Une invitation « surprise » : je ne savais pas ce que j’allais voir. Et je n’ai pas cherché à le savoir. Bien m’en a pris. Car ce fut une belle surprise, effectivement, que ces moments passés en compagnie de Pierre-Louis Calixte. Mais ce ne fut pas un monologue, comme annoncé sur le programme.
Le (524ème) sociétaire de la Comédie Française a fait revivre son grand-père (et j’avais envie de dire « la canne de son aïeul »), un metteur en scène et un comédien… et toutes sortes d’autres personnes/ages, depuis les petites mains du costumier jusqu’au Roi Soleil, en passant par Musset et Brassens… Sans compter bien sûr Molière – pardon, Jean-Baptiste Poquelin -, le prétexte de ce que j’ai envie de qualifier de « performance » pour la belle polysémie de ce mot.
J’utilise souvent le terme « co-incidence », volontairement orthographié de cette manière, pour désigner ces conjonctions de sensations, d’affects, d’évènements, qui tout à coup éclairent notre vie d’une lumière profonde, la mettent en abîme, la transcendent.
C’est une succession de ces co-incidences qui fait revivre les quatre personnes évoquées plus haut, dans un tourbillon éblouissant de « jeux » d’acteur qui, là aussi, rend hommage à Molière. Je ne veux pas trop en parler, pour ne pas déflorer ce qui est plus qu’une pièce…
Je discutais avec des amis hier soir du sens du terme « interpréter » en musique. Avec ce spectacle, j’ai appréhendé toutes les facettes de ce que peut être « l’interprétation » d’un acteur seul sur scène, je crois. Ce fut époustouflant – mot que j’utilise rarement, mais le seul capable de traduire ce que j’ai éprouvé.
Avec toute la gamme des sentiments. Avec tout l’éventail de ce que peuvent produire la voix humaine (merci Cocteau) et le corps agile…
Un petit mot encore pour la mise en scène – j’avais envie d’écrire l’auto-mise en scène, voire mise en jeu de soi. Sobre et d’une richesse incroyable, grâce aux livres et aux costumes de scène.
« Singulis », est-il écrit dans le titre. Singulier mais pas seul, entouré des morts et de tous les acteurs et personnels de la Maison de Molière, sur laquelle j’ai appris beaucoup.
Et j’ai compris le reste du titre au fur et à mesure du déroulé du spectacle, y compris le x entre parenthèses : Molière / Matériau(x).
J’ai regretté alors de ne pas avoir vu le premier des spectacles, avec Danièle Lebrun, Le Silence de Molière. Et cela m’a donné envie de voir le dernier du triptyque, Ex-traits de femmes, par Anne Kessler. « « Louison, Agnès, Armande, Henriette, Arsinoé, Célimène, Elvire, Madame Pernelle, Dorine… toutes si différentes mais qui viennent d’un seul et même cœur, celui de Molière. »
J’espère ne pas vous avoir lassé-e-s hier avec Montesquieu, son Esprit et ses Pensées ? Nous allons revenir à Paris, au Théâtre de Poche Montparnasse, et à cette époque.
La salle est minuscule, et ne comporte pas de scène. Spectateurs et spectatrices se trouvent ainsi au même niveau que les acteurs, tout proches. Une telle proximité entraîne une forme d’immersion dans l’univers théâtral. Nous voici donc aux Enfers.
Un homme est assis derrière un bureau, lisant et écrivant. Lequel des deux est-ce ? Montaigne ou Machiavel? Je penche pour le premier… Apparaît alors un homme, grand, fort, portant beau, à la silhouette évoquant un De Gaulle… Une tenue étrange, mixant les époques. Une cape superbe sur les épaules, couvrant un costume sombre, et un chapeau à larges bords. Cette fois, pas de doute. C’est lui, Machiavel.
Se faisant humble devant l’autre personnage, il explique qu’il est venu le rencontrer pour échanger avec lui de ce qui se passe actuellement. Actuellement ? Si vous avez lu mon précédent article, vous imaginez la mise en abîme. De quelle actualité s’agit-il ? Celle du troisième empire ? Celle de 2018 ? Ou celle de mars 2022 ? Laquelle donne, avouons-le, une autre résonance à la pièce… Surtout pour celles et ceux qui ont lu Le Prince. Certains gouvernants ne se prennent-ils pas pour Alexandre dit Le Grand et ne rêvent-ils pas de rejouer la Bataille de Gaugamèles ?
Jean Brueghel l’Ancien. La Bataille de Gaugamèles. Vers 1602
D’autres ne suivent-ils pas à la lettre les préceptes énoncés dans le livre ?
» Il est toujours bon, par exemple, de paraître, clément, fidèle, humain, religieux, sincère; il l’est même d’être tout cela en réalité : mais il faut en même temps qu’il soit assez maître de lui pour pouvoir et savoir au besoin montrer les qualités opposées. » « Tout le monde voit ce que vous paraissez; peu connaissent à fond ce que vous êtes, et ce petit nombre n’osera point s’élever contre l’opinion de la majorité. »
Et, au début de la pièce, l’acteur joue à merveille les « renards », pour devenir progressivement « lion »…
« Le Prince, devant donc agir en bête, tachera d’être tout à la fois renard et lion; car s’il n’est que lion, il n’apercevra point les pièges; s’il n’est que renard, il ne se défendra point contre les loups » « […] ce qui est absolument nécessaire, c’est de savoir bien déguiser cette nature de renard, et de posséder parfaitement l’art et de simuler et de dissimuler ».
Prestance et présence. Tels sont les mots qui me viennent pour évoquer Hervé Van der Meulen, qui interprète – vous l’aurez peut-être deviné – le rôle de Machiavel. Il joue avec finesse et puissance toute la gamme entre « renard » et « lion », tour à tour humble et prédateur.
Difficile dès lors de « faire le poids » contre lui. Et c’est ce que j’ai regretté. Montesquieu ne pèse pas lourd face à Machiavel, dans l’interprétation qui en est faite par Laurent Joffrin. En était-il de même de ses prédécesseurs ?
