De Mers-les-Bains à Nice (1). Petit-déjeuner à l’étang de Saint-Hubert

Le « pont » de l’Ascension encourage à toutes les folies, y compris celles de faire un aller-retour Côte picarde – Riviera en 4 jours. Beaucoup de voiture, me direz-vous. Certes. Mais un impératif me contraignait à ce périple. Et j’en ai profité. A l’aller comme au retour. Aujourd’hui, je vous parlerai de « la descente » (ça m’a toujours amusé, cette expression, car franchement, il y a plus de montagnes, en tout cas côté ouest, sous la Loire qu’au-dessus!), et de mon envie de musarder en bord de Loire. Résultat, après un départ à l’aube et l’autoroute A 13 pour gagner au plus vite le sud-ouest… de l’Ile de France, rassurez-vous! – un premier (tout petit) détour pour aller prendre le petit-déjeuner – dans un petit coin charmant où m’a amenée dernièrement mon travail : les environs des Mesnuls.

« Ancien bassin de retenu, appartenant aux réseaux des étang et rigoles construits par Louis XIV pour alimenter les grandes eaux du château de Versailles, cet étang est aujourd’hui une réserve ornithologique qui abrite de nombreuses espèces d’oiseaux migrateurs. » Source : https://www.parc-naturel-chevreuse.fr/etang-de-saint-hubert (vous remarquerez au passage les deux erreurs d’orthographe!!! Je les ai laissées volontairement…)

Le petit ovale sur la carte indique l’endroit où j’ai stationné la voiture, pris mon café-croissant et aux environs duquel ont été prises les photos qui suivent.

Impressionnant, n’est-ce pas? Et imaginez la fraîcheur et le calme en ce début de matinée, que seul troublaient deux pêcheurs qui se sont vite éloignés sur leur frêle embarcation. Intriguée par un petit édifice, je me suis dirigée vers lui pour comprendre ce que c’était.

Il s’agit de l’un des éléments du vaste système imaginé à l’époque du Roi Soleil, restauré depuis.

Car on allait chercher l’eau loin, pour les fastes de Versailles! (source)

« A l’époque, on se soucie peu d’économiser l’or bleu. Louis XIV dépense sans compter. Ses bassins et ses jets d’eau en exigent 6300 m3 par heure ? Qu’à cela ne tienne, le roi Soleil met sur l’affaire ses meilleurs experts. Les premiers aménagements hydrauliques commencent par détourner la Bièvre. Suivent alors des projets aussi ambitieux qu’irréalistes comme l’aménagement d’un canal pour amener l’eau de la Loire à Versailles, une idée rapidement abandonnée. En1682, la machine de Marly met en marche ses 14 roues à aube, ses 250 pompes et ses centaines de balanciers pour fournir au château 900 m3 d’eau quotidien. Malgré la prouesse technique, le débit reste insuffisant et l’année suivante, le roi enjoint ses équipes d’aller creuser ailleurs. Dès 1683, sous la conduite de Vauban, un nouveau système d’étangs dits supérieurs est développé. Il comprend les 6 étangs actuels de Hollande mais aussi l’étang de la Tour, du Perray, l’étang des Noës et l’étang de Saint-Quentin ainsi qu’un système perfectionné de rigoles. Une fois ces travaux achevés, le complexe hydraulique pharaonique de Versailles compte quinze étangs, huit retenues, soixante kilomètres de rigoles, trente quatre de grand lit de rivières. » (source)

J’ai oublié de vous le dire : « De Hollande » est le nom global des étangs. Sans lien avec le pays du même nom, mais par déformation du nom d’un château : « d’Orlande ». Belle confusion!

On voit encore les tracés des canaux, en contrebas de la digue sur laquelle je me trouvais.

Excusez la mauvaise qualité de certaines images, pas facile à cette heure matutinale avec si peu de temps!

Ce n’est qu’en 1977 que les eaux ont cessé d’atteindre Versailles, en raison de la construction de la ville de Saint Quentin en Yvelines. Mais le système fonctionne encore, autour de Saint-Hubert.

« Comment ? Le système fonctionne toujours selon les lois de la gravité (seul un ensemble de 2 pompes a été ajouté en 1990 pour envoyer les eaux de l’étang du Perray vers celui de Saint-Hubert). Les eaux pluviales de surface ruissellent dans les 44 kilomètres de rigoles qui collectent principalement des terres agricoles et forestières. Les rigoles se déversent à leur tour dans les étangs. Là, l’eau est stockée et régulée par les équipes du SMAGER, avec quelques ouvertures de vannes et des lâchers vers les cours d’eau situés en aval quand le niveau est trop élevé. Tous les hivers, pendant 2 à 3 semaines, entre 500 000 et 700 000 m3 d’eau des étangs de Hollande sont transférés à l’étang de Saint-Quentin-en-Yvelines. L’ouverture de la vanne de Saint Hubert permet aux eaux de s’écouler dans le grand lit de rivière pour finir leur course dans l’étang de Saint-Quentin-en-Yvelines. Tout ce système parfaitement huilé permet d’éviter les inondations et d’assurer un niveau d’eau permanent à l’étang de Saint-Quentin-en-Yvelines, pour l’activité de voile de la base de loisirs, dont une partie est classée en réserve naturelle. »

Chemin faisant, en rédigeant cet article, j’ai appris qu’il y avait un château (source) sur la rive nord de ce qui ressemble plus à un lac qu’à un étang.

