Marco Polo à l’Opéra de Nice

Dans le train qui me ramenait vers le sud, je cherchais les activités possibles pour ce week-end. Un certain choix, je dois dire, pour cette soirée de vendredi, jour de vacances scolaires. Dont une représentation à l’Opéra de Nice : Marco Polo. L’occasion de revoir ces lieux, et d’une sortie avec de jeunes amies. L’affiche, qui plus est, était alléchante, non?

J’avais oublié que l’Opéra de Nice est comme un théâtre exigu, donc tout en étages… et me voici au 5ème de ces étages, dénommé « Amphithéâtre ». Pour une sujette au vertige, une catastrophe! Je n’ai donc que moyennement pu profiter de la première partie. Nous sommes tous descendus au parterre pour la seconde!

Spectacle déroutant, aux dires des 7 personnes qui constituaient notre groupe. Montrant la déchéance d’un empereur… Mais le reste a semblé peu compréhensible aux ignares que nous sommes. Car je pense qu’il faut avoir lu le livre qui a inspiré l’oeuvre, pour mieux comprendre.

Livre lui-même très déroutant, qui évoque 55 « villes invisibles », sur une thématique ainsi explicitée :

« Les villes comme les rêves sont faites de désirs et de peurs, même si le fil de leur discours est secret, leurs règles absurdes, leurs perspectives trompeuses ; et toute chose en cache une autre. — Moi, je n’ai ni désirs ni peurs, déclara le Khan, et mes rêves sont composés soit par mon esprit soit par le hasard. — Les villes aussi se croient l’ouvre de l’esprit ou du hasard, mais ni l’un ni l’autre ne suffisent pour faire tenir debout leurs murs. Tu ne jouis pas d’une ville à cause de ses sept ou soixante-dix-sept merveilles, mais de la réponse qu’elle apporte à l’une de tes questions. » (Italo Calvino)

Petite information au passage : une architecte péruvienne, Karina Puente, propose 55 oeuvres, chacune représentant une de ces « villes invisibles », qu’elle a dotées de prénoms féminins.

Voici la présentation de l’ouvrage d’Italo Calvino dans un article fort intéressant, qui le traite, lui, de « dépaysant ».

« Dans Les villes invisibles (Le città invisibili, 1972), Italo Calvino met en scène l’empereur Kublai Khan et Marco Polo. Le premier ne peut visiter toutes les villes qu’il a conquises, et il demande au second de voyager pour lui et de les lui décrire. Selon un ordre savant, Marco Polo décrit des villes merveilleuses, tellement extraordinaires qu’elles pourraient être inventées tout autant qu’exotiques. L’ailleurs, à travers ces descriptions et les dialogues qui s’y intercalent, est donc aussi bien géographique qu’onirique, mais aussi linguistique (l’échange entre les personnages est freiné par un problème de langue). On analyse ici les multiples valences de l’ailleurs, dans un texte qui est sans cesse excentrique, excentré, énigmatique. »

Aquarelle de Sylvie Perrot

Si j’avais su cela avant, j’aurais sans doute mieux compris l’étonnant hiatus entre deux scènes. A commencer par les deux premières : à la deuxième, je me demandais comment on était passé de la salle du trône en Asie, où Marco Polo proposait quelques pacotilles à l’empereur, à ce qui semblait être la préparation d’une fiancée pour son mariage!

Côté mise en scène, rien de bien nouveau. Et j’ai trouvé quelque peu stéréotypée l’évocation de l’Asie. A commencer par l’insistance sur la couleur rouge.

Le rythme global est haché par l’alternance répétée, sans transition, ce qui « perd » le/la spectateur-e en permanence.

Mais la chorégraphie est intéressante, et il faut saluer les prouesses des danseuses et danseurs, dont certain-e-s font preuve de qualités exceptionnelles. Seuls, à deux, en groupe… une danse vive, laissant une large part aux « glissements », à mi-chemin parfois du classicisme et du burlesque. Une mention particulière, à mon goût, pour l’allusion aux derviches, fort réussie.

Les articles lus a posteriori confirment mon impression, comme celui-ci:

« La pièce a tous les ingrédients d’une réussite qui n’est pourtant pas totalement au rendez-vous: qui n’a pas lu l’argument peine à comprendre ce qui se joue sous ses yeux, parce qu’au lieu de rester sur le premier degré du voyage et de la lutte entre les deux hommes s’ajoute une dimension philosophique que la danse peine à faire comprendre. La splendeur n’est pas au rendez-vous. Si les costumes de Jean-Pierre Laporte sont magnifiques, son décor n’a pas les moyens de l’opulence et ne se résout pas à une sobriété qui sauverait la mise. »

Une divergence cependant avec son auteure : je n’ai pas adhéré au personnage campé par Eric Vu-Han, qui, tout en finesse pour évoquer la spiritualité, me semblait manquer de puissance pour l’incarnation d’un empereur tel que Kubilaï Khan, souverain de l’Empire Mongol de 1260 à 1294. En voici quelques représentations artistiques:

Le danseur qui incarne Marco Polo est plus crédible à mon sens.

Le jeune Vénitien a en effet 17 ans quand il entre au service de l’empereur, avec son père et son oncle. La jeunesse, l’impatience, l’esprit un peu rebelle du jeune homme sont bien rendus par Alessio Passaquindici.