Durant la saison 2018-2019, c’était Pierre Santini qui interprétait Montesquieu, et Henri Briaux, Machiavel. Vous pouvez voir quelques extraits en ligne. Un entretien de Paolo Romani avec Pierre Santini, à ce moment, apporte quelques éclairages intéressants. Mais certains critiques de l’époque n’ont pas été plus tendres avec lui que je ne le suis pour la représentation à laquelle j’ai assisté.
« Dans une mise en scène sobre et frileuse, qui l’assigne d’une certaine manière aurang de monstre sacré, Pierre Santini semble gêné aux entournures et demeure peu enjoué. Hervé Briaux se révèle quant à lui captivant, inspiré. Les costumes d’époque figent le dialogue. Le décor, dépouillé, figurant des tranches de livres dessinées en fond de scène, n’évoque en rien les enfers et reste sans âme, un paradoxe pour un lieu accueillant des êtres privés de vie. On a le sentiment d’assister à une interview de Machiavel par Montesquieu. C’est que le propos de Maurice Joly, déjà simplificateur, est encore simplifié, au risque de la caricature. On sous-entend en permanence la justesse des propos du Florentin, comme pour en célébrer insidieusement la victoire. Le rôle dévolu à Pierre Santini, manquant de couleur, ne permet pas de souligner suffisamment la valeur de l’Etat de droit, ce qui peut donner un tour populiste à la représentation. » (source)
Exactement ce que j’ai ressenti, de la place accordée à Montesquieu qui apparaît de ce fait davantage comme un « faire-valoir » des idées de son protagoniste.
La mise en scène avait elle en sus desservi les acteurs? Fausse bibliothèque, bureau fait de tréteaux supportant une plaque de verre… Et l’un des personnages en pull-over… Au contraire de la plus récente : vraies étagères et livres, bureau « faisant ancien », tenues semblant moins anachroniques…
Remontons un peu dans le temps. En 2018 avait été écrit un petit historique de la pièce, accessible sur le site du Théâtre de Poche.
« Ce dernier demi-siècle a vu quatre grandes adaptations à la scène des Dialogues aux enfers. La première est due étrangement à Pierre Fresnay qui mit en scène la pièce en 1968 et la joue au Théâtre de la Michodière en compagnie de Julien Bertheau. En 1983, au Petit-Odéon, la pièce est montée par Simon Eine dans une adaptation de Pierre Franck avec Michel Etcheverry et François Chaumette. En 2005, l’adaptation de Pierre Fresnay fut reprise au Lucernaire, remaniée par Pierre Tabard, avec Jean-Paul Bordes et Jean-Pierre Andréani. Enfin, en 2018, le regretté Marcel Bluwal adapte et monte le texte de Maurice Joly avec Pierre Santini et Hervé Briaux pour ce qui restera comme sa dernière mise en scène. »
J’ai recherché ce qui avait été dit des autres adaptations et représentations. Il manque un lieu : le Ciné 13 Théâtre, où fut jouée l’adaptation de Tabard quelques années plus tard. L’un des acteurs est commun aux deux scènes, l’autre avait changé.
« Dubourjal a conçu une mise en scène dépouillée où Machiavel et Montesquieu sont vêtus de noir dans le noir. Une obscurité d’enfer, mais relative puisqu’on distingue un coffre clair où les personnages s’installent ou viennent prendre les hochets de leur pouvoir. Jean-Paul Bordes, l’un de nos plus grands acteurs, joue Machiavel tout en roueries, en détachements et en éclats sourds. Il est toujours entre la nuit du monde et la lumière des mots. Pour le personnage de Montesquieu, les hasards de la soirée font qu’il est tantôt interprété par Dubourjal, tantôt par Jean-Pierre Andréani. C’est Dubourjal que nous avons vu, acteur vif, net, coupant, s’appuyant avec une allégresse secrète sur le caractère juridique et discursif de ses répliques. Jean-Pierre Andréani, que nous avions vu il y a quelques années à la création du spectacle au Lucernaire, donne une image plus sensible, moins tranchante de l’auteur de L’Esprit des lois. Les deux comédiens sont à égalité, avec des personnalités différentes. Tous trois sont judicieusement endiablés dans ce brûlot d’antan qui reste un explosif lancé à nos trop confiantes démocraties. » (source)
Impossible de trouver quoi que ce soit sur les représentations de 1968, mais les deux acteurs aimaient jouer ensemble. On peut les voir dans Le Neveu de Rameau, ou encore dans L’Idée Fixe, dont la facture n’est pas sans rappeler le Dialogue…
1968, 1983, 2005, 2018, 2022… Des hypothèses, sans doute en émettez-vous, à propos de ces dates. Il semble que la pièce revienne sur scène lors ou à la suite d’évènements divers, avec lesquels elle entrerait en résonance. En est-il de même actuellement? C’est ce que je me propose de traiter dans le prochain épisode… à moins que je ne vous fasse encore partager mes ressentis? ou les deux? Affaire à suivre…
Que penseraient Machiavel et Montesquieu de notre univers socio-politique ? Telle est la question à laquelle tente de répondre la controverse imaginée par Maurice Joly au XIXème siècle et actualisée par Marcel Blüwal avant son décès en 2021, intitulée « Dialogue aux Enfers entre Machiavel et Montesquieu » ou « La politique de Machiavel au XIXème siècle, par un contemporain ».
Les Enfers, Maurice Joly va les connaître, car il sera vite reconnu comme l’auteur de ce pamphlet contre l’empereur Napoléon III et va se retrouver rapidement à la prison Sainte Pélagie, pour 15 mois, en 1866 et 1867…
Vous pourrez entendre un entretien avec Marcel Blüwal en 2018, trois ans avant son décès, ici, au moment où il a adapté le texte initial pour le théâtre, en le « modernisant » quelque peu.
« Ma première impression après lecture du texte que Philippe Tesson m’avait proposé pour que j’en fasse l’adaptation et la mise en scène a été double : stupéfaction devant la prescience politique incroyable de Maurice Joly qui écrit ce pamphlet contre Napoléon III en 1864, et ensuite difficulté du travail nécessaire pour en faire un objet théâtral visible par un public d’aujourd’hui ». Ainsi s’exprime-t-il dans la préface de l’opuscule dont j’ai photographié la couverture (ci-dessus). Un travail infernal que ce dialogue avec un auteur du siècle précédent, qui n’avait nullement cherché à écrire une oeuvre « littéraire », encore moins destinée à la représentation théâtrale ?
