J’aime le jeudi soir aller écouter du jazz à la Péniche Le Marcounet. Ceux et celles d’entre vous qui me suivent depuis longtemps le savent bien. Mais en ce jeudi d’août, j’ai décidé de découvrir un groupe dont je n’avais jamais entendu parler. Ojos. Oui, Ojos, c’est son nom.
Un concert gratuit en plein air était annoncé à une heure raisonnable (19h) Cour Saint Emilion. Bon, je ne suis pas fan de cet endroit, mais ce n’est pas trop loin… Je regarde donc sur le net, et trouve des clips et autres vidéos. Cela me plaît. J’irai donc.
Arrivée sur place, je cherche. Pas de podium en vue. Comme il a plu, le concert est peut-être annulé? Mais au moins le podium serait encore là… Rien du côté du cinéma, je repars dans l’autre sens… et finis par découvrir, devant la FNAC, une installation assez rudimentaire, et quelques personnes qui squattent les rares bancs posés face à celle-ci. Il ne reste qu’à attendre… Deux jeunes sont en train de faire des réglages… Je reconnais la chanteuse découverte sur le net quelques heures auparavant. C’est donc là. Et le concert va avoir lieu. J’ai aimé. Mot affaibli mais le seul qui convienne.
J’ai aimé la personnalité des deux jeunes gens. Les gestes et la danse de la jeune femme. Sa voix aussi, bien sûr. Le jeu de guitare du musicien. La succession improbable de sons vifs et doux. De mots violents et tendres. Des langues espagnole et française. Une palette incroyable pour un concert qui, hélas, n’a pas duré longtemps. Car tel est le format de « Musiques en terrasses » à Bercy Village.
Une petite vidéo (mauvaise) qui vous donnera une idée…
La présentation sur le site n’est pas des meilleures. Jugez-en plutôt…
« 4 AOUT : Ojos
Hadrien et Elodie prêtent leur voix à des chansons originales et créatives, écrites et produites par leurs soins. Leurs compositions sont parsemées de slogans en espagnol, répétés plusieurs fois, les rendant plus mystérieuses. Le groupe s’identifie à de La Pop, mêlant français, anglais et espagnol. »
Pourquoi cette expression « prêtent leur voix »? Alors qu’il et elle écrivent leurs textes!
A la fin du spectacle, la plupart des spectateurs/trices dansaient, debout près des artistes. Une belle ambiance!
Je n’ai pas trouvé celui de la chanson que j’ai préférée, « Le Volcan qui dort« . On comprend mieux en écoutant sur YouTube que lors du concert… Ni celui de Corazon sin cara.
Mais en voici un autre, magnifique déclaration d’amour, « Seule« .
« Je traque le jour pour que la nuit ne s’arrête pas La nuit personne ne voit la couleur de mes pas Y olvidé como respirar
Que faut-il que je fasse je te sens jubiler si je m’efface J’essaierai d’avancer, arme au poing, résignée à te faire face Dime que dices tu, que dices a mi bella locura Avec toi je respire pas
C’еst trop facile de dire quе tu m’aimes quand j’suis sola J’écume mes mots le long des marches de notre immeuble Mais t’es trop beau quand tu m’enlaces et je suis plus d’humeur Y yo no puedo mas que tontería
Quand tu seras mort, quand t’auras tort, qu’est ce qu’il restera Y a plus que le silence de mes désirs quand tu t’en vas Regarde ce que t’as fait de moi«
J’ai assisté la semaine dernière à deux spectacles de danse, au Palais de Chaillot. L’un d’entre eux, vous en avez déjà entendu parler sur ce blog, était un hymne à la vie, à l’amour, au(x) plaisir(s). Des corps nus, des scènes érotiques, des tableaux d’une beauté vivante et pure, des fleurs, de l’eau… Bref, un bouquet de joies et d’émotions partagées. La salle a vibré d’un bout à l’autre du spectacle.