Ce que je me dis à présent, c’est que je voudrais m’informer davantage sur ce séjour de Marco Polo auprès de l’empereur, lire l’ouvrage d’Italo Calvino, puis revoir le ballet. Et reste une autre question : le traitement de la musique de Francis Poulenc… je ne suis pas assez experte pour en juger, mais cela m’a questionnée…

Les 4 « derviches »

Des personnages symbolisant différents univers

En rouge, l’empereur. En blanc, le jeune Vénitien

Philomèle à Saint Nectaire… et souvenirs d’enfance

L’église de Saint Nectaire est l’une de celles que j’admire le plus. D’abord, parce qu’elle est de mon style préféré, le roman. Ensuite, parce que la pierre volcanique lui donne une teinte sombre remarquable. Enfin, pour sa situation, sur ce promontoire dominant la vallée. Mais je pourrai désormais ajouter une quatrième raison : son acoustique exceptionnelle.

Comme je l’ai précédemment narré, je venais y écouter un concert de la chorale francilienne Philomèle (alias « Rossignol »), dans le second répertoire qu’ils et elles interprètent cette année. J’avais entendu le « mozartien » en juin à Saint-Jacques-du-Haut-Pas, dans le 5ème. Cette fois, un florilège de « musique orthodoxe, baroque et classique ».

Un petit tour à l’église en arrivant : les choristes sont bien là, en train de répéter.
Un petit verre au café voisin… Une bière locale, bien sûr!

Pleine de saveurs et de finesse, dégustée en admirant l’église.

Un amusant ballet commence alors. Les choristes sortent, en petites grappes, en habit de « touristes ». Musicien-ne-s ont leur instrument à la main. Elles et ils partent vers le haut. Par la suite, j’apprendrai qu’on leur a préparé un vestiaire dans le local de l’association s’occupant de la paroisse. Puis les revoici, dans l’autre sens, entièrement revêtu-e-s de noir. Certain-e-s ont déjà mis leur écharpe ou leur pochette (rouge, jaune ou orange). D’autres les tiennent en main. Quand tout le monde est passé, direction le porche, puis l’intérieur des lieux.

Commence enfin le concert. D’abord avec « le petit choeur ». Les autres se tiennent près de nous, dans les travées latérales. Le chef explique le programme, présente les compositeurs, resitue les oeuvres..

Il dirige avec passion chanteurs/euses et musiciennes (violon, violoncelle et orgue). Une soliste laisse coi le public, avec un Ave Maria très difficile à interpréter.

Le Soleil descend, et les rayons, pénétrant par le portail laissé ouvert, viennent taquiner les artistes placés au centre du dernier rang. On le voit éblouir le premier…

… puis venir taquiner mon ami José Dhers…

… avant de mettre en lumière son voisin, en train de se désaltérer…

A la fin, les choristes se déplacent, et viennent entourer le public. Ce dernier morceau restera inoubliable, je pense, pour les auditeur-e-s présent-e-s! Un instant d’émotion intense.
C’est hélas le moment de se séparer. Pour ma part, je vais revoir la Vierge en majesté dite « Notre-Dame-du-Mont-Cornadore » (le site des eaux réputées de la ville thermale).

Hélas maintenant elle est enfermée dans une vitrine qui cache une partie de sa beauté.


Quand j’étais enfant, voici comment je la voyais (source de la photo).

Inutile de vous dire combien j’étais déçue! Par contre, je suis toujours aussi effrayée par le buste de Saint Baudime, reliquaire en chêne recouvert de cuivre repoussé et doré.

Il est temps de quitter l’église pour aller dîner, car ici, on mange tôt. Encore plus ce soir, nous apprendront les serveurs/euses, car il y a une soirée à Murol, avec défilés et feu d’artifice, et le personnel veut y assister!

Pendant que je me régale d’une tartelette au Saint Nectaire et d’une part de tarte aux myrtilles (oui, je sais, pas très équilibré, ce repas!) avec un verre de Chanturgue, le couchant sublime l’architecture romane…

Puisque j’en suis à faire une sorte de « pélerinage » sur les lieux de mon enfance et adolescence, autant continuer… Direction « le dolmen », car je veux retrouver la prairie prêtée à mes parents pour y placer leur caravane, par le docteur Roux (neveu du collègue de Pasteur), pour que mon petit frère puisse faire tranquillement sa cure chaque année. Une calamité, vous l’imaginez, pour l’enfant, et encore plus l’adolescente que j’étais! Plus de copains ni copines. Je n’ai jamais autant lu, enfermée dans ma tente. Notamment, je me souviens, toute la série des « Jalna ». Renny Whiteoak m’avait séduite! Voiture garée, reste à explorer à pied. Sans avoir trouvé le dolmen, je reconnais la prairie, et revois en images la caravane et son auvent, et les deux petites canadiennes à sa gauche. Il faut dire que films et photos familiales ont aidé à visualiser les souvenirs! Une pensée émue pour le médecin, doux et gentil, qui aimait tant son petit malade, accompagné année après année. En recherchant son nom sur le net, je viens d’apprendre qu’il était également maire de la ville. Sa villa s’appelait… « Villa du Dolmen »… Nous étions donc bien dans sa propriété!

« La Villa du Dolmen appelé aussi la Villa du Dr Roux ». Mr Roux a été Maire de St Nectaire de 1945 à 1965 et il était aussi un médecin réputé. » (source)

J’ai aussi découvert qu’il avait publié un livre en 1978…

Une fois le terrain trouvé, il ne reste plus qu’à chercher le dolmen. Et il est bien là, juste à côté! Pour info, si cette période vous intéresse, il y a 6 mégalithes sur la commune de Saint-Nectaire : deux dolmens et quatre menhirs.

La nuit tombe, et l’église est désormais éclairée. Pardonnez la mauvaise qualité de l’image, mais je voulais terminer par ce spectacle, plus beau en réalité qu’en photo…

Mozart et ses amis

Ce titre n’est pas de moi : je l’ai trouvé sur le programme d’un concert qui avait lieu hier soir, et qui sera renouvelé le 13 juin. Une chorale – pardon, un « ensemble choral », car il y a également des musiciens – dont je vous ai déjà parlé, voici bien longtemps, et qui porte le nom d’un oiseau réputé pour ses chants : Philomèle, alias le Rossignol.

