C’est la curiosité qui m’a poussée à réserver pour un concert à Bayonne en ce 2 novembre…
Me voici donc en cette fin d’après-midi au balcon du théâtre de la ville, la Scène Nationale, pour aller assister à la prestation d’une chorale japonaise au nom bien… italien ! Sopra il Fiume (au-dessus du fleuve). C’est le dernier de la liste ci-dessus, et l’un des deux payants, mais les billets n’étaient pas excessivement chers… En préparant cet article, j’ai découvert que le nom de l’ensemble fait référence à une petite ville au nord de Tokyo, Kawagoe, surnommée « La Petite Edo ».
Je me suis renseignée sur le net, au préalable, et y ai appris les deux spécificités de cette chorale. D’abord, une moyenne d’âge peu élevée. Ce sont tou-te-s des jeunes. Ensuite, le fait qu’elle ne soit pas dirigée par un chef. Les choristes chantent en demi-cercle, sans personne au centre.
Je n’ai pas été déçue… Un répertoire éclectique, des chants superbement interprétés, des voix remarquables. Et j’ai été épatée par la tenue et la mémoire de ces jeunes qui ont chanté non seulement en japonais et en latin, mais aussi en anglais… et en espagnol, avec un bis de « La Cucaracha » (alias « Le Cafard ») chantée avec une originalité empreinte d’humour, accompagnée par la salle. Cela tranchait avec le silence recueilli qui avait accompagné l’ensemble du spectacle.
Dès le début j’ai été saisie par la beauté des chants japonais. Je n’ai pas trouvé le premier interprété par cette chorale, Seagull de Kinishita Hokiko, mais le voici par une autre… Hélas chanté avec moins de douceur. Même problème pour Orasho, de Chihara Odeki, que vous pourrez entendre ici. Idem aussi pour le dernier morceau, Yuyake d’Aizawa Naoto, accessible sur ce site. Mais vous pourrez accéder à l’Alleluiah chanté par le choeur hélas masqué ou à Salve Regina sans masques.
Très beau spectacle donc, avec des moments d’émotion et de transport, notamment par deux des chanteuses, soprano et mezzo-soprano. Je les ai mises en évidence sur la photo ci-dessous.
J’ai eu la chance d’assister hier à une conférence très intéressante, dont le thème était l’influence des estampes japonaises sur la peinture française de la fin du 19ème et de la première moitié du 20ème siècle.
JLa conférencière maîtrisait visiblement son sujet, et a réussi à captiver un public nombreux, en plein après-midi de cette belle journée ensoleillée, avec un exposé très bien et très abondamment illustré. Je ne vais, bien évidemment, pas le reprendre ici. Sachez, pour votre intérêt, qu’il est en ligne : elle propose, sur son site, d’accéder à ses conférences en ligne, pour la modique somme de 7 euros… et elles les valent largement!
Un petit mot au passage aussi pour l’association organisatrice, que je découvrais à cette occasion, et dont je viens d’ouvrir la page Facebook. Elle propose visiblement un programme très intéressant!
Pas question, comme je le disais, de « piller » ni même dévoiler le contenu très riche de l’exposé. Juste quelques points qui m’ont particulièrement marquée, et que je vais vous présenter sous forme de jeu. Voici longtemps que je ne vous avais pas fait jouer!
Influences du Japon
Observez donc les tableaux ci-dessous, et tentez d’y retrouver des éléments qui évoquent le Japon…
Commençons par l’artiste qui possédait une impressionnante collection d’estampes, Van Gogh…
Enigme 1 : quel mont est représenté sur ce tableau?
Enigme 2 : quels points communs entre l’estampe de Korin Ogata (18ème) et le tableau de Van Gogh (1889)?
Continuons avec Manet…
Enigme 3 : Zola est représenté par le peintre, assis à son bureau, à Paris. Pourtant, le Japon est bien présent. Comment? Attention, deux réponses sont faciles, la troisième l’est beaucoup moins. Et je ne parle pas de la manière dont l’écrivain est représenté!
La villa de Giverny regorgeait d’estampes, et Monet ne s’est pas privé de s’en inspirer (pensez aux nymphéas!). (Source de l’image)
Enigme 4 (pour rire un peu) : quels éléments rappellent le Japon dans le portrait de son épouse (1876)?
Enigme 5 (encore plus!) : quel élément du décor de son jardin, évoquant le Japon, Monet a-t-il peint 47 fois (enfin, dans les tableaux qui nous sont parvenus!)?
Plus difficile cette fois : de quelle nationalité est le peintre qui est à l’origine de l’oeuvre suivante (1888)?
Enigme 7 : de qui est ce tableau qui fut considéré comme « japonisant », et pourquoi?
Mais pourquoi ces influences? Deuxième manche du jeu!
Pourquoi ces influences, à ce moment précis?
Question 1. Qui est représenté sur ce tableau? En quoi est-ce en lien avec le « japonisme »?
Question 2. On parle de « japonisme » à cause de cet homme. Mais qui est-ce? En quelle année eut-il l’idée de désigner ainsi le mouvement?
