Promenade sur l’Ile Saint Louis

Par ce bel après-midi de janvier, une petite pause promenade s’impose après la succession de visios. Direction : les îles. Pas celles du Pacifique, hélas, mais celles de la Seine, toute proche de mon lieu de résidence devenu lieu de travail. Et en particulier, ce jour, le tour de l’Ile Saint Louis. Déjà fait, me direz-vous. Oui mais. Il cache encore des trésors, que seul un portail laissé grand ouvert, puis une porte non close permettent de découvrir. C’est ce qui m’est arrivé et que je vous raconterai dans un prochain article, celui-ci ne concernant que la promenade jusqu’au lieu mystérieux que je vous présenterai alors.

Le début de la promenade m’a amenée à patauger…

Jusqu’au moment où il fallut se rendre à l’évidence : ce n’étaient plus les pieds, mais les mollets qu’il fallait tremper! Donc, remontée sur le quai d’Anjou. Pour que vous compreniez mieux, un petit plan s’impose peut-être…

Source de ce plan

Reprenons tranquillement : arrivée par le Pont de la Tournelle (vous le voyez, au Sud?), puis descente sous le Quai d’Orléans. La première photo est prise en face du Mémorial des Martyrs de la Déportation, face à la cathédrale en travaux (je vous ai épargné cette vue affligeante), près du Pont Saint Louis.

Contrejour depuis le Quai d’Anjou

Ce contrejour fait à peine ressortir le Panthéon sur un fond de couchant…

Vue du Quai d’Orléans

Prise quelques minutes plus tard, cette vue du bout du Quai d’Orléans, avec, à gauche, l’île de la Cité, au fond, la Tour Saint Jacques et, plus à droite, l’Hôtel de Ville éclairé par les derniers rayons de soleil. Le quai Bourbon, lui, ne bénéficie plus du soleil. Il se poursuit par le quai d’Anjou, où se situe ce que j’étais en train de narrer. C’est en contrebas de celui-ci qu’il est impossible de poursuivre, car l’eau a envahi le quai. Ce qui me permet de prendre la photo que j’avais ratée à l’aller…

Une tombe? Non point… juste une affiche électorale, en quelque sorte…

Morte de rire, j’imagine la même chose dans une zone de reboisement !

La remontée au niveau supérieur substitue l’architecture à l’ambiance aquatique (à défaut d’être sylvestre). Mais la publicité de notre Mairie continue. Après l’écologie, le progrès technologique.

Vous pourrez comprendre mieux en lisant le site de la Ville, mais je résume : le livreur peut savoir où il y a des zones de stationnement libres (plutôt pas mal), depuis son téléphone. Et… la Ville de Paris est alertée des dépassements de durée de stationnement en temps réel (malin, non? Même plus besoin de payer des contractuel-le-s ni des voitures espionnes!).

Après cette plongée dans le futur idyllique qui nous attend, revenons aux charmes de l’architecture d’antan… D’abord, l’Hôtel de Lauzun, au 17. Puis, au numéro 11, un portail ouvert m’invite à pénétrer dans une cour.

Vous avez du mal à lire la plaque? Un petit zoom s’impose (vous me pardonnerez le flou…)

Mais qui est ce Nicolas Lambert de Thorigny ? Difficile de savoir s’il était honnête ou pas, à en juger par ce que j’ai trouvé sur lui. Son frère, en tout cas, ne l’était pas : c’était un trafiquant notoire. Quant à lui, dit Lambert le riche, il avait acquis une telle fortune qu’il ne possédait pas moins de 14 immeubles sur l’ïle Saint Louis! Sa fonction? Président à la Chambre des Comptes, d’après la plaque et certains documents. Mais je ne l’ai pas retrouvé parmi les Premiers Présidents. Peut-être ne présidait-il qu’une des Chambres? Pour comprendre, une petite notice fournie par les Archives Nationales.

 » Elle avait trois grandes fonctions. Les deux premières, gestion du domaine royal et contrôle des comptes royaux, étaient étroitement liées à l’origine puisque le roi, comme tout seigneur, était censé, en règle générale, ne tirer des ressources que de son domaine. La dernière fonction était qualifiée « d’ordre public », c’est-à-dire à caractère public ; il s’agissait essentiellement de l’enregistrement de tout acte ayant des conséquences en matière de domaine et de finances royales, de la réception du serment de divers personnages, dont les comptables publics, et de la conservation des archives domaniales et comptables.