Pourquoi aux Enfers ? Machiavel, à la rigueur… Mais Montesquieu ? Qu’a-t-il fait de mal pour y être orienté ? Avoir publié en Suisse un ouvrage comme l’Esprit des Lois n’est pas un crime… mieux valait en 1848 éviter la censure… voire la prison… ou pire… Une petite piqûre de rappel ? Un peu de mauvaise vulgarisation ? Montesquieu aime le nombre 3. Il l’utilise pour différencier les catégories de lois :
celles qui gouvernent les relations entre les peuples : le droit des gens
celles qui régissent les rapports des gouvernants aux gouvernés : le droit politique
celles qui régissent les rapports des citoyens entre eux : le droit civil
Elles doivent, pour être efficaces, être adaptées à 3 éléments de l’environnement :
au régime politique voulu (démocratie, monarchie, despotisme, etc…)
au physique du pays (climat, qualité, grandeur du terrain…)
aux mœurs des peuples (religion, commerce, etc.)
D’où le titre de son oeuvre : « J’examinerai tous ces rapports ; ils forment tous ensemble ce que l’on appelle l’esprit des lois« . Tout ce qui vient d’être dit, plus la différence entre « état de nature » et « état social », dont je n’ai pas parlé, se trouve dans le Livre I.
Poursuivons par le Livre II, où il identifie trois types de gouvernements :
républicain « celui où le peuple (ou une partie) a la souveraine puissance«
monarchiste « celui où un seul gouverne, mais par des lois fixes »
despotique « celui où un seul, sans loi et sans règle, entraîne tout par sa volonté et ses caprices«
Il décrit dans le Livre III ce qui se passe dans une république pervertie : « On était libre avec les lois, on veut être libre contre elles. Chaque citoyen est comme un esclave échappé de la maison de son maître ; ce qui était maxime, on l’appelle rigueur ; ce qui était règle, on l’appelle gêne ; ce qui était attention, on l’appelle crainte. La république est une dépouille. »
NDLR. Toute référence à une actualité quelconque serait bien évidemment pure coïncidence…
Et n’oublions pas la séparation des pouvoirs en 3 branches.
« Tout serait perdu si le même homme, ou le même corps des principes, ou des nobles, ou du peuple, exerçaient ces trois pouvoirs : celui de faire des lois, celui d’exécuter les résolutions publiques, et celui de juger les crimes ou les différends des particuliers » (Livre VI)
Cette séparation des pouvoirs, qui est toujours censée être d’actualité aujourd’hui, est selon lui la condition essentielle pour la liberté : « Lorsque dans la même personne la puissance législatrice est réunie à la puissance exécutrice, il n’y a point de liberté ; parce qu’on peut craindre que le même monarque ou le même sénat ne fasse des lois tyranniques pour les exécuter tyranniquement. » (Livre VI)
Je ne vais pas continuer plus avant… Vous avez compris… L’Esprit de Montesquieu n’est pas si obsolète qu’on pourrait le penser.
A ce stade, je n’ai donc toujours pas compris pourquoi il est aux Enfers. Mais unité de lieu exige, n’est-ce pas : si l’on veut faire rencontrer deux esprits, autant qu’ils se trouvent dans le même lieu… Ah non ! J’oubliais! Les Pensées… Vous vous souvenez, cet ouvrage où il analyse les religions, explique les miracles et considère la Bible comme un livre écrit de main(s) humaine(s)… bref, de quoi aller se faire rôtir…
Rendez-vous demain pour un nouvel épisode, si vous le voulez
Un corbeau sur scène, voilà qui n’est guère courant, si l’on excepte les représentations de fin d’année dans les écoles maternelles, où les enfants représentent parfois les Fables de La Fontaine… Or c’est ce qu’il m’a été donné de voir, hier soir, lors d’un spectacle aux Bouffes du Nord.
Un ami m’avait recommandé d’aller voir ce qu’il considérait comme le plus original et « décoiffant » de tous ceux auxquels il avait eu l’occasion d’assister dans sa vie…
Pas de lever de rideau. Dès son arrivée, la spectatrice découvre une scène totalement blanche, constituée de trois panneaux de toile vierge et d’un sol tout aussi immaculé. Comme j’ai raté la photo dans ma précipitation avant le début du spectacle, je ne puis vous la montrer vierge. Par contre, voici la même scène une heure et quart plus tard…
Sur le côté droit, vous apercevez, au bout, en bas, une fente horizontale… C’est par là qu’est entré en scène le premier acteur. Nous vîmes apparaître d’abord un pied chaussé, puis un second, puis des jambes… et enfin l’entièreté du corps d’un grand escogriffe, tenant en main un support de micro. Il se relève, costume noir taché de blanc, et joue un moment en tirant sur le fil du micro, qui finit par entourer le devant de la scène. Le tout accompagné d’un monologue sur le « vide ». Il sort un papier de sa poche, censé être le contenu de son discours.
Surgit alors un corbeau, qui s’en empare et le déchiquète consciencieusement… puis va et vient de bord en bord sur la scène, côté cour, côté jardin et ainsi de suite.
Le monologue reprend, quand un pied nu traverse le même côté droit. Cette fois, dans la fente verticale que vous voyez vers le devant. Il est suivi d’un second pied, de jambes nues, et d’un corps de femme, aux cheveux abondants cachant le visage.
Le ton est donné. Je ne vais pas vous narrer la suite, car cela nuirait à une découverte que je vous conseille de faire. Même s’il y a parfois quelques longueurs – mais sans doute voulues, pour faire prendre conscience du temps qui passe -, les surprises se succèdent dans ce spectacle que je ne puis qualifier, entre danse, acrobatie, peinture, chant, pantomime et théâtre…
Et les applaudissements nourris des personnes présentes étaient bien mérités de ces deux (pardon, corbeau, trois) artistes qui ont montré des facettes très variées de leur talent dans un rythme souvent lent, mais parfois endiablé.
De l’émotion, de l’esthétique, du rire, tout y est pour passer un bon moment malgré l’inconfort des sièges de ce vieux théâtre.
