Une bulle musicale

Quoi de mieux pour clore les fêtes de Pâques que de vivre un concert « prenant »? C’est ce qui m’est arrivé hier, et je me suis félicitée d’avoir choisi de rentrer plus tôt du bord de mer pour assister à la représentation du Messie (alias Messiah) de Haendel dans une église que je vous ai déjà présentée, celle de l’Ile Saint Louis.

Vous avez peut-être remarqué, au-dessus de l’autel, le triangle rayonnant entourant le tétragramme et le pentagramme (entre parenthèses, ces deux mots sont troublants : le premier désigne 4 lettres, alors que le second indique 5 branches…) ?

Tétragramme et pentagramme : du trois au cinq…

Et j’ai été frappée par l’oecuménisme d’une autre manière : le public était très mixte, et la kippa bien présente. Vous remarquerez que l’illustration choisie pour le programme est tout aussi oecuménique!

Mais revenons à l’un des oratorios composé par Haendel, le Messie (1741). Au passage, la date est proche de celle de l’anniversaire de son décès, le 14 avril, qui était en cette année 1759 le jour du Samedi Saint.

Si vous voulez décrypter…

Un Monsieur, devant moi, fait littéralement « dégager » une vieille dame pour qu’elle laisse libre une place sur laquelle il fait s’asseoir… un enfant. J’en suis choquée. Et sa « prétention » est à l’image de sa goujaterie… Seule vision négative durant ces deux heures de Bonheur Partagé.

Un « personnage » – il ne s’est pas présenté, et ce qualificatif lui va si bien! – introduit le spectacle, précisant qu’il salue la présence d’un célèbre compositeur, Dominique Probst. Il le désigne. L’artiste se lève. C’est justement le « prétentieux » que je venais de remarquer! Dommage… En préparant ce texte, j’ai regardé sur le net, et trouvé sa biographie ici et . Il n’est autre que le fils de Gisèle Casadesus et de Lucien Pascal (Probst), directeur de la Comédie Française. Et neveu de Jean-Claude Casadesus. Son épouse est comédienne, l’une de ses filles, Barbara, aussi, et la seconde, Tatiana, chante aujourd’hui. Si j’ajoute qu’un film a été tourné sur sa biographie, il faut avouer qu’il y a de quoi prendre la grosse tête! En continuant mes lectures, j’ai compris que la dame « en retrait » près de lui n’est autre que l’actrice Catherine Chevallier. Et le petit garçon qui dormait sur ses genoux, leur petit-fils, dont la maman chantait ce jour.

La soprano Tatiana Probst est vraiment lumineuse, et sa voix, à la fois chaleureuse, intense et souple. J’ai vraiment adoré son interprétation et le rayonnement de sa personne. Vous pouvez la voir sur cette (mauvaise) photo, aux côtés de l’alto, ici souriante alors qu’au contraire de sa collègue, elle avait gardé un air triste tout au long du concert.

La soprano Tatiana Probst et l’alto Laeticia Gopfert

Mais, après ces digressions, revenons au début du concert, quand l’orchestre s’installe.

Un orchestre remarquable, en accord parfait tant en interne qu’avec les solistes et le choeur. Les choeurs, devrais-je dire, car il y avait deux chorales, avec un chef pour l’un et une cheffe pour l’autre. Une mention spéciale au « choeur » ainsi formé, qui a fait raisonner, avec intensité et émotion, l’oeuvre de Haendel. Quant aux solistes, j’ai préféré la soprano à l’alto, et le baryton basse au ténor. Celui-ci ne semblait pas au mieux de sa forme, alors que Jean-Louis Serre nous a fait vibrer à maintes reprises.

A gauche Pierre Vaelo, ténor, et à droite, Jean-Louis Serre, baryton

Ce furent presque deux heures de vibrations et d’émotions pour un public totalement sous le charme. En ont témoigné les applaudissements enthousiastes à destination des solistes, de l’orchestre, des chef-fe-s de choeur et du choeur lui-même.

