Le titre du film m’avait intriguée, et les bribes d’informations que j’avais m’ont alléchée… Me voici donc dans une salle sombre, prête à découvrir ce que j’espérais un hymne à la fraternité et à la musique. De ce côté, je n’ai pas été déçue. Je ne vous raconterai pas l’histoire, car cela déflorerait le sujet, au cas où vous viendrait aussi l’idée d’aller le voir…
Côté « fraternel », les bons sentiments, toujours proches des rejets, ne manquent pas. Et les deux acteurs sont si opposés et jouent si bien que ça « passe », sans trop virer à la guimauve.
Côté « musique », pas de doute, « ça baigne »! On passe de l’univers classique au jazz, via la chanson française, y compris Sardou… Le Boléro venant réconcilier tout le monde à la fin. Les amateurs de classique comme ceux de jazz seront ravis, et les fans de Sardou pas moins. On ne peut pas faire plus « consensuel »! Un peu trop, peut-être, sussurre en moi un diablotin…
Toujours côté « musique », si vous n’appréhendez pas bien en quoi consiste la conduite d’un orchestre, c’est un bon tutoriel. Vous finissez pas comprendre beaucoup de choses, y compris que diriger un orchestre symphonique de haut niveau n’est pas si différent que mener une fanfare d’amateurs/trices plutôt fantaisistes, voire fantasques.
Alors, me direz-vous, qu’est-ce qui fait qu’on vous sent « retenue »?
Les stéréotypes concernant le pays minier. Pourtant, j’avais été la première à m’extasier devant « Bienvenue chez les ch’tis ». Mais Dany Boon connaît et aime son pays, et s’est joué des stéréotypes avec brio. Ici, ce n’est pas le cas. Parfois même je me suis sentie gênée. Pourquoi? Difficile à expliciter!
Trop d’emphase autour de la solidarité des ouvriers/ères et des mineurs?
Trop de gentillesse chez dans les portraits de femmes dégoulinant de courage, d’amour et de bons sentiments?
Trop de caricature dans les décors, notamment la maison en briques des quartiers populaires? Sans compter l’incontournable canal…
Et le côté invraisemblable, notamment de la fin, qui fait plus « conte de fées » que film réaliste. Ce qui m’amène à la troisième raison : un « mélange des genres » pour moi assez difficile à accepter. Mais ce ne sont que mes impressions, et je vous conseille de vous faire votre propre opinion, en allant voir ce film. Car il est un bon dérivatif à la grisaille et la froideur (dans tous les sens du terme) ambiantes…
Une alternative : aller à Walincourt?
La simple vue de cette carte suffit à comprendre que l’on n’est pas en pays minier: celui-ci est situé beaucoup plus au nord! et encore moins près de la mer!
Mais pour ce qui est de la musique, vous ne serez pas déçu-e si vous y allez ce week-end…
Je revenais à pied de l’Hôtel de Ville, en raison de la grève des chauffeur-e-s de bus, quand mon regard fut attiré par un petit attroupement sur le quai d’Orléans, sur l’Ile Saint Louis. En m’approchant, je vis que deux personnes conversaient avec un pêcheur. Pêcher depuis le haut? Voilà qui m’intrigua… je m’approchai… puis me penchai…
Je vous présente une magnifique femelle « silure glane« . Qui l’a amenée dans cette fâcheuse position, sur les bords du quai? Rassurez pas, non point un vilain prédateur ni un accident fluvial, mais un jeune pêcheur, l’auteur de l’attroupement dont je parlais précédemment.
A gauche, le jeune pêcheur. A droite, le « passant sportif ».
Le pêcheur demande au jeune passant sportif (qui s’est arrêté pour le regarder) s’il accepterait de l’aider. L’autre accepte volontiers, et se retrouve en train d’apprendre à manier la canne, que va lui confier son propriétaire afin de descendre sur la berge. Pour ce faire, il se laisse glisser…
Mur-toboggan
Petit détail en passant : les traces rouges sur la queue ne sont pas des blessures. Il s’agit de la fraie, car c’est la saison de la reproduction. Dans quelques temps, il n’y aura plus ces « marques » typiques de la femelle, et son mâle s’occupera des oeufs pendant qu’elle se balade, avant peut-être d’être dévoré par elle…
« Coucou la Belle, j’arrive! »
Puis il se déchausse…
Il enfile des gants et plonge ses mains dans la gueule du Monstre, apparemment gentil…
Nous comprendrons par la suite qu’il est en train de retirer l’hameçon. Ayant fait sa connaissance ensuite, j’ai appris qu’il savait exactement ce qu’il faisait. Voici ses explications, données par courriel le jour même (nous sommes resté-e-s en contact…).
