Voici une éternité que je n’ai pas poursuivi la série de photos que j’avais intitulée « Reflets »… certaines ou certains d’entre vous s’en souviennent peut-être?
Lors de la récente promenade au Luxembourg, que vous avez peut-être suivie dans mes précédents articles, j’avais remarqué une nouvelle exposition de photographies sur les grilles entourant le Jardin. Donc, bien évidemment, j’ai voulu aller la voir à la sortie.
Et j’ai d’abord « pesté » contre les acteurs de cette exposition. Oui, je sais, j’aurais pu dire « maugréer », « fulminer »…
Pourquoi?
Eh bien, les photos étaient totalement parasitées par les reflets. Sans doute parce que le support est extrêmement brillant? Donc, vous imaginez ma colère. « Ils n’auraient pas pu utiliser du mat? » « Quel dommage ! » « Comment peut-on être aussi peu prévoyant? » etc.
Une fois ce premier moment de mauvaise humeur passé, je me suis prise au jeu. C’était finalement assez intéressant de confronter la réalité ambiante (un couchant sur le carrefour au bas de la rue Soufflot) et la beauté des paysages celtiques, objets de ces photos.
Alors j’ai repris mon Iphone, pour essayer de saisir cet effet miroir plus que surprenant…
Série 1
L’original : Château de Dunottar
Série 2
L’original : Cap Fréhel
Série 3
L’original : Rochers sculptés de Rothéneuf
Alors, si vous voulez aller admirer les photographies de Philippe Decressac, je vous conseille une autre heure, ou un jour moins ensoleillé, ou les deux… A moins que vous ne préfériez les voir sur le site consacré à cette exposition, et dont j’ai extrait les photographies « réelles » : https://terresceltes.fr/
Certains lecteurs s’étant plaints de la longueur de mes textes, j’ai découpé, comme vous avez pu le constater, la visite au Jardin du Luxembourg en épisodes. Voici donc le troisième, qui va nous permettre de nous attarder sur l’endroit que je préfère, comme beaucoup d’autres je pense : la Fontaine Médicis. Elle n’était plus dans son état « normal » ces derniers temps, car elle a subi des travaux de restauration. Aussi fut-ce un bonheur de la retrouver, même si, comme je le disais précédemment, je doute de l’apport des chrysanthèmes à son environnement, comme à l’ensemble du Jardin d’ailleurs…
La perspective est en est, à mon sens, un peu gâchée… Même s’il fait toujours aussi bon flâner, lire ou méditer tout au long du bassin.
Autant je déteste les arbres torturés pour plaire à des goûts de classicisme ou d’extravagance, autant me plaisent les coeurs de lierre qui bordent le chemin en un hymne à l’amour.
En cette saison l’eau s’orne de couleurs, oscillant entre l’or et l’orange, formant grâce aux ris autant de tableaux étranges.
Polyphème est toujours en train d’espionner les jeunes Amants… Approchons-nous doucement…
Ah la jalousie! Quels crimes n’a-t-on point commis en son nom! Le faune offre un fond sonore aux tendres ébats du couple.
Je ne vous en dirai pas davantage sur cette légende, car ce serait encore bien long. Il paraît que l’article sur la Velléda a saoûlé mon lectorat. Donc cette fois, silence.
Par contre, je me suis intéressée à l’étrangeté du lieu et ai cherché à en savoir plus sur son histoire. (Si cela ne vous intéresse pas, passez directement à la dernière photo!)
Pour en savoir davantage sur cette magnifique pièce du Jardin du Luxembourg, je me suis renseignée sur le site du Sénat, d’où proviennent textes et images qui suivent.
Au début, une Grotte de style « Nymphée »
« Marie de Médicis avait envisagé pour la décoration du jardin du palais qu’elle venait de faire construire à Paris, dans le faubourg Saint-Germain-des-Prés, nombre de grottes, fontaines, bassins et terrasses avec jeux d’eau. Aujourd’hui, seule la fontaine Médicis est le témoignage des réalisations souhaitées par la reine.
La Grotte du Luxembourg
La reine voulait retrouver l’atmosphère des nymphées et fontaines des jardins italiens de son enfance, en particulier celle de la grotte de Buontalenti dans les jardins de Boboli à Florence.