Le « personnage » et la cheffe de choeur, Solène Labour

Les deux solistes et le chef d’orchestre Frédéric Loisel

J’ai fait une exception à une règle pour moi sacro-sainte : ne pas enregistrer durant le concert. Lors de la reprise de l’Hallelujah par le choeur, j’ai capté quelques moments de la fin, pour vous les partager. Vous pourrez voir et entendre cette « finale de final », et peut-être comprendrez-vous mieux mon plaisir, j’allais dire le Bonheur pur. Vous n’entendrez hélas pas les solistes, qui se trouvaient à ce moment sur les côtés, hors champ; mais Tatiana Probst chantait aussi…

Les plus beaux Ave Maria

Le titre du spectacle m’avait interpellée. Pourquoi vouloir comparer des airs qui sont incomparables?

Néanmoins, comme ce sont des airs qui, pour la plupart, me « transportent », et qu’en outre je ne connais pas le lieu qui accueille chanteuse et organiste, me voici en ce dimanche de novembre parmi la centaine d’auditeurs/trices sur les bancs modernes de Notre Dame de la Salette.

L’église est étonnante : au lieu de la forme classique, c’est une sorte de choeur absolu, avec une hauteur étonnante et une forme originale. Les vitraux augmentent cette impression d’élévation, avec leur forme rectangulaire dont la hauteur est extrême, comparée à leur étroitesse. Ils sont disposés de manière symétrique autour de l’axe autel / porte d’entrée principale. L’orgue, lui, est disposé non face à l’autel, mais sur l’axe perpendiculaire, totalement à gauche, face à l’entrée secondaire. Ce qui donne un plan lui aussi tout à fait original. Mais vaut aux spectateurs/trices de risquer le torticolis car, bien évidemment, les bancs, eux, sont placés face à l’autel!

Comme toujours, je voulais placer dans cet article des photos prises en ces lieux. Mais Mystère… Elles ont toutes disparu! Aucune photo du 13 novembre n’est visible sur mon téléphone, pas plus que sur ICloud. Que s’est-il passé? Une disparition, et non l’Apparition!

Donc, si vous souhaitez comprendre ce que j’expliquais concernant cette église, rendez-vous sur ce site ou cet autre, pour l’orgue.

Mais revenons au concert…

La soprano Corinne Fructus a une voix admirable et m’a séduite tout au long du récital. J’aurais voulu vous la faire entendre, mais je ne trouve aucune vidéo valable sur Internet. Pourquoi??? Quant à l’organiste, il est également chanteur, ce qui n’a pas facilité sa tâche car il tournait le dos au public en chantant. Je me suis d’ailleurs demandé pendant un bon moment où pouvait être le chanteur, avant de réaliser qu’il n’était autre que le musicien! David Lauer est tout aussi discret que sa collègue sur les réseaux. Il vient, comme elle, de la région toulousaine.

Quant au programme, il est fort riche, alliant les Salve Regina aux Ave Maria, avec des intermèdes instrumentaux. Que vous dire, sinon d’écouter, encore et encore, ces remarquables chants, que vous soyez ou non adeptes de la religion catholique. Un palmarès? Pour moi, incontestablement, Gounod reste le summum… Surtout par Barbara Hendricks… des frissons garantis à chaque fois que je l’écoute! J’aime moins la version masculine de Pavarotti… Mais avec Gautier Capuçon, quelle merveille!

Mais je ne sais pas si je ne préfère pas celui de Caccini plus intime? Vous pourrez écouter la version pour choeur ici et son interprétation par une soprano là.

Juste derrière, pour moi, l’oeuvre de Schubert. On se souvient de l’interprétation de Jessye Norman… Saviez-vous qu’elle avait été chantée devant le pape en 1979 par Pavarotti? Et la voici en araméen. Très beau, également…

N’oublions pas Bach, bien sûr! Ni la Callas

Et, pour les adeptes de chants grégoriens, il en existe aussi toute une variété : ici ou , par exemple.

J’espère que vous éprouverez autant d’émotion que moi en écoutant tous ces airs, et les autres que vous trouverez sur le net ou ailleurs (revenez à l’affiche, cela vous donnera des idées…).

Le chant de la Terre

Je dois avouer que parfois je suis complètement stupide… Ceci en est un exemple. J’avais envie de voir un spectacle de danse… Et l’affiche du Châtelet m’a inspirée… Places prises. Trajet vers le théâtre difficile en ce jour de grève. Mais m’y voici. Ravie, car je ne suis jamais retournée en ces lieux depuis… Hair, version initiale, vue du poulailler car, en tant qu’étudiante, je n’avais pas assez pour me payer autre chose. Et encore, c’était une folie!