Je n’ai pas voulu vous en dire davantage dans le précédent article, car vous pouviez encore aller le voir, et il me semblait important de ne pas trop dévoiler ce qui est, de bout en bout, surprises heureuses. Comme il n’est plus à l’affiche actuellement, je puis être plus loquace.
Au départ, sur la scène, des silhouettes revêtues de survêtements à capuche. Elles s’en dépouillent progressivement, et les spectateurs/trices découvrent des corps presque nus. Seul un slip ou un string les habille. Seul? Pas vraiment. Car les corps sont magnifiés par des cordes. Depuis, j’ai recherché sur le net si on pouvait comprendre la technique. Et j’ai trouvé. Il s’agit d’une série de noeuds utilisés pour le shibari, dénommée « Kikkou » (pour en savoir plus, voir ici). Les couleurs de cordes étaient variés, et j’ai particulièrement admiré l’esthétique d’un beau « dessin » de corde rouge sur l’ébène d’un des danseurs. Tout le début est assez lent, la montée en charge émotionnelle progressive. Des êtres qui vivent des scènes d’orgie, dont certaines dignes d’un certain Sade, mais sans la violence, qui s’ébattent et se débattent dans les plaisirs physiques… La musique elle-même est suggestives. Et de très beaux « tableaux », de corps enchevêtrés, immobiles ou frissonnants.
A droite de la scène, un portant orné de cordes de diverses couleurs. Et deux personnes, un homme et une femme, vêtus de noir, assis à côté. Un-e à un-e, les artistes se détachent du groupe dansant et s’approchent du portant. L’homme se lève, choisit une corde, et, en direct, sous nos yeux, leur attache les bras et mains dans le dos. Et le danseur, ou la danseuse, repart parmi les autres…. comme si de rien n’était. A ce moment, la chorégraphie devient plus précise, s’interprète souvent en binômes mouvants.
Nos désirs font désordres, Cie SINE QUA NON ART (c) Xavier Léoty (source)
Par la suite, tout le monde quitte la scène et revient, tirant derrière soi (bras et mains toujours attachés) un grand vase rempli de branchages, de feuillages et de fleurs. Cette fois, les deux personnes en noir vont auprès de chacun-e. L’homme orne cette fois la jambe d’une nouvelle architecture de noeuds, tandis que la femme crée de splendides compositions florales en piquant sur le réseau de corde placé sur la tête des danseurs/euses tantôt une branche, tantôt une gigantesque feuille, tantôt des fleurs… Et chacun-e se remet à évoluer en une danse très lente, cette fois. L’ensemble se fige de temps à autres en un tableau éclatant de couleurs. Composition picturales de compositions corporelles et florales. Superbes.
La lumière se rallume dans la salle. La fin? Non, pas du tout. Les artistes ont leurs bras libérés mais les visages masqués et montent les escaliers, distribuant des pièces de la composition florale. Puis redescendent sur scène.
La musique devient plus vive, et retentit plus fort. Tout le monde se libère des noeuds. Une partie se dénude complètement, l’autre joue avec string ou slip. On s’arrose, l’eau envahit la scène. Et suscite des glissades dans tous les sens, parmi les restes de bouquets… Une joyeuse libération totale, qui fait vibrer la salle, jusqu’à la scène finale…
Les spectateurs/trices enthousiastes se lèvent, crient, sifflent, applaudissent. Un délire complet. Qui dure, dure… une « standing ovation » sans fin… et tout le monde repart avec le sourire…
Pour en connaître davantage et voir des extraits d’une autre représentation de Nos désirs font désordres, voyez ceci.
Tout autre est le second spectacle…
Il commence par un ballet de grandes marionnettes qui glissent magistralement sur la scène. Elles portent des robes longues très larges, amples mais raides, qui accroissent la sensation de « raideur mobile », si j’ose dire. Elles finissent pas disparaître, et arrivent des jeunes femmes vêtues de curieuses robes noires sur des chemisiers blancs. Curieuses, car des sortes de bretelles reliées par une large bande de tissu noir occultent les poitrines. Elles sont reliées par des cordes à une grande croix posée sur le sol. Des pleureuses du Christ? Je ne m’aventurerai pas à l’interprétation des divers actes du ballet, tant tout m’a semblé obscur – à tous les sens du terme.