La Grotte de Buontalenti, en Italie, conçue pour François 1er de Médicis, entre 1582 et 1593
Elle en confia la réalisation à l’ingénieur florentin Thomas Francine, qu’elle avait par ailleurs chargé de conduire les eaux de Rungis jusqu’à Paris.
C’est probablement lui qui, vers 1630, dessina les plans de la grotte et non Salomon de Brosse, l’architecte chargé de la construction du Palais du Luxembourg. »
La grotte du Luxembourg au XVIIe siècle Hyacinthe de La Peigna – Dessin à la plume, Paris, Musée Carnavalet Crédit photographique : Photothèque des Musées de la Ville de Paris/cliché : Andréani
Et la Grotte devint Fontaine
Ce n’est qu’à la fin du 18ème siècle que la Grotte devint Fontaine…
« En 1799, le Palais du Luxembourg devient le siège du Sénat conservateur. D’importants travaux sont menés tant dans le palais et ses dépendances que dans le jardin. La grotte n’est pas oubliée.
Chalgrin, alors architecte du palais, la fait restaurer. Il s’adresse aux sculpteurs Duret, Ramey et Talamona pour restituer les figures fluviales alors ruinées. Les armes des Médicis et de Henri IV sont remplacées par un simple rectangle à congélations. Il fait placer dans la niche principale une petite Vénus en marbre et transforme la grotte en fontaine en alimentant en eau le petit bassin situé au devant. »
Changement de site
Le saviez-vous? La Fontaine a été par la suite carrément déplacée !
« C’est au moment du percement de la rue Médicis, au début des années 1860, que les changements les plus importants intervinrent. Le nouveau tracé du préfet de la Seine, le Baron Haussmann, nécessitait la destruction d’une partie des dépendances du Sénat et le déplacement de la fontaine Médicis.
Plan représentant le jardin du Luxembourg à la fin du XVIIe siècle Document conservé au Centre historique des Archives Nationales (O/11687/B pièce 732).
Ce percement, pratiqué en grande partie aux dépens du jardin du Luxembourg, souleva de vives protestations. Le projet d’Haussmann fut violemment combattu. Le Sénat, par l’intermédiaire de son architecte, Alphonse de Gisors, présenta un contre-projet. Le gouvernement passa outre. Au moment où les travaux allaient commencer, quinze opposants au projet adressèrent en décembre 1860 une pétition au Sénat qui eut pour conséquence l’ajournement des travaux jusqu’à la fin de l’année 1861.
La grotte fut finalement déplacée en 1862. Elle fut démontée, pierre par pierre, et rapprochée du palais d’environ trente mètres. Alphonse de Gisors restitua alors la couronne et les armes de France et des Médicis. Il fit construire au devant, entre deux rangées de platanes, un bassin long d’une cinquantaine de mètres qu’il orna de vasques. »
L’eau jaillit du bec du Cygne…
L’arrière de l’édifice constitue la fontaine proprement dite, et c’est de Zeus, transformé en Cygne pour mieux séduire la belle Léda, que coule l’eau, entre les jambes de celle-ci, en un symbole puissant renforcé par le voisinage d’un jet d’eau.
Le « pont » du 11 novembre a permis aux Parisien-ne-s et touristes de profiter de belles journées ensoleillées… Et ils et elles étaient en nombre dans le jardin du Luxembourg, à se promener, se prélasser ou bavarder assis sur les fauteuils verts d’eau, s’occuper d’enfants, pratiquer le tennis, jouer aux échecs, voire au bridge (c’était la première fois que je voyais cela!)…
Jamais non plus je n’avais vu les chrysanthèmes orner les vasques… ce qui m’a laissée interrogative… Etait-ce idoine?
Les petits navires voguent, voguent, voguent, comme ils le faisaient déjà lorsque je me promenais, jeune étudiante revenant de la Sorbonne…
Visiblement, le vent vient du Nord-Est!
La Statue de la Liberté ne veille pas que sur New-York… Et je me suis demandé si la différence de taille était proportionnelle à la différence de superficie…
Un superbe Gingko Biloba veille sur elle.
Il vient de Virginie, comme nous l’apprend une plaque expliquant qu’il a été offert en 1993 à l’occasion du 250ème anniversaire de la naissance de Thomas Jefferson…
Je vous laisse faire le calcul!