Cette fois, fauteuil d’orchestre. Scène noire. Fumerolles. Empilement de branchages comme pour un feu.

Un homme, tout de noir vêtu, arrive sur scène. Et commence à chanter. En allemand, bien sûr, puisque c’est une oeuvre de Mahler. Malheureusement, traduite en français et en anglais sur des écrans bien visibles. Pourquoi « malheureusement »? Parce que cela distrait, d’abord. Mais c’est toujours le cas. Ce qui est plus rare, c’est de constater autant de divergences entre les deux traductions. Au point que, parfois, il n’y avait presque aucun rapport entre les deux phrases. Et pire : aucune ne traduisait vraiment les paroles en langue germanique (que je comprends vaguement).

La première moitié du spectacle m’a laissée peu enthousiaste. Je n’ai pas aimé les deux grands rideaux qui s’abaissaient et se levaient. Aucune esthétique, et cela me gênait. J’ai eu du mal à comprendre l’enchaînement des lieder, n’y trouvant aucune logique.

Par contre, la voix de la chanteuse m’a entraînée dans des émotions puissantes et des songes prenants. D’autant que cela s’accompagnait de déplacements gracieux sur la scène, dont le noir désormais jouait avec le blanc trouble des fumerolles ou le blanc pur de flocons de neige artificielle. Pas une danse. Mais presque…

Christina Daleska (alto) et Maximilian Schmitt (tenor)

Les recherches que j’ai effectuées concernant la chanteuse m’ont amenée à me questionner : pour certains, elle est « alto », pour d’autres, « soprano », voire « mezzo-soprano ». Je ne suis pas parvenue à y voir plus clair, mais les extraits écoutés sur Internet font entendre effectivement une variété de tessiture.

Au centre, le chef d’orchestre Emilio Pomarico, qui dirigeait l’ensemble Klangforum Wien

Avec toute l’équipe du spectacle

Le spectacle n’est pas en ligne à l’heure où j’écris ces mots, mais vous pourrez en entendre une autre version sur ce site ou une version plus ancienne sur celui-ci. Pour comprendre l’oeuvre, voici une explication claire et intéressante de celle que l’on considère comme l’oeuvre testamentaire de Gustav Mahler, avec un entretien de Reinhert de Leeuw, qui a composé la version musique de chambre de l’oeuvre, quelques jours avant sa mort, mais qui survivra « éternellement » comme son prédécesseur, grâce à cette oeuvre sublimant la mort…

« Ewig… Ewig.. »

« « Ewig » (« pour toujours ») qui est  répété plusieurs fois, est une sorte de mantra, accompagné d’accords soutenus par l’orchestre, qui comprend la mandoline,  les  harpes et le célesta. L’accord final, disait Benjamin Britten, laisse une impression désespérée de déchirement où la musique se perd dans le silence. »

Une autre explication, écrite celle-ci, met en lien l’oeuvre avec les poèmes chinois qui l’ont inspirée. J’y ai découvert que ce que j’avais préféré est le sixième morceau, « Der Abschied » (« Le Départ »).

Une belle surprise

Un avis sur un site de sorties partagées. Intriguée, je partage à mon tour l’idée. Le 17 à midi, ouverture de l’inscription à un concert à la Sorbonne, orchestre et choeur. « Inscrivez-vous vite, il y a peu de place ». Je partage immédiatement l’info. Pour en faire profiter d’autres, mais aussi parce que, ce jour-là, je travaille à Lille sans répit, déjeuner compris.
C’est avec émotion que je retrouve donc le mardi soir, après une seconde longue journée de travail, l’édifice historique qui a accueilli, voici bien longtemps, très longtemps, une jeune fille de 17 ans en rupture d’hypokhâgne, et, dans un passé plus récent, une thésarde tardive qui avait demandé à soutenir en ces lieux, Amphithéâtre Dürkheim.

Cette fois, c’est un autre amphi que nous cherchons, l’Amphi Richelieu. La Sorbonne fait un peu « ruche » à mon arrivée. Dans la cour, dans le grand hall, dans d’autres amphis, une nuée de jeunes en tenue sombre. Que dis-je, sombre! Noire! Pas la tenue ordinaire des étudiant-e-s qui fréquentent ces lieux. Je suis intriguée par leur nombre, aussi.

