qui est de plus en plus rare. Et celui-ci a été agrandi, comme en atteste la vaste pelouse que progressivement grignotent de nouvelles tombes. Un « quartier » semble réservé aux enfants et aux jeunes. J’y ai trouvé une tombe en forme de tête de Mickey… Elle abrite un adolescent mort à 15 ans, comme son voisin, visiblement amateur de football, à en juger par le vrai ballon déposé sur la pierre. Sont-ils décédés ensemble? Y a-t-il eu un drame dans ce village?
A gauche de ce qui semble être l’entrée principale (photo ci-dessus), cinq tombes bien alignées, rappellent que cette région a connu l’enfer pendant le Seconde Guerre Mondiale, avec l’opération Jubilee.
« La défense de Dieppe incombe à la 302e division d’infanterie allemande. Les effectifs sur les différents lieux de débarquement sont estimés à un total de quelque 2 000 hommes. De Berneval à Varengeville, le front s’étend sur dix-huit kilomètres. Des batteries de côte et de campagne, des pièces antichars, des nids de mitrailleuses, des blockhaus et divers ouvrages fortifiés défendent la côte et le port. Des barrières de barbelés, voire des murs et des fossés antichars barrent les plages principales. Au large, l’accès à la côte est défendu par un important champ de mines. La couverture aérienne repose quant à elle sur quelque 400 appareils de la Luftwaffe, des chasseurs pour la plupart.
Le 18 août, à 10h00, l’ordre d’exécution définitif est donné. Les troupes embarquent dans l’après-midi à Newhaven, Southampton, Shoreham et Portsmouth, au sud de l’Angleterre. Dans la soirée, les bâtiments des forces de débarquement appareillent.
Le 19 août, vers 3h00, les opérations de débarquement commencent. Les hommes des quatre premières vagues d’assaut prennent place à bord des péniches destinées à les transporter sur leurs lieux de débarquement respectifs. Tout se passe bien jusqu’au moment où la canonnière ouvrant la voie au commando n° 3, qui doit débarquer sur les plages de Berneval et de Belleville-sur-Mer, se trouve prise dans un convoi allemand en provenance de Boulogne. L’affrontement s’engage. L’unité britannique essuie des pertes sérieuses, tant en hommes qu’en matériels, et ne peut plus opérer qu’avec des moyens restreints. »
La plage de Berneval, village voisin de Belleville-sur-Mer
Juste derrière elle, comme une protection médiant terre et ciel, un superbe toit de chaume.
L’heure tourne, et il est temps de gagner la salle, car le spectacle va commencer. Direction donc La Scène en Mer… pour une belle aventure d’une soirée que je vous narrerai plus tard…
Ce nom vous dit quelque chose? Normal, si vous me suivez… Car vous vous êtes déjà promené-e-s dans une des pièces de cette demeure du 17ème (arrondissement, pas siècle) : le jardin d’hiver. En effet, c’est là que je suis allée écouter le trio dont je vous parlais dans un précédent article. Un peu injuste qu’on nomme ainsi ce musée, alors qu’il s’agissait de la demeure d’un autre artiste, Guillaume Dubufe.
« Issu d’une dynastie d’artistes, dont le père Edouard et le grand-père, Claude-Marie, ont acquis une grande notoriété de portraitistes au fil du siècle, Guillaume Dubufe (1853-1909) se détourne de la tradition familiale pour se lancer dans la grande décoration. Il a ainsi réalisé plusieurs décors monumentaux importants comme certains plafonds du buffet de la gare de Lyon, de la bibliothèque de la Sorbonne et du foyer de la Comédie française, ou encore de la salle des fêtes de l’Élysée.
En 1878, il achète au peintre Roger Jourdain (1845-1918) « un rez-de-chaussée et deux étages sous comble ». Son architecte, Nicolas Félix Escalier (1843-1920), est aussi celui de l’hôtel particulier de l’actrice Sarah Bernhardt, situé rue Fortuny » (site officiel)
C’est lui qui a fait agrandir la demeure, l’a aménagée, a créé le jardin d’hiver, etc. Bref, en a fait, avec une créativité certaine, ce qu’on en voit aujourd’hui, même si cela a été vidé, épuré…
Le quartier était alors très « à la mode », comme on peut le constater en visitant l’ancienne salle de séjour, qui lui est partiellement consacrée, avec des plans papier et numérique. Je me suis d’ailleurs promis d’aller le visiter plus en détail une autre fois.
Autre intérêt de cette salle de séjour : les parements en carreaux de Delft, plutôt inattendus à cet endroit.
La demeure comporte trois étages. Au premier, salons et salle de séjour, ainsi que le jardin d’hiver. Les escaliers qui permettent d’accéder aux trois étages m’ont évoqué un certain Escher…
Les paliers ne manquent pas de surprendre par leur originalité. L’un, par exemple, est ouvert par un moucharabieh.
Des escaliers partent de ci, de là. Deux d’entre eux, sur le dernier palier, mènent à l’atelier qui occupe tout le troisième étage. Pourquoi deux? Dont l’un très étroit… Mystère!
L’atelier est vaste, avec une hauteur de plafond à faire pâlir d’envie plus d’un-e artiste.
Un magnifique tapis, d’une taille tout aussi impressionnante, orne le plancher.
Si vous regardez bien cette photographie de Dubufe dans son atelier, prise autour de 1900, vous pouvez voir le tapis en question… ou un similaire…
Je vais vous laisser sur cette image, car l’atelier a été transformé en lieu d’exposition. Et c’est de celle-ci que je vous parlerai dans un prochain billet. Elle ne concerne pas Dubufe, mais Henner. Laissons donc notre hôte dans ces lieux, en attendant d’y retrouver celui qui les squatte maintenant…