« Il s’agit d’une espèce originaire du Danube qui a colonisé la France au XXème siècle, une partie par voies fluviales naturelles, et une partie suite à des introductions dans le but d’en commercialiser la viande (ce fut un échec commercial). Le silure n’est pourtant pas une menace pour notre écosystème dans la Seine et il cohabite bien avec la trentaine d’autres espèces de poissons qui vivent dans ce fleuve. C’est un grand prédateur qui consomme des poissons, rats, canards, pigeons, mouettes, écrevisses, moules d’eau douce… Mais il joue avant tout le rôle d’éboueur de la rivière en consommant les animaux morts et autres déchets notamment la nourriture jetée par les bateaux. Et il s’autorégule par cannibalisme. Ils se reproduisent entre mai et juin dès que l’eau atteint 20 degrés. La femelle délimite un nid en général dans des racines immergées, puis le mâle la féconde et oxygène les oeufs en leur soufflant dessus durant plusieurs jours. En général le silure est sédentaire et reste dans le même secteur.
A Paris le silure est recherché par les pêcheurs sportifs, qui le pêchent avec de grandes précautions (hameçons spéciaux, sans le sortir de l’eau comme vous l’avez vu, etc) pour assurer sa remise à l’eau dans de bonnes conditions qui ne perturbent pas son comportement naturel. L’association de pêche de Paris (Union des pêcheurs de Paris) dont je fais partie s’occupe de la protection des espèces aquatiques notamment en luttant contre les braconniers (des trafiquants pour le marché noir des pays de l’Est s’attaquent parfois aux silures).«
Blason de l’UPP : non, ce n’est pas un silure!
Il tire le silure tout au long de la berge, jusqu’à un endroit peu profond où celui-ci est « posé », tout en restant dans l’eau, comme dit ci-dessus.
A ce moment, je me demandais ce qu’il faisait… J’apprendrai plus tard qu’il repérait des « marques » sur le sol pour pouvoir ensuite revenir prendre les dimensions… environ 2,10 mètres!
Entretemps, la police est revenue. Deux véhicules. Dans l’un, un pêcheur venu « aider » (trop tard!) et constater avec les autres la prise, ses conditions et la taille de la bête… Et puis, une autre activité : un concours de photos!
Ils et elle ne sont pas les seul-e-s : l’auxiliaire bénévole du pêcheur fait de même… mais pour la bonne cause : garder trace de cette prise.
J’apprendrai par la suite que l’animal a peut-être été déjà pêché :
« Probablement un poisson déjà pris par un de mes amis en 2021. Il est relativement fréquent de reprendre les mêmes silures car ils sont assez sédentaires.«
Il m’avait expliqué de vive voix que ce silure nichait sans doute à l’extrêmité ouest de l’Ile Saint Louis. D’autres « nids » sont, paraît-il, bien visibles sur l’Ile de la Jatte; je me suis promis d’aller les chercher quand je retournerai sur cette île que j’aime beaucoup…
Un petit câlin, on serre le poisson dans ses bras, avant de le relâcher.
Car oui, quelques minutes plus tard, elle repartait tranquillement rejoindre ses congénères, s’enfonçant rapidement dans l’eau sombre de la Seine. Ce fut une merveilleuse leçon pleine d’espoir : on pêche pour le plaisir, et pour la « connaissance », mais on laisse libre ensuite l’animal.
Autre belle leçon en ce matin de mai : la solidarité entre des individus qui ne se connaissent pas. J’ai déjà parlé des deux jeunes gens. Mais il y avait là aussi une dame âgée, coiffée d’un foulard jaune, qui a gardé leurs affaires, et mon sac, pendant toutes les actions. En discutant par la suite avec elle, j’ai appris qu’elle était Kabyle d’origine, mariée à un Breton de Cancale. Gardienne d’un immeuble du coin, elle voulait le rejoindre en Bretagne, mais les habitant-e-s de l’immeuble lui avaient demandé de rester… et elle vivait toujours là, loin de son époux qu’elle aspirait à rejoindre…
Quatre individus d’horizons et d’environnements si différents, uni-e-s pour une heure de partage… cela aussi m’a réjouie…