Christian Krohg, une belle découverte…

Je suis allée récemment au Musée d’Orsay, pour y voir diverses expositions, mais il m’en restait une à visiter, qui se termine le 27. Or, hier, c’était déjà le 24. Un jeudi. Juste le jour de la « nocturne ». Belle conjonction! Me voici donc dans le bus qui me conduit vers le Musée d’Orsay, puis la file d’attente (car le billet pris par Internet avait mystérieusement disparu), puis filant vers les salles repérées au préalable.

Et je n’ai pas été déçue! Les émotions ont bien été au rendez-vous!

Bien sûr, il y avait celles que j’attendais, que j’espérais. Dans la série « marins », dont un tableau figurait sur l’affiche (voir ci-dessus!). Cependant je n’avais pas perçu l’originalité (pour l’époque) de son approche : l’angle de vue et le sens du détail. Le tableau reproduit sur l’affiche ci-dessus en est un exemple. En voici deux autres, qui, pour la fan de voile que je suis, illustrent deux des rôles importants sur un voilier…

Saisissant, non? Saisi, sans le « ssant », également!

Cette technique n’a pas été exploitée que sur l’eau… en voici un autre exemple, que j’ai beaucoup aimé.

Quelle intemporalité! Qui d’entre nous n’a pas eu ce geste, au grand dépit des parents ou grands-parents? Et qui ne continue pas à en être témoin, actuellement? C’est l’un des paradoxes que j’ai ressenti au cours de ma visite. A la fois une inscription réelle dans son époque – je dirais même une forme de révolte contre les injustices sociales, de militantisme – et une permanence au travers des siècles, notamment dans les interrelations humaines. Commençons par quelques peintures « narrant » littéralement des faits témoignent de la pauvreté, de l’injustice, de ce que l’on ne nommait pas encore la précarité.

La série de portraits de couturières épuisées par leur labeur est remarquable, et je ne résiste pas à l’envie de la partager avec vous.

Certaines oeuvres montrent combien la beauté subsistent malgré les difficultés, n’est-ce pas? Comme dans un des tableaux les plus connus du peintre, qui prenait parfois comme modèle des prostituées, ce que lui reprochait la « bonne société ».

Venons-en maintenant à ce que j’ai qualifié d’intemporel, de permanent, de « résistant ». En peignant des moments de la vie privée et/ou familiale, l’artiste soulève des émotions empreintes de l’écho qu’ils éveillent en nous. En tout cas, en moi. Car j’ai été très émue, je l’avoue, devant certains tableaux.

Au moment où j’écris ces lignes, il ne vous reste que le week-end pour aller voir l’exposition… Courez-y vite, si vous le pouvez. A défaut, il vous reste le net, où documentaires et photos ne manquent pas pour que vous puissiez « rencontrer » ce Norvégien qui n’a pas été que peintre, mais également écrivain et journaliste…

Van Gogh et la campagne auversoise

Je vous avais promis de vous emmener visiter champs, jardins et bois tels que représentés par Van Gogh dans les derniers mois, voire jours de sa vie. Nous y voici donc.

Vous en avez eu un aperçu, déjà, dans les deux premiers articles de cette série. Mais aujourd’hui, allons humer l’air printanier ou estival d’Auvers-sur-Oise et de ses environs. C’est en effet un des aspects de l’exposition qui m’a le plus marquée : l’attention, voire une forme de passion, pour « rendre » l’atmosphère de cette ruralité « du nord » qui contrastait tant avec ce qu’il venait de vivre dans le sud.

Par quoi commencer? Les jardins? Allons-y…

Les jardins

Deux jardins notamment sont assez abondamment représentés : celui du Docteur Gachet, dont vous avez déjà eu un aperçu, et celui de Daubigny.

Commençons par le premier… Vous vous souvenez? C’est ce médecin homéopathe, spécialisé dans la « mélancolie » (on ne parlait pas de « déprime » ni de troubles à l’époque), qui était davantage porté sur les arts que sur la médecine…

Son jardin a inspiré Van Gogh… à moins que ce ne soit cette belle jeune fille qui s’y promenait?

Quant à Daubigny, c’est un peintre qu’admirait beaucoup l’artiste.