Question 3. Une adresse à Paris : le 22 rue de Provence. On y allait chez un personnage portant un prénom wagnérien mais un nom à consonance asiatique. Qui était-il? Et pourquoi allait-on chez lui?
Question 4. Un « Musée rétrospectif »… cela fait un peu « pléonasme », non? Dans le « Palais de l’Industrie »… inattendu, non ?
Et pourtant! Il eut lieu en 1965… Combien d’oeuvres originaires d’Asie y sont présentées?
Question 5 : Une délégation japonaise vint à Paris en 1867… à quelle occasion? Quels liens avec le « japonisme »?
Question 6. Deux ans plus tard, une exposition étonnante…
Question 7. Encore des expositions! On voit bien les dates, mais ils ont oublié l’année! Quelle était-elle?
On assiste ainsi, en trois décennies, à une véritable expansion du japonisme. Est-ce à dire que les oeuvres japonaises n’étaient pas connues avant? Que nenni, mais c’est une autre histoire.
Je ne veux pas finir sans évoquer deux artistes dont a abondamment parlé la conférencière hier et que, pour ma part, je ne connaissais pas (encore des lacunes, direz-vous!).
Winslow Homer
« Winslow Homer débute comme reporter dessinateur durant la guerre de Sécession, avant de peindre des scènes décrivant le quotidien de l’armée et du monde rural dans la précision naturaliste qui dominait alors la peinture américaine. Après un séjour parisien, Homer adopte un temps la palette impressionniste, puis trouve sa marque définitive, entre réalisme et symbolisme. » (Musée d’Orsay)
Quels liens avec le japonisme? Il passe par un voyage en France, où cet Américain né à Boston découvre les peintres de l’Ecole de Barbizon – et souvenez-vous qu’un des grands de cette Ecole fut Daubigny, l’un des maîtres de Van Gogh (voir article de 2023), et va sans doute aussi fréquenter les milieux artistiques et les expositions à Paris. Souvenez-vous, 1867, c’est la date de l’Exposition Universelle évoquée ci-dessus!
Le tableau qui suit devrait en évoquer d’autres, pour vous…
Il est parmi les premiers peintres à avoir « tronqué » des objets, et ainsi fait en sorte que le hors-champ, par son absence, devienne si puissant.
En 1887, Monet va inverser l’orientation, remplacer la voile par les rames, et les hommes par les femmes…
On trouve sur le net de nombreuses vidéos qui présentent l’immense oeuvre de l’artiste, mais quasiment toutes en anglais. Je vous laisse donc choisir… Mais pour une présentation de l’homme, je vous conseille la National Gallery.
Henri Rivière
Encore un peintre que je connaissais pas, et qui fut fort inspiré par le Japon. Voici ce qu’en dit la présentation sur Gallica (BNF).
« Henri Rivière (1864-1951) a commencé sa carrière par le dessin et l’eau-forte avant de devenir, en 1886, metteur en scène et scénographe du théâtre d’ombres au cabaret du Chat noir, situé au pied de la butte Montmartre. En 1890, sous l’influence de l’estampe japonaise qu’il collectionne, il découvre la gravure sur bois en couleurs, dont il maîtrise toutes les étapes, du broyage des couleurs à l’impression. Ses suites, nées de la fréquentation régulières des côtes bretonnes, l’inscrivent dans l’histoire de l’estampe comme un acteur majeur du renouveau de l’estampe en couleurs. Il donne aussi ses lettres de noblesse à la lithographie en couleurs grâce à plusieurs séries de paysages (Le Beau pays de Bretagne, La Féerie des heures, Aspects de la nature), dont certains inspirés par la capitale (Paysages parisiens et Les Trente-six vues de la Tour Eiffel). En 2007, son fonds de l’atelier, entré par dation, est venu enrichir les collections du département des Estampes et de la photographie. »
Henri Rivière avait réuni une impressionnante collection d’estampes japonaises, comme l’explique le site de la BNF, Gallica.
Le dernier volet de l’exposition au Musée Guimet porte sur le tissage (d’où le très mauvais jeu de mot du titre, je dois l’avouer!). Pour continuer dans la même veine que précédemment, à savoir « Qu’ai-je appris durant cette visite, qui m’a particulièrement frappée? », voici deux réponses qui concernent cet art.
6. La France aurait « sauvé » l’industrie japonaise…?
On le sait, des liens se sont tissés (c’est le cas de le dire!) entre la France et le Japon, pour ce qui concerne la soie et le tissage. Plus spécifiquement avec la ville de Lyon. C’est là ,en effet, qu’en 1466, alors que la soie française est essentiellement fabriquée en Provence, Louis XI, monarque de l’époque, décide de délocaliser la production pour l’installer à Lyon, place économiquement stratégique, et à proximité de l’Italie, principal fournisseur de vers à soie. On connait le développement ultérieure de cette Histoire, notamment avec les célèbres Canuts. Mais quel rapport avec l’exposition, me direz-vous? Revenons à nos petits vers… une épidémie les attaqua, en Europe, au 19ème siècle. Comment faire pour compenser cette perte? En faisant appel au Japon.
