Lilas en fleurs… et en arômes

Lilas au soleil, Monet (1872)… Il existe aussi un Lilas par temps gris…

Une petite fille est venue, le jour de mon anniversaire, m’apporter des branches de lilas. Elle avait appris que j’adorais le parfum du lilas, et la voici, devant ma porte, les bras chargés de fleurs odoriférantes. Mauves, violettes et blanches. Chaque matin je les hume avec bonheur. La blanche est discrète. La violette est sèche. C’est la mauve qui exhale selon moi l’arôme le plus délicat… et je regrette qu’on ne puisse avoir un Internet diffuseur d’huiles essentielles…

The Bunch of Lilacs, James Tissot (1875)

Mais les jours passent, et je vois chaque jour dépérir « mon » lilas.
D’où l’idée de rechercher quel poète avait écrit sur ces fleurs.
Mallarmé, bien sûr, « mordant la terre chaude où poussent les lilas » (Renouveau), Mallarmé que je retrouve à chaque détour de ma vie. Mais un peu triste pour vous l’offrir… Charles Cros, plus joyeux, trop peut-être en ces temps moroses. Et puis, le lilas est noyé parmi les autres fleurs, dans Le Printemps : muguet, cytise et réséda surtout lui font concurrence. Rosemonde Gérard ensuite, pour qui avril a des « cheveux de lilas » (Calendrier), lilas sur lequel « mars jette des grelons » (La Ronde des mois). Alors j’ai pensé à ce bref poème mis en musique par Gabriel Fauré en 1874..

Ici-bas

Ici-bas tous les lilas meurent,
Tous les chants des oiseaux sont courts ;
Je rêve aux étés qui demeurent
Toujours…

Ici-bas les lèvres effleurent
Sans rien laisser de leur velours ;
Je rêve aux baisers qui demeurent
Toujours…

Ici-bas tous les hommes pleurent
Leurs amitiés ou leurs amours ;
Je rêve aux couples qui demeurent
Toujours…

Sully Prudhomme, Stances et Poèmes (1865)

C’est incroyable le nombre d’interprétations, instrumentales ou vocales, de cette oeuvre à deux talents, deux mains… Accompagnement piano, La Tonya Rosetta Ring; Lerna Baloglu, J’aime plus particulièrement en soprano Ileana Cotrubas (1978) et en mezzo-soprano Courtney Jameson. Les interprétations par des hommes sont plus rares… Intéressante, celle du baryton Gérard Souzay; celle de Giuseppe di Stefano est trop suave à mon goût… Je vous laisse continuer à chercher, si vous avez envie d’autres versions, elles ne manquent pas. En totalement différent, la Compagnie des Indes.

Saviez-vous que « Lilas blancs », de son titre original  » Wenn der weiße Flieder wieder blüht « , « Quand le lilas blanc refleurira » – notez le passage du singulier en allemand au pluriel en français -, sorti en 1953 (Hans Deppe), fut le premier film de Romy Schneider, dans lequel elle interprète le rôle de la fille d’une mère jouée par… sa propre mère?

Plus d’un demi-siècle plus tard, c’est un cinéaste russe qui intitulera son film Ветка сирени,  » Lilas ». Celui-ci, sorti en 2007, porte sur la vie de Rachmaninov.

Par contre, si vous pensez à  » Porte des Lilas », qu’il s’agisse du lieu, de la chanson ou du film, ne me demandez pas pourquoi elle s’appelle ainsi, je ne suis pas parvenue à en trouver une explication acceptable…

Un petit mot encore, et pas en musique celui-là, pour citer cette belle métaphore de Christian Bobin, qui a résonné en moi, en pensant à certain-e-s de mes ami-e-s.

 » Certains êtres sont comme le lilas qui sature de son parfum, jour et nuit, l’air dans lequel il trempe, condamnant ceux qui entrent dans son cercle embaumé à éprouver aussitôt une ivresse intime qui fait s’entrechoquer, comme des verres de cristal de Bohême, les atomes de leurs âmes. »

Et un tout dernier pour évoquer un souvenir d’enfance. Lorsque j’étais petite, ma meilleure amie s’appelait Lilas. Elle venait d’arriver en France avec ses parents algériens. C’était l’époque de l’emploi massif dans les usines sidérurgiques du Nord… Ce n’est que beaucoup plus tard, devenue adulte – et l’ayant perdu de vue – que j’ai compris que son prénom devait être, en réalité… Leïla… Mais Leïla, « la Nuit » dans toute sa splendeur et sa profondeur, c’est une autre histoire…