Le programme s’est réparti en fonction de la composition du choeur : d’abord « petit choeur », puis ensemble. Avec un intermède : un air interprété en solo par la soprano. Très belle voix, hélas un peu « timide » au regard de l’orchestre.

J’ai particulièrement apprécié certains morceaux, notamment en première partie, et ai découvert des compositeurs que je ne connaissais pas, ces fameux « amis » de Mozart. Permettez que je vous en dise un mot? En adoptant l’ordre proposé par l’affiche…

Eybler, d’abord. Pas seulement un ami : son élève. C’est l’un de ceux qui ont poursuivi la composition du Requiem après la mort de Wolfgang Amadeus, à la demande de son épouse Constance.

« Le 30 mai 1790 Mozart a écrit Eybler: « Je certifie par la présente que M. Joseph Eybler est un digne élève de Albrechtsberger, un grand compositeur, également préparé en musique de chambre et dans ce sacré, compétent dans l’art de la chanson ainsi qu’un joueur habile de l’orgue et le clavecin , bref, un jeune musicien dont, malheureusement, sont rarement égaux ». » (source)

Adlegasser, ensuite. Vous pourrez entendre notamment les Litanies sur le net ici. A l’inverse d’Eybler, il n’est pas plus jeune que Mozart, mais appartient à la génération intermédiaire entre celui-ci et son père Léopold. Ce qui explique peut-être que papa et fiston assistèrent de concert (bon, d’accord, très mauvais jeu de mots) à ses noces. Enfin, aux 3èmes, car ce séducteur aux compositions très variées s’est marié trois fois, avant de décéder à 48 ans, en 1777, alors qu’il jouait de l’orgue. Savez-vous qui prit sa place en tant qu’organiste à Salzbourg? Mozart, bien sûr!

Le dernier, Frantisek Ignac Antonin Tuma, est un Bohêmien. Un vrai. Né en Bohême en 1704. Mais décédé à Vienne. Je n’en avais jamais entendu parler. Une émission intéressante de France Musique a été consacrée à son Stabat Mater.

Vous êtes un peu perdus? Résumons-nous. Voici le quarté dans l’ordre, concernant les naissances.

L’ordre est le même pour les décès, mais l’un a vécu deux fois plus âgé que Mozart!

Vous comprenez peut-être pourquoi je me questionnais sur le terme « amis »? Quoi qu’il en soit, une belle harmonie entre les différentes pièces qui ont été interprétées. Hélas, je serais bien incapable de vous citer celles que j’ai préférées. Mais la Missa Solemnis, en do majeur KV 37, pour les puristes, est intéressante. Composée en 1780, elle a été jouée pour le couronnement du roi de Bohême, Léopold, l’année de la mort de Mozart, et en sa présence, selon le choix de son ennemi Salieri… « Intéressante », mais ce n’est pas ce que je préfère dans l’oeuvre de Mozart. Sans doute pour quoi j’ai préféré la première partie du concert. Mais l’ensemble était remarquable, y compris les musiciens. Pour celles et ceux qui seraient disponibles le 13 juin, ou qui visiteraient l’Auvergne en juillet, allez les écouter! Dans un édifice que je connais depuis mon enfance et qui est pour moi l’une des plus belles églises de France, le 14 juillet, notamment : à Saint Nectaire, ce doit être fantastique!

Violoncelle et orgue

Il me faut vous présenter des excuses… j’ai été absente un long moment… Non pour cause de vacances, mais parce que j’étais débordée de travail. Quand on accompagne des personnes qui doivent rendre des écrits et ont des difficultés pour ce faire, et lorsque les échéances arrivent, l’urgence fait que l’on aide à rédiger, mais que l’on n’est plus disponible pour écrire soi-même. C’est ce qui m’est arrivé dernièrement.

J’ai donc de nombreux articles en souffrance. Au moment de reprendre, je me pose la question : revenir sur eux? ou commencer par « l’actualité »? Je fais le choix, en ce lundi matin d’un mai peu chaleureux, de la seconde idée. Et vais donc vous parler du concert que j’ai vu hier après-midi…

Mes fidèles lecteurs/trices le savent bien, j’adore le violoncelle… Hier après-midi, concert annoncé, en l’église Saint Rémy de Vanves.

Me voici donc parmi la cinquantaine de personnes venues profiter de cette aubaine. Car le programme annonçait en outre de l’orgue. Jamais je n’avais entendu de concert violoncelle et orgue. Moi qui suis fana de « trompette et orgue », c’est l’occasion de découvrir! C’est l’association Orgues de Vanves qui a eu cette bonne idée d’une association assez rare, me semble-t-il.

Le premier morceau ne m’a pas séduite. Qui plus est, trois erreurs de l’organiste, pourtant virtuose. Peut-être parce qu’il ne connaît pas l’instrument, dont il n’est pas titulaire?

Deuxième morceau, cette fois, le violoncelle en solo, devant l’autel. Un ravissement. Mais que vois-je? A peine fini, le violoncelliste reprend son instrument, le range, et file en courant par la porte de côté. Effarement. Moi qui viens écouter le « cello »!

Un deuxième morceau de l’orgue en solo… cette fois, sans couac. Très beau.

Et, surprise, l’oeuvre suivante est en duo. En réalité, Christophe Jeannin avait rejoint rapidement son collègue, Lorenzo Cipriani, au balcon! Une succession d’interprétations émouvantes, qui me font frissonner, voire, pour deux d’entre elles, verser quelques larmes.