Puis elles tirent la croix, laissant la scène vide. Elle se remplit progressivement de vastes coffres sur roulettes, qui font évidemment penser à des cercueils. Ce qui semble se confirmer lorsque deux danseuses coiffées de têtes géantes représentant des vieilles sont glissées dans l’un des coffres.
La musique fait penser aux airs méditerranéens d’autrefois, et les corps souvent battent le rythme. Quelques beaux tableaux dont on n’a pas le temps de saisir tout l’attrait esthétique… et une danse évoquant parfois la pantomime.
Puis les danseuses s’effacent et reviennent en robe blanche mi-longue, formant corolles lorsqu’elles tournent sur elles-mêmes. Rires, cris, elles s’ébattent sur scène. J’ai du mal à vous raconter ce que j’ai vu, tant il m’a été difficile de suivre et, encore plus de comprendre. Un bébé? des fleurs blanches… des rondes… l’apparition de « belles Dames », d’un géant sans tête… Tout cela doit avoir du sens, mais trop surréaliste pour moi. Et pour les autres? Les spectateurs/trices restaient tranquilles, rien ne bougeait (sauf mon voisin qui regarda sa montre). Mais on ne ressentait aucune vibration.
Très technique, beaucoup de recherche, assez esthétisant parfois. Pour ce qui me concerne, il m’a manqué l’émotion. Même les tambours à la fin ne m’ont pas fait vibrer, c’est dire!
Pourtant, la présentation était alléchante.
« Marcos Morau embrasse ici l’histoire de l’art, de Pablo Picasso à Luis Buñuel, ose l’hommage distancié aux Ballets russes, emporte sa troupe de danseurs dans des contrées nouvelles. Vague de corps virtuose, ensembles chorégraphiés au cordeau, travail sur le rythme : tout est empreint d’une folle énergie. Le chorégraphe revisite les processions de son Espagne natale comme le sacré des corps. De son inventivité, doublée d’un goût pour les tableaux vivants, résulte une transe à la beauté léchée, peut-être la plus belle de son répertoire. Un spectacle magistral. « Soma » en grec signifie « corps », « sonum » en latin « son ». Sonoma, ballet-monde, est riche de ces racines. »
Il y a encore une semaine de représentation, j’aimerais que l’un ou l’une d’entre vous aille y assister et me donne son ressenti. Pour les autres, un extrait est visible en ligne ici. J’aurais dû le regarder avant, ce que je me refuse toujours à faire!
Rien de commun entre l’hommage vibrant et la « communion » entre le public et les artistes vécus lors du premier spectacle, et les applaudissements mesurés d’une grande partie du public lors du second. Mais certain-e-s semblent avoir apprécié, à en juger par des applaudissements plus forts. Peut-être des érudit-e-s, qui ont reconnu les évocations des autres arts à travers cette chorégraphie si particulière? Sans doute ne le suis-je pas assez…
Fleurs déposées à l’issue du spectacle « Nos désirs font désordre »
Un texte de Brassens, extrait de « Les amoureux qui écrivent dans l’eau » (1954), texte que je ne connaissais pas du tout, découvert par ce beau matin d’avril alors que je recherchais des poèmes traitant de « lessive », en écho à ce que j’ai publié à l’aube. Bourré de références qu’il vous faudra décrypter, à moins que vous ne préfériez vous laisser aller à l’humour léger pour commencer (ou poursuivre) votre journée…. A déguster avec gourmandise et plaisir…
Un minuscule lavoir rudimentaire qui tombe de vétusté. Entrent les jeunes lavandières.
Certaines portent le linge à laver sur leur tête, d’autres poussent une brouette.
Elles tournent en rond et chantent.
LE CHŒUR DES LAVANDIÈRES
Maudits les pourceaux qui font La lessive, la lessive. Maudits les pourceaux qui font La lessive du Gascon.
