PilPil Enea

Photographie copiée sur le site Tourisme 64

J’avais voulu intituler cette série « restaurants luzéens ». Je me suis aperçue d’une erreur : l’adjectif s’écrit « luziens »! J’ai ensuite voulu le traduire en basque. « Restaurant » se dirait, d’après le net, « jatextea ». Et Luzien? « Donibandar ». Mais, pour le premier, je ne sais pas si cela désigne n’importe quel type de restaurant! Et, pour le second, c’est certes le gentilé, mais ce terme peut-il devenir adjectif, rapporté à un objet??? J’ai donc supprimé l’intitulé, pour ne garder que le nom des commerces. Après le Bar Basque, c’est au tour du Pil Pil Enea aujourd’hui. Continuons nos escapades linguistiques : « pilpil », c’est une « façon de cuire quelques poissons typiques du Pays Basque qui est fait avec de l’huile, du piment et de l’ail, dans une casserole d’argile, et servi bouillant » (source). On s’attend donc à ce qu’ « enea » désigne un poisson, n’est-ce pas? Eh bien, non. J’ai utilisé le traducteur Itzuli pour rechercher les noms de différents poissons… en vain! « Enea », c’est un terme pour désigner une maison, avec la connotation d’ambiance chaleureuse et d’ancrage familial.

Pour découvrir ce restaurant, il faut être bien informé : sa devanture est étroite, et il est situé dans une petite rue à l’écart de la plage, du port et du centre ville. Pour ma part, ce fut le résultat d’une recherche sur le net un soir où de nombreux autres étaient fermés. Encore fallut-il ensuite trouver l’adresse! Et j’ai compris pourquoi il ne communique pas davantage : il est comble tous les jours… Sa renommée est telle qu’il ne désemplit pas, et j’avais bien fait de réserver! Et j’ai compris pourquoi. Si vous voulez réussir la triangulation « accueil chaleureux », « ambiance conviviale » et « excellents plats », c’est là qu’il faut aller.

J’ai été tellement absorbée par la conversation de l’hôte et la dégustation que j’ai oublié de faire des photos de l’intérieur et que je n’ai pensé à prendre celle du plat principal qu’après avoir commencé à manger la morue!

Quant au dessert et au vin, le Txacoli qui s’imposait, vous n’en verrez rien!

J’emprunte au site du restaurant son histoire.

« Avec son grand-père patron pêcheur et sa grand-mère gérante d’une pension de famille, c’est tout naturellement qu’Yvan se tourne vers les métiers de bouche dans un seul et unique but : créer un endroit chaleureux où le plaisir d’une bonne table se partage. Il cuisine dans son restaurant des plats traditionnels tels que la fameuse soupe de poissons de sa grand-mère mais également des plats typiques basques. Il s’approvisionne en poissons auprès des pêcheurs locaux.

Suite à sa formation en école hôtelière, Yvan part travailler en Allemagne quelque temps. Ensuite, il revient en France pour accroître son expérience dans le restaurant gastronomique d’un Relais & Châteaux situé dans le Sud-Ouest. De là, il s’oriente vers un autre type de restauration en cuisinant dans une auberge familiale à Arcangues.

Sa passion pour les produits frais du terroir et son envie de perpétuer et de préparer les recettes de sa famille, le conduit à reprendre l’ancienne pension de famille. »

Yvan est donc aux fourneaux, et c’est Nicolas qui s’occupe de la salle et des client-e-s, avec dynamisme et humour. Il s’est bien moqué de moi, notamment (mais avec bienveillance) quand j’ai demandé des couverts pour manger les tapas…

Une adresse à noter, et n’oubliez pas de réserver : il n’y a que 26 places!

Le Bar Basque

J’ai annoncé le dernier article sur ma récente virée en terre basque, mais j’avais oublié mon projet d’écrire sur les restaurants découverts durant ce séjour. Je vais vous les présenter rapidement, dans l’ordre où j’y ai dîné, en commençant par le Bar Basque.

C’est une véritable « institution » de la ville, car il est plus que centenaire. Voici ce qu’en écrit le CIAP.

« Le Bar Basque était l’institution luzienne des années 1920, le premier endroit de la ville où la société mondaine se réunissait pour passer des soirées festives.

C’est en 1924 que Charles Cerutti, célèbre pour la réussite de son restaurant-dancing à Cannes et directeur du restaurant du casino de la Pergola, reprend le Bar Basque. Cet établissement connait alors un succès florissant et devient un lieu emblématique des fêtes durant les années folles. »

Vous connaissez peut-être l’histoire de la Pergola? Sinon, je vous conseille de lire ce site, très intéressant, avec, qui plus est, de nombreuses photos montrant les transformations (plus ou moins bienvenues) de celle-ci.