Si vous voulez en savoir davantage, un beau film de présentation ici, un second là, et un entretien avec Baro d’Evel ici.
Vous n’êtes pas sans savoir à quel point j’aime apprendre des mots. En voici deux que l’on a utilisés devant moi, et dont j’ai dû rechercher le sens par la suite. Si vous les connaissez, passez cet article. Sinon, je vous emmène dans l’espace…
L’origine de leur emploi était une discussion sur… les symboles des évangélistes. Faut-il vous rafraîchir la mémoire? Allons-y.
Trois des évangélistes sont associés à des animaux. Ci-dessus, l’aigle. On sait dès lors que c’est Saint Jean qui est représenté…
Ce n’est pas un chien qui surveille Saint Luc en train d’écrire, mais bien un bovidé. Original, non? Surtout qu’il est ailé! Un boeuf? Il semblerait que oui, si l’on observe les détails.
Mais il n’en fut pas toujours de même : ce fut parfois un veau, et parfois un taureau.
« Les enlumineurs du Moyen Âge aimaient peindre saint Luc qui était leur saint patron et le représentaient avec son animal évangélique. Le bœuf de saint Luc n’a pas toujours été un bœuf. Les Irlandais du haut Moyen Âge lui préféraient un veau, symbole d’innocence, et les carolingiens un taureau, symbole de puissance, mais au poil blanc, symbole de pureté. Au temps carolingiens, le bœuf est l’émanation même de Dieu qui souffle à saint Luc la parole divine. Il apparaît souvent ailé et nimbé. Peu à peu le bœuf se transforme en compagnon du saint, lui tenant son livre, lui servant de lutrin, et même parfois de repose pied. » (source)
Et, sur l’épaule de Saint Marc, ce n’est pas un chaton, mais un gentil lion…
Le quatrième, lui, n’a pas eu droit à son animal totem, mais à un ange. Vous l’avez vu enfant ci-dessus, le voici plus âgé…
Si vous réunissez les quatre (tétra en grec) images (ou formes, morphé en grec), vous obtenez un tétramorphe.
Tétramorphe
« Devant le trône, on dirait une mer, aussi transparente que du cristal. Au milieu du trône et autour de lui, se tiennent quatre Vivants, constellés d’yeux par-devant et par-derrière. Le premier Vivant est comme un lion ; le deuxième Vivant est comme un jeune taureau ; le troisième Vivant a comme un visage d’homme. Le quatrième Vivant est comme un aigle en plein vol. Les quatre Vivants, portant chacun six ailes, sont constellés d’yeux tout autour et en dedans. » (Apocalypse, IV, 6-8).
Le texte est de Saint Jean, situé à la fin du Nouveau Testament. A présent, je vous propose de lire ce texte :
« Tandis que je regardais, j’ai vu qu’un vent de tempête venait du nord, et il y avait un énorme nuage et du feu qui jaillissait; une lumière vive les entourait. Et au milieu du feu, il y avait quelque chose qui ressemblait à l’électrum. Dans le feu, il y avait quelque chose qui ressemblait à quatre créatures vivantes ; leur aspect était semblable à celui d’un humain. Chacune d’elles avait quatre visages et quatre ailes. Leurs pieds étaient droits et ressemblaient à ceux d’un veau. Ils brillaient comme le cuivre poli. Les créatures vivantes avaient des mains humaines sous leurs ailes sur chacun des quatre côtés. Elles avaient toutes les quatre des visages et des ailes. Leurs ailes se touchaient l’une l’autre. Les créatures vivantes ne se tournaient pas lorsqu’elles se déplaçaient ; chacune allait droit devant elle. Voici à quoi ressemblaient leurs visages : elles avaient toutes les quatre un visage d’homme, avec un visage de lion à droite et un visage de taureau à gauche, et elles avaient toutes les quatre un visage d’aigle. C’est ainsi qu’étaient leurs visages. Elles avaient les ailes déployées vers le haut. Chacune avait deux ailes qui se touchaient l’une l’autre et deux ailes qui couvraient son corps. Chacune allait droit devant elle ; elles allaient partout où l’esprit les poussait à aller. Elles ne se tournaient pas lorsqu’elles se déplaçaient. Et les créatures vivantes avaient l’aspect de braises incandescentes. Quelque chose qui ressemblait à des torches aux flammes éblouissantes allait et venait entre les créatures vivantes, et des éclairs jaillissaient des flammes. Et quand les créatures vivantes allaient et venaient, leurs déplacements ressemblaient à des éclairs. » (source)
La Vision d’Ezechiel, Giuseppe Longhi
Ce texte est situé dans la Bible. Il s’agit de la Vision d’Ezechiel (Ezechiel 1:4-28). Il se poursuit avec la description des quatre roues du char. Quatre, un nombre que l’on rencontre ailleurs : en Egypte, avec les quatre hypostases du Créateur, comme sur le temple de Sobek et Haroëris à Kôm Ombo (Ptolémée VI, IIème siècle avant J.C.).
Regardez bien là-haut… Vous les reconnaissez? A Babylone, quatre siècles plus tôt, ils représentaient les quatre points cardinaux : le Nord, c’était le lion; le Sud, l’aigle; l’Ouest, le Taureau. Une seule différence : c’est un serpent qui représente l’Est. Pourquoi a-t-il changé? Peut-être parce que le serpent, dans la Bible, n’est autre que le symbole du Diable, du Démon, du Mal. On lui a substitué son antithèse, l’Ange, un androïde.
Quatre, c’est aussi le nombre des saisons, n’est-ce pas, Vivaldi? Et on en arrive aux constellations et aux signes du Zodiaque.
Vous en avez reconnu deux, n’est-ce pas? Le Lion… c’est l’Eté. Le Taureau… le Printemps. Vous allez me dire : mais il n’y a ni Aigle ni Ange. Eh si ! L’aigle est associé au Scorpion, dans l’Antiquité. L’Aigle, c’est donc l’Automne. Reste l’Ange… vous avez deviné ? Lequel des 12 (3×4, soit dit en passant…) signes, laquelle des 12 constellations a une forme humaine? Le Verseau, déjà représenté dans l’Egypte antique par un homme versant de l’eau.