LAVANDIÈRE SOPRANE
La lessive, la lessive,
LE CHŒUR DES LAVANDIÈRES
La lessive du Gascon.
LAVANDIÈRE CONTRALTE
La lessive, la lessive,
LE CHŒUR DES LAVANDIÈRES
La lessive du Gascon.
LA NYMPHE DE LA MER BALTIQUE
Voici les jeunes lavandières,
Les manieuses de battoirs
Qui de la source à l’embouchure,
De l’étoile de l’aube à l’étoile du soir
Se chamaillent avec la crasse
D’autrui.
LE CHŒUR DES LAVANDIÈRES
Maudits les pourceaux qui font La lessive, la lessive Maudits les pourceaux qui font La lessive du Gascon.
Elles ont rangé les brouettes et s’arment de leurs battoirs pour se mettre à l’ouvrage.
Entrent en grand désordre les jeunes amoureux qui écrivent sur l’eau.
Les lavandières les entourent; elles dansent en rond autour d’eux. Elles brandissent leurs battoirs et font mine de les battre. Elles chantent.
LE CHŒUR DES LAVANDIÈRES
Voici les pourceaux qui font La lessive, la lessive Voici les pourceaux qui font La lessive du Gascon.
LA NYMPHE DE LA MER BALTIQUE
Il serait vain de tirer le rideau,
Ce n’est pas une pierre de scandale,
Les jeunes amoureux qui écrivent sur l’eau
Ont coutume de retourner leur linge sale.
VÉNUS HOTTENTOTE
Le donner à laver !
YAMUBA-PIED-MENU
Ils sont légers d’argent.
ÉGÉRIE TOMAHAWK
Et trop bien élevés
Pour confier aux gens
Leurs divers soins de propreté.
LA NYMPHE DE LA MER BALTIQUE
Quoique à leur sens les lavandières soient des garces
De fougueuses langues d’aspic.
Quant à s’en occuper eux-mêmes,
Croix de paille ; ils n’ont ni le temps
Ni le courage, ils sont des vic-
Times de la déesse Flemme…
Le sexe de la grâce au reste
Ajoute encore à ce rustique
Et de pied en cap son costume
Relève de la botanique.
S’avance vers les nymphes Aline. Une courte jupe en coquelicot moule ses formes volubiles.
ALINE
Une jupe en coquelicot
« Ami, aimons-nous au plus vite »
Une jupe en coquelicot
« Ami, aimons-nous au plus tôt ».
Mademoiselle Trois-Etoiles s’avance à son tour vers les nymphes. Elle est coiffée d’un béret de lierre.
MADEMOISELLE TROIS-ETOILES
Une coiffe en lierre pistache
« Ami je meurs ou je m’attache »
Une coiffe en lierre pistache
« Ami je m’attache ou je meurs ».
Entre Fanchon. Elle est vêtue d’un corsage en pervenche. Un sein déborde le corsage.
FANCHON
En pervenche le canezou « Ami c’est à vous que je rêve » En pervenche le canezou « Ami je ne rêve qu’à vous ».
LE CHŒUR DES LAVANDIÈRES
Maudits les pourceaux qui font La lessive, la lessive Maudits les pourceaux qui font La lessive du Gascon.
LE FACTOTUM DES JEUNES AMOUREUX De quoi vous mêlez-vous, gâteuses de rivière ?
LE CHŒUR DES LAVANDIÈRES
Nous nous mêlons de nos affaires… Que laveraient les lavandières Si chacun suivait votre exemple !
LE FACTOTUM
Baste, elles ne laveraient pas ;
Il y a dans le ciel d’autres choses à faire.
LE CHŒUR DES GOUTTES D’EAU
Elles nous laisseraient tranquilles.
Du pied du col de la Furka jusqu’en Camargue
Des Pyrénées espagnoles jusqu’à Royan
De Saint-Germain source Seine jusqu’à Honneur
Et du mont Gerbier-de-Jonc jusqu’à Saint-Nazaire,
Ainsi que de n’importe où jusqu’à n’importe où
Nous nous promènerions toujours fraîches et pures.