Je ne suis pas parvenue à trouver une photo de cet homme, venu du Sud natal pour diriger le restaurant du complexe hôtelier tout « moderne » jouxtant le casino, et qui eut l’idée de reprendre ce bar. Au fait, qui l’avait créé? Je l’ignore…

L’atmosphère est restée marquée par l’ancienneté du bar.

Un article récent narre notamment l’histoire d’oeuvres qui ornaient les murs.

« De l’immense comptoir en bois sculpté, aux belles poutres massives, son vrai plancher en bois, ses peintures dans les boiseries murales et des photos d’hier, toute une époque se reflète dans l’authenticité de son décor et des souvenirs d’une maison avançant sur son centenaire en 2024. Haut lieu de soirées luziennes, c’est aussi un voyage dans les pas d’Hemingway ou encore de Maurice Ravel qui aimaient particulièrement le non moins célèbre cocktail « Macca’B » ! Poètes, écrivains, musiciens ont couronné son histoire artistique, comme les peintures originales du peintre Benjamin Floutier. Pour la petite histoire, le spécialiste Robert Poulou a expliqué « Ce sont probablement ses plus belles œuvres, accrochées dans le bar de 1925 à 2005. Pendant quatre-vingts ans, des générations de Basques et des milliers de touristes ont pu contempler ces tableaux, lesquels ont été vendus aux enchères en 2005 ».

Voici un exemple d’un des tableaux de Louis-Benjamin Floutier, vendus aux enchères.

Les tableaux ont été vendus, la salle a été amputée, mais le bar a survécu aux difficultés, et son histoire subsiste malgré le temps, comme on le constate dans l’anecdote concernant le cocktail indiqué ci-dessus.

« Hippolyte fait à jamais partie de la fresque du Bar basque, grâce à son invention en 1946 du cocktail « Macca’B » (prononcer « macchabée »). Plusieurs alcools (« cinq-six », se bornera-t-on à nous confier), trois cerises à l’eau-de-vie et une demi-tranche d’orange, le tout rallongé au champagne. « Du Moët-et-Chandon, à l’époque », glisse Edouard Béréau. « C’est très trompeur, celui qui en boit finit généralement « bien touché ». D’où le  »macca’B » », s’amuse notre mémoire du Bar. »

Sur Instagram, durant le confinement, on découvre que cette « liqueur secrète » a été vendue « à emporter »…

Bien sûr, la pelote basque n’est pas oubliée. J’ai découvert en cherchant sur le net qui était Jean Urruty, que ce que j’avais photographié est en réalité une publicité pour l’apéritif Byrrh, datant de 1953.

« Jean Urruty est très présent dans la presse depuis ses premiers titres de champion du monde. Au-delà des résultats sportifs, la presse sportive parisienne se plaît à raconter sa vie, pour en faire un personnage emblématique du paysage médiatique français. 

Et c’est ainsi qu’en 1953, un curieux partenariat voit le jour avec de vin apéritif Byrrh, qui aboutit à un objet publicitaire peu usuel : une affiche reprenant la vie de Jean Urruty en bande dessinée.

Le texte est signé Gaston Bénac (1881-1968) et reprend les éléments les plus pittoresques de la vie de Jean Urruty, et il est illustré de 16 vignettes de Paul Ordner (1901-1969). On y découvre les débuts d’Urruty à Saint-Palais, ses rencontres avec le politicien Ybarnégaray, le roi d’Espagne Alphonse XIII ou Winston Churchill, ses exhibitions retentissantes à Paris, au Mexique ou en Russie, ses essais au tennis, son incarcération au camp de Rava-Ruska, sa passion pour la chasse… et l’alcool Byrrh »

On peut le voir en action sur des films de l’INA, dont celui-ci datant de 1966. Regardez le film, il est passionnant, et on y apprend beaucoup sur la pelote.

Mais revenons à cette soirée de novembre où j’ai eu l’occasion de dîner, pour la première fois, dans ce Bar Basque. Un délicieux foie gras, arrosé d’un Irouléguy, bien entendu, un Xut. Depuis, j’ai appris que « xut » était un mot signifiant « pentu, escarpé ». Mais d’autres affirment que c’est un terme de rugby, le « drop ». Si parmi mes lecteurs/lectrices il en est qui connaissent la langue, merci de m’éclairer par un commentaire!

Mes amis ont opté pour les croquettes de chipiron à l’encre.