« L’importation de soie brute japonaise depuis le port de Yokohama permit de sauver l’Europe de cette crise. Cet échange est d’ailleurs à l’origine du jumelage entre Yokohama et Lyon en 1959. Cependant (…) Yokohama n’est pas la seule ville avec laquelle Lyon entretient des liens historiques, puisque Kyoto a su tisser elle aussi des relations étroites avec la ville aux deux collines. » (source)
Aussi, lorsque le Japon eut à faire face à une problématique d’origine différente, mais aux conséquences similaires, il se tourna vers son alliée française, qui utilisait depuis le début du 19ème siècle un « métier » évolué, grâce à la mécanique appelée « Jacquard », du nom de son inventeur. Si vous voulez en savoir davantage, voir par exemple ici.
« En 1872, les autorités du département de Kyoto décidèrent d’envoyer à Lyon trois artisans du quartier de tissage Nishijin : INOUE Ihei, SAKURA Tsuneshichi et YOSHIDA Chushichi. Ils y apprirent les techniques du métier à tisser Jacquard puis ils emportèrent à leur retour l’une de ces machines. »
Voilà qui sauva l’industrie japonaise du textile. Mais vous ne voyez toujours pas le lien avec le Dit du Genji? Normal, impossible à deviner si l’on ne sait pas ce qu’est le nishijin-ori, ni qui est Itaro Yamagushi. Ils font l’objet de la septième découverte importante lors de cette visite…
Après les poétesses japonaises de notre époque médiévale, puis le concept de « genji », voici la troisième découverte de cette visite au Musée Guimet : les illustrations et autres exploitations graphiques du texte depuis cette époque.
3. Le « Dit » en images
Vous avez déjà pu voir dans le précédent article une des versions illustrées. Il y en eut plusieurs, de styles variés.
Les découvrir m’a aussi permis d’apprendre une technique fréquemment utilisée : « le toit enlevé ».
Je m’explique : afin de voir l’intérieur des palais, temples, demeures, l’artiste « ôte » le toit, ce qui permet des vues plongeantes ou en contre-plongée. Recherchant des informations sur cette technique, j’ai trouvé un article passionnant sur l’art japonais, dont voici un extrait qui parle de notre texte.
« Il est passionnant que le Dit du Genji, par exemple, ait été pratiquement écrit en vue d’un accompagnement d’images. L’illustration de cette grande œuvre littéraire, monumentale, la première en langue japonaise, sera reprise plus tard par Sôtatsu, Gukei et Mitsunori. La composition en diagonale, la vue à «vol d’oiseau», à «toit ouvert» ou «toit enlevé», en contre-haut ou contrebas, donnent une liberté de représentation, d’indiscrétion, et surtout une ouverture de l’espace, une maïeutique même dans le rapport des formes et le choix des couleurs. Il est de plus intéressant que les visages, neutres dans la somptuosité des costumes, aient été à ce point impersonnels, «à l’abri du temps»5. Tout spectateur pouvait s’identifier aux héros. En somme, c’est une sorte de spectacle total, «d’emprise globale sur les sens», remarque Eliseeff. Les jardins alentour des pavillons, les plantes, les fleurs, tout m’enchante. La conception même de Temaki demeure une des hautes formes de la rêverie plastique, par la construction, l’aplat et le jeu des couleurs. »
Cette technique caractérise ce que l’on désigne par yamato-e, art japonais qui s’est constitué à l’époque de Heian en divergeant de l’art chinois. Si vous voulez en savoir plus à ce propos, voici un article très technique.
Mais trêve de bla-blas (sans car), et passons aux images…
Ce que j’ai apprécié dans la série? la grande variété des compositions, avec cependant des formes et symboles qui les relient les unes aux autres. Cercle et carrés…
« Coeurs », carré, rectangle…
Eventail, carrés… L’éventail est aussi parfois davantage plié…
Cercle, carré, rectangle…
Et ainsi de suite… je ne vais pas tout reprendre ici, n’est-ce pas?
En préparant cet article, j’en ai trouvé un qui me semble intéressant, même s’il n’est pas « scientifique ». En tout cas, les photos sont meilleures que les miennes! Je vous encourage donc à le regarder.
4. La notion de « parodie », alias « mitate
Autre aspect qui m’a saisie : les « parodies » du Dit. En réalité, la traduction trahit, comme souvent. En japonais, le terme est « mitate ».
« Au Japon, le mitate 見立て est un large concept lié à une façon traditionnelle de penser et voir le monde, la réalité, la nature et l’art. Ce concept était d’abord utilisé pour aménager les jardins dans les demeures seigneuriales japonaises dès le 8e siècle. Mitate signifie littéralement « instituer ou établir (tate 立て) par le regard (mi 見) ». Il s’agit donc du principe de « voir comme » selon Paul Ricoeur, et celui de « l’artialisation in visu » qui se combinent dans « l’artialisation in situ » selon Alain Roger2, au sein de la schématisation qui institue le paysage comme tel. Ce procédé se base sur celui de la transposition et de la comparaison, au sein duquel tout objet est « vu comme » une autre chose qui sera désignée ou créée à cet effet. Ce sera dans le rapport qu’entretiennent ces deux objets que s’appréciera la comparaison que fera le l’observateur. » (source)
C’est sans doute pourquoi je ne comprenais pas le sens de « parodie » lors de la visite de l’exposition, dans la mesure où je ne voyais pas en quoi les estampes exposées constituaient des parodies. C’est qu’il me manquait tout l’arrière-plan culturel pour le comprendre. Pour saisir la parodie, il faut être érudit-e…!