LE CHŒUR DES LAVANDIÈRES Mais alors que mangeraient-elles ?
LE FACTOTUM
Baste, elles ne mangeraient pas ;
Il y a sous le ciel d’autres choses à faire !
LE COQ BRAHMAPOUTRE suivi de la majeure partie des poules de l’endroit.
Nous pourrions conserver nos cuisses et nos ailes Et mourir de mon naturelle.
LE CHŒUR DES LAVANDIÈRES
Mais alors comment vivraient-elles ?
LE FACTOTUM
Baste, elles cesseraient de vivre
Il y a sous le ciel d’autres choses à faire…
LE CHŒUR DES MÈTRES CUBES D’AIR
Des poumons de moins à gaver !
LE CHŒUR DES LAVANDIERES
Que deviendraient alors les demoiselles smart Les généreuses demoiselles smart Qui changent souvent de chemise Et nous en confient la lessive !
LE CHARMANT DISCIPLE D’APELLE
Elles feraient ce que les autres font
La lessive tout court ou celle du Gascon.
HUON-DE-LA-SAÔNE
Et demain quand viendra l’usage De retourner son linge sale Pour paraître up to date on les érigerait En élégantes d’avant-garde…
LE CHŒUR DES CRASSEUX OPINIÂTRES Oh, l’agréable compagnie !
LE CHŒUR DES LAVANDIÈRES faisant mine de battre les jeunes amoureux.
Y songez-vous, tas d’enragés Les demoiselles smart contraintes De décrasser leur linge Ou de n’en pas changer.
LAVANDIÈRE SOPRANE Leurs purs appas couverts de malpropre linon ?
LAVANDIÈRE CONTRALTE
Leurs phalanges rongées par la potasse ?
LE CHŒUR DES LAVANDIÈRES
Ah non !
LE CHŒUR DES FRÈRES ET SŒURS CADETS DES JEUNES LAVANDIÈRES
Ah non, car de ce fait leurs mains seraient plus dures Et plus durs leurs va-te-laver sur nos figures…
LE VIEUX PROPHÈTE DE CORMEILLES
Elles inciteraient leurs pères cacochymes A fabriquer plus de laveuses mécaniques.
Surgissent quatre ou cinq carrosses dorés. Ce sont les demoiselles smart. Leurs valets de pied s’empressent d’ouvrir les portières.
Les demoiselles descendent de voilure. Elles sont accompagnées des meilleurs parfumeurs qui pour annihiler les effluves tenaces de la savonnette à vilain pulvérisent de l’opopanax dans leur sillage.
LE CHŒUR DES DEMOISELLES SMART aux jeunes lavandières.
A la bonne heure nécessaire, Pour avoir pris notre défense Contre ces personnes sans branche, Ces personnes de basse source, Vous laverez en récompense Deux chemises supplémentaires Que nous souillerons dans ce but.
Comme une seule, toutes les lavandières se jettent à plaît-il maîtresse aux pieds des généreuses demoiselles smart.
Elles font le chien couchant. Fanatiquement elles baisent les semelles de leurs maîtresses.
LE CHŒUR DES LAVANDIÈRES
Dieu vous bénisse, généreuses demoiselles, A jamais pour vous notre zèle.
LE FACTOTUM
Ainsi soit-il ; à votre guise Rien n’est au reste plus grisant Que le spectacle d’une esclave agonisant Sous le talon d’une marquise…
LE CHŒUR DES JEUNES AMOUREUX
………… DES VOLATILES
………… DES MÈTRES CUBES D’AIR
………… DES GOUTTES D’EAU
………… DES CRASSEUX OPINIÂTRES
De-Ca-ra-bas. De-Ca-ra-bas. De-Ca-ra-bas.
Entre une troupe de lévriers de bourreau armés jusqu’aux dents.
Ils sont guidés par les valets de pied des généreuses demoiselles smart.
LE VIEUX PROPHÈTE DE CORMEILLES aux valets de pied.
Sycophantes à vos moments ?