Les ramures qui me surplombent flamboient encore, pour certaines, tandis que des arbres sont déjà dépouillés pour l’hiver qui approche.
Il est toujours des statues à découvrir, et d’autres que l’on aime revoir. Comme le faune dansant, que j’ai déjà placé sur ce blog, ou encore l’acteur grec…
Est-il au Panthéon des acteurs, ou sort-il de notre Panthéon ? Et pourquoi tourne-t-il le dos à notre Panthéon ?
J’aimerais être Doisneau pour « saisir » les scènes qui se déroulent sous mes yeux. Mais je tente malgré tout, comme pour ce « couple » hors du temps.
Mais c’est l’heure de la Vérité, cette étrange statue que je découvre pour la première fois, moi qui suis allée et continue à aller si souvent dans ce Jardin!
« Une légende allemande du XIIe siècle décrit en détail comment, à travers la bouche, le diable — identifié à Mercure(dieu protecteur des commerces et aussi des escroqueries) — retint longuement la main de Julien (qui avait escroqué une femme et devait jurer sur cette idole sa bonne foi) lui promettant à la fin le rachat de son âme misérable et de grandes fortunes s’il remettait au goût du jour les divinités païennes.
Dans une autre légende allemande datant de deux siècles après celle-ci, nous retrouvons l’image de la bouche qui « n’ose pas » mordre la main d’une impératrice romaine qui — bien qu’elle eût effectivement trahi son époux — trompe la bouche par un stratagème logique. »
C’est à Rome, dans la paroi de l’église Santa Maria in Cosmedin que l’on trouve un bas-relief datant du 1er siècle, dénommé « Bocca della Verita » (« Bouche de la Vérité »).
Pourquoi vous narrer cela? Tout simplement parce que j’ai recherché l’origine du symbole représenté dans la statue dont je parlais, la Bouche de la Vérité.
Le grand jeu lors de ma dernière promenade au Luxembourg (dont je ne vous ai pas encore parlé…) était d’observer les statues… Pour diverses raisons que je n’évoquerai point ici, cela risque de vous ennuyer.
L’une de celle-ci représente la Velléda… ce qui aussitôt m’a fait remémorer le poème de Verlaine que j’aime tant, avec cette statue végétant dans le fond du « petit jardin » des souvenirs de l’artiste. Si ma mémoire est bonne, je vous en ai déjà dit un mot, mais, tant pis, parfois bisrepetita placent…
Ayant poussé la porte étroite qui chancelle, Je me suis promené dans le petit jardin Qu’éclairait doucement le soleil du matin, Pailletant chaque fleur d’une humide étincelle. Rien n’a changé.
J’ai tout revu : l’humble tonnelle De vigne folle avec les chaises de rotin… Le jet d’eau fait toujours son murmure argentin Et le vieux tremble sa plainte sempiternelle.
Les roses comme avant palpitent, comme avant Les grands lis orgueilleux se balancent au vent. Chaque alouette qui va et vient m’est connue.
Même, j’ai retrouvé debout la Velléda Dont le plâtre s’écaille au bout de l’avenue, – Grêle, parmi l’odeur fade du réséda.
Mais la Velléda a-t-elle existé? Voilà ma curiosité aiguisée… Jolies jambes bien que des chevilles un peu épaisses, superbe poitrine, air pensif imitant l’oeuvre de Rodin… Dans la statuaire, elle est souvent représentée avec cet air pensif… Mais rien d’étonnant, si l’on sait que c’est le même sculpteur qui est à l’origine des bronzes conservés en France et de la statue dont je parle…
Maindron, Hippolyte (1801-1884) Velléda. vers vers 1838 . Bronze. H. 45,8 x L. 15,7 x P. 18 cm.
Qui était-elle donc, disais-je? Tacite en parle dans La Germanie. »Vidimus sub divo Vespasiano Veledam diu apud plerosque numinis loco habitam; sed et olim Albrunam et complures alias venerati sunt, non adulatione nec tanqua facerent deas. »
L’historien l’aurait peut-être vue comme l’évoque le « vidimus » du début de la phrase ? C’est possible, car elle a été amenée à Rome en tant que prisonnière, selon Stace, Sylv., I, 4, 90: « Captivæque preces Veledæ« .
