Tondo… Kezako?

Encore un mo.. pardon, un mot, que j’ai découvert récemment et que, depuis, je rencontre sans cesse au détour des chemins, pourtant variés, que j’emprunte.

Je suppose que vous êtes moins ignare(s) que moi?

Sinon, peut-être une définition? Ou une illustration?

Voici donc un tondo…

Celui-là, je l’ai photographié à Art Capital. Et me suis d’ailleurs demandé s’il s’agissait réellement d’un tondo. Pourquoi? Si je vous le dis, je vous donne un indice… Parce que sa forme n’est pas parfaite. Puce à l’oreille?

En voici un autre, plus « classique ».

Tondo Doni, Michel-Ange

Vous y êtes? Alors je puis vous dire que c’est une aphérèse du mot italien « rotondo ». Et nous voici de nouveau parti-e-s pour une chaîne de recherches lexicales… Rions donc un peu… « Aphérèse » ? « retranchement (action ou résultat) d’un ou plusieurs phonèmes au commencement d’un mot »… « Phonème » ? « Le plus petit segment phonique (dépourvu de sens, car s’il en avait un ce serait un sème, Note de la rédactrice morte de rire) permettant seul ou en combinaison avec d’autres phonèmes de constituer des signifiants ou de les distinguer entre eux«  (D. D. L. 1976)… « Phonique » ? « relatif au son, à la voix » ex « Des écritures dont les signifiants graphiques représentent des signifiants oraux, articulés parallèlement en unités graphiques et phoniques qui se correspondent entre elles (Langage, 1968, p.523). » (CNTRL)… « Signifiant »? « Partie formelle, matérielle et sensible du signe. » Ex: « Le lien qui unit signifiant et signifié est nécessaire: dans la conscience du sujet parlant français, le signifiant bœuf (c’est-à-dire l’image acoustique du groupe de sons böf) évoque nécessairement le concept de bœuf et le concept déclenche nécessairement l’image acoustique böf. « Le signifiant est la traduction phonique du concept; le signifié est la contrepartie mentale du signifiant » (E. Benveniste ds Perrot, Ling., 1953, p. 112). » (CNTRL). Ne vous énervez pas, je ne vais pas continuer ainsi, car, comme vous l’avez très justement remarqué, ce n’est nullement le sujet de cet article.

Faisons donc simple : à « rotondo », on a retiré « ro », tout en gardant le sens du mot, « mot italien signifiant « forme ronde » et désignant un tableau de forme circulaire très en vogue au xve siècle en Italie. » (Encyclopedia Universalis).

A l’époque de la Renaissance, « Le tondo est généralement constitué par un panneau de bois entouré d’un cadre d’assez large dimension qui évoque les guirlandes « à l’antique » entourant la même forme circulaire en sculpture : peinture de la Vierge du Magnificat de Botticelli (1485 env., Offices, Florence) et sculpture de la Vierge à l’Enfant d’Antonio Rossellino pour la tombe du cardinal de Portugal à San Miniato al Monte, à Florence (1460-1466 env.). » (Encyclopedia Universalis)

Madone du Magnificat de Botticelli

Un tondo peut être un tableau, mais aussi une sculpture, comme c’est le cas pour ce tondo de Michel-Ange.

Tondo pitti, Michelangelo

Pourquoi cette forme ronde? A l’époque, elle est essentiellement choisie pour sa symbolique : la perfection. Sans début ni fin, le cercle évoque l’infini, l’éternité, la complétude. Il existe dans la nature, où sphères et globes nous abritent et nous éclairent. Contrairement au carré, invention de l’Homme. On l’associe donc au divin et à l’Harmonie. Il est aussi souvent relié au féminin.

C’est pourquoi le tondo a été si fréquemment exploité pour des sujets religieux, en particulier lorsque le personnage principal est une femme… ou la Vierge, comme c’est le cas ci-dessus.

Mais des artistes plus récents l’ont exploité avec d’autres visées. En particulier, rompre avec les formats plus classiques, rectangulaires, carrés, voire ovales.

Vous reconnaissez, je suppose? Eh oui, Les Nymphéas de Claude Monnet, version tondo, en 1908, exposé au Musée de Vernon.

Un peintre s’est beaucoup intéressé au tondo : Alechinsky.

« C’est le rond et rien que le rond que Pierre Alechinsky a choisi pour nouvel Eden, berceau moderne de ses dernières peintures à l’acrylique et à l’encre. Mais à l’inverse des célébrissimes tondi de Fra Angelico (L’Adoration des Mages), ou de Botticelli (La Madone du Magnificat), confinées dans leurs cercles, tels des reflets d’images pieuses dans des boules de Noël, les tableaux d’Alechinsky respirent, gagnent en liberté, profitent à la ligne qui ne connaît plus de limite, exultent. Le rêve s’organise en spirales imparfaites à partir d’un centre qui n’est pas forcément au milieu. Le visiteur entre dans un jeu subtil de perspectives où le regard prend de la vitesse, tandis qu’à la périphérie s’organise un langage de signes, univers abstrait ou figuratif en mouvement permanent. » (source)

Alechinsky a même fait un jeu de mots, en nommant cette toile « Dernier tondo à Paris »…

Une artiste allemande, Katarina Grosse, a joué sur le contraste cercle / lignes, comme en une recherche de l’impossible quadrature… Sa toile a été achetée par le Centre Pompidou.

