Melting-pot muséal

Après l’hospice, le musée de plein air, l’exposition Zao-Wou-Ki, vous espériez en avoir fini avec le musée d’Issoudun? Eh bien non, car il reste… tous les autres espaces de la vaste aile moderne dont je vous parlais naguère.

D’abord, un « enclos » Léonor Fini. J’ai eu envie d’utiliser ce terme, car je n’ai vraiment pas compris la situation étrange de cet espace qui présente une pièce de sa demeure, quelques photographies et de rares oeuvres.

Pourquoi l’artiste aussi fantastique que fantasque ici? je n’ai pas compris… Mais j’ai apprécié la photographie (hélas ici mal reproduite) de la Femme aux innombrables amants, tous aussi brillants que passionnants, et aux 17 chats (il a fallu attendre la mort du dernier pour liquider l’héritage!).

Derrière cette « parenthèse » au sein de l’expo Zao, un vaste espace dédié à des oeuvres contemporaines, dont certaines ne manquent pas d’humour…

Elles sont de Michel Gérard, un artiste français né en 1938 (avec un point d’interrogation pour le Musée Beaubourg), et résidant essentiellement à New York.

Une mention spéciale pour ces parachutes…

Et puis, sans transition, les visiteurs/euses se trouvent plongé-e-s dans une pénombre, au milieu de… pirogues… miniatures ou de taille à faire peur aux ennemis ou aux divinités maléfiques, voire aux sirènes!

Pas d’exotisme sans masques, n’est-ce pas? Les voici donc, pour que vous ne soyez pas déçu-e-s, avant de quitter, je vous le promets, ce musée qui m’a retenue 4 jours (pour l’écriture), alors qu’il me reste la suite du voyage vers Nice à vous narrer, sans compter ce que j’y ai vécu avant de revenir à Paris, d’où est écrit ce texte!

Mais je préfère vous laisser sur ce penseur (pas de Rodin, non) et le Soleil en perspective, au bord de la fraîche rivière. Les 4 éléments : (plein) air, eau (onde pure du cours d’eau), terre (pas à prouver!)… et feu, me direz-vous? Mais le bronze, bien sûr!

Zao Wou Ki : l’Oeuvre gravé et imprimé (2)

Comme je le disais précédemment, ce que j’ai particulièrement apprécié, ce sont les collaborations entre l’artiste et les écrivains. Volontairement au masculin, car je n’ai pas vu de femmes parmi les auteurs…

Textes et illustrations se subliment, sans que l’on puisse décider qui met l’autre en valeur.

Jugez-en plutôt, au travers des quelques exemples qui suivent.

Jean Lescure avait fait la connaissance de Zao Wou Ki dans les années 50, mais c’est vingt ans plus tard (1972) que ce dernier illustrera de 8 eaux-fortes les poèmes consacrés à l’Etang, écrits dans la ferme de Bouzy-la-Forêt où l’écrivain se retire régulièrement.

Je ne suis pas parvenue à savoir comment Jean Frémon et le peintre s’étaient connus. Certes, ils fréquentaient les mêmes milieux artistiques, mais l’écart d’âge est considérable… Toujours est-il qu’en 1991 paraît un recueil du premier, avec des eaux-fortes du second…

Un point commun entre l’ouvrage qui précède et celui qui suit : l’éditeur, Thierry Bouchard. Il pourrait peut-être m’apporter les réponses?

Eaux-fortes, gravures, lithographies… les techniques varient, mais l’on reconnaît la « touche Zao » dans ces différents ouvrages… Et ce dernier m’a permis d’apprendre le sens d’un mot que je connaissais dans d’autres contextes : « frontispice ». A savoir, « gravure placée en face d’un titre »!

Il serait dommage, me semble-t-il, de quitter l’univers littéraire sans une citation de René Char, qui m’a aussi permis d’apprendre un terme ignoré de l’ignare que je suis : « coudoyer »…

Ce texte est extrait d’un ouvrage co-signé avec Zao Wou-Ki, « Effilage du sac de jute ».