Résumons-nous. Dans l’Antiquité, 4 saisons, identifiées par 4 constellations qui les caractérisent. Tout cela repris par un récit se déroulant à Babylone, vers 630 avant notre ère. Visible sur un temple égyptien du 2ème siècle av. J.C. Vous me suivez? On est bien avant l’histoire des Evangiles ! J’ai cherché à identifier les dates des évangiles, ce n’est pas simple… et ça se complique encore quand on cherche les dates des auteurs. Impossible, par exemple, pour Matthieu, alias Levi. Mais lui et les trois autres (non, pas les Mousquetaires… dont vous remarquerez qu’ils étaient aussi quatre, comme le Club des Quatre de l’enfance des filles nées dans les années 50, les Quatre filles du Docteur March… mais aussi les Quatre Vents du Mahjong, les Quatre points cardinaux, les Quatre éléments, sans parler de la Quatrième dimension… Et il a fallu le trèfle à quatre feuilles pour passer du 4 au 5. Il faudra peut-être que j’y revienne?
Les quatre saisons de Mucha
Vous devez vous demander, si vous connaissez le sens des termes sur lesquels j’ai enquêté, quels liens unissent les évangélistes, leurs symboles et ces termes ? Un peu de patience… En effet, il faut d’abord comprendre le noeud du débat. Il s’agit bien des quatre saisons, décalées des constellations comme vous avez pu l’observer sur le schéma situé plus haut. Comment s’explique ce décalage? Eh bien, oui, par la précession des solstices. Nous y voilà.
» Mouvement rétrograde du point vernal sur l’écliptique, lié au déplacement de l’axe terrestre autour de la direction du pôle moyen de l’écliptique« (Astron. (cilf) 1980). Le soleil franchissait le passage équinoxial sous le signe du taureau, et (…) ce n’est que par l’effet de la précession des équinoxes, qu’il le franchit de vos jours sous le signe de l’agneau (Dupuis, Orig. cultes,1796, p.337).
« Une autre objection d’origine astronomique est celle de la précession des équinoxes (Beer1939, p.13).
« Ces longitudes étant comptées à partir des points équinoxiaux, leur commun accroissement équivaut à la rétrogradation de ces points, qui, graduellement déplacés en sens contraire du soleil, doivent produire chaque année, dans le retour des équinoxes, un avancement ou précession d’environ 20 minutes, temps que le soleil emploie à décrire 50 » de l’écliptique. D’après ce déplacement fondamental, les points équinoxiaux accompliraient une révolution entière (…) en une période de 260 siècles, dont nous n’avons parcouru, depuis Hipparque, qu’une faible partie… Comte, Traité philos. d’Astron. pop.,Paris, Carilian-Goeury, 1844, p.307. » (CNRTL)
Ne comptez pas sur moi pour vous expliquer le phénomène physique ni astronomique. C’est très bien fait dans cette vidéo, que je me sens incapable de résumer. Elle m’a aussi appris que je me trompais dans la définition de l’équinoxe et la confondais avec l’équilux! Encore un mot nouveau pour moi, toujours aussi ignare…
Et voilà comment une discussion entamée lors d’un concert dans l’église Saint Julien le Pauvre a débouché sur une véritable enquête à travers l’Histoire et l’Espace…
Mais ce n’est pas tout. Un défi me fut lancé à l’issue de celle-ci : « Et il ne faut pas confondre « précession » et « nutation »! » A ma question « Qu’est-ce? », réponse « Tu n’as qu’à chercher ». Donc, j’ai obtempéré. Et trouvé l’explication sur cette vidéo.
J’y ai appris que j’aurais dû mieux lire d’Alembert, qui a écrit sur nutation et précession.
L’original, datant de 1749, est accessible en ligne gratuitement. Vous pouvez lui préférer une version plus moderne, comme celle qui est intégrée dans ce livre du CNRS.
Je laisse à l’Encyclopaedia Universalis le soin de résumer:
« De même que l’axe d’une toupie qui tourne décrit un cône sous l’action de la pesanteur, l’axe de rotation de la Terre décrit, en 25 800 ans environ, sous l’action des forces d’attraction de la Lune et du Soleil, un cône dont le demi-angle au sommet est de 230 26′. C’est le phénomène général de la précession. Ainsi, la direction du pôle Nord céleste, actuellement voisine de celle de l’étoile Polaire, en était éloignée de 90 il y a 2 000 ans. Elle sera proche de celle de l’étoile Véga dans 11 000 ans.
Le plan de l’équateur, perpendiculaire à l’axe de la Terre, tourne aussi, de même que l’équinoxe de printemps (ou point γ), intersection de ce plan avec l’écliptique. Cette direction servant d’origine aux systèmes de coordonnées stellaires, les coordonnées des astres fixes varient elles aussi avec le temps. Ce phénomène a été mis en évidence par Hipparque au iie siècle avant J.-C., découverte complétée par celles du mouvement de l’écliptique (xviie siècle) et de la nutation de Bradley (xviiie siècle).
On décompose ce mouvement complexe en deux parties : la précession proprement dite, mouvement continu et actuellement légèrement accéléré de l’axe de la Terre sur un cône de révolution, et la nutation, mouvement multipériodique faisant décrire à cet axe des festons autour du cône. »
Vous avez compris? Alors, votre QI est nettement supérieur au mien ! Mais je retiens une image…
Sur laquelle des toupies vivons-nous? Voilà qui n’est guère rassurant! Et si, en plus, on pense que cela a à voir avec le climat, où allons-nous?
A propos, je vais vous faire rire (jaune?)! En recherchant une image de toupie, j’ai découvert un nouveau mot, « inception ». Mais c’est une autre histoire…
Je ne sais si La Poste a voulu faire de la provocation, ou si des publicistes se sont déchaînés et ont voulu toucher une clientèle internationale, mais j’avoue avoir été partagée entre rire et colère en voyant cette annonce. En effet, dans le bureau de poste d’une petite bourgade picarde, j’ai vu cette annonce, parmi les autres, apparemment insignifiante…
En écrivant le titre de cet article, j’avais spontanément remplacé le « ma » par un « my »… et c’est en recherchant l’illustration ci-dessus que je me suis aperçue de mon erreur ! Alors je vais vous demander de faire le test suivant : comment lisez-vous l’encadré en rouge, et est-il immédiatement compréhensible pour vous?