En quoi ceci, qu’on doit à Utagawa Kunisada II, au 19ème siècle, qui représente le Genji dans le Jardin des Pivoines constitue-t-il une « parodie »? je suis bien incapable de vous l’expliquer!
Idem pour celui-ci, que l’on doit au premier du nom, dit Toyokuni III, un demi-siècle environ plus tôt.
Il me reste donc encore beaucoup à apprendre… et à comprendre!
Vous vous souvenez de la question qui m’a été posée, et du choix que j’ai fait d’adopter pour ce texte l’ordre des réponses que j’ai faites? Voici donc la deuxième réponse : ce qu’est un « genji »…
Mais avant d’essayer d’expliquer ce que j’en ai compris, il me faut présenter la personne qui a été une guide aussi compétente qu’agréable. En réalité, la visite s’est terminé sans qu’on sache à qui l’on avait affaire. Et elle s’est esquivée aussi modestement que rapidement dès la fin des questions/réponses. J’ai donc cherché auprès du personnel des informations sur elle, mais personne ne connaissait même son nom. Un « surveillant » a fini par aller la chercher en coulisse, malgré mes protestations. Et elle s’est dérangée pour venir me parler. J’avais raison. Ce n’est pas une « guide » ordinaire. Voici comment elle est présentée sur le site du Grand Palais.
« Titulaire d’un DEA d’Etudes Indiennes, d’une maîtrise d’histoire de l’art et d’une licence de chinois, diplômée de l’École du Louvre, Véronique Crombé est conférencière des musées nationaux depuis 1987 et travaille depuis cette date pour la RMN-GP, intervenant principalement au Musée National des Arts Asiatiques – Guimet et au Musée d’Orsay.
Spécialiste des arts asiatiques, bouddhiste dans la tradition theravada, elle a beaucoup voyagé à travers l’Asie à titre personnel ou pour donner des conférences.
Elle a collaboré à divers ouvrages sur le bouddhisme, les religions et les arts de l’Asie, et publié, en 2000, « Le Bouddha » paru chez Desclée de Brouwer.
Traductrice diplômée de l’Université de Londres, elle a également traduit de nombreux ouvrages et catalogues d’exposition.
Particulièrement sensible aux problèmes de protection du patrimoine artistique et architectural, et très liée à l’Irlande, elle est engagée dans une campagne visant à préserver un quartier historique de Dublin. »
J’avais donc bien raison de l’avoir autant appréciée, elle est vraiment experte! Et je lui suis reconnaissante de partager ainsi son savoir, avec autant de modestie…
Mais revenons au Dit du Genji, dont voici la plus ancienne transcription, datant du 12ème siècle.
2. La coexistence d’une branche régnante et d’une branche écartée du pouvoir…
Un genji est le fils d’un empereur, qui ne peut prétendre accéder au trône. Ainsi est créée une nouvelle branche potentiellement impériale.
Le texte s’apparenterait à une saga, ou un roman-fleuve… Imaginez! 54 livres, plus de 200 personnages… Il retrace l’histoire politique et le destin personnel d’un Genji, aussi beau qu’intelligent, aussi puissant que poète… Son nom? Hikaru Genji, « Hikaru » signifie « brillant », dans tous les sens du terme. Fils de l’empereur Kiritsubo, il perd sa mère à trois ans, ce qui le poussera à rechercher des femmes qui lui ressemblent, comme Fujitsubo, introduite à la cour de l’empereur pour cette même raison, avec qui il entretient une relation secrète. Il va, par la suite, être écarté du trône par son père, qui le désignera comme « Genji ».
Non, je ne vous raconterai pas la suite, sinon cet article va faire plusieurs dizaines de pages. Et de toutes façons cela resterait incompréhensible. A vous de le lire, si vous le voulez… Vous avez de la chance, il en existe des traductions françaises depuis 1928… Mais la seule accessible actuellement a été faite par René Sieffert (1923-2004), japonologue de l’INALCO. La photo ci-dessous en montre une superbe édition illustrée…
Le Musée Guimet propose régulièrement de belles expositions, qui nous entraînent dans un univers de recherche esthétique absolue. Vous en avez pu voir des traces dans ce blog à diverses reprises. C’est encore le cas actuellement, avec deux expositions reliées l’une à l’autre par un fil… de trame, si vous me permettez ce jeu de mots. En effet, la première est consacrée à un texte du XIème siècle, « Le dit du Genji », tandis que la seconde est dédiée à Maître Itaro Yamaguchi, expert du tissage, qui a entrepris, après avoir dépassé ce que les Belges nomment la septantaine, de créer des rouleaux tissés pour raconter l’histoire et l’illustrer.