LE CHARMANT DISCIPLE D’APELLE Quand les pots de chambre sont vides.
HUON-DE-LA-SAÔNE Et que les bottes sont cirées.
ROBIN-PÉCHE-EN-EAU-DE-BOUDIN Et les écuries nettoyées.
LES LÉVRIERS DE BOURREAU
aux jeunes amoureux.
Circulez, circulez, circulez, circulez.
Ils brandissent leurs matraques. Les jeunes amoureux s’échauffent.
LE FACTOTUM
On leur lance des épluchures à la tête ?
Les jeunes amoureux opinent du bonnet. Ils se munissent de cailloux et marchent vers les lévriers de bourreau.
Les nymphes s’interposent et pacifient les jeunes amoureux d’un geste.
Ils font alors des ricochets avec leurs projectiles.
LE CHŒUR DES JEUNES AMOUREUX
Les nymphes ont raison Les nymphes ont raison. On ne s’amuse pas à mettre Flamberge au vent devant des sbires Quand on a les grandes eaux de Versailles Dans la tête.
Entre le nain Onguent-Miton-Mitaine. Il va et vient en chantonnant d’un groupe à l’autre.
Parmi les lavandières, Brassens
Lavenderas de La Varenne, Martin Rico y Ortega Source
C’était pour moi une gageure que de réserver pour un tel spectacle… je me demandais vraiment ce que cela pourrait donner… Mais cette témérité a payé! J’ai rarement vu un spectacle aussi intéressant, voire passionnant (dans tous les sens du terme) et surtout porteur d’un optimisme extrême…
De quoi s’agit-il? Vous demandez-vous peut-être… Eh bien, il s’agissait d’une rencontre entre la musique, le chant et la danse flamenco d’un côté, et la musique/le chant japonais… Une danseuse et une cantatrice, entourées, soutenues, portées, mises en valeur… que dire?… par un orchestre et des chanteurs tour à tour très discrets, ou au contraire dynamisants…
La scène est celle du Théâtre de Chaillot… Au centre, un cercle délimité par des spirales métalliques non fixes… Au départ, cercle parfait, il sera progressivement détruit, devenant ainsi pure symbole de la disparition possible des frontières culturelles et de l’osmose idéale entre les cultures, aussi éloignées soient-elles à l’origine. Car quel écart plus important qu’entre la chaleur / l’érotisme / la passion du flamenco, et la froideur / la pureté / l’esthétisme figé de l’art japonais ? Entre les mouvements plus que rapides de la danseuse et les déplacements plus que lents de la chanteuse, le ton était donné dès le départ… Non, pas tout à fait le départ, car la première partie est à situer un peu à part…
Un duo de… mime ou danse?
Hors du cercle, un seul corps, quatre mains… Le danseur, placé derrière la danseuse… faut-il utiliser ce terme? car les corps, cachés dans d’amples vêtements aussi noirs que le décor, restent d’une immobilité presque parfaite… Et les bras apparaissent, disparaissent… Et les mains caressent l’air, le bras, le corps…
Le public reste en haleine devant un tel spectacle, d’une pureté aussi forte que l’érotisme qui s’en dégage… dans un paradoxe qui annonce la thématique de la suite…
Deux univers distincts…
Le jeu se fait ensuite en deux espaces bien distincts. Alors que le cercle est réservé au flamenco, la cantatrice japonaise évolue et chante en restant à l’extérieur. Revêtue d’un superbe manteau très large, avec traîne, elle tourne lentement autour de l’espace réservé, pour de temps à autres s’arrêter et entonner des airs d’une finesse et d’une pureté infinies…
… qui se rejoignent progressivement…
Nous assistons alors à un rapprochement progressif des univers, passant par la médiation de la musique… Les musiciens jouent un rôle qui se développe au fur et à mesure du spectacle… Musique asiatique et musique flamenca passent du contrepoint à l’alliance… La dynamique est surprenante… Et la chanteuse rejoint peu à peu les musiciens, tandis que la danseuse reste seule au centre du cercle de ces derniers…
… jusqu’à ne faire qu’un
La dernière partie est ainsi plus qu’étonnante, et démontre brillamment que des univers musicaux et gestuels aussi éloignés peuvent se rejoindre en une harmonie remarquable. J’ai été littéralement fascinée – le mot n’est pas trop fort – par cette alliance pour le moins inattendue. Et chants, danse, musique, font éclater une joie et un optimisme porteurs de sens.