S’il l’a vue, me direz-vous, c’est qu’il et elles vivaient à la même époque… ça se précise! Et, comme vous savez que Tacite est né en 53 ou 54 après Jésus-Christ… et ce devait être une personnalité extraordinaire, si l’on en croit les récits historiques.
» Munius Lupercus, commandant d’une légion, fut envoyé en présent à Veleda. (4) Cette fille, de la nation des Bructères, jouissait au loin d’une grande autorité, fondée sur une ancienne opinion des Germains, qui attribue le don de prophétie à la plupart des femmes, et, par un progrès naturel à la superstition, arrive à les croire déesses. (5) Veleda vit alors croître son influence, pour avoir prédit les succès des Germains et la ruine des légions. (6) Lupercus fut tué en chemin. (7) Un petit nombre de centurions et de tribuns, nés en Gaule, restèrent comme otages entre les mains de Civilis. (8) Les quartiers des cohortes, de la cavalerie, des légions, furent saccagés et brûlés; on ne conserva que ceux de Mayence et de Vindonissa. »
Après l’avoir située dans le temps, vous pouvez désormais la situer dans l’espace… Vous voyez où sont les Bructères, à l’ouest de la Germanie, bien loin des Goths et autres Vandales?
Elle a joué un rôle diplomatique entre les Romains et les Germains, et, lors de la défaite en 77 (ou 78, n’ergotons pas), elle fut effectivement amenée à Rome pour le « triomphe ». Car oui, il y avait des Germains dans les limites du « limes », et d’autres qui étaient restés libres, comme les Bataves… Mais tout ceci est bien compliqué. Donc, célèbre, courageuse, diplomate… Quoi d’autre?
On la dit « prophétesse »… En tout cas, on a retrouvé une stèle qui se rit de cet aspect de Velléda… En voici un extrait de la présentation dans la Revue des Etudes Grecques en 1948.
L’inscription a été trouvée près d’un grand temple, construit à partir du vie s. av. J.-C. au S.-E. et à peu de distance de l’acropole d’ Ardéa et dont il reste le soubassement. C’est « un fragment d’une mince plaque de marbre pentélique, qui mesure 0 m. 165 de largeur, autant de hauteur, 0 m. 025. d’épaisseur, brisée de tous côtés sauf à la partie inférieure. Les lettres, gravées assez grossièrement et hautes de 11 ou 12 mm., semblent appartenir à la fin du Ier ou au début du IIème siècle de notre ère. En négligeant une première ligne, dont il reste des vestiges indéchiffrables, on lit» (P. 164. — Βελήδαν vac. — ]λευητις έδει ποιευχ[θαι — μακρης περί παρθενο[ — ην οι ‘Ρηνοπόταΐ σέβουσι — 5 — φρίσσοντες χρυτέης κερα[ — — ]ν αργή ν « να μή τρεο[ — — ]αι γαλκοϋν απο[Αυσσέτω —
Si vous voulez en lire davantage, c’est ici... Et voici la traduction proposée dans ce texte :
« Oracle concernant Vèléda.
Tu te demandes ce qu’il te faut faire de la vierge à la haute taille que les buveurs de Rhin révèrent en tremblant ? Qu’avec des pinces d’or maintenant, pour n’avoir pas à la nourrir oisive, elle mouche un nez (?) tout de bronze »
D’accord, cela reste bien hermétique, mais on a une idée de sa stature et de son aura… pour ne pas dire de son statut… sans jeu de mots aucun!
Pas étonnant dès lors que des écrivains nourris aux lettres grecques et latines s’en soient emparées… Chateaubriand la fait revivre dans le récit d’Eudore, dans les Martyrs. Celui-ci tomba amoureux de la belle Gauloise.
« Sa taille était haute ; une tunique noire, courte et sans manches, servait à peine de voile à sa nudité. […] La blancheur de ses bras et de son teint, ses yeux bleus, ses lèvres de rose, ses longs cheveux blonds qui flottaient épars, annonçaient la fille des Gaulois, et contrastaient, par leur douceur, avec sa démarche fière et sauvage. Elle chantait d’une voix mélodieuse des paroles terribles, et son sein découvert s’abaissait et s’élevait comme l’écume des flots. » (source)
L’auteur a puisé à des sources littéraires et historiques les bases de la création de son héroïne, comme il l’explique lui-même dans les Remarques : Strabon, Denys le Voyageur et Pomponius Mela. Il semble que ce soit ce dernier qui lui a inspiré l’idée de situer Velléda parmi les prêtresses d’une île que j’aime beaucoup : l’île de Sein. C’est d’elle dont il est question dans l’exhortation de Velléda, au livre IX.