Un ami m’a demandé hier ce que j’avais retenu de cette double exposition. Etrange question, mais ô combien intéressante, et qui m’a interpellée. Jamais je ne me l’étais posée, au sortir d’un musée. Encore moins quelques temps plus tard. Je me suis pliée à l’exercice. Et le(s?) texte(s?) – je ne sais pas encore si tout va tenir en un article aussi bref que le souhaitent certains des abonnés à ce blog – qui suit/suivent va donc s’inspirer des réponses apportées.
Des poétesses japonaises à notre époque médiévale
Telle fut la première réponse que j’apportai. Grâce à une conférencière exceptionnelle, j’ai appris qu’un siècle avant Chrétien de Troyes, il y avait au Japon le pendant de Marie de France… En plus grand nombre, et surtout plus disertes. Pourquoi ce qualificatif. Il suffit de voir le nombre de pages de l’oeuvre d’une d’entre elle, Musaraki Shikibu, pour le comprendre! Plus de 2000 pages. Le Dit du Genji comporte en effet 54 livres, qui en composent les trois parties.
Resituons-nous à l’époque de Heian. Heian n’est pas le nom d’une dynastie, ne vous y trompez-pas! C’est celui de l’actuelle ville de Kyoto. En gros (très gros), son début correspond à l’équivalent, à une autre époque et dans une autre contrée, de notre « Séparation de l’Eglise et de l’Etat » : il faut éviter que le pouvoir des bouddhistes n’empiète sur celui des empereurs. Mais l’histoire révélera que cela a aussi constitutif de la confirmation d’une identité japonaise par émancipation de la puissance chinoise.
« En 794, l’empereur Kammu (781-806) transfère la capitale de son empire à Heian-kyo (actuelle Kyōto) pour échapper à l’emprise croissante des temples bouddhiques de Nara. Dans un premier temps, les influences chinoises qui dominaient l’époque antérieure, dite de Nara (710-794), continuent d’être fortes : elles se traduisent en particulier par le plan en damier de la cité nouvelle et par l’atmosphère culturelle qui règne à la cour du souverain. Mais, progressivement, en raison du déclin de la dynastie chinoise des Tang, le Japon s’émancipe du modèle de son puissant voisin continental et se replie sur lui-même. S’épanouit alors un art proprement japonais qui se réalise pleinement dans l’architecture, la peinture religieuse, la littérature et la culture de la cour impériale. Les relations avec la Chine, qui s’étaient maintenues à un niveau officiel au viiie siècle, s’espacent progressivement et disparaissent à la fin du ixe siècle. Le système politique de Heian, caractérisé par la prédominance d’une aristocratie civile incarnée par la famille des Fujiwara, qui gouvernent durant près de trois siècles au nom des souverains, se maintient jusqu’en 1192. »
Si vous regardez les dates, elles se situent dans la période que nous considérons comme notre Moyen-Age (476-1492). Elles correspondent peu ou prou à l’époque de Charlemagne, pour ce qui est du début, et celle de Philippe Auguste, pour la fin (1192, c’est l’année de la Troisième croisade). Mais revenons à nos écrivaines.
Musaraki Shikibu serait née une trentaine d’années avant l’an 1000, et morte une trentaine d’années après. Ne vous y trompez pas : elle ne s’est jamais nommée ainsi. Et des versions différentes circulent, concernant sa véritable identité. « Musaraki », cela signifie « violet ». Et « Shikibu » ferait référence au rang de son père à la cour. Facile à comprendre, comme vous pouvez le constater d’après les explications trouvées sur le net !
« As mentioned above, Shikibu-sho was regarded as the important ministry, and therefore the rank of Jugoinoge (Junior Fifth Rank, Lower Grade) was often conferred on the Shikibu no Taijo (Senior Secretary, corresponding to Shorokuinoge [Senior Sixth Rank, Lower Grade] as a rule) and the Shikibu no Shojo (Junior Secretary, corresponding to Jurokuinojo [Junior Sixth Rank, Upper Grade] as a rule) extraordinarily. In addition, Shikibu no Jo (Secretary of the Ministry) with the rank of Goi (Fifth rank) was called Shikibu no Taifu (Master of the Ministry). » (source)
En bref, une famille bien placée, une vie de cour, et un surnom pour la désigner. Ne rêvez pas, vous n’en aurez pas de portrait non plus, car à l’époque on « standardisait » déjà, au Japon. Et les tableaux censés la représenter ne la représentent pas vraiment…
Comme vous le savez, j’aime à me documenter davantage… J’ai donc cherché à en savoir plus sur les poétesses japonaises de cette époque. Un article intéressant m’a beaucoup aidée. Il porte sur une autre écrivaine, deux siècles plus tôt que « Violette » : Ono no Komachi, et dévoile notamment l’existence de Rokkasen, les « poètes immortels ».
« Qui est vraiment Ono no Komachi ? Nous ne savons finalement que très peu de choses sur la vie réelle d’Ono no Komachi. Pourtant, celle-ci fut l’une des plus grandes poétesses de l’histoire du Japon, au point d’être même considérée comme l’une des Rokkasen (六歌仙), à savoir les six poètes dont l’œuvre restera immortelle pour les japonais.