Pour sortir du « ressenti » et aller plus loin…
Je m’aperçois que je n’ai pas dit un mot qui permette de situer le spectacle, ni de connaître les artistes. Je vais donc maintenant réparer ces lacunes!
« … cette biennale se caractérise par la rencontre d’artistes venus d’univers et de cultures en apparence très éloignés. C’est par exemple le cas d’Eva Yerbabuena qui, après un voyage au Japon, a intégré à son spectacle le chant d’Anna Sato… »
Voilà, vous avez maintenant le nom des artistes… Pour en savoir davantage sur Eva Yerbabuena, voici son site. Pour ma part, je tiens à préciser qu’elle ne se limite visiblement pas au flamenco. C’est une danseuse complète, qui semble maîtriser aussi la danse contemporaine.
Je n’ai pas trouvé beaucoup d’informations sur Anna Sato… Une page Facebook… Mais il faut dire que je ne lis ni n’écris le japonais… Donc si vous pouvez m’aider à la comprendre davantage, merci de collaborer! Je rajoute un mot in extremis, car je viens de trouver, au moment de publier cet article, son site officiel.
Un dernier mot, sur les costumes. Une recherche évidente d’antinomie, au départ, pour renforcer le hiatus. Les costumes d’Anna Sato sont superbes et fort bien mis en valeur par la chanteuse – danseuse en l’occurrence. J’ai moins aimé ceux de Eva Yerbabuena, car les tissus manquaient selon moi de tenue. Mais peut-être était-ce voulu pour évoquer un autre écart implicite : aristocratie / peuple???
Bien sûr, je n’ai pas pris d’images, sauf à la toute fin, comme d’habitude, de mauvaise qualité, mais que je joins car libres de droit (belle excuse, non?).
Mais on en trouve sur le site de ce photographe. Cela vous donnera une petite idée… toute petite… car tout est dans le mouvement, les sons, et les enchaînements… Quelques extraits sont en ligne sur YouTube. Dans ce premier, composé d’extraits, vous assisterez au début du spectacle, le couple de danseur/danseuse que j’évoque en première partie du texte, puis à la déambulation de la Japonaise autour du cercle, et enfin à des solos d’Eva Yerbabuena. Dans celui-ci, la danseuse s’exprime sur fond de chant et musique japonais, puis l’on assiste à une transition avec le flamenco… Un reportage sur la conception de la chorégraphie… Le teaser est peu explicite, mais on entend bien la voix… C’est aussi le cas sur cet extrait musical.
Comme je suis à la fois gourmande et paresseuse, mais aussi parce que j’aime partager un moment de convivialité autour d’un bon repas, je vais souvent au restaurant. Je me propose donc de faire découvrir des restaurants que je fréquente, parfois en occasion unique, parfois de manière régulière. Pour des critiques plus poussées, je vous renvoie aux guides ad hoc ou aux sites qui désormais pullulent sur le net, plus ou moins bien contrôlés… Il s’agit ici simplement d’exprimer quelques « impressions », au sens pictural du terme.
Voici des restaurants découverts ou re-découverts tout récemment. Coïncidence, deux d’entre vous/nous emmènent « Chez… »
Chez Eusebio
Un de mes amis connaissait jadis un restaurant tenu par un homme fort sympathique, selon ses dires, « Eusebio », rue Saint Jacques. Celui-ci a par la suite quitté le 5ème pour le 7ème, et c’est là que nous nous sommes rendus, au sortir du Musée du Quai Branly, Chez Eusebio.
On se croirait en Espagne… pensais-je, lorsque j’ai été détrompée par le patron « Ici, vous êtes en Galice »… Tout fleure bon l’Ibérie, quoi qu’il en soit.