Voici sa présentation par un admirateur du peintre, Dominique de Villepin :

« Ici, le désir de peinture d’un poète a rencontré le désir de poème d’un peintre. Zao Wou-Ki et René Char s’y entretiennent. L’un et l’autre ont exprimé souvent ces quêtes complémentaires, René Char avec Georges Braque, avec Joan Miró, avec Giacometti, avec Vieira da Silva et Zao Wou-Ki avec Henri Michaux, avec Yves Bonnefoy, avec Roger Caillois, exemples parmi tant d’autres. Des étincelles splendides se sont constellées dès avant cette brassée de tisons éclatants. C’est pourquoi il est plus juste de dire que l’oeuvre commune a vu le jour. Elle a fait son chemin depuis les ténèbres de l’incréé jusqu’à la lumière, enfant exposé. Elle a été le terme d’un devenir, d’un échange façonné par le temps. Lumière et matière – voilà de quoi il s’agit. […] »

Zao Wou Ki : l’Oeuvre gravé et imprimé (1)

Sans faire de parisianisme outrancier, on ne s’attend franchement pas à ce que l’expo Zao de l’année ait lieu à Issoudun! Et pourtant!

Je vous ai déjà présenté l’Hospice Saint Roch et ses jardins, mais ai soigneusement évité de vous faire pénétrer dans l’aile moderne du musée, qui abrite une riche collection d’oeuvre du peintre.
Bien rangées… rires… à savoir, classées en fonction des dates. Souvenez-vous : il est né en 1920 et mort en 2013, cela en fait, des décennies! et des changements de style, des recherches, des expérimentations de techniques, et surtout des rencontres.

« Une donation exceptionnelle d’estampes de Zao Wou-Ki est venue rejoindre les collections du musée d’Issoudun en décembre 2022. Françoise Marquet-Zao est à l’origine de cette donation constituée de 353 estampes et 27 livres de bibliophilie de l’artiste Zao Wou-Ki (1920-2013). L’exposition « Plage de Papier » présente dans un parcours chronologique une sélection de 200 estampes de cette donation auxquelles viennent s’ajouter les prêts de 7 œuvres (Huile, encre, aquarelle) issues de collections privées. » (site officiel)


Car je dois dire que ce qui m’a le plus intéressée et marquée, durant cette visite, est l’incroyable diversité des techniques, et les associations avec des écrivains variés.

Pas question que je vous refasse le catalogue (fort bien conçu, soit dit en passant) de l’expo… Juste un aperçu, avec, dans un second temps, une focalisation sur Zao illustrant de la littérature.

Vous l’avez compris, le parcours est chronologique. Commençons donc fin des années 40 et années 50…

Une présentation des outils de l’artiste…

Continuons en grappillant parmi le nombre impressionnant d’oeuvres…

A ce moment du parcours, ça s’est gâté pour moi : une exposition Leonor Fini vient l’interrompre brutalement, puis on se retrouve devant des oeuvres de dates variées. Alors ne comptez pas sur moi pour une chronologie parfaite… mais quelques coups de coeur, oui!

Et en particulier ces deux oeuvres du tout début de l’expression artistique partagée du jeune Zao Wou Ki, qui me touchent profondément… peut-être parce qu’elles évoquent les voyages, la mer, la voile, et qu’elles font écho aux gravures rupestres?

Art et Nature

Nous voici maintenant dans les jardins du musée d’Issoudun, aperçus depuis l’Hospice Saint Roch. Des oeuvres résolument « modernes », avec une scénographie savamment réfléchie. Approchons-nous du « soleil » déjà présenté dans l’article précédent…

En réalité, deux « soleils », qui offrent en ombres comme un cadran multiple…

Est-ce Icare qui fonce, perché sur un Bucéphale échevelé, vers l’Astre dédoublé?

Nuages, nature plus ou moins travaillée, édifices anciens ou modernes participent de la production d’oeuvres éphémères autour d’autres plus durables.

L’eau coule… courant libre dans la rivière parallèle, qui aurait inspiré Monet…

… flot en circuit fermé dans une oeuvre colorée, devant laquelle je serais restée des heures, tant elle offre d’éphémères tableaux…

Difficile à saisir en photographie! Mais au moins j’ai tenté!