« « L’oncle m’a dit que Daubigny est mort. Cela m’a fait de la peine, je l’avoue sans honte,…Ce doit être une bonne chose d’avoir conscience en mourant d’avoir fait des choses vraiment bonnes, de savoir que, grâce à cela on restera vivant dans la mémoire d’au moins quelques-uns, et de laisser un bon exemple à ceux qui nous suivent. » (Vincent Van Gogh, lettre à Théo, 1878.)

Il avait installé un atelier à Auvers en 1860, soit trente ans avant, et ses amis le convainquirent d’en faire un lieu unique, en le décorant ensemble. Corot notamment y peignit des paysages d’Italie.

Le « Botin », foyer artistique d’Auvers. Source : site de l’Atelier

Le jardin de Daubigny a inspiré des oeuvres qui se rapprochent d’une forme de pointillisme, si j’ose dire.

D’autres tableaux sont plus proches de la facture à laquelle nous sommes habitué-e-s.

Vous l’aurez peut-être remarqué : les jardins semblent associés aux femmes, quel que soit leur âge : à la fille du Docteur Gachet se substitue ici la veuve de Daubigny.

Ce sont aussi des femmes qui se promènent dans la campagne (vous n’êtes pas sans remarquer l’habile transition!). Sans doute l’épouse et la fille de Gachet, si l’on en juge par le chapeau de cette dernière.

Les champs

Je me suis demandé, en préparant ce texte, quelle structuration choisir pour la présentation des nombreux tableaux qui les magnifient. C’est finalement pour un choix par couleur que j’ai opté.

Bleus et verts contrariés par le rouge et le jaune

Je ne sais pas si je vous l’ai dit, mais je confonds certains bleus et verts. C’est pourquoi j’ai choisi de les associer dans cette partie. Mais ce n’est pas la seule raison : ils le sont souvent dans la campagne peinte! L’exemple le plus frappant me paraît être cette oeuvre.

Approchons-nous un peu…

Le contraste s’amplifie quand vient l’orage…

Ici une touche de rouge, pour les coquelicots. Ailleurs, de jaune, pour la paille, mais un jaune qui se cache dans le vert…

Dans le tableau qui suit, c’est le ciel qui devient jaune, au crépuscule.

Néanmoins parfois le vert prédomine…

Le rappel des couleurs du sud : le jaune et le violet

Le rouge

Dans les environs d’Auvers, le rouge fait irruption, porté par les coquelicots qui, plus tard, deviendront le symbole du sang versé lors de la « Grande Guerre ».

Les bois

Peu représentés par le peintre, ils semblent plus de l’ordre du symbolique que de la représentation. Connaissait-il le poème de Baudelaire lorsqu’il peignit, dans les derniers temps de sa vie, ce couple dans une forêt de « piliers »?

Le couple est-il celui de Gachet et de son épouse, de Théo et de sa jeune femme, ou le couple idyllique auquel il a pu rêver parfois dans sa triste vie?

Van Gogh à Auvers-sur-Oise (2)

Aujourd’hui je vous propose de nous rendre avec le peintre dans ce qui était alors un petit bourg de campagne, Auvers-sur-Oise. J’y suis déjà allée à deux reprises, mais n’avais pas vu tout ce que j’en ai découvert au travers de cette belle exposition dont je vous parlais hier, au Musée d’Orsay.

On y découvre l’environnement avant que ne soit présentée la « réalité » du village, par un plan et des photographies de l’époque. N’ayant pas réussi à prendre correctement la photo du plan présenté, je l’ai emprunté à un autre blog

Vous en avez déjà vu hier certains aspects, dans les dessins de l’artiste. En voici quelques autres, dans la sélection que je vous présente.

Certains tableaux semblent inachevés… mais peut-être était-ce la volonté du peintre, voulant à tout prix produire un maximum avant de disparaître?

Les lignes deviennent si épurées que je défie quiconque, qui ne verrait que le détail suivant, de deviner qui en est l’auteur-e!

Les maisons – j’allais écrire les masures – fascinent l’artiste, comme vous l’avez déjà remarqué dans les esquisses.