Une adresse, donc, à découvrir absolument… Un seul regret : le manque de disponibilité du personnel, que d’autres ont signalé aussi sur Tripadvisor. Mais nous ne sommes ni Hémingway ni Ravel, et encore moins joueurs de pelote basque…

De l’arbre au navire

Cet article marque la fin de la série consacrée à mon récent séjour au Pays Basque… et de ceux qui concernent la vie maritime à Saint-Jean-de-Luz. En réalité, c’est peut-être par lui que j’aurais dû débuter la série, car c’est par la visite de cette exposition que tout a commencé. Vous en avez déjà vu une partie, à savoir les maquettes. Mais un autre objectif en est d’apporter, de manière très pédagogique, voire andragogique – n’ergotons pas! – des précisions sur les chantiers navals très présents naguère à Donibane Lohizune et dans les autres bourgades de la côte et de l’intérieur des terres.

Pourquoi parlè-je de péda- ou andra- gogie? Tout simplement parce qu’on y apprend beaucoup sur la conception et la construction des embarcations de jadis, sous forme de posters très bien conçus et d’objets leur correspondant. Je vous propose donc une petite balade dans l’univers laborieux du Labourd d’autrefois (excusez le mauvais cadrage de certaines photos, mais la plupart étaient très en hauteur, et je ne disposais pas d’échelle à roulettes!).

Bien sûr, pas question de reprendre toute l’exposition : je focaliserai sur quelques-uns des thèmes.
D’abord, pour faire un bateau, à cette époque, il faut du bois et du chanvre… Or le Pays Basque regorge de zones sylvestres… Et, quand on recherche des essences exogènes ou exotiques, le commerce maritime est bien vivant…

Quant au chanvre, sa culture dans le sud-ouest de la France est attestée depuis l’époque romaine, et certains chercheurs émettent l’hypothèse qu’elle remonterait à la Préhistoire.

« Les débuts de la culture du chanvre (Cannabis sativa) en France et en Europe occidentale sont mal connus. Jusqu’à présent, les plus anciennes mentions de semences dans cette zone n’étaient pas antérieures à l’époque romaine. Le site humide de fond de vallée d’Al Poux (Fontanes, Lot) a livré des akènes qui tendent à attester la culture du Cannabis dans le Sud-Ouest de la France à la fin de l’âge du Fer. La présence des semences sur le site pourrait résulter d’une culture du chanvre directement sur les bords du ruisseau ou d’un apport des plantes après la récolte pour leur rouissage dans le cours d’eau. Le rôle particulier des contextes humides dans la conservation des semences de chanvre est souligné. » (source)

Les savoir-faire du chanvre textile sont entrés au Patrimoine immatériel de l’UNESCO.

« Jusque dans les années 1960, les agriculteurs entretenaient fréquemment
une petite parcelle de chanvre pour leurs besoins domestiques. Les femmes filaient et tissaient encore à la ferme… »
(source)

Ce n’est pas le sujet, mais notons qu’au Pays Basque son exploitation s’est amplifiée depuis quelques années, avec la relance du textile, au point qu’un article titre « A Saint-Jean-de-Luz, ils sont complètement « chanvrés » (sic)

Par contre, beaucoup plus en lien avec l’exposition, un article sur Le travail du chanvre et ses applications à la navigation et à la pêche dans l’Espagne médiévale vous intéressera sans doute. Mais revenons à l’exposition… Je passe plusieurs panneaux expliquant la gestion forestière au niveau national et la « merveille » que représente la construction des voiliers, pour aller directement au travail du bois pour construire un bateau.

J’ai appris que le gouvernail axial était dénommé « à la bayonnaise »…

J’emprunte les lignes et la photo qui suivent au site « Détours en France ».

« Pour les navigateurs d’autrefois, qui affrontaient les mers les plus lointaines sans GPS ni pilote automatique, bien diriger le bateau était crucial. Le gouvernail d’étambot, qui fut un excellent substitut à la rame de gouverne, est probablement apparu en Extrême-Orient peu après l’an mille puis, deux siècles plus tard, dans les pays scandinaves. Par le jeu mystérieux des assonances et associations d’idées, il en vint plus tard à prendre le nom de « gouvernail à la bayonnaise ». Si les gens de Bayonne, marins chevronnés, n’en sont pas vraiment les inventeurs, ils sont parmi les premiers à l’avoir utilisé systématiquement, sur leurs « naus » au long cours, et à l’avoir représenté, dès le XIVe siècle : levez la tête vers la clé de voûte de la cathédrale Sainte-Marie et vous le verrez ! »

Le Musée Basque en présente un exemplaire magnifique, jugez-en vous-même :