Lorsque je suis arrivée à Nice après 10 mois d’absence, j’ai trouvé l’un des citronniers mort, et l’autre bien malade.
Un fruitier égrotant!
Le premier a été coupé et remplacé par un « jeunot », acheté en Italie. Le second a été rafraîchi, et arrosé consciencieusement chaque jour… Et le voici qui semble revivre! Des fleurs sont apparues…
Et les rares petits fruits qu’il portait croissent désormais normalement.
Quel bonheur de voir renaître l’arbre! Je voulais le partager avec vous… comme j’en profite pour vous rappeler ou faire connaître ce beau poème de Machado.
Le citronnier suspend alangui une branche pâle et poussiéreuse sur l’enchantement de la fontaine limpide, et là-bas, tout au fond, rêvent les fruits d’or… C’est une claire après-midi, quasi printanière, tiède après-midi de mars qui porte déjà le souffle d’avril; et je suis seul, dans le patio silencieux, recherchant une vieille et candide illusion : quelque ombre sur le mur tout blanc, quelque souvenir, dormant sur la margelle en pierre de la fontaine, ou bien, dans l’air, quelque errance de tunique légère. Dans l’atmosphère de l’après-midi flotte cet arôme d’absence qui dit à l’âme lumineuse : jamais, et au coeur : attends. Cet arôme qui évoque les fantômes des fragrances vierges et mortes. Oh! oui, je me souviens de toi, après-midi joyeuse et claire, quasi printanière, après-midi sans fleurs, lorsque tu m’apportais les bonnes senteurs de la verveine et du basilic que ma mère gardait dans des pots de terre. Tu m’as vu plonger mes mains pures dans l’eau sereine, pour atteindre les fruits enchantés qui rêvent aujourd’hui au fond de la fontaine… Oh! oui, je te connais, après-midi joyeuse et claire, quasi printanière. (Antonio Machado)
La chaleur monte à Nice, et il y a beaucoup (trop?) de monde sur les plages… Le moment rêvé pour une escapade en montagne!
Direction : le Col de Turini. Envie de respirer l’odeur des pins et sapins qui font la spécificité de ce coin du Mercantour…
Aller par la Vallée de la Vésubie. Pas par la route du fond, censée être plus rapide (mais est-elle accessible après la catastrophe de cet hiver? et puis je préfère celle des sages muletiers d’autrefois, en hauteur à flanc de montagne). Donc passage au Saut des Français à Duranus, avant de redescendre sur Saint Jean la Rivière. Et là, les dégâts commencent à être visibles, ainsi que les travaux gigantesques engagés à leur suite. Mais je n’irai pas jusqu’à Saint Martin… direction La Bollène. Quelques lacets, et on y est. Mais le restaurant repéré sur Internet avant le départ, annoncé à La Bollène, se situe… au-delà du Col de Turini, ainsi que me l’annonce la dame qui répond au téléphone (en l’absence de connexion, on revient aux anciennes technologies!)
Donc de nouveaux lacets… Et de l’admiration pour toutes et tous les cyclistes doublés dans la montée!
Passage au Col où quelques sportifs et de rares touristes se rafraîchissent aux terrasses des cafés/restaurants, puis montée vers Camp d’Argent, la station de ski.
Une maison plutôt défraîchie, mais une belle terrasse… L’Authion… C’est bien là… Une carte sur une ardoise un peu effacée le confirme : « Jean-Jean vous propose… »
Installation sur une table avec belle vue sur la forêt et la vallée… Il fait bon, le soleil brille…
Au menu, entre autres : une « cassolette », du lapin grillé, de la daube, des raviolis, de la tarte aux myrtilles… Voilà qui est alléchant…
La cassolette est délicieuse.
La patronne (71 ans) explique qu’elle est faite à partir des champignons fraîchement cueillis et de « chénopode bon-Henri » (je lui ai fait écrire!). Ainsi j’ai découvert une plante que je ne connaissais pas, et appris depuis qu’elle avait de nombreuses vertus… Autrement parfois appelée « épinard sauvage »…
Appris aussi l’origine (ou la légende) du nom : Henri IV aurait encouragé la culture de cette plante aux vertus médicinales et gustatives…
La même plante a servi à farcir les délicieux petits ravioli qui accompagnent une daube savoureuse et un lapin grillé à point. Au dessert, tarte (j’aurais tendance à dire « tourte » car elle est couverte) aux myrtilles et tarte aux framboises se disputent la vedette.
C’est bien le patron qui fait la cuisine, encore, à 82 ans… et la patronne qui sert. Un accueil chaleureux, qui s’achève sur le genépi offert… Bref, une adresse comme on en trouve beaucoup trop rarement…
Pendant le repas, une pluie d’orage. Les autres clients se réfugient à l’intérieur. Et c’est un délice de continuer à déguster sous un vaste parasol devenu parapluie, avec l’odeur des sapins amplifiée par l’humidité, dans la tranquillité ambiante…
Petite sieste ensuite au-dessus de la station, avec une vue splendide sur le Mercantour et la Vallée des Merveilles.
Mais il faut penser à redescendre, à regret.