Les six poètes « immortels » en question évoluèrent tous à la même période, autour du IXeme siècle durant l’ère Heian (平安時代, Heian-jidai, 794-1185). C’est précisément à cette époque que la poésie japonaise prendra une nouvelle tournure avec l’apparition des Waka (和歌), et de sous-genre le Tanka (短歌), dont l’œuvre d’Ono no Komachi reste à l’heure actuelle l’une des plus emblématiques. »
Pour les Béotien-ne-s comme moi, le tanka est l’ancêtre du haïku…
色見えで うつろふ物は 世中の 人の心の 花にぞ有りける
Comment invisiblement elle change de couleur dans ce monde, la fleur du coeur humain.
Tanka… l’occasion d’évoquer une autre poétesse de cette époque, Izumi Shibiku.
« Izumi Shikibu, née vers 970, est une poétesse japonaise de l’époque Heian. Membre des trente-six poétesses éternelles et des trente-six poètes immortels du Moyen-âge, elle est une contemporaine de la poétesse d’Akazome Emon et de la dame de cour Murasaki Shikibu à la cour de Joto Mon’in. »
Tiens, tiens! On parlait de « 36 poètes immortels », et voici évoquées « 36 poétesses éternelles »… Une question de parité? Où est l’erreur?
Une liste en est donnée sur Wikipédia… mais quelle est sa valeur?
On pense qu’elle est l’auteur ou le compilateur principal des Eiga Monogatari.«
« Chuko » et « Nyobo »… Il y aurait donc bien deux catégories. Mais selon le sexe d’état-civil (si tant est qu’on puisse parler d’état civil à cette époque!) ou selon qu’ils sont… quoi? « chuko » signifierait « loyauté », selon Auroux dans La pensée japonaise. Quant à « nyobo », il désigne les femmes servant au palais, les dames de la cour. (voir ici)
Je ne vais pas vous faire un cours sur ce thème, mais avouez que c’est intrigant… A poursuivre donc… et revenons en attendant au Genji, en passant par ce magnifique écritoire.
Au programme en ce vendredi soir : un spectacle d’impro, dans le Marais, à l’ImproviBar. Je rejoins donc une amie pour prendre un verre, voire manger un morceau, avant. Rue Rambuteau, les restaurants ne manquent pas. Notre choix se porte sur une enseigne étonnante : cuisine japonaise et… péruvienne!
De la place en terrasse… Etonnant! En lisant ce matin les commentaires TripAdvisor sur ce restaurant, j’ai compris pourquoi : ils sont très mauvais. Sur le service, d’abord. Et c’est assez justifié : la jeune fille est gentille, mais, après être restée longtemps derrière le comptoir sans s’occuper de nous, elle nous sert difficilement, oubliant par exemple les baguettes… Mais la nourriture ne vaut pas les critiques acerbes qui lui sont faites. Notamment par son originalité. Et les gyoza sont bons, bien que pas tout à fait assez grillés. Mais ce n’est pas pour faire de la critique gastronomique que j’ai entrepris d’écrire cet article, après un assez long silence! C’est pour vous parler de deux choses. D’abord, la relation entre Japon et Pérou. Si je vous demande qui était le Président du Pérou entre 1990 et 2000, je suppose que j’aurai peu de réponses? Alberto Kenya Fujimori. Etonnant, comme nom, n’est-ce pas?
« En 1897, les gouvernements japonais et péruvien ont convenu d’ouvrir la région côtière du Pérou à l’installation d’agriculteurs japonais. »
« Le 3 avril 1899, un navire japonais en provenance de Yokohama, le Sakura-maru, faisait son entrée dans le port de Callao, à l’ouest de Lima. A bord, 790 hommes épuisés par plus de deux mois de traversée. Un paysage inconnu se révélait à leurs yeux : la cordillère des Andes se profilait à l’horizon et, dans le désert, pointaient les clochers des églises de Lima.
Seuls quelques voyageurs touchèrent terre ce jour-là. Le lendemain, le Sakura-maru entreprenait un périple le long des côtes péruviennes, débarquant ses passagers par groupes dans les diverses plantations. Tous pensaient, sans doute, n’être là que pour quelques années, le temps de s’enrichir et de rentrer au pays. Aucun certainement n’imaginait être un pionnier. Et pourtant, ces migrants allaient être les fondateurs d’une forte communauté : celle des Japonais du Pérou. »
Ce n’était pas le cas des ascendants de Fujimori. Ses parents, eux, avaient quitté le Japon en 1934. Mais ils trouvèrent sur place une communauté qui s’était considérablement enrichie. Mais revenons au restaurant. Les Nikkei – on les nomme ainsi – ont développé une cuisine interculturelle, si j’ose dire. Le principe est simple : garder les fondements de la cuisine japonaise, mais exploiter la richesse des légumes et épices du Pérou. C’est ce qui produit des plats comme ce saumon dont la sauce est à base de fruits de la passion, plat que j’ai apprécié hier à Côté Sushi (je ne puis vous donner son site, car il est fermé, mais vous pourrez en avoir une idée sur deliveroo ici ou sur ce site, où j’ai copié l’image qui suit : le tiradito maracuja).
Si vous passez près d’un restaurant vous proposant Pérou et Japon, n’hésitez donc pas, le mélange est excellent!