L’entente des deux interprètes est remarquable, et ils entraînent le public dans leur univers musical. Jamais je n’avais entendu jouer de l’orgue ainsi, avec tant de « douceur » et de volupté. Jamais non plus je n’avais imaginé que ces deux instruments réussiraient à quasi concurrencer la voix humaine dans l’interprétation de mon Ave Maria préféré… Je n’en ai trouvé qu’un exemple sur le net, mais beaucoup moins bon à mon sens. Mais si l’un-e d’entre vous en connaît un autre, n’hésitez pas à transmette?

Longs applaudissements d’un public ravi, debout, tournant le dos au tabernacle… Car oui, c’est l’inconvénient d’un tel concert : on ne voit pas les musiciens, qui sont en haut, et derrière… Mais après tout, écouter les yeux fermés, cela n’amplifie-t-il pas l’émotion?

Une bulle musicale

Quoi de mieux pour clore les fêtes de Pâques que de vivre un concert « prenant »? C’est ce qui m’est arrivé hier, et je me suis félicitée d’avoir choisi de rentrer plus tôt du bord de mer pour assister à la représentation du Messie (alias Messiah) de Haendel dans une église que je vous ai déjà présentée, celle de l’Ile Saint Louis.

Vous avez peut-être remarqué, au-dessus de l’autel, le triangle rayonnant entourant le tétragramme et le pentagramme (entre parenthèses, ces deux mots sont troublants : le premier désigne 4 lettres, alors que le second indique 5 branches…) ?

Tétragramme et pentagramme : du trois au cinq…

Et j’ai été frappée par l’oecuménisme d’une autre manière : le public était très mixte, et la kippa bien présente. Vous remarquerez que l’illustration choisie pour le programme est tout aussi oecuménique!

Mais revenons à l’un des oratorios composé par Haendel, le Messie (1741). Au passage, la date est proche de celle de l’anniversaire de son décès, le 14 avril, qui était en cette année 1759 le jour du Samedi Saint.

Si vous voulez décrypter…

Un Monsieur, devant moi, fait littéralement « dégager » une vieille dame pour qu’elle laisse libre une place sur laquelle il fait s’asseoir… un enfant. J’en suis choquée. Et sa « prétention » est à l’image de sa goujaterie… Seule vision négative durant ces deux heures de Bonheur Partagé.

Un « personnage » – il ne s’est pas présenté, et ce qualificatif lui va si bien! – introduit le spectacle, précisant qu’il salue la présence d’un célèbre compositeur, Dominique Probst. Il le désigne. L’artiste se lève. C’est justement le « prétentieux » que je venais de remarquer! Dommage… En préparant ce texte, j’ai regardé sur le net, et trouvé sa biographie ici et . Il n’est autre que le fils de Gisèle Casadesus et de Lucien Pascal (Probst), directeur de la Comédie Française. Et neveu de Jean-Claude Casadesus. Son épouse est comédienne, l’une de ses filles, Barbara, aussi, et la seconde, Tatiana, chante aujourd’hui. Si j’ajoute qu’un film a été tourné sur sa biographie, il faut avouer qu’il y a de quoi prendre la grosse tête! En continuant mes lectures, j’ai compris que la dame « en retrait » près de lui n’est autre que l’actrice Catherine Chevallier. Et le petit garçon qui dormait sur ses genoux, leur petit-fils, dont la maman chantait ce jour.

La soprano Tatiana Probst est vraiment lumineuse, et sa voix, à la fois chaleureuse, intense et souple. J’ai vraiment adoré son interprétation et le rayonnement de sa personne. Vous pouvez la voir sur cette (mauvaise) photo, aux côtés de l’alto, ici souriante alors qu’au contraire de sa collègue, elle avait gardé un air triste tout au long du concert.

La soprano Tatiana Probst et l’alto Laeticia Gopfert

Mais, après ces digressions, revenons au début du concert, quand l’orchestre s’installe.

Un orchestre remarquable, en accord parfait tant en interne qu’avec les solistes et le choeur. Les choeurs, devrais-je dire, car il y avait deux chorales, avec un chef pour l’un et une cheffe pour l’autre. Une mention spéciale au « choeur » ainsi formé, qui a fait raisonner, avec intensité et émotion, l’oeuvre de Haendel. Quant aux solistes, j’ai préféré la soprano à l’alto, et le baryton basse au ténor. Celui-ci ne semblait pas au mieux de sa forme, alors que Jean-Louis Serre nous a fait vibrer à maintes reprises.

A gauche Pierre Vaelo, ténor, et à droite, Jean-Louis Serre, baryton

Ce furent presque deux heures de vibrations et d’émotions pour un public totalement sous le charme. En ont témoigné les applaudissements enthousiastes à destination des solistes, de l’orchestre, des chef-fe-s de choeur et du choeur lui-même.

Le « personnage » et la cheffe de choeur, Solène Labour

Les deux solistes et le chef d’orchestre Frédéric Loisel

J’ai fait une exception à une règle pour moi sacro-sainte : ne pas enregistrer durant le concert. Lors de la reprise de l’Hallelujah par le choeur, j’ai capté quelques moments de la fin, pour vous les partager. Vous pourrez voir et entendre cette « finale de final », et peut-être comprendrez-vous mieux mon plaisir, j’allais dire le Bonheur pur. Vous n’entendrez hélas pas les solistes, qui se trouvaient à ce moment sur les côtés, hors champ; mais Tatiana Probst chantait aussi…

Soy de Cuba por una noche

Une soirée muy caliente ce 23 mars… dans les rues, certes, mais aussi au 13ème Art, Place d’Italie, où un groupe de musicien-ne-s et de danseurs/euses a entraîné durant presque deux heures un public survolté dans l’histoire d’une jeune ouvrière d’une fabrique de cigares.