Arrêt à la Vacherie de Mantegas. Le coin regorge de vacheries, où l’on peut acheter la tome, le brousse et la brousse… ce que je fais auprès de la vachère, qui m’explique ses déboires avec les touristes…
Vacherie de Mantegas
Tome et brousse achetés, la descente continue. Nouvel arrêt, cette fois pour aller voir ce qui est indiqué comme « table d’orientation ». En fait, je découvre qu’il y a deux tables. Que plus d’un siècle séparent…
On commence donc par la plus récente, qui offre un panorama allant, si on l’en croit, jusqu’à la Corse. En l’occurrence, la brume empêchait même de bien percevoir le Pic de l’Ours… Comment aller à l’autre, que l’on aperçoit au lointain? Un escalier s’offre en contrebas… Essayons?
Les marches plient mais ne rompent pas… ouf! Ce n’est pas fini… Il faut maintenant descendre d’autres marches, plus solides certes, mais aussi plus irrégulières…
Un banc sur le côté… Mais difficile d’en profiter… Il évoque plutôt un squelette!
Enfin l’on parvient à la vénérable table, qui a passé la centaine depuis quelques années!
Dans toutes les directions, la vue est superbe, malgré le temps capricieux…
Nous pouvons observer que la route empruntée le matin même, pour passer de La Bollène au Col de Turini, n’est pas enregistrée. Mais celle du retour l’est bien…
Il ne reste plus qu’à retourner à la première table, bien campée sur son éperon rocheux, là, au-dessus…
Au passage, nous saluons deux travailleurs ou travailleuses, qui butinent sans relâche…
Au fait, qui pourrait me dire ce que sont ces insectes, que je n’ai jamais vus?
J’ai retrouvé avec plaisir Nissa la Bella et la chaleur, le ciel bleu et mes citronniers. L’un d’entre eux a souffert, une branche est à moitié cassée, et je me suis surprise à rechercher hier sur le net comment soigner l’arbre qui égaie tellement la verdure et dont le jaune tranche sur le bleu profond du ciel méditerranéen!
Les citrons, il y en a ici toute l’année, c’est incroyable! Et, cette fois, ils sont encore plus beaux et plus nombreux que d’habitude… Je sens que je vais aller solliciter mon voisin italien et son épouse nissarde pour qu’il et elle m’aident à faire du Limoncello avec cette abondante récolte.
Limone nella Villa Felicita, Georges Oucif
Le citron sous tous ces aspects…
De la citronnade fraîche au Mojito, une évocation d’été et de chaleur… De la rondelle dans le Martini à l’apéritif au Limoncello en digestif, il encadre les bons repas… Du jus intégré à la sauce crème fraîche des coquilles Saint Jacques à celui que l’on verse délicatement avec l’huile d’olive vierge sur un délicieux poisson, il aggrave ma gourmandise.
Ingrédient d’un savon qui prend parfois sa forme, d’une lingette parfumée prête à effacer sur nos mains les odeurs désagréables, ou noyé, en tranche, dans une coupelle d’eau tiède comme « rince-doigts », il embaume notre peau, comme les parfums dans la composition desquels il entre si souvent…
Sur ses arbres nourriciers, le fruit est un mini-soleil, reproduit à foison.
Et comment ont fait les Mentonnais privés cette année de la Fête et de ses chars?
Jonchant le sol hier, un citron a attiré notre regard, et un ami l’a photographié… Je vous présente donc « Monsieur Citron ».
Une nouvelle salle d’exposition à Nice : le bagne a été rénové, et propose un espace réduit et sombre, certes, mais propice à l’intimité de la découverte artistique.
C’est lui qui accueille cette année une exposition dédiée à Soulages, qui, pour moi, faisait écho à celle que j’avais vue au Louvre cet hiver. Très différente pourtant, tant pas le contenant que par le contenu.
Autant au Louvre les vastes et hautes salles accueillaient des tableaux aux dimensions exceptionnelles, autant celle-ci concerne certes quelques peintures – de moindre taille – mais surtout les autres techniques explorées et exploitées par le peintre, ainsi que son univers artistique.
Le bagne et la Tour de l’Horloge, au Port de Nice
Elle s’ouvre sur un dialogue entre la peinture de Soulages et l’écriture de Léopold Sédar Senghor.
Les débuts de l’Outrenoir sont évoqués dans la première salle, qui abrite des peintures.
Puis on passe dans une petite « chambrée » encore plus contingentée que le reste de l’édifice…
Celle-ci abrite un ensemble d’oeuvres picturales et sculpturales qui ont pour objectif annoncé de restituer l’environnement artistique de Soulages. Picasso et Miro y côtoient des statues africaines…
… et Victor Hugo rencontre la statue-menhir de la Verrière…
Burg, Victor Hugo
Statue-menhir de La Verrière (Aveyron)
La visite côté bagne s’achève sur une nouvelle série de peintures de Soulages, noir et brou de noix dominants. Il faut alors sortir sur le port, pour gagner la Tour de l’Horloge toute proche, monter deux étages et entrer dans ce bâtiment dont les fenêtres ont été occultées. Vous ne verrez pas beaucoup de photos de cette seconde partie de l’exposition, car la lumière faible n’a pas permis de réussir autre chose que des flous (non artistiques!) dans la plupart des cas…
La première salle est consacrée essentiellement à des lithogravures et eaux fortes.
On y voit aussi une affiche consacrée aux jeux olympiques de Münich, pour laquelle le peintre avait été pressenti. Au centre, une vitrine présente presque pêle-mêle des objets et des ouvrages… J’ai tenté d’en saisir la logique… Apparemment, ils auraient été rassemblés autour de la thématique « couleurs ». On y trouve par exemple la palette de Chagall.