La deuxième raison est tout autre. Les quintes de toux qui me perturbent en ce moment se sont accrues durant le repas. J’ai donc décidé de ne pas aller au spectacle, surtout que j’avais appris qu’il avait lieu en cave. Mon amie est donc partie, me laissant seule en terrasse, où je suis restée un petit moment. Quand je décidai de partir, je passai à la caisse. Refus de la banque sur ma carte bleue. Pourtant compte positif! Idem sur ma carte professionnelle. Idem! Et pas un centime de liquide! J’appelai un ami, malgré l’heure tardive. Il accepta de descendre de chez lui pour aller me chercher du liquide et m’attendre à la bouche de métro… J’expliquai à la personne apparemment responsable de l’établissement, et proposai de laisser ma carte d’identité en attendant. Refus, avec le sourire. « Non, pas de problème ». Je filai donc en métro vers Pigalle… et revins trois quarts d’heure après, alors que l’on rangeait tout pour fermer. La personne parut surprise de me revoir. Je lui tendis 30 euros, pour les 21,90 (deux plats et boisson) que je devais. Il me rendit le billet de 10. « C’est bon comme cela », ajouta-t-il en souriant. Je repartis vers chez moi, très surprise et réjouie de constater que la confiance, la générosité et la gentillesse existent bien… Encore une anecdote qui renforce mon idéalisme béat, direz-vous!
Je vous ai déjà narré l’exposition et la démonstration vues dans ce musée. Je ne vous en dirai pas beaucoup plus, mais ne voulais pas le « quitter » sans avoir parlé du peu de collections permanentes que j’y ai vue, et qui m’ont donné envie de le découvrir davantage lorsque les travaux seront finis. En effet, ne sont ouvertes actuellement que les salles consacrées à l’Antiquité. Heureusement, les couloirs et escaliers offrent des espaces où l’on peut admirer de belles pièces. Mais faisons d’abord connaissance avec l’Hôte de ces lieux. Il y a deux ans, l’on pouvait fêter le deux centième anniversaire de la naissance, à Milan, d’Enrico Cernuschi.
S’étant souvent révolté contre les politiques de l’époque, il en vint à voyager de par le monde, et réunit une collection énorme d’objets, notamment du Japon et de Chine. Pour les abriter, il se fit construire la vaste demeure qui est devenue Musée, par suite du don qu’il en fit à la Ville de Paris, à la seule condition que ce Musée portât son nom francisé lorsqu’il fut naturalisé Français après la guerre de 70.
Les récits de l’époque montrent que sa demeure était déjà une sorte de musée, dans lequel étaient donnés les bals costumés qu’adorait le banquier.
Joli brûle-parfum, n’est-ce pas? Mais pas aisé à placer chez soi!
La verrière centrale est de toute beauté, véritable puits de lumière. J’ai tenté de la photographier…
La vitrine au fond comporte une collection de théières et de pots à eau chaude.
Comme je le disais, beaucoup de pièces sont fermées. Mais on peut avoir une idée de la mise en scène dès la première (section Antiquité).
Superbes poteries, donc. Et j’ai aussi admiré de nombreux objets datant d’un millier d’années avant JC. Parmi ceux-ci, je vous laisse deviner ce qu’est celui-ci. Je vous donnerai la réponse dans un prochain article, sauf si l’un-e d’entre vous la donne par commentaire, ce qui serait pour moi une très agréable surprise…
Une belle surprise, j’en eus une : ce fut une des rencontres que je vous avais annoncées en début de semaine. Dans la queue morose qui attendait pour entrer voir la démonstration de calligraphie, il y avait trois femmes dont l’attitude tranchait. Elles bavardaient gaiement, prenant visiblement cette longue attente de manière positive. Durant la démonstration, l’une d’entre elles engagea la conversation, durant les pauses. Ses réparties étaient justes, drôles, et elle irradiait la Vie. Nous nous dîmes « au revoir » à la fin. Mais, une fois sortie, je les retrouvai devant le Musée, et nous engageâmes la conversation. Elles se demandaient notamment où trouver le papier hanji, et je leur parlai de mes magasins de fourniture beaux-arts, Sennelier et… impossible alors de retrouver le nom du second (Adam, pourtant, j’aurais pu m’en souvenir!). Je leur promis de le leur envoyer (ce que je fis, après avoir vérifié qu’il en avait bien, notamment au magasin de Montmartre). C’est ainsi que furent échangées nos coordonnées et que s’initia une relation dont j’espère qu’elle va durer. En particulier parce que deux d’entre elles font du théâtre amateur, et que j’aimerais les voir jouer. Depuis, j’ai appris qu’elles partaient faire un trek au Maroc, pays où j’ai longtemps vécu, et j’ai hâte d’avoir leur récit… Une très belle rencontre de personnes aussi assoiffées de découverte et de partage que moi!
Une salle aux murs blancs, tout en arrondis… Une suite de petits cadres avec des photographies en noir et blanc… Les badauds se suivent en longue procession pour les regarder, s’arrêtant peu devant chaque oeuvre. Et pourtant!
