Co-incidence

Il y a longtemps que je n’ai plus utilisé ce terme, mais il est le seul idoine pour caractériser ce qui s’est produit hier soir…

Je venais de publier l’article sur l’exposition vue l’après-midi même, pressée que j’étais de le mettre en ligne pour que puisse réagir l’un de mes amis qui allait le voir le soir même, et pourrait ainsi me dire comment lui-même avait vécu cette visite, et pour apporter une réponse à un autre qui devait deviner, à partir de deux tableaux envoyés, où j’étais en ce vendredi après-midi (j’adore proposer ce genre de devinette).

Je venais juste de le publier, disais-je, lorsque j’ai regardé, comme je le fais chaque soir, les titres du Monde affichés sur mon Iphone. Parmi ces titres… l’annonce d’une émission qui commençait juste à ce moment (22h50) sur France 5, un documentaire consacré à… Georgia O’Keeffe!

Et ça ne s’arrête pas à cela. Vous vous souvenez que j’avais oublié de noter le nom du peintre d’un des tableaux exposés dans la Galerie 261? Eh bien, la réponse a été apportée au cours de la narration de la vie de l’artiste. Je puis donc vous la donner ce matin : il s’agit d’Arthur Dove.

Arthur Dove
Arthur Dove (1880-1946)

Bel homme, non? Bien sûr, je suis immédiatement allée voir ce qu’il avait peint. Entre autres, regardez ceci :

Tree, 1935 - Arthur Dove
Tree, Arthur Dove, 1935 (source)

Est-ce que cela vous rappelle quelque chose ? Et ce n’est pas tout. Certains de ses tableaux représentent une certaine maison typique, plus ou moins interprétée, et parfois accompagnées d’arbres qui ressemblent étrangement à ceux que j’ai vus durant ma visite à Beaubourg hier…

The scene by Arthur Dove depicts a small green house, with a nearby yellow cottage and two unusual trees stripped of their foliage.
The Green House, Arthur Dove (1934)
Artwork by Arthur Dove, Farm House, Made of Watercolor on Paper

Voici un extrait de sa biographie :

« In 1907 he traveled to Paris, where he met Alfred Henry Maurer, who was to be a dear friend for the remainder of his life and through whom Dove gained entry to art circles that included Matisse, Picasso, and Cézanne. Upon his return to New York, he met influential photographer and gallerist Alfred Stieglitz and began exhibiting at Stieglitz’s avant-garde gallery, 291. »

Les deux, voire trois, artistes ont-ils et elle « dialogué » à travers leurs oeuvres? Ou/et est-ce le fruit de leurs rencontres avec les peintres français de l’époque? Se sont-ils amusé-e-s à traiter les mêmes thèmes, les mêmes objets, les mêmes idées?

Un très bel article a été consacré à la relation entre Georgia O’Keeffe et Alfred Stieglietz.

« Elle réalise des dessins abstraits exécutés au fusain qu’une de ses amies envoie à Stieglitz en 1916. Sans la connaître, il les présente et lui consacrera même, l’année suivante, une exposition personnelle. Dès lors, ils s’écrivent, assidûment, et O’Keeffe décide de s’installer à New York. La situation de Stieglitz a quelque peu changé. Sa galerie, sa revue, son groupe n’ont pas trouvé un second souffle et leur influence s’est amenuisée. Il crée un nouvel élan : un cercle plus restreint d’initiés qu’il va favoriser et promouvoir, composé surtout d’artistes américains qu’il affectionne particulièrement : Arthur Dove, Marsden Hartley, John Marin, Paul Strand et Georgia O’Keeffe.« 

Alfred a quitté sa femme pour cette jeune peintre, de 23 ans sa cadette, et c’est la mort qui les a séparés, en 1946 (oui, la même année que Dove, de 16 ans son cadet), même si leur relation avait évolué à partir du moment où, en 1829, elle avait découvert son infidélité.

Au moment de terminer cet article, je découvre un texte qui traite de ce sujet et discute la thèse d’une relation particulière entre les deux artistes.

« The extent to which Dove and O’Keeffe had a close personal relationship, it wasn’t really based on face time. It was really through their art and what they saw of each other’s work, through exhibitions and their conversations via Stieglitz,” says Hammond.“That’s the circles of influence we talk about; how the exchange between them continued and lasted for several decades.” They also owned each other’s work. O’Keeffe’s 1919 “Abstraction,” currently at the Clark, once hung in the cabin of Dove’s houseboat. »

Une exposition a été consacrée aux influences réciproques entre les deux artistes. Ce qui m’a sauté aux yeux et questionné en ignorante que j’étais est donc chose connue et reconnue… Excusez ma naïveté et mon ignorance!