Une partie de la salle présente les « élégies », accompagnées d’une oeuvre de Soulages, de textes de Léopold Sédar Senghor, avec mise en écho de tableaux d’autres peintres.
Elégie de Carthage, illustrée par Soulages
La collection des Elégies illustrées
Un des murs est consacré à des photographies de détails d’oeuvres, prises par deux artistes.
Une vitrine au centre de la pièce présente un aspect moins connu de l’artiste : ses critiques d’oeuvres d’autres époques et d’autres auteur-e-s.
Sur une table, près de la sortie, quelques-uns des « instruments » du peintre.
Il est temps de regagner la pleine lumière et le soleil méditerranéen, non sans un dernier regard sur l’oeuvre qui clôt l’exposition, en un sublime jeu d’ombres et de lumières si spécifique à Soulages…
Quand on m’a demandé ce que je pensais de cette exposition, mes premières réponses étaient enthousiastes. Découverte d’un nouveau lieu, plaisir de regarder tranquillement des oeuvres parfois moins connues, résonances avec l’Afrique… Toutefois un certain questionnement, qui perdure… Pourquoi n’avoir pas cherché à être plus explicite, et à permettre aux visiteur-e-s de mieux comprendre les choix et la logique des pièces exposées? Cela reste néanmoins une belle collection d’oeuvres à apprécier sereinement…
Il est temps de redescendre des sommets d’où la vue est si belle, à l’est comme à l’ouest, au nord comme au sud…
Mais en passant, nous accroissons ou rafraîchissons nos maigres connaissances en géologie… Comme je l’ai dit, l’eau est omniprésente sur le site. Sous forme de sources, de citernes, de canalisations, de fontaines… Mais aussi parce qu’elle est préservée par les propriétés du sol, constitué de « pudding »… euh non, pas le délice anglais… de « poudingue ». Etes-vous prêt à remonter entre 2,5 et 5 millions d’années ? Oui, au Pliocène, bravo! A cette époque, la mer couvrait ce qui est maintenant le Plan du Var, et dans son estuaire, au pied de la toute jeunette chaîne des Alpes, charriait sable et galets. Ce sont ces derniers qui, en se « cimentant », ont constitué le poudingue que l’on peut observer jusqu’au sommet du Parc.
Sa porosité permet la rétention de l’eau, qui ainsi favorise la végétation.
Croisement du chemin d’Apraxine, abandon du raccourci d’Augustin (le jeune) au profit des larges lacets de la route goudronnée qui nous ramène à la villa dont j’avais promis de vous parler précédemment, car nous en avions vu un aspect à la montée… C’est la Villa Vicina, qui servait d’atelier à Félicie d’Estienne d’Orves, peintre impressionniste. J’ai cherché en vain ses oeuvres sur le net, elle est effacée par une autre Félicie, artiste connue actuellement. Peut-être a-t-elle fréquenté Renoir, qui s’adonnait à l’art non loin de là?
La Villa est fermée, mais le guide nous parle d’un intérieur aux peintures bien conservées. L’extérieur, lui, l’est moins.
La Villa Vicina
Et l’on se demande pourquoi le bassin est emprisonné…
Il ne reste qu’à remercier notre guide, et une dernière fois nous remémorer tout ce que nous avons appris pour répondre à son petit quizz oral… Une autre promenade avec lui est prévue la semaine prochaine, au Paradou…
Un petit mot d’abord pour spécifier l’existence d’un parking gratuit en bas du parc. Eh oui! Dans cette ville où la gratuité du stationnement relève de l’improbable, cela est à souligner. Le rendez-vous avait donc été donné, par le responsable de l’animation, sur ce parking, d’où l’accès est direct sur l’entrée du parc, derrière le lycée Honoré d’Estienne d’Orves.
Celui-ci a été construit à l’emplacement de l’orangeraie du Domaine. Attention ! Ne faites pas comme la Parisienne (d’occasion) que je suis : l’orangeraie n’est pas un édifice tel que celui des Tuileries ou de Versailles. Il s’agissait d’une orangeraie, lieu où l’on plante des orangers et récolte des oranges. A vrai dire, au sens plus large, des agrumes, car dans cette région c’est davantage les citrons qui avaient et ont toujours la cote… Et pas seulement pour le Limoncello!
Villa Sorguebelle
A l’entrée du Parc, la Villa Sorguebelle (Belle Source) porte bien son nom, car juste en-dessous se situe un ancien lavoir et une très belle noria. D’après les informations disponibles, elle daterait de 1740 et aurait été utilisée pour le stockage des agrumes. Logique, car proche de l’orangeraie!
L’ancien lavoir
Je connais bien les norias, pour en avoir vu de nombreuses au Maroc jadis. Mais j’ignorais le nom qu’on donne à celles qui fonctionne à l’énergie animale ou humaine, ce qui était le cas de celle-ci : « noria à sang », comme celle qui a été trouvée au Parc de la Jarre à Marseille.
Une noria bien conservée
Ces éléments appartenaient aux jardins de l’Evêché tout proche autrefois, désormais disparus. Subsistent aussi des restes d’escalier en colimaçon.
Cette partie des jardins a été préservée, et est en cours de restauration, ce qui explique la mauvaise qualité des photographies, prises à contrejour car il est interdit de pénétrer dans l’enceinte… Mais j’y retournerai…
La montée commence doucement, jusqu’au premier lacet marqué par un eucalyptus superbe, d’une taille exceptionnelle. Sachant combien cette essence est réputée dangereuse quand elle atteint une certaine taille (un de mes amis est mort écrasé dans sa tente par un eucalyptus), je m’enquiers auprès du guide de l’explication de sa longévité. D’autant plus qu’il est tout proche du lycée.