« O île de Sayne, île vénérable et sacrée ! je suis demeurée seule des neuf vierges qui desservaient votre sanctuaire. Bientôt Teutatès n’aura plus ni prêtres ni autels. Mais pourquoi perdrions-nous l’espérance ? J’ai à vous annoncer les secours d’un allié puissant : auriez-vous besoin qu’on vous retraçât le tableau de vos souffrances, pour vous faire courir aux armes ? Esclaves en naissant, à peine avez-vous passé le premier âge, que des Romains vous enlèvent. Que devenez-vous ? Je l’ignore. Parvenus à l’âge d’homme, vous allez mourir sur la frontière pour la défense de vos tyrans, ou creuser le sillon qui les nourrit. Condamnés aux plus rudes travaux, vous abattez vos forêts, vous tracez avec des fatigues inouïes les routes qui introduisent l’esclavage jusque dans le coeur de votre pays : la servitude, l’oppression et la mort, accourent sur ces chemins en poussant des cris d’allégresse, aussitôt que le passage est ouvert. Enfin, si vous survivez à tant d’outrages, vous serez conduits à Rome : là, renfermés dans un amphithéâtre, on vous forcera de vous entre-tuer, pour amuser par votre agonie une populace féroce. Gaulois, il est une manière plus digne de vous de visiter Rome ! Souvenez-vous que votre nom veut dire voyageur. Apparaissez tout à coup au Capitole, comme ces terribles voyageurs vos aïeux et vos devanciers. On vous demande à l’amphithéâtre de Titus ? Partez : obéissez aux illustres spectateurs qui vous appellent. Allez apprendre aux Romains à mourir, mais d’une tout autre façon qu’en répandant votre sang dans leurs fêtes : assez longtemps ils ont étudié la leçon, faites-la-leur pratiquer. Ce que je vous propose n’est point impossible. Les tribus des Francs qui s’étaient établis en Espagne retournent maintenant dans leur pays ; leur flotte est à la vue de vos côtes ; ils n’attendent qu’un signal pour vous secourir. Mais si le ciel ne couronne pas vos efforts, si la fortune des Césars doit l’emporter encore, eh bien ! nous irons chercher avec les Francs un coin du monde où l’esclavage soit inconnu. Que les peuples étrangers nous accordent ou nous refusent une patrie, terre ne peut nous manquer pour y vivre ou pour y mourir. » (source)
Pomponia avait en effet fait état de la présence de neuf (novem) vierges pour l’oracle de Sein.
« Sena in Britannico mari, Osismicis adversa littoribus, Galici numinis oraculo insignis est : cujus antistites, perpetua virginitate sanctae, numero novem esse traduntur : Barrigenas vocant, putantque ingeniis singularibus praeditas, maria ac ventos concitare carminibus, seque in quae velint animalia vertere, sanare quae apud alios insanabilia sunt, scire ventura et praedicare : sed non nisi deditas navigantibus, et in id tantum ut se consulerent profectis. » — Pomponius Mela, Chorographie, III, 6.
Chateaubriand savait qu’il existait une controverse à ce sujet, mais peu lui importait (je cherche désespérément l’imparfait de « challoir » : « peu lui chaulait »?)…
« “ Strabon diffère de ce récit, en ce qu’il dit que les prêtresses passaient sur le continent pour habiter avec des hommes. J’avais, d’après quelques autorités, pris cette île de Sayne pour Jersey ; mais Strabon la place vers l’embouchure de la Loire. Il est plus sûr de suivre Bochart (Géograph. sacr., pag. 740), et d’Anville (Notice de la Gaule, pag. 595), qui retrouvent l’île de Sayne dans l’île des Saints, à l’extrémité du diocèse de Quimper, en Bretagne. ” — “ Les Martyrs ”, Remarques sur le Livre IX, p. 155.