Pourtant, quand on arrive dans cette vaste salle, la scène est bien sobre, d’un gris qui contraste peu avec le noir ambiant. Mais très vite les couleurs explosent, dans une déclinaison violente des rouges, bleus, violets…

Le principe de la mise en scène est simple: le fond est un vaste écran où sont projetées des images de Cuba, mais aussi des symboles d’autres villes lorsque l’histoire narre le voyage de la troupe de danse à laquelle appartient l’héroïne, une troupe composée d’ouvrières et ouvriers d’une fabrique de cigares (au fond, sur cette photo de mauvaise qualité, vous pouvez peut-être lire son enseigne). Quelques éléments suffisent à planter le décor : au début, des tables et chaises, et une représentation très épurée des outils utilisés, dont les presses.

Pour en savoir plus sur ce point, voir par exemple l’article dont est tirée cette belle photo

Tout y est figuré, jusqu’au contremaître ou patron boîteux dont l’apparition, annoncée par le bruit de sa canne, provoque l’arrêt des danses et la reprise du travail.

Les images projetées, les objets déplacés et surtout les lumières vont ainsi faire voyager au travers de l’espace, mais aussi de la narration. Une des ouvrières, objet de plaisir d’un des leaders de la bande, va tomber amoureuse d’un catcheur minable… Je ne vous raconte pas la suite, pour ne pas gâcher la découverte si vous allez voir le spectacle. On est donc littéralement « transporté » de l’usine à la rue, de la rue à la salle de sports, à la salle de danse, etc.

Excusez une nouvelle fois la mauvaise qualité des photos, mais il est bien difficile de saisir le mouvement dans une telle ambiance lumineuse… J’ai cependant tenu à vous les montrer, pour que vous puissiez avoir une idée de la performance des danseuses et danseurs, que ce soit ensemble, à deux, ou en solo. Chorégraphie de qualité, danses endiablées, et duos romantiques à souhait par moments… tout y est, et les amateurs/trices de salsa ont pu se régaler. Pour ma part, je ne suis pas une grande fan de ce type de musique, mais j’ai apprécié la qualité des artistes sur scène.

Ce qui se voit rarement, l’orchestre respecte la parité. Au piano, à la trompette et à la batterie, trois hommes. Vous voyez les deux premiers ci-dessous, et le troisième ci-dessus, au fond à gauche.

Au violon, aux congas et au trombone, trois femmes. Un des plus beaux moments de la soirée a été pour moi le solo de la jeune femme que vous pouvez voir sur la photo ci-dessous.

Les voix sont aussi très belles, et j’ai particulièrement aimé celle de la musicienne qui joue des congas avec une force étonnante. Vous pouvez la voir au centre de cette photo, avec l’homme qui « raconte » l’histoire.

Elle a été prise à la fin du spectacle, juste après que la troupe ait entraîné la foule par une danse déchaînée qui a provoqué mon admiration : cela faisait près de deux heures qu’ils et elles dansaient à un rythme rapide!

Que vous soyez ou non adeptes de cette musique ou de ces danses, une telle soirée « réchauffe », dans tous les sens du terme. Et cela fait du bien de s’évader vers les Caraïbes. Retrouver ensuite la Place d’Italie sous la bruine fut un choc!

L’orchestre de Budapest à la Philharmonie

On a beau vouloir tout découvrir – comme c’est un peu mon cas, l’avouerai-je? -, certains lieux échappent à votre curiosité, pour des raisons qu’il est difficile de définir. Tel est le cas de la Philharmonie de Paris, que je ne connaissais que de l’extérieur, notamment pour être allée à plusieurs reprises à la Grande Halle de la Villette (en particulier pour la magnifique exposition Toutankhamon) et au Musée de la Musique (à propos, n’hésitez pas, si vous êtes dans le coin, à aller à la Nuit du Rossignol, dont j’ai déjà parlé dans ce blog : c’est le 31 mars cette année). Aussi étais-je bien contente de la découvrir pour un concert en ce mardi soir encore bien frais pour la première soirée complète du printemps.

Il ne faut pas souffrir de vertige, comme moi, pour fréquenter le balcon du 6ème étage, où j’ai eu la chance d’être au premier rang, ce qui offre une vue splendide sur la salle et sur la scène.

L’architecture en est sidérante, et bat en innovation, à mon sens, celle de la Seine Musicale. J’ai entre autres apprécié son asymétrie et l’audace du balcon blanc, projeté comme un vaisseau spatial… Mais le long balcon plus calme et serein qui lui fait face n’est pas mal non plus…

La scène est disposée pour accueillir un orchestre symphonique, ainsi qu’un piano. Cela obligera d’ailleurs le chef d’orchestre, Ivan Fischer, à tourner le dos à une partie des musicien-ne-s, avant l’entracte qui fera disparaître l’instrument.

Dans cette salle, l’acoustique est telle que le moindre petit bruit des spectateurs/trices résonne partout. Ce qui contraint à un silence absolu, qui fut d’ailleurs respecté tout au long du spectacle. Mais cela permet aussi de prendre des places moins chères et d’entendre tout aussi bien! Soit dit en passant, une place comme celle que j’avais est pour moi excellente, car on y voit à merveille les doigts courir sur le clavier du piano comme sur les cordes des harpes…

Vous ne verrez pas de photos de l’orchestre, car il est interdit de saisir des images dans la salle. Je vous renvoie pour le découvrir à son site, accessible en anglais pour celles et ceux d’entre vous qui ne sont pas magyarophones. Ce Budapest Festival Orchestra a enthousiasmé la salle. Par la qualité de son jeu, et une harmonie remarquable entre ses membres, sous la direction d’un chef dynamique et original, qui termine le concert par des « mini-impros » de deux groupes de musiciens, sur des thèmes de musique hongroise, qui n’ont rien à voir avec le programme annoncé. Mais revenons à celui-ci. Je dois dire que j’ai préféré la première partie à la seconde, qui était composée de trois morceaux de Richard Strauss aux tonalités très différentes : Dom Juan, Danse des sept voiles, Till Eulenspiegel. Le dernier en particulier ne m’a pas vraiment « emportée », même si j’ai apprécié la virtuosité des artistes et la véritable sym-phonie, au sens propre du texte, de l’orchestre.