Je pensais par ailleurs qu’il s’agissait d’une publicité pour La Banque Postale. La recherche que je viens d’effectuer sur le net m’a appris que ce n’était pas du tout le cas. Il s’agit d’une filiale de celle-ci.
« La Banque postale a créé Ma French Bank (MBF) dans le but de séduire un public plus jeune et attirer les plus réfractaires au monde bancaire. Basée sur un écosystème 100 % en ligne semblable aux néobanques, elle promet un complément bancaire innovant en plus des établissements traditionnels. Malgré sa jeunesse, le concept a déjà séduit des centaines de milliers de clients en France et ambitionne bien plus dans les années à venir. » (source)
Le concept de frenchitude a été développé dans les différents messages publicitaires de ladite banque, à partir de petits clips mettant en scène différents types de client-e-s potentiel-le-s, en jouant sur les stéréotypes du Français/de la Française : French Fashion, French Lover… et même French baguette… S’y ajoutent bien évidemment les stéréotypes de genre : la femme est coquette, vit dans sa maison, tandis que l’homme travaille et mange sur le pouce, a une moto et va séduire… Vous pouvez voir ces clips dans un article qui leur est dédié ici.
Cette fois, on parle bien français : « ça le gonflait » ! Qui plus est, avec un beau jeu de mot relatif aux bouées…
Les jeux de mots d’un goût douteux sont caractéristiques de la marque : après « Ma French Bank entre en Seine », on a eu droit à cette publicité :
Et, pour finir, un jeu de mots parfaitement franglophone dans cette affiche (allusion à Cloclo?)…
Qui a conçu tout cela?
« Nous souhaitions concevoir, avec Publicis Sapient, une communication attractive pour les ados et rassurante pour les parents afin de valoriser l’App WeStart en zone de confiance intergénérationnelle. » – Héloïse Beldico-Pachot, Directrice Marketing et Communication de Ma French Bank. » (source)
Il y a eu deux vagues de campagnes publicitaires. Les spots présentés ci-dessus appartiennent à la première.
« Cette 1ère vague de campagne – appelée le « French Blast » – lance la marque avec cette conviction que « la vie c’est mieux en French ». Elle a été pensée pour intriguer et attiser la curiosité, et pour commencer à installer l’idée que si la vie c’est mieux en French, la banque c’est mieux avec Ma French Bank. » (source)
La seconde a eu lieu à l’occasion du lancement du compte WeStart. Voici ce qu’en dit Karen Weber, responsable marque et communication.
« Nous avions deux ciblages différents pour notre campagne de communication. Les parents d’un côté et les ados de l’autre. L’objectif était d’aller toucher les 35-50 ans pour qu’ils souscrivent à un compte pour leurs enfants. Nous avons mis en place un challenge TikTok pour toucher les adolescents et faire de la considération. Nous avions des objectifs de notoriété et de performance. Chez Ma French Bank, nous avons toujours ce double objectif quand on fait une campagne. De la notoriété car nous sommes encore une jeune marque et la performance : l’ouverture de nouveaux comptes. Nous avons toujours une approche ROISTE : combien de clients, pour quel coût d’acquisition ? » (source)
Résumons-nous : deux sortes de « jeunes » sont visés, les ados et leurs jeunes parents. Le lancement montrait plutôt des trentenaires « bobos »… une moyenne? Par la suite, on rajeunit, c’est « la génération Z » qui est visée, comme l’explique Louis Broccholici, chef de projet communication et marketing :
« Pour revenir sur l’activation TikTok, nous avons incité les jeunes de la génération Z à montrer leur créativité et à partager du contenu dans lequel ils utilisaient les filtres de Ma French Bank. L’objectif était de marquer le plus de points de la façon la plus originale, parce que la créativité est le gros atout de la plateforme. Bien évidemment derrière ce challenge, trois PlayStation 5 étaient à remporter par tirage au sort. Cette activation a généré 300 millions d’impressions, 100 millions de vues sur Tik Tok et 45 000 vidéos créées. C’est aujourd’hui l’un des best case de ce réseau social et d’ailleurs généralement TikTok l’utilise pour présenter ses projets. Nous sommes fiers de cette réussite et de la notoriété qu’on a générée grâce à ce challenge. »
Résultat de leurs cogitations conjointes : un QR code présent dans les VTC, destiné à éveillé la curiosité de celui ou celle qui se laisse transporter, et qui va ainsi être filmé à son insu, par « eye-tracking » (restons franglophone!).
« J’aime beaucoup l’intelligence artificielle qu’il y a derrière tout ça. La possibilité en une seconde de pouvoir identifier la personne qui est assise dans le VTC et définir l’audience que l’on souhaite toucher avec des critères prédéfinis (femme, homme, moins de 35 ans, etc…) pour avoir une publicité adaptée. C’est selon moi, le gros plus de ce média. Pour terminer, je dirais également que les analyses et les chiffres qu’apporte la régie, sont très précis par rapport à ceux de certains médias plus traditionnels. Là nous savons, grâce au système de l’eye-tracking dans la caméra de l’écran comme l’expliquait votre CEO Mikael Bes, que notre message a été lu, vu et sur combien de temps. Nous avons eu des analyses très précises et cela nous va très bien.«
C’est ainsi qu’on en arrive aux groupes de jeunes adultes, gérant leur papier toilette…
« Plus qu’une campagne de publicité ou de promotion d’une nouvelle offre, nos visuels présentent une galerie de groupes d’ados, libres de vivre leur rapport à l’argent comme ils l’entendent, révélateurs de leurs identités et emblématiques d’une plastique de la culture jeune. Ils reflètent le vrai ton d’une génération, sont connectés à notre cible, naturels et authentiques, tout simplement. » – Louise Carrasco, photographe de la campagne.
La musique du spot publicitaire (2019) – que vous retrouverez ici – est un extrait de Maryland, du groupe Elephanz. Regardez le clip officiel, il en vaut vraiment la peine et ne peut pas ne pas interpeller, me semble-t-il.