Les eucalyptus ont besoin d’eau pour conforter leurs racines. Or il se trouve à cet endroit d’anciennes canalisations qui dateraient de l’époque romaine, et qui, percées, auraient facilité l’approvisionnement en eau de l’arbre… Alliance de la nature et de la culture?
Je ne retiens rien, mais j’aime découvrir. Notez que, plus la mémoire est faible, plus on a l’impression de toujours découvrir… rires…
Au pied de l’eucalyptus, des massifs d’une plante grasse, sorte de palmier nain, dont le guide nous parle longuement. Le « chamaerops humilis ». Attention, « humilis » ne signifie pas qu’on doit l’humilier… Non, simplement qu’il est « à terre » (vous connaissez l’humus?). Et il a une particularité : il est le seul représentant de son espèce. Pas d’autre « chamaerops ». Vous pensez bien qu’il est protégé! Ah si! le « chamerops ». Mais ce n’est pas une plante, c’est un jour de Floréal dans le calendrier républicain, le 14ème pour être précise. Comme quoi, il était déjà connu à cette époque… Ce sont les renards qui en assurent la reproduction.
Grenadier et chamerops humilis
Chemin faisant, je ne puis m’empêcher de tenter des photos pseudo-artistiques des végétaux rencontrés…
Nous continuons à monter tranquillement, jusqu’au moment où notre mentor nous fait emprunter « le raccourci d’Augustin » (attention, pas Augustin 1 mais son petit-fils… L’autre devait être trop vieux pour grimper ce chemin escarpé!!!). L’idée est de nous faire souffrir, c’est sûr, mais aussi de nous montrer des caroubiers… pour nous emmener jusqu’aux diamants. Connaissez-vous le point commun entre l’arbre et le diamant???
Une caroube
La cosse d’un caroubier, la caroube, contient toujours exactement le même poids de graines… et ce poids, c’est le « carat ». Il fallait le deviner!!! Vous connaissez ce poids? 0,2 grammes…
Nous continuons à grimper jusqu’à la plateforme sommitale, dont je vous parlerai bientôt, comme de la villa longée en montant, et où nous nous arrêtames plus longuement au retour…
Que j’aime découvrir de nouveaux coins de Nice! Et c’est ce que j’ai fait hier… Un Parc, en pleine ville, que je ne connaissais pas… Plus de 14 hectares ignorées de moi!!! Comment est-ce possible? Je l’ignore… et me suis jurée de continuer à dénicher les Parcs et jardins que je n’aurais pas encore visités!
Il faut dire que celui-ci est situé à Nice Ouest, partie de la cité que j’essaie d’éviter au maximum… mais avec laquelle il a commencé à me réconcilier.
Un peu d’histoire, et d’histoires, pour commencer. Car on ne peut comprendre cet espace que si l’on connaît un peu celles et ceux qui l’ont façonné. Dans les commentaires de notre adorable guide Antoine (Animateur des Parcs naturels départementaux), quelques « silhouettes » ont surgi au détour des chemins. Commençons par un peu de généalogie pour essayer de comprendre qui sont les D’Estienne d’Orves (source : geneanet).
Augustin d’Estienne d’Orves et sa famille
Dans la Nice d’aujourd’hui, c’est surtout Honoré que l’on connaît, dans cette famille. Mais c’est Augustin qui est à l’origine de la propriété dont une partie a été absorbée dans le parc. Petit-fils d’Honoré, et grand-père d’Honoré… Dans cette famille, comme dans beaucoup d’autres à cette époque, on aime redonner les mêmes prénoms… Celui qui a donné son nom à l’un des grands lycées niçois est le petit-fils de l’Augustin dont nous allons parler ici. Enfin, de l’un des Augustin, car il a eu aussi un petit-fils portant son prénom, qui, lui, a continué à aménager la propriété de son aïeul, et que, pour commodité, notre guide surnomma « Augustin 2 ». Vous me suivez?
Augustin est né le 15 août 1798 à Aix-en-Provence. Un peu plus vieux que notre cher Victor, donc, pour vous le situer dans le temps. Et mort presque aussi vieux, à 81 ans, à Nice, le 8 décembre 1979. Son ascendance réunit les familles d’Estienne d’Orves (papa, Louis Laurent Joseph, conseiller au parlement de Provence, a 71 ans quand le petit naît et meurt quand il a 4 ans), et de Miollis (maman est beaucoup plus jeune, mais quand même 37 ans au moment de la naissance, et meurt quand il a 36 ans). Lui-même s’allie par celle qu’il épouse à 26 ans (elle n’en a que 19!), Louise Rosalie Eulalie, aux familles Novaro de Castelvecchio et de Monléon. Pour la suite, voici une copie de la descendance…
Tout cela pour que vous compreniez un peu mieux ce que l’on voit en arrivant dans ce quartier de Nice : une avenue qui porte le nom de la famille et le lycée Honoré idem. Et pour que vous imaginiez ce Monsieur transformant une colline en ce que l’on peut encore admirer aujourd’hui. Vous vous posez peut-être la question « et pourquoi d’Estienne et d’Orves »? Bon, je prends encore un peu de temps. Les d’Estienne sont connus depuis 1500 environ, et très reliés à l’histoire d’Aix en Provence. Et c’est Joseph-Honoré d’Estienne qui créa la branche d’Orves, au XVIIIème siècle, en épousant Agnès de Martiny, héritière de la terre d’Orves, près de Toulon. Voilà, vous savez tout, ou presque. Et vous rencontrerez dans la balade son petit-fils, créateur du raccourci qui nous a fait souffrir (faire monter des escaliers ardus par cette chaleur avec un masque, cela relève du sadisme…), et une de ses descendantes, Félicie. Sur elle, je ne vous dirai rien, car pour l’instant sur le net je ne rencontre que la Félicie actuelle, artiste connue… mais un spectacle a été monté dans le Parc récemment, autour de cette peintre impressionniste, par Cyrielle et la troupe que j’aime tant, 1,2,3 CAT.