Je ne vais pas tout vous présenter… Il faut que vous ayez envie de découvrir par vous-même, n’est-ce pas? Mais je ne voudrais pas arrêter sans montrer au moins une image d’une oeuvre que j’ai particulièrement appréciée par son ingéniosité, son audace et les discours que l’on pourrait broder autour…

L’Hospice Saint Roch

J’étais en train de vous narrer la visite de l’Hospice Saint Roch, et en étais restée à la Salle des Hommes. Car oui, en ce temps-là, la mixité n’était pas de mise chez les patient-e-s, et encore moins les chambres particulières! Les lits étaient alignés dans de vastes espaces, et, dans le meilleur des cas, séparés par des rideaux. On imagine le fond sonore!

Pour distraction, la religion, et encore la religion.

On comprend la tête de Marie-Madeleine!

On est loin de la petite Vénus du musée, dans son temple symbolique…

Certain-e-s allaient tagguer les murs voisins…

Car, côté lecture, ils et elles n’étaient pas gâté-e-s : juste la possibilité de tenter de comprendre la lignée des rois de Judée…

Bon, bien sûr, les canards étaient plus jolis que les bouteilles d’eau en plastique!

Je vous fais grâce des vitrines présentant tous les instruments de torture, comme les scies à amputer… et passe directement à la pharmacopée. A l’époque, les étagères des apothicaires étaient bien plus belles que celles de nos actuels vendeurs de drogues industrielles!

Et leurs officines faisaient beaucoup plus « sérieux »! On imagine Monsieur Homais…

Mais tout cela ne donne qu’une envie : sortir, respirer, profiter de la nature et du Soleil, malgré les nuages…

Paris-Nice en… 3 jours! Etape 1 : le musée d’Issoudun

Comment mettre trois jours pour « descendre » de Paris à Nice? Il suffit d’aimer musarder… et visiter… ce que j’ai fait durant ces trois derniers jours…

Première destination : le musée d’Issoudun. Drôle d’idée, me direz-vous? Eh non, c’était mûrement réfléchi, pour une fois! Le magazine Beaux-Arts permet, chaque année, de prendre connaissance des expositions de l’été. Parmi celles-ci, cette année, une exposition dans cette ville. Et pas n’importe quel artiste : Zao Wou Ki. L’un de mes peintres préférés. Alors, pourquoi à Issoudun? Parce que Françoise Marquet, l’épouse du peintre et sa légataire universelle contestée, a fait don au Musée de cette ville d’une partie importante des oeuvres de son génie de mari.

Je m’attendais à un « petit musée de province ». Que nenni!

L’ancien Hospice a été revisité. Une partie encore historique, avec des objets de cet environnement de la médecine du temps jadis. Des jardins superbement enjolivés par des statues… Et une impressionnante aile moderne, qui abrite diverses expositions, dont celle qui retrace l’oeuvre de Zao Wou Ki.

Commençons, si vous le voulez bien, par l’Hospice… Le voici dans son écrin de verdure, ceint par des ondes tranquilles…

Pénétrons dans la cour, qui abrite un jardin… « de curé », bien sûr…

Après avoir grimpé des marches vraiment « rapiécées », nous voici face au Patron de ces lieux… le même, coïncidence amusante, qui protège le quartier de ma résidence niçoise : Saint Roch.

Dans un premier temps, nous découvrons des plans, dessins, statues, objets qui retracent l’histoire de la cité depuis les temps les plus reculés, à savoir la Préhistoire. Je vous fais grâce des photos de pierres taillées, et vous propose un petit florilège, sans prétention aucune ni à l’exhaustivité ni même à une forme de logique…

J’ai été séduite par ces clés, comme par les sceaux exposés un peu plus loin…

Un clin d’oeil à mon ami Jean-Claude Boudier, qui fut le premier à m’expliquer comment on moulait un bronze…

Et un autre à un autre ami, Geoffroy Ferroni, qui arpente depuis des décennies les chemins de Saint Jacques…

Un plan attire l’attention, pour l’expression utilisée en lieu et place du bête « Légende » de nos jours : « Table de renvois pour l’intelligence du plan »… c’est mieux, non?

Nous arrivons maintenant dans la partie plus « religieuse », avec la Salle des Hommes et les superbes arbres de Jessé, dont vous apercevrez une petite partie au fond à gauche…

Ayant promis de ne plus écrire d’articles longs, je finirai celui-ci par le bâton de procession de la confrérie des maçons et tailleurs de pierre… je vous épargne celui des bouchers, une vraie « boucherie » : la Saint Barthélémy!