Interrogeant le genre et ses stéréotypes, il évoque l’aventure, la guerre, la séduction, et même les croisades…
Et je me questionne encore sur le lien avec les paroles que voici :
Pas d’urgence mais j’atterris pas Et plus j’y pense plus je plane je suis plus moi Viens me chercher je suis pas normale
Quand on aime on ne compte pas des heures d’escale
Pas de panique si ça décolle C’est un classique n’attendons pas l’automne Toi tu hésites je me passionne Pour ton ko qui gravite et qui tâtonne C’est fou comme les heures font durer le bonheur Je me refuse à regagner la terre
Split the oceans grab my hands I won’t Maryland Back into your arms At your place Split the oceans grab my hands I won’t Maryland Oh you break the distance Baby
Premier vol mais d’humeur fatale Contre tout vent je te kidnappe en rafale Si t’es ok je suis raisonnable Profite des derniers instants sur le sable C’est fou comme les heures font durer le bonheur Je me refuse à regagner la terre
Split the oceans grab my hands I won’t Maryland Back into your arms At your place Split the oceans grab my hands I won’t Maryland Oh you break the distance Baby (2 fois)
Split the oceans grab my hands
I won’t Maryland Oh you break the distance Baby
Il me manque certainement des références culturelles (malgré une exploration du site sur le Maryland MDR) et, si vous pouvez m’éclairer, écrivez des commentaires…
En attendant, voici ceux d’un site spécialisé.
« Elephanz présente en collaboration avec Eugénie le titre Maryland, issu de son dernier album. Un cocktail électro indé d’où Romain Daudet-Jahan, réalisateur du clip, a fait surgir une aventure solaire à l’esthétique fabuleuse. Il transpose les Elephanz, en duo de Robinson Crusoë sur l’île deMaryland. Ici, la nature a repris ses droits, seule perdure la silhouette sombre et massive d’un blockhaus, échoué sur la plage comme épuisé par le temps. Reprenant les codes du roman d’aventure, de l’impromptu, et du jeu, Romain Daudet-Jahan conçoit pour cette version francophone du titre Elephanz, un scénario largement nourri des univers de Peter Pan (1902) ou de Jumanji (1981). Là, les brigands, se font guerriers vêtus de jeans cousus et recousus qui ne laissent entrevoir que leurs regards étincelants. Aux masques s’ajoutent leurs armes, des lances et bannières faites d’accumulations de couteaux et de talismans de toutes formes. Les capsules en métal se mêlent aux cuillères, les tissus troués par les mites, aux dagues de pirates. Les occupantes de l’île, véritables amazones portent les Elephanz dans la forteresse de béton nichée dans les dunes.«
Franchement, je n’avais pas repéré Peter Pan… Quant à Jumanji, j’avoue… je ne connais pas.
Le roman, paru en 1981, a donné lieu à un film en 1995, puis à une série télévisée d’animation à partir de 1996 aux USA et 1997 sur France 3, puis à un jeu vidéo. Et devinez l’année de sortie du jeu? 2019, comme la banque. Belle coïncidence, non?
Résumons-nous à nouveau. Une banque à l’image bien française à l’origine – car quoi de plus « french » que nos anciens facteurs? – crée une filiale pour les ados et leurs jeunes parents. Les publicités jouent sur les stéréotypes, l’humour plus ou moins fin, le langage « djeuns » et la branchitude. Et la musique évoque l’univers de la musique alternative, mais renvoie à un clip qui, lui-même, évoque les univers de l’enfance des générations Y et Z et les jeux vidéos qui les rapprochent… Voilà comment on passe de la French Fashion à Peter Pan.
Mais le pays imaginaire n’est pas celui que l’on croit. Et Peter Pan inventé par Disney n’est pas le vrai personnage.
« Le petit garçon qui ne voulait pas grandir naît autour de 1900. Peter Pan apparaît dans le Petit Oiseau Blanc de J.M Barrie puis il fait une pièce de théâtre autour du personnage. Enfin, il écrit un roman en 1911 sous le nom de Peter Pan and Wendy. L’histoire est celle d’un enfant qui ne veut pas grandir et qui récupère les enfants morts, tombés du berceau ou abandonnés pour les envoyer au pays de “Neverland”. Ce personnage, loin d’être un enfant de chœur, est habité par une haine profonde des adultes. Un adage de l’île raconte qu’à chaque respiration, un adulte meurt. Alors Peter Pan s’amuse à respirer fort et haleter le plus possible pour tuer le maximum d’adultes. Il tue aussi les enfants perdus. Dès qu’ils grandissent, il ne veut plus d’eux sur cette île. Profondément égoïste, le héros a aussi perdu la notion de temps en étant bloqué depuis des années sur cette île. » (Source)
L’authentique Peter Pan et son auteur, qui ne s’est jamais remis de la mort de son frère (source)
Voilà qui laisse à réfléchir… Mais revenons à des idées plus gaies…
Pour clore ce billet, un bel exemple de franglojeunophonie.
Guillaume de Tonquedec, ça vous dit quelque chose ? Cela vous évoque un château fort des Côtes d’Armor ?
Château de Tonquedec
Vous n’avez pas tort. Il existe bien, et date bien du XIIème siècle, pour sa partie la plus ancienne. Il a été acheté – pardon, acquis ! -en 1636 par René de Quengo, seigneur du Rochay (ou du Rocher, comme vous voulez). Depuis, sa famille l’a revendu, puis racheté, puis revendu à la fin du XIXème. Voilà qui explique le nom complet de Quengo de Tonquedec.
Armoiries de la famille de Quengo de Tonquedec
Voyez-vous à quoi nous en arrivons? Pas encore ? C’est que vous ignorez que l’un des descendants de cette noblesse bretonne porte ce nom, avec les prénoms de Guillaume Emmanuel Marie… Vous commencez à comprendre ? Eh oui, l’acteur aux 3 Molière (je ne parle pas du César ni du Prix Beaumarchais) est d’origine noble. Vous ne le saviez pas? Moi non plus, au moment où j’ai commencé à écrire cet article, et donc à me renseigner un peu plus sur lui!