Les exploitants agricoles et autres serviteurs
Qu’il s’agisse de louage ou de métayage, les personnes oeuvrant sur le domaine étaient très nombreuses. Nous retiendrons surtout une famille, celle des Allegretti, qui ont tellement été associés à celui-ci qu’elle a obtenu le droit de rester dans sa demeure située maintenant sur le parc racheté par le Conseil Départemental des Alpes Maritimes! Mais on peut imaginer tout ce petit monde entretenant orangeraie et oliveraie, participant à la production de fruits, légumes et fleurs, assurant l’entretien des chemins et du réseau hydraulique, transformant une colline en vaste domaine sylvicole et agricole… Et, bien sûr, aussi toutes celles et ceux qui construisaient et entretenaient les édifices qui sont encore visibles de nos jours.
Un comte russe
Augustin avait un ami, le comte d’Apraxine. Une famille célèbre dans l’histoire de la Russie. Mais je ne suis pas parvenue à identifier qui était précisément ce comte dont les ancêtres sont si prestigieux, ni pourquoi il était alors à Nice, même si l’on sait combien les Russes ont toujours aimé cette ville.
Les deux compères, aux dires de notre guide, devisaient tranquillement sur la plateforme sommitale, échangeant sur leurs exploitations réciproques, et sans doute d’autres sujets à taire… Le comte montait de sa résidence sise au bas du domaine pour rencontrer son vieux copain…
Ce comte a fondé une institution charitable, destinée à l’accueil de jeunes filles dites alors « aveugles ». Cette institution est devenue de nos jours un ESSMS géré par l’IRSAM: foyer d’accueil occupationnel « Les Bougainvilliers » et foyer d’accueil médicalisé « Les Glycines » situés dans la villa Apraxine, au 49 de l’avenue… d’Estienne d’Orves, bien sûr, qui accueillent toujours des résidents sensoriels, mais sont devenus mixtes…
Voilà dressé le tableau de quelques acteurs dont les fantômes hantent le Parc. Il ne reste plus qu’à y entrer et vous en narrer la visite.. ce sera pour une autre fois…
J’interromps mes récits de voyage pour « vider mon sac » et vous faire rire un peu…
Comme tous les ans ou presque, je me suis trouvée confrontée à la nécessité de racheter un canapé. Non qu’il soit vieux ni usé, mais le mécanisme en a été cassé, ainsi que de nombreuses lattes, par un jeune peu soigneux – c’est le moins que l’on puisse dire!!! Me voici donc, sur Internet, en quête d’un mécanisme…
Le constat est rapide : peu à vendre et, quand ils le sont, très chers par rapport au canapé complet, et, surtout, avec des délais de livraison dépassant l’entendement : un mois au moins!
Je décide donc l’achat d’un nouveau canapé entier.
Même remarque pour la livraison : au moins deux semaines. Or il me faut le canapé dans la semaine!!!
Je cherche donc comment faire et appelle les différentes marques. Je finis par obtenir une réponse positive d’Ubaldi : je commande le canapé, et je l’ai le lendemain.
Me voici donc partie hier soir à l’autre bout de Nice, près du stade Allianz. Bonne double surprise d’abord: le magasin est situé juste après le péage de l’autoroute, et un parking peu occupé et gratuit est accessible directement sous celui-ci. Je jubile… et découvre un superbe espace épuré, bien décoré, bref, une vitrine de luxe… et ce n’est effectivement qu’une vitrine, ce qui va me valoir un certain nombre de déconvenues.
Une attente interminable
Dans l’espace « pièce à vivre », une vendeuse et un vendeur. L’une est occupée à un bureau avec un vieux couple qui n’en finit pas; l’autre fait le guide avec une cinquantenaire peu pressée, qui finalement n’achètera rien. Bref, j’attends près d’une demi-heure…
Aucun BZ en exposition
Lorsque le vendeur réussit à se libérer de sa prédatrice, il m’annonce qu’il n’y a pas de BZ en exposition, et me montre sur Internet ce qui existe… Un comble! J’aurais pu commander de chez moi! Mais confirme que je pourrai l’avoir le lendemain matin en magasin. Je commande donc.
Une exigence incroyable au niveau des papiers, et des courriels d’une lenteur effrayante
Au moment de finaliser la commande et les modalités de règlement, je découvre qu’il faut une attestation de domicile et un RIB. Pour moi, pas de difficulté : je télécharge le tout sur mon Iphone.
Mais il m’est expliqué que la facture EDF doit dater de moins de 3 mois. Si, comme moi, vous êtes en paiement mensualisé, vous savez qu’il n’y a qu’une facture… par an. La mienne date du 20 mars. Donc la date ne convient pas. J’argumente… et finalement le vendeur cède. Je lui envoie le document par courriel. Il n’arrive pas. Je le renvoie, à une autre adresse. Toujours rien. Il finira par parvenir au bout d’environ 10 mn!