Une mention spéciale, donc, pour le début de la première partie, d’un compositeur hongrois dont je crois n’avoir jamais entendu parler : Ernö Dohnänyi (1877-1960). Les Minutes Symphoniques op.36 m’ont littéralement emportée par leur mélodie et leur poésie. J’en ai trouvé pour vous une interprétation par deux autres orchestres : la première, que je trouve personnellement moins bonne car trop « enlevée » à mon goût, mais qui vous en donnera une idée. La seconde, par un orchestre plus modeste mais à la tonalité plus proche. Il faudrait que la Tribune des Critiques de Disques consacre une de ses émissions du dimanche après-midi à cette oeuvre!

Une seconde mention spéciale pour le concerto n°4 de Beethoven. Si je devais expliquer à quelqu’un ce qu’est un concerto pour piano et orchestre, c’est sans conteste ce spectacle que je conseillerais… L’instrument et l’orchestre se complètent, se répondent, s’opposent discrètement parfois, en une synergie parfaite. Il faut dire que Rudolf Buchbinder, est exceptionnel. Ce pianiste né en Bohême d’une famille originellement allemande a maintenant 77 ans. Vous pourrez le voir et l’entendre, mais beaucoup plus jeune et avec un autre orchestre, sur cette vidéo. Après moults rappels, il a joué deux autres morceaux, seul, cette fois, et l’admiration des membres de l’orchestre était évidente. Les ovations du public sont la preuve que je n’étais pas la seule à l’admirer… Si vous voulez l’entendre, il revient jouer à Paris les 5 et 6 avril, à la Maison de la Radio et de la Musique, ce concerto mais aussi d’autres oeuvres, et avec un autre orchestre, celui de Radio France.

Inutile de vous dire combien l’on vit intensément durant un tel concert, en oubliant le fracas du monde, et comme il est dur d’en sortir… mais la musique résonne encore en soi, n’est-ce pas?

Un concert comme naguère

Un concert intimiste dans une belle demeure de la Plaine Monceau, avez-vous déjà vécu cela? C’est ce qui m’est arrivé la semaine dernière, pour mon plus grand plaisir.

L’annonce était discrète, peu « alléchante ». Mais je fus attirée par le lieu insolite : un musée dont je n’avais jamais entendu parler. Je ne vous dévoile pas lequel, car je vous le ferai découvrir plus tard. Mieux vaut garder le suspens pour motiver son public, n’est-ce pas? (rires)

Imaginez un ancien jardin d’hiver, hélas dépouillé de beaucoup de ses plantes. Mais la verrière est toujours là, l’espace aussi.

Un piano. Trois sièges, auxquels font face en arc-de-cercle une vingtaine d’autres. Le public s’installe. A peine une quinzaine de personnes. Pourtant, le prix n’est pas dissuasif : 15 euros avec la visite du Musée!

Une dame, tout sourire, présente rapidement le programme. Puis nous voyons descendre trois jeunes femmes des escaliers en colimaçon. L’une avec un violon, l’autre avec un violoncelle. La troisième ne porte pas son instrument!

C’est la pianiste qui annonce la première oeuvre qui sera jouée, un trio de Beethoven. Après un bref entracte, elle poursuivra avec un trio de Mendelssohn.

« Ludwig van BEETHOVEN : Trio, opus 1 nº1 30 mn »

  1. Allegro ;
  2. Adagio cantabile ;
  3. Scherzo allegro assai ;
  4. Finale presto

Félix MENDELSSOHN : Trio, opus 66 nº2  28 mn 1. Allegro energico e con fuoco ; 2. Andante espressivo ; 3. Scherzo : Molto allegro quasi presto ; 4. Allegro appassionato »

Deux oeuvres très différentes, que les artistes jouent avec passion et finesse. Chacune montre une personnalité bien différente. La réserve de la violoniste, Anna-Li Hardel complète à merveille l’enthousiasme de la pianiste, Marina Saïki, et la profondeur de la violoncelliste, Romane Bestautte.

Pour ma part, j’ai particulièrement apprécié l’adagio de Beethoven et l’andante de Mendelssohn. Mais l’interprétation des deux oeuvres par le Trio Lazuli a été remarquable, et les rappels furent nombreux et bien mérités. Des artistes à suivre, donc… En attendant, vous pourrez voir un extrait d’une de leurs interprétations sur YouTube.

Il cello e il cielo

Comme les « ancien-ne-s » de ce site le savent, j’aime le violoncelle. Alors, comment résister, par cet après-midi pluvieux, à l’appel de cette annonce? D’autant que je ne connais pas cet endroit!

Je situais bêtement l’Oratoire au Louvre ! Que nenni! Il est situé non loin, certes, mais pas du tout dans le périmètre de celui-ci. Mais en réalité c’était vrai jadis. Car il s’agit ni plus ni moins de l’ancienne Chapelle Royale du Palais.

Et j’imaginais une sorte de petite chapelle. Que nenni! En réalité, l’édifice est de taille imposante, aussi vaste qu’une grande église.