Mais revenons à Paris, 1er jour du mois de 2/22… et au Théâtre Montparnasse. A 17 heures, j’ai couru acheter des places à l’Office de Tourisme de Paris, l’un des kiosques où l’on peut acquérir des places de première catégorie à moitié prix le jour de la représentation – ce qui est idéal pour les imprévoyantes comme moi! -, direction le quartier… breton! coïncidence, me direz-vous. Oui, mais j’aime y croire, aux co-incidences… Et, le soir… un régal!
3 acteurs et 1 actrice, la parité n’est pas respectée… Mais la jeune actrice (28 ans) occupe le terrain, face à un acteur aussi « présent ». Camille Aguilar montre des facettes variées de son talent dans un rôle qui est loin d’être facile. Les deux autres acteurs m’ont moins convaincue…
Je ne vous raconterai pas le scenario, car cela vous priverait des surprises qu’il réserve.
Donc juste un mot pour vous dire « Allez-y ». Certes les décors sont tristounets, et la mise en scène peu inventive selon moi. Mais…
Le texte de Clément Koch est d’une grande richesse, et les allusions, jeux de mots, citations ont provoqué à maintes reprises les rires de la salle… Les acteurs sont investis dans leur rôle et nous font partager des tensions et émotions intenses. L’une des répliques m’a fait penser à l’un de mes amis qui fait du théâtre amateur. Je vous la livre (de toutes façons, vous l’auriez trouvé en ligne, par exemple ici).
« Quand je joue, c’est comme si j’avais plus de place pour moi à l’intérieur de moi. Je sais, c’est un peu tordu à dire, mais c’est ça que ça me fait. De la place.«
Ce n’est pas Guillaume de Tonquédec, alias Matt Donovan, acteur sur le déclin, qui la prononce, mais Camille Aguilar, alias Sara (« surtout sans H« , comme elle le répète) Bump, serveuse dans un bar, actrice en devenir.
Et surtout, le thème même, une réflexion sur la question « Qu’est-ce qu’être acteur/actrice? », thème passionnant en soi, est traité avec finesse…
Dans l’article précédent, une photo mal prise montrait un panonceau, encourageant à devenir « locavore ». Pour un ou une latiniste, cela signifierait « qui mange un lieu »… pas le poisson, non, un « lieu » au sens géographique du terme. Et encore, avec une faute de latin!
Or, vous n’êtes peut-être pas sans savoir que cela signifie « qui mange local », qui suit les principes du « locavorisme ». A une ânerie linguistique s’en ajoute une autre. Mais nous ne sommes pas là pour parler « langue »…
Me voilà donc à nouveau plongée dans les méandres de l’Internet, à partir des questions que je me pose…
Bien sûr, comme tout le monde j’aime aller au marché du coin, acheter les légumes ou fruits produits sur place, discuter avec la jeune femme qui fait du fromage de chèvre, avec celle qui produit sa bière artisanale… J’encourage les AMAP et vais même jusqu’à expliquer autour de moi aux personnes qui ignore de quoi il s’agit ce que c’est… J’apprécie d’aller acheter des crevettes ou du poisson directement à la sortie du chalut… Mais suis-je pour cela « locavore »?
Revenons à la langue… Je commence à comprendre… le terme n’est pas français, il est né aux Etats-Unis.
« La première occurrence du terme est le fait d’un article, signé à trois mains, dans la rubrique alimentation du San Francisco Chronicle, « trois locavores ou trois femmes qui mangent local ». Il a surtout été rapporté à l’une d’entre elles, Jessica Prentice, dont le blog consigne les différents éléments de contexte et dresse un portrait du mouvement Local Food en Californie dans les années 2000. » (source)
Vous pouvez l’entendre prononcer le mot en anglais dans ce documentaire.
Les sites pullulent, qui argumentent pour ce mouvement, et culpabilisent les consommateurs/trices dont je suis, qui continuent à aimer les produits exotiques en tout genre, soit parce qu’ils ou elles ont été « locavores » dans un pays éloigné, soit tout simplement par goût. Certains donnent des adresses pour s’approvisionner ou aller manger, comme Le Bonbon.
Une question vient cependant à l’esprit de celle qui a vu se débattre les agriculteurs/trices, riziculteurs/trices, producteurs/trices de fruits comme les agrumes, les mangues, les avocat-e-s, les fruits de la passion… ces mêmes personnes qui sont déjà victimes de la mondialisation, de la main-mise européenne, américaine ou asiatique sur les circuits d’approvisionnement, de transport et distribution, vont-elles devoir subir les conséquences de cet engouement pour le « local ». Citoyen-ne-s du Monde, le Monde n’est-il pas notre « local »? Alors oui, bien sûr, le circuit court, toutes les fois où on peut, mais ne condamnons pas à être encore plus pauvres celles et ceux qui produisent, souvent difficilement, des aliments que nous aimons… Au contraire, aidons-les à trouver d’autres circuits pour faire venir leurs productions jusqu’à nos marchés, de la manière la plus écologique possible, certes, mais aussi la plus efficace et profitable pour elles et eux…
« Dans un pays où les alertes à la nourriture contaminée sont fréquentes et où deux tiers de la population présente une surcharge pondérale, les habitants ne touchent plus à leurs assiettes sans culpabilité. Il n’y a pas si longtemps, les Américains se moquaient de José Bové. Aujourd’hui, ils réévaluent leur mode de vie. Comme on dit à la ferme, mieux vaut tard que jamais. » (Corinne Lesnes dans Le Monde)
Les extrêmismes sont tous aussi dangereux… Et je continuerai à aimer les bons produits des régions où je suis, mais aussi à varier mon alimentation en évitant au maximum de participer à la paupérisation et à l’exclusion d’une partie de la population mondiale, en particulier africaine… et en refusant de me laisser culpabiliser et manipuler par des fanatiques et des « bien-pensant-e-s », quel-le-s qu’ils ou elles soient, locavores ou autres… sans compter que parfois, cela prend une tournure un peu « chauvine ».
Un locavore parce que je privilégie les achats de produits locaux.
Un mondiavore parce que je veux bénéficier d’un choix plus large de produits«
Alors qu’on sait à quel point les catégorisations provoquent des exclusions et risquent d’entraîner des conflits, pourquoi en ajouter de nouvelles? Ne sommes-nous pas capables de concevoir ce qui est nocif, nuisible et ce qui ne l’est pas?