Pour finir, je reviens à Art Capital, avec ces deux oeuvres exposées en « installation ». En était-ce une? Je l’ignore…

Point de tige

Le temps a laissié son manteau
De vent, de froidure et de pluye,
Et s’est vestu de brouderie,
De soleil luyant, cler et beau.

    Il n’y a beste, ne oyseau,
Qu’en son jargon ne chante ou crie :
Le temps a laissié son manteau !

    Riviere, fontaine et ruisseau
Portent, en livree jolie,
Gouttes d’argent, d’orfaverie,
Chascun s’abille de nouveau :
Le temps a laissié son manteau !

Charles d’Orléans (1394-1465)

Plusieurs voix l’ont déclamé. Parmi celles-ci, j’ai retenu pour vous celle d’Alain Bashung. Le Trio Selima en fait une très belle interprétation musicale et vocale. Mais j’ai aussi apprécié, dans son authenticité, la chorale d’enfants / jeunes Les Evolènards. Enfin, on ne peut oublier l’oeuvre de Debussy, la première des 3 Chansons de France.

Primavera, Botticelli (autour de 1480)

Je sais que certain-e-s d’entre vous commencent à se lasser des articles tournant autour du tissu et du linge. Mais je ne pouvais terminer cette « série » de confinement sans aborder ce qui me permit une relation privilégiée avec une de mes grands-mères et une occupation durant mes maladies… la broderie…

Yuri Yakovlevitch Leman

Son apprentissage correspondait à un véritable parcours initiatique.
Au début était le petit canevas, sur lequel nous croisions les fils pour… le point de croix. Le canevas pouvait être vierge. Mais, le plus souvent, il représentait un animal ou un paysage, comme les fonds sur lesquels, petit-e-s, nous organisions les cubes pour représenter ce qui y figurait, et, plus tard, ceux qui guidaient l’assemblage de nos premiers puzzles. Il ne fallait pas se tromper, et croiser toujours dans le même ordre…

Comment résister à la magie des couleurs des échevettes?

A ma grande surprise, j’ai découvert hier en tête de gondole d’un supermarché… des écheveaux de fils et des canevas pour enfants… Occupation de confinement? Et je viens de découvrir, en faisant les recherches pour cet article, que la maison DMC, marque des fils de mon enfance, existe toujours… Elle date de 1746…

Un meuble à échevettes encore vendu actuellement sur le site de DMC

Je ne suis pas de ces générations de femmes qui ont appris à broder l’alphabet avec toutes sortes d’ornements, pour préparer leurs trousseaux ou ceux de leurs filles. Mais je possède encore nombre de draps, serviettes, mouchoirs qui offrent au regard les initiales familiales, depuis les RP des mes grands parents jusqu’aux miennes, en passant pas les HR de mes parents. Et voici peu, le jour de Pâques, la petite voisine a adoré la belle nappe brodée par ma grand-mère…

Et je viens aussi de découper la bordure à mes initiales d’un drap plus qu’usé dans sa quasi-totalité. J’ai jeté le reste, mais gardé « pieusement » le motif brodé.

Mme Arthur peinte par Odilon Redon (1901)

Ah! Le point de tige! Je ne sais pourquoi, mais il m’emballait – beaucoup plus que le point de chaînette, allez savoir pourquoi… Et, lorsqu’à 14 ans j’ai fait une longue maladie, dite « du baiser » (si, si!), c’est ce point qui m’a distraite. J’ai toujours, sagement enfermé dans un coffre, le long napperon brodé de fils colorés sur une toile écrue, au motif floral apuré mais aux couleurs trop vives, souvenir de mes souffrances et de l’apprentissage de la patience.

Après le point de croix, j’ai appris à ourler. Qu’est-ce que j’ai pu passer de temps à ourler des torchons faits à partir de draps anciens que ma grand-mère découpait! Et je détestais cela. je trouvais ces points en U affreux et le processus répétitif. Mais cela m’a permis aussi d’apprendre le point de tige.

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Le « tambour » me fascinait, mais je ne l’ai, pour ma part, jamais utilisé… Dommage!

La période de confinement se termine… Le blog va pouvoir progressivement reprendre ses thèmes plus ancrés dans la Vie quotidienne et les plaisirs qu’elle procure. Une dernière image pour clore ce chapitre…

Natasha Milashevich /Наталья Милашевич, 1967
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