Un peu d’histoire en passant ? C’est la Congrégation de l’Oratoire (avatar de la Société de l’Oratoire, issue de la Contre-Réforme), créée en 1612 par Marie de Médicis, qui a souhaité un lieu de prière digne de sa renommée et fait lancer le chantier en 1620. Après modification des plans, il fut achevé en 1623. C’est là qu’eurent lieu les cérémonies funèbres de Richelieu, de Louis XIII, d’Anne d’Autriche et de Marie-Thérèse. Mais la consécration de l’église n’eut lieu qu’en 1750… et cela dura peu, puisqu’elle fut désacralisée à la Révolution. C’est justement en 1789 que les protestants obtiennent la liberté de culte. Et, en 1811, la première cérémonie protestante a lieu à l’Oratoire qui, depuis, est l’un des plus grands temples de Paris. Si vous voulez en savoir plus, le site de l’Oratoire est très pédagogique.

Une mini-exposition sur le mémorial de Coligny l’est également. Toutes les explications concernant histoire, actualités de l’époque, architecture et statuaire y sont apportées.

Comme tous les temples, très austère. Mais, pour ma part, j’ai ressenti une forme de malaise en y pénétrant. Une tristesse, un manque de « vie », en quelque sorte.

Le concert m’a fait oublier tout cela. Pas un concert ordinaire, non. Alternance de commentaire (par une pasteure) et lecture (par une autre pasteure) d’extraits de la Bible (plus ou moins) relatifs aux rêves et de morceaux interprétés au piano et au violoncelle.

Le public est séduit par la pianiste, dont il apprend très vite qu’elle n’est autre que l’organiste en titre de l’Oratoire. Ce qui m’a donné envie d’aller l’entendre à l’orgue, bien sûr. Coréenne née et élevée en Australie, elle a rejoint la France et mène une carrière internationale. C’est son jeune frère, arrivé plus récemment en France, qui est au violoncelle.

Et ce fut un délice de les entendre, dans des oeuvres extrêmement variées.

Parmi celles-ci, j’en ai particulièrement apprécié deux : Romance sans parole pour piano et violoncelle, de Mendelsohn (je n’en ai pas trouvé une aussi bonne interprétation sur le net, mais vous pouvez écouter ici pour en avoir une idée) et la Suite bergamasque de Debussy. Mais l’ensemble était bien choisi et interprété avec beaucoup de sensibilité, et, d’après un connaisseur, l’interprétation de Bach, remarquable.

Barzaz Breiz à La Madeleine (2)

Petite synthèse pour celles et ceux qui auraient raté le précédent épisode : un jeune noble breton décide de collecter les chants traditionnels, et en particulier ceux qui rapportent l’histoire de la Bretagne, les gwerziou. Il en fait un recueil, publié sous le titre de Barzaz-Breiz : « barzaz » a le même radical que « barde » : c’est un ensemble de poèmes.

La Villemarqué a effectué deux campagnes de collectes, dans la première moitié du 19ème siècle. Il a tenté d’en sortir une histoire de la Bretagne, qui a été contestée pour manque de scientificité.

Maintenant que vous avez compris ce qu’est le Barzaz-Breiz, vous devez vous demander pourquoi j’ai autant développé avant d’en venir, comme vous l’attendez depuis le début, au concert programmé en ce dimanche 22 janvier à l’Eglise de La Madeleine. Nous y venons. C’est tout simplement le titre de ce concert.

Mais pourquoi ce titre? Eh bien, c’est évident! Les textes proviennent pour la plupart de ce recueil de chansons « historiques » bretonnes. On y retrouve la légende de la submersion de la ville d’Ys, ou encore le dialogue avec la mort de Yannig Skolan.

« La vie de Skolan est venue au pays, quiconque la chantera chaque jour aura de Dieu deux cents jours de pardon.
– « Qui va là et frappe aux portes fermées ? ». – « Ma pauvre mère, c’est votre fils Skolan ». – « Qu’il reçoive ma malédiction, la malédiction de ses frères et sœurs et de tous les enfants innocents, des étoiles, de la lune et de la rosée qui tombe sur la terre… ».
En route, Skolan rencontre son parrain qui lui dit : « Noir est ton cheval et noir tu es toi-même, où as-tu été et où vas-tu ? ». – « Je viens du Purgatoire et vais en Enfer avec la malédiction de ma mère ».
Le parrain intercède auprès de la mère. Elle énumère les forfaits de son fils : violer sept de ses sœurs, tuer leurs enfants, briser les vitraux et tuer le prêtre, mettre le feu au blé. Mais son plus grand péché est d’avoir perdu un petit livre écrit avec le sang du Christ.
Le livre, gardé au fond de la mer dans la bouche d’un poisson, est rendu. La mère donne alors le pardon.
Le cheval et Skolan deviennent blancs et il va au paradis avec la bénédiction de sa mère, ses frères, sœurs, des étoiles, de la lune….
« Quand le coq chante au lever du jour, les âmes trépassées vont devant Dieu, ma pauvre mère, j’irai moi aussi ».
(source)

Le programme montre à quel point ils ont été fidèles à leurs sources, rendant ainsi un hommage éclatant aux « bardes » (quel est le pluriel? Bardesses? ou faut-il dire « barzh » au singulier, donc peut-être « barzhou » au pluriel) de jadis et de naguère?

Le trio qui se produisait porte le nom de son créateur, Kêr Vari Kervarec, auquel sont parfois adjoints ceux des autres musiciens, Mehat et Dudognon.

« Le Trio Pêr Vari Kervarec se forme en début 2020, avec la volonté de proposer au public : un voyage dans cette culture bretonne, en se laissant envoûter par ces mélopées où se révèle la mémoire d’un peuple, l’âme profonde de la Bretagne. Composé de Pêr Vari Kervarec au chant en breton et aux bombardes, Loeiz Méhat aux saxophones et biniou et enfin Tony Dudognon à l’orgue, le trio compte une centaine de concerts à son actif dans toute la France.« 

La Bretagne, et en particulier le Finistère, a évidemment publié autour de ce concert. Par exemple, le quotidien Ouest France titrait « Le trio finistérien va jouer à Paris et au Japon ».