Permettez-moi une petite parenthèse historique?
Eudore est l’archétype de l’interculturel. D’origine grecque, et j’ose dire illustre, puisque descendant du héros de la guerre de Troyes Philipoemen, il est né en Arcadie, qui est devenue province romaine. Il sert donc l’armée de Dioclétien, mais connaît le poids de la colonisation. Si l’on ajoute à cela qu’il est chrétien…
Des parallèles ont été faits entre les périodes historiques. Ainsi, Paul Bénichou y voit un argumentaire pour la vision sociale de la religion chrétienne source de Liberté à la veille de la Révolution de 1789. Jean Marin, lui, rapproche cet épisode de la période où il était, en 1940, avec De Gaulle en Angleterre…
Mais revenons au roman…
Les amours réciproques d’Eudore et de la Gauloise Velléda appartiennent au Panthéon des Amours Impossibles. Il fallait donc que l’un-e des deux mourût… Devinez qui? Mais oui, bien sûr, la Femme… (notez que c’est souvent le cas!)
Et le romantique en lui se délecte à décrire le sacrifice de celle-ci. L’épisode se déroule au cours d’une bataille qui met en danger de mort Ségenax, qui n’est autre que le père de Velléda. Eudore cherche à le sauver, et y parvient.
« Dans ce moment, un char paraît à l’ extrémité de la plaine. Penchée sur les coursiers, une femme échevelée excite leur ardeur, et semble vouloir leur donner des ailes. Velléda n’ avait point trouvé son père. Elle avait appris qu’ il assemblait les gaulois pour venger l’ honneur de sa fille. La druidesse voit qu’ elle est trahie, et connaît toute l’ étendue de sa faute. Elle vole sur les traces du vieillard, arrive dans la plaine où se donnait le combat fatal, pousse ses chevaux à travers les rangs, et me découvre gémissant sur son père étendu mort à mes pieds. Transportée de douleur, Velléda arrête ses coursiers, et s’ écrie du haut de son char : » Gaulois, suspendez vos coups. C’ est moi qui ai causé vos maux, c’ est moi qui ai tué mon père. Cessez d’ exposer vos jours pour une fille criminelle. Le romain est innocent. La vierge de Sayne n’ a point été outragée : elle s’ est livrée elle-même, elle a violé volontairement ses voeux. Puisse ma mort rendre la paix à ma patrie ! « Alors, arrachant de son front sa couronne de verveine, et prenant à sa ceinture sa faucille d’ or, comme si elle allait faire un sacrifice à ses dieux : » Je ne souillerai plus, dit-elle, ces ornements d’ une vestale ! « Aussitôt elle porte à sa gorge l’ instrument sacré : le sang jaillit. Comme une moissonneuse qui a fini son ouvrage, et qui s’ endort fatiguée au bout du sillon, Velléda s’ affaisse sur le char ; la faucille d’ or échappe à sa main défaillante, et sa tête se penche doucement sur son épaule. Elle veut prononcer encore le nom de celui qu’ elle aime, mais sa bouche ne fait entendre qu’ un murmure confus : déjà je n’ étais plus que dans les songes de la fille des Gaules, et un invincible sommeil avait fermé ses yeux. » (source)
En lisant ce passage, j’ai compris une erreur que j’avais commise lors de mon observation des statues. Je ne m’étais, à vrai dire, pas posé de questions. Pour moi, ce qui figurait à la ceinture de la Dame était un croissant de lune! Mais non, bien sûr, c’est la faucille des Druides et Druidesses…
Ainsi, dans la simple évocation de la statue endormie dans « le petit jardin », c’est tout un univers que réveille Verlaine… La fureur des armes et la sagesse des mots, l’ardeur d’une héroïne et la passion d’une humaine, la Terre et la Mer… Le feu et l’eau… et l’histoire de peuples vaincus qui ne peuvent se soumettre.
On comprend pourquoi cette figure légendaire a inspiré tant de plumes et de pinceaux, tant de marteaux et de couteaux… En voici un petit florilège, choisi non pour l’esthétique mais pour la diversité des interprétations.
