
Le temps a laissié son manteau
De vent, de froidure et de pluye,
Et s’est vestu de brouderie,
De soleil luyant, cler et beau.
Il n’y a beste, ne oyseau,
Qu’en son jargon ne chante ou crie :
Le temps a laissié son manteau !
Riviere, fontaine et ruisseau
Portent, en livree jolie,
Gouttes d’argent, d’orfaverie,
Chascun s’abille de nouveau :
Le temps a laissié son manteau !
Charles d’Orléans (1394-1465)
Plusieurs voix l’ont déclamé. Parmi celles-ci, j’ai retenu pour vous celle d’Alain Bashung. Le Trio Selima en fait une très belle interprétation musicale et vocale. Mais j’ai aussi apprécié, dans son authenticité, la chorale d’enfants / jeunes Les Evolènards. Enfin, on ne peut oublier l’oeuvre de Debussy, la première des 3 Chansons de France.

Je sais que certain-e-s d’entre vous commencent à se lasser des articles tournant autour du tissu et du linge. Mais je ne pouvais terminer cette « série » de confinement sans aborder ce qui me permit une relation privilégiée avec une de mes grands-mères et une occupation durant mes maladies… la broderie…

Son apprentissage correspondait à un véritable parcours initiatique.
Au début était le petit canevas, sur lequel nous croisions les fils pour… le point de croix. Le canevas pouvait être vierge. Mais, le plus souvent, il représentait un animal ou un paysage, comme les fonds sur lesquels, petit-e-s, nous organisions les cubes pour représenter ce qui y figurait, et, plus tard, ceux qui guidaient l’assemblage de nos premiers puzzles. Il ne fallait pas se tromper, et croiser toujours dans le même ordre…

A ma grande surprise, j’ai découvert hier en tête de gondole d’un supermarché… des écheveaux de fils et des canevas pour enfants… Occupation de confinement? Et je viens de découvrir, en faisant les recherches pour cet article, que la maison DMC, marque des fils de mon enfance, existe toujours… Elle date de 1746…

Je ne suis pas de ces générations de femmes qui ont appris à broder l’alphabet avec toutes sortes d’ornements, pour préparer leurs trousseaux ou ceux de leurs filles. Mais je possède encore nombre de draps, serviettes, mouchoirs qui offrent au regard les initiales familiales, depuis les RP des mes grands parents jusqu’aux miennes, en passant pas les HR de mes parents. Et voici peu, le jour de Pâques, la petite voisine a adoré la belle nappe brodée par ma grand-mère…

Et je viens aussi de découper la bordure à mes initiales d’un drap plus qu’usé dans sa quasi-totalité. J’ai jeté le reste, mais gardé « pieusement » le motif brodé.

Ah! Le point de tige! Je ne sais pourquoi, mais il m’emballait – beaucoup plus que le point de chaînette, allez savoir pourquoi… Et, lorsqu’à 14 ans j’ai fait une longue maladie, dite « du baiser » (si, si!), c’est ce point qui m’a distraite. J’ai toujours, sagement enfermé dans un coffre, le long napperon brodé de fils colorés sur une toile écrue, au motif floral apuré mais aux couleurs trop vives, souvenir de mes souffrances et de l’apprentissage de la patience.

Après le point de croix, j’ai appris à ourler. Qu’est-ce que j’ai pu passer de temps à ourler des torchons faits à partir de draps anciens que ma grand-mère découpait! Et je détestais cela. je trouvais ces points en U affreux et le processus répétitif. Mais cela m’a permis aussi d’apprendre le point de tige.

Le « tambour » me fascinait, mais je ne l’ai, pour ma part, jamais utilisé… Dommage!
La période de confinement se termine… Le blog va pouvoir progressivement reprendre ses thèmes plus ancrés dans la Vie quotidienne et les plaisirs qu’elle procure. Une dernière image pour clore ce chapitre…

Source
Poème qui associe Harpe et Broderie : « D’une forme d’aile d’ange
Qui s’éploierait en frissons
De murmures et de sons
Ineffables, elle échange,
Hymnes, avec vous des airs
Fluides, soyeux et clairs.
Il faut qu’une main de femme
Rôde à travers ce fouillis
D’ors mêlés de gazouillis,
Pour qu’au mieux vibre la trame
Nuancée, aux souples fils,
Des enchantements subtils,
Et c’est une broderie
Qui s’ébauche peu à peu,
Lumineuse dans le bleu
D’une poussière fleurie,
C’est comme un tapis flottant
Sur l’eau vierge d’un étang.
Et la source qui bruine,
Rafraîchissante rumeur,
Léthé du sous-bois charmeur,
Est encore moins enfantine,
Berce moins d’azur réel
Que la harpe au chant de ciel.(Albert Sérieys, le jardin fermé)… Continuons sur le même accord (musique-broderie) . « Des fleurs font une broderie », deux poèmes chinois (Soprano -Mady Mesplé, Piano – Dalton Baldwin) : https://www.youtube.com/watch?v=Yqj0qvfIaXY.
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Oh c’est magnifique! Merci beaucoup de cet enrichissement !
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