On se promène avec lui dans les ruelles bordées de murs, on aperçoit parfois des habitant-e-s qui vaquent à leurs occupations…

Je me suis demandé si le fait que tant de demeures semblent être de guingois était une interprétation poétique. Mais les photos d’époque proche montrent bien la pauvreté ambiante, si l’on excepte les résidences des « riches », dont je vous parlerai dans un autre article.

La rivière est ainsi vue sous deux aspects : les lavandières qui y travaillent durement, et les « touristes » qui canotent.

Point de lavandière dans cette exposition… Au passage, je remercie encore l’auteur de Un Jour Un Tableau qui continue à découvrir et publier des tableaux représentant des bugadières ou autre lavandières sur son magnifique blog, suite à notre communication pendant le premier confinement! Par contre, les bourgeois-e-s sont bien là.

Comme vous avez pu le constater, le « style » Van Gogh s’estompe parfois, mais parfois aussi explose dans telle ou telle partie du tableau. Un des exemples les plus connus est celui qui suit.

Mais on identifie les volutes chères au peintre dans bien des oeuvres.

Un petit zoom?

La flore se prête à cela…

Encore un petit zoom?

Ou deux?

Or les jardins abondent dans le village.

Restons-en là pour aujourd’hui. Ils feront l’objet d’un prochain texte, si cela vous intéresse…

Le Musée d’Orsay sans la foule : Van Gogh à Auvers (1). Les dessins.

Je viens de découvrir que l’on pouvait échapper à la foule qui envahit trop souvent le Musée d’Orsay. Comment? Tout simplement en profitant d’un avantage de la carte d’abonnement Orsay / Orangerie, qui permet d’entrer dès 9h, une demi-heure avant l’ouverture du musée. Certes, on a l’impression qu’il n’y a que des vieux / vieilles sur terre, mais au moins on est tranquille pour voir une exposition aussi attirante que Van Gogh à Auvers-sur-Oise.

J’avais pourtant hésité à aller la voir, tant j’ai vu et admiré de tableaux de ce peintre, dans tant de musées. Dont la belle exposition que je vous ai relatée dans ce blog, voici quelques temps… Heureusement que je me suis laissé convaincre à y aller! J’ai découvert des oeuvres… Eh oui, encore! Et l’émotion suscitée par ce parcours dans les derniers mois de l’artiste perdure en l’évoquant aujourd’hui, trois semaines après l’avoir vue. Eh oui, cela fait 23 jours que j’y suis allée, et 19 que j’ai commencé cet article, puis cessé d’écrire sur ce blog. La déprime de fin d’année. Je déteste cette période de fêtes « obligées », ce moment des obligations sans fin… Impossible de « se » retrouver, de « s’y » retrouver. Et donc, pour moi, d’écrire! Mais revenons à notre sujet, au lieu de continuer à pleurer sur ce qui est enfin terminé. Car ça y est, on a changé d’année! Ouf!

Qu’ai-je découvert? D’abord, les dessins. J’ignorais cette autre face du génial créateur.

Le rendu du travail des paysan-ne-s, par exemple, est saisissant. Qu’il s’agisse de scènes de groupe, comme celles qui suivent…

A traits plus ou moins fins ou grossiers…

Ou que ce soit le geste qui l’intéresse plus précisément, comme celui du faucheur…

Changement de focale pour le situer en contexte…

Car l’inerte l’intéresse aussi, par exemple les maisons. Mais ce n’est jamais totalement inerte, en réalité…

Les dessins précèdent la peinture. Vous avez pu reconnaître des tableaux dans ceux qui précèdent. Voici un exemple : les bottes de foin. Comme des sorcières dissimulées ou des fantômes agités…

Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais je trouve le dessin plus « puissant » émotionnellement que la peinture. Inattendu, non ?

Bien sûr, on trouve aussi des portraits, comme celui du Docteur Gachet qui l’a suivi à Auvers-sur-Oise.

Certaines oeuvres sont un peu colorées. Juste ce qu’il faut pour « rendre » sa lumière au ciel…

Van Gogh « croquait » ce qu’il voyait dans un petit carnet de cuir visible dans une des salles centrales de l’exposition. Inattendue, cette scène d’un café ou d’un magasin…

Jusque dans ses écrits les dessins s’insinuent.

Et parfois dans d’autres dessins. Regardez bien en bas de ce dernier, au centre. Vous y verrez une esquisse de la chambre du peintre.