Un air de ressemblance, me direz-vous? Certes, puisqu’elles sont les oeuvres du même sulpteur, Laurent Honoré Marqueste. Je ne vais pas vous ennuyer avec leur histoire, mais sachez qu’elles datent des environs de 1875 et que vous pouvez en voir à Paris comme à Toulouse…
Dix ans plus tard, Louis Edouard Paul Fournier dessinait « La dernière prophétie de Velléda », visible au musée de Morlaix.
C’était alors une véritable mode, à laquelle cédèrent aussi des peintres.
André Charles Voillemot , Velléda (vers 1869) (source)
Un petit détour humoristique, pour montrer l’exploitation qui en fut faite par un publiciste qui avait pu voir certaines de ces oeuvres, car il a vécu dans la seconde moitié du 19ème siècle.
Je suis immédiatement allée chercher ce qu’était « Acatène »…
« Acatène » est le nom d’une marque de bicyclette commercialisée par la compagnie parisienne La Métropole à partir du milieu des années 1890. Ce terme décrit littéralement le système de transmission « sans chaîne » appliqué au cycle. À cette période, les constructeurs se livrent à une véritable « guerre des chaînes », depuis que Henry J. Lawson a présenté en 1879 une bicyclette à traction arrière par chaîne. Mais la solidité fait encore défaut à ce type de transmission et les fabricants réfléchissent à d’autres solutions comme sur ce modèle Acatène où la roue arrière est entraînée par un jeu d’engrenages coniques. Le système obtient un certain succès dans les courses en 1897 et 1898, mais il s’avère cependant moins efficace au démarrage et en côte que les bicyclettes à chaîne, technologie encore utilisée sur les cycles modernes en raison de sa facilité d’entretien et de sa robustesse. » (source)
J’aurais pu le deviner : a (sans) catena (chaîne). Mais alors, quel lien avec Velléda? Aucune idée!!! et vous?
Un opéra porte le nom de la célèbre Gauloise, comme en atteste cette autre affiche.
« L’opéra Velléda a également été représenté à Rouen le 18 avril 1891, où il était impatiemment attendu. Malgré les succès de Velléda à Londres en 1882 et à Rouen en 1891, ce fut la seule œuvre Lyrique du compositeur normand représentée au Théâtre des Arts. » (source)http://www.musimem.com/lenepveu.htm
Je ne suis pas parvenue à en trouver les paroles… Vous pouvez m’y aider?
Du coup, j’ai appris qu’en réalité l’Italie s’était amourachée de Velléda bien avant la France. Pas mois de trois opéras entre 1820 et 1840, comme l’atteste cette histoire des opéras, pardon, ce dictionnaire.
De fil en aiguille, j’ai appris que Dukas avait aussi composé une Velléda…
« La musique de Dukas est si rare qu’on ne saurait trop se réjouir de la redécouverte d’une de ses œuvres oubliées. Le compositeur d’Ariane et Barbe-bleue, très exigeant envers lui-même, avait en effet la fâcheuse habitude de détruire toutes les partitions dont il n’était pas satisfait. Heureusement, grâce à l’honorable institution du Prix de Rome, une de ses œuvres de jeunesse a été préservée et, sous les auspices du Palazzetto Bru Zane, elle a revu le jour en 2011 à Venise. Ayant obtenu en 1888 le second grand prix avec sa cantate Velléda (le jury lui a préféré la version de Camille Erlanger), Dukas ne parvint pas à remporter le Premier Prix l’année suivante comme on pouvait l’espérer : en 1889, sa Sémélé ne lui valut aucune récompense. Justement, plutôt que de proposer une énième enregistrement de L’Apprenti sorcier, n’aurait-il pas été judicieux de graver cette cantate malheureuse, pour accompagner Velléda ? La musique composée par l’impétrant en 1888 est d’une telle finesse, d’une telle originalité, qu’on en aurait bien repris une dose. Chantal Santon est une magnifique prêtresse gauloise, aux côtés d’un Julien Dran vaillant mais éprouvé par une tessiture très tendue. Jean-Manuel Candenot leur donne une réplique plus qu’adéquate dans le plus bref rôle de Ségénax. L’ouverture Polyeucte, composée peu après, est moins éblouissante que les premières pages de Velléda, mais elle vient elle aussi compléter notre connaissance du trop perfectionniste Dukas. [Laurent Bury] » (source)
Une partie est en ligne sur YouTube (prélude) ou encore ici (acte 3).