« Dove/O’Keeffe: Circles of Influence,” this summer’s big show at the Clark Art Institute, is the first exhibit to deeply explore the lifelong bond of inspiration and admiration between the two artists. Curated by Debra Bricker Balken, an independent curator who organized a major Dove retrospective 12 years ago at the Whitney Museum of American Art, “Circles of Influence” will appear only at the Clark. » (source)

Pour en savoir plus sur cette exposition, vous pouvez regarder ici et surtout . Et j’en profite pour vous donner l’adresse du Musée O’Keeffe à Santa Fe.

Bref, en lisant ce qui précède, vous aurez vécu en direct une « révélation » qui confirme l’expression « enfoncer des portes ouvertes »!

Un dernier mot, car j’avais oublié de vous le dire : si vous avez un peu de temps, écoutez l’émission dont je parlais au début de cet article. Elle est en ligne, mais seulement jusqu’au 2 février 2022 (2/2/22, facile à retenir!). « Georgia O’Keeffe, icône américaine« .

Une femme hors du commun

Fascinée… Tel est l’adjectif qui convient le mieux pour décrire mon état devant les portraits de Georgia O’Keeffe. Il faut dire qu’elle a eu la chance d’être photographiée par de grands artistes, qui ont su saisir la profondeur et la richesse intérieure de cette femme, qui devait avoir une personnalité hors du commun. Elle joue de tous les codes et se joue de l’âge et des rides.

On la sent, au travers de ces portraits, libre, passionnée, prête à transgresser, mais aussi pensant, réfléchissant, voire méditant… Difficile à avouer, mais c’est vraiment ce que j’ai préféré dans cette exposition. Et pourtant, nombre de visiteurs ne regardent – que dis-je? – ne voient même pas ces photographies mal mises en valeur parce que projetées sur le mur, directement, du couloir d’entrée où tout le monde s’agglutine pour lire les panneaux explicatifs. Au point qu’à certains moments il m’a fallu demander aux personnes de bien vouloir se déplacer pour que les personnes qui, comme moi, regardaient le diaporama, puissent en profiter.

Pour une personne qui s’intéresserait au Genre, elle est un exemple superbe d’individu qui échappe aux normes de genre. Et elle joue des attributs masculins avec visiblement beaucoup de plaisir.

A cause des individus dont je parlais plus haut, je n’ai pas réussi à la prendre dans ses tenues plus masculines, mais cela lui va à merveille. Ce qui ne l’empêche pas de jouer de sa grâce, comme dans cette photographie qui m’a beaucoup plu.

Je ne vous en ai présenté que quelques-unes, et bien mal re-prises avec des lumières malencontreuses, mais vous pouvez imaginer que ce fut un moment fort que ce face-à-face avec une femme aussi étrange et ouverte, aussi a-normale.

Il est temps maintenant de vous laisser entrer dans l’exposition elle-même. Le Centre Pompidou en effet offre la première rétrospective en France de l’oeuvre de cette artiste qui a vécu 98 ans. Mais encore une étape à franchir avant de ce faire (un vrai parcours initiatique, n’est-ce pas?). La première pièce, « Galerie 291 », est en effet consacrée aux artistes qui ont accompagné ses premières années d’artiste. A commencer par celui qui allait devenir son époux, en 1924, Alfred Stieglitz, dont voici une oeuvre.

Photographe, il était également galeriste. Ainsi peut-on voir du Rodin, du Picasso, et d’autres peintres dont celui dont j’ai omis de noter le nom.

Il est temps pour moi de vous dévoiler les oeuvres qui m’ont le plus interpellée. Comme d’habitude, mal photographiée. Mais vous trouverez sur le net de bien meilleures reproductions.

Une Nature très colorée

Les fleurs : de la couleur à la pureté

La petite maison dans la prairie, revue et corrigée

Des abstractions évocatrices

L’éclat des couleurs en abstraction

La sélection que j’ai faite est minimaliste, et ne rend pas compte, loin de là, de l’ensemble des oeuvres exposées. Il manque notamment toutes celles qui ont été créées dans les dernières décennies. Pour en savoir plus, vous avez la possibilité d’écouter les podcasts sur le site du Musée.