Pourtant, elles sont originales, d’une sobriété raffinée, d’une élégance rare, et si « parlantes », que leur sujet soit un Etre ou un Paysage ! Inutile de vous dire – car vous l’avez déjà compris – que j’ai été totalement séduite par cette exposition à la Bourse de Commerce de Paris, découverte de ce beau dernier dimanche de janvier…
La collection complète comporte 101 photographies dédiées à Robert Franck. D’aucuns font l’hypothèse que ce nombre désignerait un couple 1 et 1 séparé par le néant, le 0… Le couple serait le photographe et son épouse (et souvent modèle) décédée jeune. Le 0 représenterait donc la mort.
Mais les sujets, humains ou non, appartiennent bien à la Vie, sous maints aspects.
Je ne vous présenterai pas beaucoup de ces oeuvres (pourquoi faire des photos de photos?)… Juste quelques éléments représentatifs de ce qui m’a plu…
D’abord, des instantanés de paysages urbains et d’activités des citadin-e-s. Comme ces étangs de pêche parmi les immeubles…
Ensuite, les « Merveilleux Nuages » chers à Françoise Sagan, tels des tableaux abstraits à la mouvance poétique.
Enfin, toute une série dédiée aux nus féminins, dans des poses très langoureuses.
J’ai fait le choix de ne pas vous présenter un autre aspect de cet art, dédié au shibari et autres techniques nippones pour embellir le corps des femmes. Vous en trouverez sur le net autant que vous le souhaiterez… Bonne quête!
Dans cette étrange période que nous vivons actuellement, Internet devient un média indispensable pour toutes et tous. Et les ressources se multiplient pour permettre l’accès en ligne aux Musées, aux expositions, aux concerts et récitals, aux oeuvres en général. J’y reviendrai sans doute dans les semaines qui vont suivre. Mais, aujourd’hui, c’est d’une page Facebook que je voudrais vous parler, découverte grâce à l’un de mes amis proches.
Photo page d’accueil du site August Macke (1887 – 1914)
Publier chaque jour sur ou autour d’une oeuvre n’est pas nouveau. Mais choisir avec autant d’originalité et de délicatesse un tableau, quotidiennement, voilà qui est beaucoup plus rare, à mon sens. Et précieux.
C’est pourquoi je ne résiste pas cette nuit à l’envie de vous envoyer visiter cette page, et, pourquoi pas, vous y abonner, afin de bénéficier de cette manne. En voici donc le lien.
Les tableaux choisis sont extrêmement variés, que ce soit dans leur provenance ou dans leur facture, mais ont en commun une forme de « pureté » qui ne me laisse pas indifférente…
Et chacun, outre sa valeur esthétique évidente, provoque une émotion forte. Pas de grands élans tragiques ni d’esthétisme outrancier, mais la trace d’une observation fine du quotidien de personnes/personnages qui entrent dans notre espace et l’envahissent en toute simplicité, depuis la petite fille tenant en sa main une pomme de terre chaude (Robert Gemmel Hutchison) à la jeune Japonaise du XIXème siècle en train de lire devant son miroir (Toyohara Kunichika), en passant par la Finlandaise assise sur un rocher (Joonas Heiska), en train de… rêvasser? observer? contempler? la mer… ou d’attendre? quoi? qui?
(Image copiée sur la page : je ne l’ai pas trouvée ailleurs)
Car s’il est des détails qui donnent vie à certains personnages, comme ce petit Japonais se retournant et montrant quelque chose derrière lui (Utagawa Hiroshige), ou ce jeune garçon se retournant lui aussi, mais pour entraîner une petite fille dans une ronde champêtre (Ettore Tito), il est au contraire d’autres oeuvres dans lesquels les personnages sont partiellement voilés, cachés ou juste ébauchés, leur visage totalement ou partiellement cachés, de manière à nous rendre acteurs de ce tableau, « peintres en imagination », si j’ose cette image. Le sujet créé semble échapper à son créateur, nous faisant à notre tour créateur/créatrice du tableau… ainsi objet nous-même de l’artiste, victime consentante d’une manipulation à laquelle nous nous prêtons bien volontiers…
Pour une fan de l’abstrait comme moi, de quoi se réconcilier avec le figuratif ! Dans l’ensemble des tableaux que j’ai vus jusqu’au moment où j’écris ces mots, il en est fort peu qui ne me « parlent » pas… et j’ai réellement découvert de nombreux peintres dont j’ignorais tout, et qui, pour certains, sont fort peu exposés, y compris sur le net, comme Hans Soltmann, au point que j’ai trouvé une hésitation sur son nom (a au lieu de o) et sa date de décès (1953 et 1955)!
Platzregen, Hans Soltmann Source
Un bon moyen en ce moment de voyager de par le monde, car les artistes ont des origines fort diverses. Et interculturalité garantie… poussée à l’extrême même, avec le Pique nique ukrainien dans une ferme canadienne – William Kurelek (1927-1977 Canada)! J’ai même trouvé un tableau représentant un de mes bourgs bretons préférés…
Les Halles du Faou, Lucien Dondaine
Et je vous propose un petit jeu. Pourriez-vous dire quel jeu est représenté dans la sculpture qui s’est glissée au milieu des tableaux?