Quant au RIB, ma banque propose de l’envoyer directement. Ce que je fais. Mais il est intégré à un courriel, et non joint en fichier pdf. Nouveau refus du vendeur. Je tente et retente sur le site de la banque. Rien n’y fait. Il finit par accepter, en me demandant de revenir le lendemain avec un RIB « correct » !
Au total, cela fait plus d’une heure que je tente d’acheter un article que je n’ai pas vu et qu’on me livrera dans ce magasin le lendemain… Je ne me décourage pas. Puisque je suis là, je décide d’acheter le réchaud dont j’ai besoin. Mal m’en a pris!
Encore une « vitrine », mais vide…et toujours autant d’attente!
Les objets électroménagers sont magnifiquement exposés. Pas un réchaud. Mais je ne décourage pas. Puisque les canapés ne le sont pas non plus… Je cherche donc un vendeur. En vain. Finalement, on m’explique que je dois faire la queue face aux caisses. Au bout d’environ une demi-heure, c’est mon tour… Un gentil vendeur se pose avec moi dans un coin, allume sa tablette, et cherche…. Il ne trouve rien… je fais de même sur mon téléphone, et trouve des réchauds. Mais il m’explique alors qu’en réalité Ubaldi sert d’intermédiaire à des sous-traitants, et que, dans ce cas, il faut commander par Internet et attendre la disponibilité et la livraison…
Une heure plus tard, soit plus de 2 heures après mon entrée dans le magasin, je ressors donc avec un bon de commande pour un canapé fantôme et bredouille pour le réchaud, que je trouverai chez Darty, un peu plus loin, en quelques minutes.
Un second aller et retour pour rien
Le vendeur avait dit « après 10h ». Comme je travaillais jusqu’à 11, cela m’arrangeait. Je reprends donc l’autoroute et regagne Nice Ouest. Parking. Recherche du point de retrait. Accueil sympathique. Attente. J’en profite pour aller porter mon RIB au vendeur (à l’autre bout du magasin) et reviens au point retrait.
Nouvelle attente.
Un jeune vient au secours de la personne en poste. Et informe que 1) le canapé fera partie de la deuxième vague de livraison et 2) aucun sms ne m’a été envoyé. C’est ainsi que je découvre qu’il aurait fallu attendre confirmation de la livraison avant d’y aller et que 10 h est l’heure de la première livraison!
Je n’ai pas pris mon téléphone, et donne donc le numéro de la personne qui m’accompagne. Le jeune homme refuse. J’insiste. Il appelle au téléphone le vendeur, l’invective, le somme de venir immédiatement. Celui-ci arrive, mais n’a ni papier ni stylo et me demande de venir le voir (à l’autre bout du magasin). J’y vais donc et il note sur un coin de papier le second numéro. Je repars au point retrait et demande quand environ aura lieu la livraison. Aucune réponse.
Je regagne donc la maison, de l’autre côté de la ville. Plus d’une heure de perdue… et je rentre bredouille.
Epilogue
Un sms est finalement arrivé, à 13h30. Sur mon téléphone. J’ai couru pour rien donner l’autre numéro! Et je n’irai que demain rechercher l’objet… pas envie d’un troisième aller et retour! Vive Ubaldi!
Je me plais à désigner par co-incidence tout événement qui consiste en une rencontre invraisemblable et irréaliste mais pourtant bien vraie et authentique entre deux pensées, deux appétences, deux vécus…
Et si je prends le clavier cet après-midi, pour un second (petit, promis) article, c’est que je suis encore sidérée de celle à laquelle je viens d’assister.
Vous vous souvenez peut-être que j’ai parlé voici peu d’un livre que j’avais beaucoup apprécié, Miss Islande, qui m’a fait voyager dans ce pays attirant, au milieu des amateurs/trices de volcans et de poésie. Par ailleurs, je vous ai sans doute lassé-e-s avec une série d’articles, tout récemment, sur un thème « vulgaire », le linge et les lessives…
Or voici ce qui m’est arrivé, que je m’empresse de vous narrer.
Je suis abonnée à la Newsletter (notre belle langue n’a pas créé d’équivalent hélas) d’un site que m’a recommandé un ami musicien et photographe à ses heures, loeildelaphotographie – que je vous recommande, au passage, car il y a des galeries très belles, comme celle-ci ou encore celle-là. Elle est donc arrivée tout à l’heure, et ce que j’y ai découvert m’a poussée à le partager avec vous.
L’exposition actuellement en cours (malheureusement sans public!) est intitulée… Marc Pollini : Islande, île noire. Bien sûr, je vais immédiatement la « voir »… et voici l’une des belles photographies de cet artiste.
Marc Pollini Copyright
Et voici ce que son auteur déclare.
» Au travers de ces photos j’ai voulu mettre en avant certaines particularités de cette ile. Une ile ou la rudesse de sa nature et son immensité prennent le dessus sur l’homme. Une forme d’enfermement s’exerce sur celui-ci et étant moi-même insulaire je connais cette sensation paradoxale de nature souvent synonyme de liberté et de notion d’enfermement.
C’est ce paradoxe que j’ai voulu mettre en avant dans ce travail qui a duré plus deux ans pour lequel je me suis rendu plusieurs fois en Islande en des lieux et des saisons différentes.