Je ne puis achever cette liste sans rendre hommage à la vision dépouillée et très anachronique de l’illustre Corot, visible au Louvre.
Les liens avec la Bretagne vous sont aussi, je l’espère, tout aussi désormais compréhensibles.
Jules-Eugène Lenepveu (1819-1898), Velléda, effet de lune, 1883. (source)
Voici le commentaire du Musée de Bretagne :
« Dans ce tableau, à la suite de Corot ou de Cabanel, il a choisi d’illustrer le thème de Velléda, la druidesse de l’île de Sein, qui souleva son peuple contre la domination romaine et qui a été immortalisé par Chateaubriand dans Les Martyrs. Velléda apparaît au romain Eudore qui s’en éprend.
La celtomanie ambiante en fit un thème à la mode dans la peinture, la sculpture ainsi que dans la musique à partir de la seconde moitié du XIXe siècle. La composition particulièrement théâtrale, avec une vue de Velléda en contreplongée qui se détache en clair-obscur sur le fond d’un paysage baigné d’une lumière crépusculaire, témoigne des activités parisiennes du peintre de décors. L’ensemble de la toile est traitée dans une facture académique à l’aide d’une matière lisse et onctueuse dans une gamme colorée relativement monochrome : un camaïeu de bleu, de gris, de vert et de brun qui s’estompe dans le lointain dans un effet de brume, à peine rehaussé d’une pointe d’un blanc plus épais dans le traitement des vagues et de l’écume, seule touche impressionniste dans une peinture romantique héroïque et lyrique. »
On voit comment ce qui ne constitue que des hypothèses liées aux lectures de textes anciens est ici interprétée comme une « vérité » servant la cause…
Il faut avoir le courage de faire la queue en plein vent, sans soleil possible, pour entrer au Musée du Luxembourg, qui n’a visiblement pas vraiment réussi à organiser les files anticorona… Cela en vaut-il la peine? Je ne sais pas… Pour une fois, un avis assez mitigé…
Certes, il y a les magnifiques tirages du célèbre photographe, que l’on a plaisir à voir ou à revoir…
J’ai pour ce qui me concerne aussi beaucoup apprécié de (re) découvrir les magazines de mode et d’observer leur évolution entre le début du XXème siècle et les années 30-40 (je n’en place pas en photos, car elles sont toutes ratées pour cause de vitrines non anti-reflet… d’ailleurs vous retrouverez des photos de l’exposition dans la partie « plaisirs de la photo », série « Reflets »).
Et de percevoir la créativité du photographe qui s’amuse à superposer par exemple…
Le résultat…
Une des originales…
Un point amusant : la brouette capitonnée de rouge, qui servait de support aux mannequins et belles dames pour les photographies…
J’ai aussi apprécié certains bustes de cire, pour le moins suggestifs…
Cette « suggestivité » (toujours mon vilain goût pour les néologismes!), on la retrouve bien sûr dans certaines photographies, telles que celle-ci.
Et plus que suggestives, deux photographies du fondateur de la Maison Worth dans le plus simple appareil. Pour ne pas vous choquer, je n’ai gardé ici que la photo de dos…
Quant à la mode, elle est représentée par quelques robes de grands couturiers, mais qui semblent plutôt fades…
… à une exception près, avec ce superbe décolleté…
Le titre de l’exposition m’a questionnée… Un peu simpliste, dans la mesure où il a rattaché à la mode différents aspects des choix de l’artiste et des évolutions sociétales. Pour n’en citer que quelques-uns : le rapport aux grandes maisons de couture (Worth, Chanel, etc.); la mise en scène des mannequins de profession (mais aussi de ses amies…); la présentation de quelques modèles, plutôt tristounette dans l’ensemble; l’évolution des magazines de mode, mettant en relief par exemple les conseils donnés aux dames de la haute société pour s’habiller en fonction des saisons et des circonstances… et j’en oublie… parfois le lien est bien mince.
Un autre regret, bien que je reconnaisse que ce n’est pas l’objet de l’exposition : le manque d’explications techniques, permettant d’apprécier l’art du photographe.
Un plaisir des yeux cependant, que quelques-uns des chefs d’oeuvre de Man Ray… Résultat : avis positif, finalement!