Peu à peu, les compétences de la Chambre s’étendirent et, à la fin de l’Ancien Régime, elle avait le contrôle de tous les comptes de la monarchie. Pour certains types de comptes, ce contrôle se faisait auprès des chambres provinciales concernées ; pour d’autres, par exemple en matière de bâtiments royaux ou d’extraordinaire des guerres, la chambre des comptes de Paris avait compétence sur tout le royaume. Cette compétence pouvait s’étendre au-delà même du territoire métropolitain, puisqu’étaient aussi rendus devant elle, par exemple, les comptes des colonies.

Au fur et à mesure des réunions de domaines princiers au domaine royal, la chambre des comptes de Paris avait absorbé la plupart des petites chambres provinciales. En revanche, c’est par démembrement de la chambre des comptes de Paris que furent créées les chambres des comptes de Montpellier (1523) et de Rouen (1580).

Le décret du 7 septembre 1790 supprima officiellement les douze chambres des comptes subsistant alors. Dans les faits, celle de Paris, comme la plupart des autres chambres, continua quelque temps à siéger ; elle tint sa dernière séance le 19 septembre 1791.« 

Source : site du British Museum

Il s’est offert pour la construction de cet Hôtel un architecte célèbre, celui-là même à qui l’on doit les appartements royaux au Château de Versailles : Louis le Vau.

Louis le Vau (source)

Soit dit en passant, le rusé Nicolas pouvait aller à pied au travail (ce qu’il ne faisait sans doute pas)… La Chambre des Comptes était en effet situé sur l’ile voisine, près de la Sainte Chapelle.

Veue de la Saincte Chapelle et de la Chambre des Comptes de Paris - Numélyo

Elle avait été partiellement détruite par un incendie huit ans avant la construction de l’Hôtel, dans la nuit du 26 au 27 octobre 1737.

Incendie de la Chambre des Comptes. Anonyme. Musée Carnavalet

Une grande partie des archives a disparu dans cet incendie. Il en sera de même lors de l’incendie de ce qui était devenu la Cour des Comptes. Elle s’était installée dans le Palais d’Orsay qui brûla en 1871… et ne retrouva des locaux stables qu’en 1912! Un hasard malheureux?

En effectuant ces recherches, j’ai découvert que la plaque photographiée n’est pas celle qui se trouvait sur la façade quand furent répertoriées les plaques de la Ville de Paris par des amateurs d’histoire, qui tiennent un site intéressant sur ce thème.

https://cb3e1e70-a-62cb3a1a-s-sites.googlegroups.com/site/parisparlesplaques/4eme-arrondissement/lambert-de-thorigny-nicolas-sp/Anjou%20%28Q%20d%27%29%20-%20015.JPG?attachauth=ANoY7crgberw_TLGtbqNzgfrLDLQqFp838pSzkjogsPa9_StB3q2pdgL-OPbna6EWvyCj3jvRmaEy8_djyhua9nJ4iH_7uEXt38H4B1pnyhGQxTc0aVBaxiytQNbk6uoeTymCj--pPwwFI3v4Pe2epheR6pFo8-onrE4Acn_Cf3eX5IHkXA_lNBJeUTd1DqAFnmdSHVFfbsRoD_vuikiydU9JRD8PX7NiqvozzNwbIEmF7JEuVALhDbKtt8Jybegca9TwClC-uEuhbNrZtY2QXhC6ymO-tHYGLq-DzFgWb3sriejswFRjwRmgFAE1wF7YZTEXgPwG0FS&attredirects=0
Plaque présentée sur le site Paris au fil des Plaques

Cela m’a conduite à explorer davantage… Qui est donc ce troisième personnage apparu récemment sur la plaque? Ma petite enquête m’a amenée à deux personnes ayant porté ce nom récemment : un officier de marine, né en 1904 et mort en 1994 – mais peu vraisemblable… – et une autre personne, née en 1918 et décédé en 2010… mais acheter un tel immeuble à 27 ans? Par contre, ce qui est certain, c’est qu’une descendante ou épouse de descendant de cet inconnu habite l’Hôtel, où elle exerce en tant qu’avocate. Elle aurait ainsi honoré la mémoire de son (beau-?) père ou aïeul (de son époux?) en faisant changer la plaque? En profitant de la renommée des autres noms sur celle-ci?

Les vastes portes en bois me laissent imaginer les équipages que cet Hôtel pouvait accueillir…

Sous le porche, une porte ouverte m’incite à jeter un oeil à l’intérieur, où je découvre un bel escalier surmonté de deux médaillons représentant des personnages du XVIIème siècle.

Il faudra que j’aille revoir le buste présent au pied de l’escalier, car j’en ai raté la photo et ne puis vous dire de qui il s’agit. Mais je comprends maintenant pourquoi les appliques murales comportent des fleurs de lys!

Quelques mètres plus loin, un autre portail ouvert… mais c’est une autre histoire…