Bien que le cadre de cette série semble clairement défini, je l’ai conçu comme à mon habitude dans la photo telle une balade ou plutôt une errance sans jamais savoir précisément ce que je cherche, dans l’attente, dans la contemplation de cette nature ou à l’affut que quelque chose se passe, comme cette rencontre avec ce vielle homme handicapé, ou cet homme tatoué qui accepte de poser pour moi dans un lieu improbable après m’avoir indiqué mon chemin à l’extrémité nord de l’ile.
Le choix du noir et blanc c’est imposé à moi, comme une évidence. » Marc Pollini
Donc, troisième point de rencontre… Ne sommes-nous pas devenu-e-s des « insulaires malgré nous », en ces temps étonnants?
A cela s’ajoute une quatrième co-incidence… Devinez dans quelle ville, un de mes lieux favoris d’adoption, a lieu l’exposition? Au Musée de la Photographie et de l’Image… à Nice!
Je ne peux pas évoquer les lavandières, laveuses et autres lingères sans parler de la bugadière, en nissart « bugadiera » évidemment!
A Nice, des bugadières privées d’eau
Si elles ont disparu, ce n’est pas uniquement dû aux inventions techniques. A l’heure actuelle, même s’il en existait encore, vous ne pourriez pas les voir à cet endroit…
Bugadières autour de 1900
Pourquoi? Tout simplement parce qu’on ne voit plus couler le Palhon, Païoun, Paillon dans Nissa la Bella… Il a été enfoui, caché, comme s’il était honteux, hideux… Lui, le ruisseau-fleuve descendu de l’arrière-pays pour rejoindre la Méditerranée en plein coeur de la ville… Lui, qui reliait les montagnards aux marins, du Mont Auri à ce qui allait devenir la Promenade des Anglais… Lui, si impétueux l’hiver mais si discret en étiage… Totalement couvert, recouvert, rendu invisible sous ce qui est devenu le haut-lieu des rencontres de toutes sortes : théâtrales, muséales, littéraires… et le site des congrés, des promenades, des jardins d’enfants aux monstres ligneux…
Tirage d’après les plaques de verre originales de Jean Giletta, propriété de la maison d’édition éponyme fondée en 1880 à Nice
La plus célèbre des bugadières
L’héroïne de la ville, Catarina Segurana, était selon la légende une « bugadiera ».
» Catarina Segurana es presentada souta lu trat d’una frema dóu poble, budagièra de coundicioun. L’istoria vóu qu’aurìa per cas, de l’assèdi de Nissa dóu 1543, amassat d’un còu de massòla, un pouòrta-ensigna turc li raubant, en meme temp, la bandièra desenemiga. «
Cette « massola », c’est un battoir à linge, qu’elle aurait tenu à la main en se précipitant, en tête de quelques soldats, au-devant des envahisseurs franco-ottomans, et avec lequel elle aurait frappé violemment un janissaire dont elle aurait volé l’étendard, avant de galvaniser la résistance au point de faire reculer l’ennemi.
La bugadiera et son battoir à linge (1923)
Faula o realità, Catarina, seras toujou lou sìmbolou dóu courage e l’image de la voulountà de vinche, quoura lu « tiéu » soun en lou dangié, lou poudé de magnetisà, d’afoucà lu tihoun en la mauparàda. Noun soun li coulou, noun soun li fourma que pouòdon definì la bèutà… La Beutà… es lou « plen d’estre ». Es per acò, Catarina, que lu Nissart an toujou, embarbat en lou couòr, lou pantai que li as laissat. Ahì ! lu Nissart, lu Seguran…
le symbole du courage et l’image de la volonté de vaincre, quand les « tiens » sont en danger, le pouvoir de magnétiser, d’enflammer les tisons dans les « mauvaises passes ». Ni les couleurs, ni les formes peuvent définir la beauté… La Beauté… c’est la « plénitude d’être ». C’est pour cela Catherine, que les Niçois ont toujours dans le coeur le rêve que tu leur a laissé. Oui ! les Niçois, les Seguran… Henri Land
Une chanson de 1913 met en scène la jeune femme, avec sa « massa », dans le premier couplet, et insiste sur le surnom des Niçois, issu de son nom.
Terra doun l’eroisme poussa, Brès de Massena e de Pepin, Tu qu’as vist fuge Barbaroussa Davan la massa de Catin, O Nissa, la tan bèn noumada, Filhola dei fier Phoucean, Escout’ ancuei dei tiéu enfan Toui lu laut e li allegri chamada.
Terre où l’héroïsme pousse, Berceau de Masséna (1) et de Pépin (2), Toi qui a vu fuir Barberousse(3) Devant la masse (4) de Catherine, Ô Nice, la si bien nommée (5), Filleule des fiers Phocéens, Écoute aujourd’hui de tes enfants Toutes les louanges et les allègres aubades.
Refren
Flou dòu païs ligour, Nissa, lou nouostr’ amour, Ti saludan E ti cantan : « Viva lu Seguran ! » (bis)
Fleur du pays ligure, Nice, notre amour, Nous te saluons Et te chantons : « Vive les Séguran ! » (bis)
Une autre chanson la met en scène avec son battoir
Catarina Segurana, erouina dei bastioun, Catarina Segurana, que desfendia maioun, Noun pougnèt emb’un’espada, Noun bussèt emb’un bastoun. Manejava una massola Per picà sus lu nemic ! Pica ! Pica ! Pica ! Pica ! Per picà sus lu nemic ! Li bandièra li escapon, Si vé pu que li esclapa, Es la vergougna dei nemic !