« En 1755 Louis XV confie à l’architecte Ange-Jacques Gabriel la construction d’un petit relais de chasse sur la rive nord de l’étang, pour éviter d’avoir à profiter trop souvent de l’hospitalité de son cousin le duc de Penthièvre. Très vite le projet est modifié, et c’est un véritable château qui est construit, avec une terrasse donnant sur l’étang de Saint-Hubert.

Louis XVI partage l’intérêt de son grand-père pour ce site, mais trouvant le château trop petit il préfère acheter celui de Rambouillet. Le château de Saint-Hubert est alors laissé à l’abandon et finalement détruit. Seule subsiste aujourd’hui la terrasse, encore visible au bord de l’étang. » (source)

Napoléon s’est aussi intéressé au site, où il fait construire un pavillon en 1802.

Vous le voyez, l’histoire est riche, pour cet endroit qui m’a attirée en cette aube de fin mai… J’ai vraiment regretté de ne pouvoir faire l’une de ces nombreuses randonnées proposées sur divers sites, car la flore et la faune semblent très intéressantes dans ce qui est désormais une « réserve ».

« 248 espèces ont été observées par le réseau de naturalistes expérimentés. Certains y nichent, comme le Blongios nain, le Phragmite des joncs, la Bouscarle de Cetti et le Râle d’eau. D’autres s’accordent une halte sur leur chemin de migration ou s’arrêtent quelques semaines pour passer l’hiver. Le Balbuzard pêcheur, le Butor étoilé et la Grande Aigrette font partie de ces résidents secondaires. »

Hélas je n’ai pu voir que quelques anatidés, car il fallait reprendre la route…

Découverte de l’Opéra Royal de Versailles

Loin d’être une royaliste convaincue, je ne fréquente guère le Château de Versailles, si ce n’est pour ses magnifiques Jardins. Mais en ce soir de fin mars, l’annonce d’un ballet d’un chorégraphe que j’apprécie, Angelin Preljocaj, est bien alléchante. M’y voici donc, aux portes du Palais… ou plutôt de son Opéra, aussi royal que la Chapelle voisine, et que les statues qui me font une haie d’honneur dans la galerie qui n’est pas des Glaces…

Une foule plutôt BCBG attend patiemment… Le temps d’admirer une maquette (de quoi???)…

… et de boire une petite coupe (on ne peut prendre du « gros rouge qui tâche », en de tels lieux!)…

… et c’est l’heure. A ma grande surprise, l’Opéra n’est pas aussi vaste que je l’imaginais.

Vous avez vu? On ne peut pas oublier qu’il est « royal »! Même en regardant la scène! J’ai la chance d’être placée au premier rang d’une Corbeille, premier dans deux sens : de face comme de côté, ce qui m’offre une superbe vue sur le rideau…

Le spectacle comporte trois oeuvres : Annonciation, Torpeur et Noces. Dans l’ordre chronologique, il faudrait placer le dernier en premier, le premier en deuxième, et le deuxième en trois. Car ce sont deux créations anciennes, et une plus récente : respectivement 1989, 1995 et 2023. Et, curieusement, mon ordre de préférence va du plus récent au plus ancien. Je m’explique : j’ai beaucoup apprécié Torpeur. Magnifique danse d’une lenteur et d’une profondeur exceptionnelles. En second, Annonciation. Tout aussi puissante, d’une même tension entre pureté / sérénité et érotisme / volupté.

Aussi étais-je « sur un petit nuage » durant la première partie, et suis-je sortie de la salle, tout à fait subjuguée, ravie, le sourire aux lèvres.

Un petit sandwich et une tartelette aux pommes plus tard, me revoici prête à « m’envoler » à nouveau. Euh… J’allais oublié « et une nouvelle flûte enchantée…

Hélas! Le troisième ballet est heurtant, violent, dérangeant. Je comprends qu’un artiste ait besoin de subventions pour survivre, mais de là à produire sur de tels sujets, il y a une marge. Certes, les interprètes sont toujours aussi bon-ne-s. Certes, la technique y est. Certes, j’ai apprécié certaines figures… Mais je n’ai pas du tout validé le rapprochement des deux premières et de la dernière oeuvre; et j’en voulais (oui, c’est le terme idoine) à celui qui m’infligeait une telle déception. Est-ce le chorégraphe ou la personne qui a fait le choix du programme? Quoi qu’il en soit, mauvais choix pour moi que ce « triptyque« …

Il n’en reste pas moins qu’on ne peut rester insensible à la créativité de Preljocaj, au côté « osé » de ses oeuvres, et à la virtuosité des danseuses et danseurs… et que j’ai passé une excellente soirée dans cet Opéra, tout royal qu’il soit… Vous pourrez en voir des extraits ici (et ailleurs, il y en a beaucoup sur le net). Je ne résiste pas à l’envie de copier pour vous deux photos qui évoquent les passages que j’ai adorés, ballets 1 et 2.

Et, franchement, les ovations étaient bien méritées. Dommage que, pour les saluts finaux, les artistes soient dans la tenue du dernier ballet… je préférais celle du deuxième!