« Le trio a enchaîné toujours avec succès, avec « La mémoire d’un peuple » sur le Barzaz Breizh, collection de chants par Théodore Hersart de La Villemarqué paru en 1852.

Ce spectacle est à découvrir dimanche 22 janvier à 16 h, à l’église de la Madeleine à Pari, dans le 8e arrondissement. « C’est grâce au titulaire de l’orgue de la Madeleine, François-Henri Houbart, que le concert peut avoir lieu. Il avait assisté à un de nos concert dans la cathédrale de Quimper. Ce sera un gros concert, avec 1 500 places possibles. » La participation est libre.

Les bretons de Paris devraient être nombreux, ils se sont déjà passé le mot. Le trio se produira également à la basilique Saint-Denis le 25 mars, « là ou Anne de Bretagne a été couronnée reine. » Un disque sera enregistré en avril avec une sortie prévue en fin d’année. Le trio Pêr Vari Kervarec va également partir en tournée à l’automne… au Japon ! »

Le concert était sublime! Rarement ressenti autant d’émotions et d’émotion. Je craignais le contraste, il fut positif.

Et je dois dire que les jeunes musiciens/chanteur ont su exploiter l’espace qu’offre La Madeleine. En se mouvant. En se déplaçant. En situant leurs instruments à deux extrémités d’une hypoténuse imaginaire.

Un membre du clergé est venu rejoindre le groupe et a pris la parole. J’ignorais qui il était. Après une recherche sur le net, je puis vous le dire : il s’agit ni plus ni moins de Monseigneur Patrick Chauvet, ancien recteur de Notre Dame de Paris, devenu curé de La Madeleine.

« Débarqué au cours de l’été de son poste de recteur de Notre-Dame de Paris, Mgr Patrick Chauvet deviendra le 1er septembre curé de la Madeleine.

À la surprise générale, Mgr Patrick Chauvet (auteur du livre « Au cœur de Notre-Dame », Éd. Plon), recteur archiprêtre de Notre-Dame depuis 2016, a été débarqué de son poste par décision du nouvel archevêque de Paris, Mgr Laurent Ulrich. À compter du 1er septembre, ce prélat de 71 ans, ordonné prêtre en 1980 par le cardinal François Marty, prendra ses nouvelles fonctions d’administrateur (curé) de la Madeleine.

On peut le voir dans les (mauvaises) photos ci-dessous, à la fin de sa prise de parole, puis lorsque le concert s’est terminé.

Vous l’aurez compris, ce moment de partage avec les Bretons et les ami-e-s de « ma bro » (même s’il n’est que l’un de mes pays d’adoption) a été vraiment exceptionnel et a rompu la ternitude de cet après-midi de janvier parisien, où j’avais été effarée de voir la foule autour des magasins, me demandant pourquoi cette consommation effrénée avant de comprendre que c’est la période de la grande truanderie – pardon, je veux dire des soldes.

Il n’existe pas malheureusement pas encore de CD correspondant à ce programme. Mais vous pouvez les écouter et voir sur quelques vidéos en ligne sur leur page Facebook ou sur You Tube, comme ce concert à Rostrenen, celui-ci à la cathédrale de Quimper (un morceau que j’adore) ou cet autre à Dol de Bretagne.

Il n’est pas dans mes habitudes, vous le savez, de faire de la promotion. Mais pour une fois, je vais en faire pour encourager ce jeune trio si original. Alors,si vous les voir, rendez-vous à la Basilique de Saint Denis le 25 mars, ou, si voulez acquérir leur premier CD, il suffit d’écrire à leur association « porteuse » : mibienkerne@sganarel75 ou d’aller sur ce site. « Mibien », cela signifie « fils ». Quant à Kerne, c’est la Cornouaille. Vous écrirez donc à « Fils de Cornouaille »…

Kan An Anaon, son titre, signifie « Chants des Ames ». Enfin, pas tout à fait, car on ne peut traduire littéralement le dernier terme, souvent interprété par « Trépassés », comme la Baie proche de la Pointe du Raz le rappelle.

« La conception de l’au-delà des Bretons qu’on appelle Anaon est unique en Europe. Les morts et les vivants ne sont pas séparés ; ils vivent dans deux sociétés voisines qui s’interpénètrent à des moments précis de l’année. A l’origine, Gouel an Anaon (la fête des morts) est une fête celtique pour honorer les défunts, c’est devenu une fête catholique teintée d’une tradition païenne encore vivante au siècle dernier. » (source)

« Ce que raconte le Trio Pêr Vari Kervarec, Eliaz Le Bot et Tony Dudognon nous vient des relations singulières qu’entretiennent les bretons avec la mort et l’Au-Delà. Du passage entre la vie et l’Au-Delà, du Chant des âmes au bal des Trépassés. Un seul adage : HIRIE DIME VARCHOAS DIDE (Aujourd’hui c’est moi, demain ça sera toi)« .

Vous remarquerez que je n’ai pas fait état du dernier titre. On ne peut terminer un concert nissart sans entonner Nissa La Bella. On ne peut terminer un concert corse sans chanter Dio di Salvi Regina, ni un concert basque sans l’Euzko Abendaren Ereserkia. Donc, sans surprise, celui-là s’est achevé sur l’hymne breton chanté par le public. Ce sera le seul « bémol » dans cet article : je pense que si le chanteur avait accompagné la foule, cela aurait été plus aisé pour les non-bretonnant-e-s. Alors que même les Breton-ne-s étaient gênées par la force du saxophone. Mais ce n’est qu’un petit détail dans ce magnifique partage dominical.