Catherine Ségurane, héroïne des bastions, Catherine Ségurane, qui défendait [les] maisons, N’empoignait pas une épée, Ne cognait pas avec un bâton. Elle maniait un battoir Pour frapper sur les ennemis ! Frappe ! Frappe ! Frappe ! Frappe ! Pour frapper sur les ennemis ! Les bannières leur échappent, On ne voit plus que les [membres] éclatés, C’est la honte des ennemis !
Je n’ai trouvé ni tableaux ni chansons mettant en scène les lavandières à Nice. Par contre, on obtient sur le net un grand nombre d’informations sur la bugada et ses praticiennes en Provence.
Bugadières en Provence
La bugadiera est d’ailleurs un des santons de certaines crèches provençales.
Bugadiera, santon La marque sur le battoir indique « M. Chave, Aubagne » Le petit-fils de Marius Chave est toujours santonnier à Aubagne
Mistral a apporté une explication au terme « bugado » ou « bugada », selon les parlers, la « grande lessive » en Provence.
« Le mot bugado vient de bou, bouc, trou, parce que la lessive est proprement l’eau qui passe par le trou du cuvier. »
C’est lui aussi qui évoque les dictions liés aux lavandières.
« « Tan plan l’ivèr coume l’estiéu, li bugadiero van au riéu. » (Lou Tresor dóu Felibrige), dont la traduction pourrait être : « Tant l’hiver que l’été, les bugadières vont au ruisseau » ; ou le plus ironique : « Li bugadieros dóu riéu/ Manjarien soun ome viéu. » (Lou Tresor dóu Felibrige) « Les bugadières du ruisseau/ Mangeraient leur mari (tout) vif ». »
J’ai trouvé ces informations, ainsi que celles qui suivent, sur un site qui est une mine en ce domaine : Occitanica
« D’autres, au contraire, relèvent les traits généralement associés à ces femmes, et aux discussions autour du lavoir, lieu où se transmettent les informations (et les rumeurs). Tel est ainsi le cas de : « front de bugadiero, effronterie de harengère ; que bugadiero ! Quel bavard ! » (cf. Frédéric Mistral, Lou Tresor dóu Felibrige, définition de Bugadiero). C’est d’ailleurs le nom de cette profession que le Niçard J. Bessi choisit en 1871 pour baptiser son nouveau journal (La Bugadiera, Nice, 1871-1880). On dit aussi : « Lengut coma una bugadièra » (avoir la langue bien pendue comme une bugadière).
Notons enfin quelques expressions et dictons relatifs à la pratique :
« Que fai bugado entre Caremo e Carementrant/ Li bugadiero moron dins l’an. » : Qui fait sa lessive entre Carême et Carême-prenant, la bugadière meurt dans l’année. (superstition particulièrement répandue semble-t-il et relevée par de nombreux collecteurs).
« Las sorbras dal flascon de las bugadièiras garisson las fèbras » : Les restes de la gourde des lessiveuses guérissent les fièvres. Ce dicton souligne la réputation de bonne santé de ces bugadièras, solides travailleuses dont les « cueissas frescas » (Cf. ouvrage Grabels) furent également vantées. »
Enfin, au risque d’être prise en flagrant délit de copier-coller, je reprends sur le même site un extrait d’un poème sur la bugada, avec les deux graphies.
La bugado/ La bugada
Se soun lebados pla mati/ Se son levadas plan matin
Las labairos, e, per parti,/ Las lavairas e, per partir,
Biste, sans se trop escouti,/ Viste, sans se tròp escotir,
Cadunp al galop s’es coufado ;/ Caduna al galòp s’es cofada;
D’un grand pas lou pitiou troupel/ D’un grand pas lo pichon tropèl
Camino cat al ribatel ;/ Camina cap al rivatèl;
Dins de descos, sul toumbarel/ Dins de descas, sul tombarèl
Lous beus ban traina la bugado./ Los buèus van trainar la bugada.
Froment, Paul, A trabès régos : rimos d’un pitiou paysan, Villeneuve-sur-Lot ; impr.B. Delbergé, 1895. Texte original et transcription en graphie standardisée.
Il existe beaucoup de textes sur « la bugada ». En voici un récent, qui explicite la tradition en langage poétique.
Autrefois, deux fois l’an, c’était « la bugado » : Quel tintouin, mes amis, et quel remue-ménage ! Dès l’aube du lundi tout d’abord le trempage Dans l’eau additionnée de soude en gros cristaux ;
Un rinçage abondant ; et puis on préparait Le cuvier tapissé d’un drap ou d’un tissu ; On y mettait le linge, un autre drap dessus Où l’on plaçait les vieilles cendres du foyer ;
Sur l’ensemble on versait alors de l’eau bouillante Qui coulait dans un seau placé sous un trépied ; Ca durait une nuit où tous se relayaient : De l’eau, encor de l’eau, dans des vapeurs ardentes…
On empilait le linge en tas sur la brouette Pour aller le rincer plus loin à la rivière Ou au lavoir, selon… Et là les lavandières Frottaient encore un coup torchons et serviettes,
Camisoles, jupons… Rinçages abondants, Encor un et puis deux… Ensuite l’essorage… L’étendage sur l’herbe … et la fin de l’ouvrage ! En est-il pour encor vanter « le bon vieux temps » ? »