A commencer par la sangria offerte en guise de bienvenue, au comptoir, par le patron en personne, Monsieur qui m’a confié avoir une septantaine bien dépassée… En continuant par le « jamon » et le « queso » pris en entrée, puis par la paella au riz moelleux et parfumé, bien garnie de gambas, langoustines, coques, poulet, etc. Sans compter, bien sûr, un Rioja crianza…
L’addition a été assez « lourde » (45 environ par personne), mais la qualité est réelle. Si vous souhaitez rêver d’Espagne et vous régaler, il faut faire vite, car le restaurant actuel ne va pas tarder à disparaître. En effet, le patron et son épouse, toute aussi âgée et qui officie en cuisine, ne souhaitent plus qu’une chose : regagner leur Galicie…
Chez Bruno
Je me rends rarement à Bercy, mais ce jour-là, c’est à Bercy Village qu’avait été convenu le lieu de déjeuner, dans un restaurant repéré sur le net et choisi pour ses menus et sa terrasse, chez Bruno.
Arrivée tôt, j’ai « foncé » vers une table en terrasse, où le soleil m’a réchauffée tout au long du repas. En apéritif, choix d’un Mojito Royal pour changer des Mojitos plébéiens que je bois si souvent… Je n’ai pas été totalement convaincue, soit dit en passant, de l’intérêt de la présence du Champagne, sauf celui de préserver des erreurs commises par certains bars dans le choix du « soda »…
Entrée et dessert ont été partagés : en entrée, un foie gras de bonne texture, accompagné d’un délicieux confit d’oignons. Par contre, la baguette ordinaire « faisait tache »! En dessert, un tiramisu, peu conforme aux recettes italiennes que j’aime : plus de crème que du reste… Plat principal pour moi : filet de bar avec écrasé de pommes de terre. Pas extraordinaire, mais la sauce était assez fine pour relever l’ensemble. Il n’y avait pas le vin souhaité, pourtant annoncé sur la carte, et c’est un Côte du Rhône bio, « Les trois garçons », qui a été choisi finalement… Impossible le midi, quand on travaille, de cumuler blanc et rouge, n’est-ce pas? surtout après un Mojito!
Addition à mon sens trop « salée » par rapport à la qualité : presque 60 euros par personne, alors que deux plats avaient été partagés et qu’il n’y avait pas de digestif… Bref, si vous aimez le soleil, l’ambiance un peu surfaite des lieux, et un assez bon repas, servi par deux personnes charmantes : un Colombien, et un jeune, apparemment chef de rang, à qui j’ai posé une colle qui doit encore le poursuivre : « C’est quoi, un « garçon »? ».
La Coupole
Est-il nécessaire de présenter ce lieu historique, La Coupole, que je n’avais plus fréquenté depuis… bien longtemps, dirai-je prudemment. Plus de 70 ans d’existence, mais il s’est refait une jeunesse récemment, tout en gardant l’ambiance d’autrefois… et le curry d’agneau à l’indienne dont on dit qu’il est servi depuis 1927!
Après Bobino, un endroit idéal pour une pause sereine et une dégustation de mets fins… En l’occurrence, une « fraîcheur de crabe au citron vert » en entrée, d’une rare finesse, le crabe n’étant pas étouffé par un excès de citron. Puis un filet de bar rôti avec « Emulsion coquillages, risotto tétragone, crumble au parmesan », selon le menu. Le tout servi avec un Sancerre… Et enfin, un dessert absolument inoubliable, un parfait glacé au café d’un moëlleux et d’un goût superbes…
Ayant été invitée par l’ami avec qui j’étais allée à Bobino, je ne puis vous dire quel est le montant de l’addition. En parfait gentleman, il s’est arrangé pour que je n’en aie aucune connaissance. Un moment magique, dans un endroit si chargé d’histoire, et une nourriture si fine que je ne suis pas prête d’oublier ce « souper », si l’on veut ajuster le terme à l’heure où a été pris le repas…