L’amphi est déjà bien plein quand j’y pénètre. Il faut dire que le tiers environ des places les plus proches de la scène, face et côtés, sont marquées soit par des dossiers noirs soit pas des « réservé ». Une jeune « ouvreuse » explique que c’est pour le choeur et les invité-e-s. Le choeur? Etonnant, non? Ordinairement il est plutôt sur scène!

Montée donc par l’étroit escalier qui conduit à l’étage supérieure. Installation sur les bancs de bois toujours aussi durs, avec des dossiers raides qui n’épargnent pas le dos et un espace qui ne permet pas aux personnes de taille normale d’y placer leurs jambes… D’ailleurs mon voisin du rang suivant, un grand jeune homme tatoué et annelé, cheveux décolorés, ne parvient pas à glisser ses jambes longues, longues, longues, entre siège et dossier du rang précédent. Il passera toute la soirée à se tortiller en tout sens pour tenir bon. Comme mon voisin immédiat, un peu moins grand, mais qui cherchera une position à peu près tenable tout au long du concert.

La salle est pleine de spectateurs, et le spectacle des nombreuses places réservées, vides, est étrange…

Un organisateur se trémousse, puis prend la parole pour remercier, dire combien il est heureux, etc. Notamment parce que le Président de l’Université est dans la salle. Je ris intérieurement. C’est unE PrésidentE. Elle est d’ailleurs deux rangs devant moi, discrètement installée au sein de la foule du balcon. Seule la présence de deux jeunes hommes en tenue de gala, au rang suivant, qui se penchent régulièrement vers elle, a attiré mon attention…

Puis un grand escogriffe entre en scène. On nous a annoncé l’un des deux chefs. Mais ce n’est pas une baguette qu’il a en main! C’est un djembé! Et il ne se glisse pas derrière le pupitre! Il s’assied, oui, il s’assied sur le bord de la scène ! Et se saisit de son instrument, commence à en jouer doucement.

Le chef Frédéric Pineau jouant tandis que le choeur commence à monter sur scène

Au rythme de celui-ci, alors, arrivent sur scène, mais aussi dans les deux espaces permettant de descendre dans les rangées de sièges, trois longues files de jeunes, tout de noir habillé-e-s. Une cérémonie étrange. Intrigante. Trois vagues déferlant doucement (bel oxymore, n’est-ce pas?)…

L’arrivée des deux « ailes », au son du djembé

Et le chant commence. Tout doucement, d’abord. Puis de plus en plus fort. Jusqu’à emplir tout l’espace et enivrer les personnes présentes. Les choristes dansent en chantant… La surprise est totale.

Le reste du spectacle sera plus « classique ».

Voilà qui est plus orthodoxe !

Présentation de la saison 2022-2023. Le chef d’orchestre expose, explique, annonce, et introduit pour chacun des premiers spectacles les extraits qui seront joués et chantés. A chaque fois, la scène est recomposée, les musiciens et choristes alternent ou au contraire se retrouvent. Un vrai ballet. Et des morceaux très disparates, du 18ème au 21ème siècle.

Pour ce faire, l’orchestre évolue, du « grand » (enfin, le plus grand possible, vu l’étroitesse de la scène!) au quatuor…

Le chef Nicolas Agullo et son orchestre
Version quatuor

J’ai pour ma part particulièrement apprécié deux d’entre eux.

Le premier, une chanson composée par une jeune Ukrainienne à partir d’un discours de son président. Un jeu entre deux chanteuses, qui avaient pris place au plus haut des espaces latéraux, et le choeur situé sur scène. A capella. Emotion intense, partagée.

En haut, à gauche, à peine visible, l’une des deux chanteuses…

Le second, une oeuvre dont le compositeur, Jean-Yves Bernhard, actuellement en résidence à l’Abbaye de Fontevraud, venait d’être présenté.

Le compositeur se présente, faisant rire le chef…

Il a pris place au milieu du premier rang du choeur, et le son de son saxophone donnait le rythme au chant, pour, en toute fin, s’allier à celui-ci. Autre émotion, mais différente.

La soirée s’est achevée sur un appel à la participation des auditeurs/trices. Car il est organisé deux fois dans l’année des concerts participatifs. L’un autour du Gospel. L’autre autour de chants de compositeurs actuels. Mais la salle a peu participé au Choeur des Gitans de Verdi, qui a clos cette étonnante soirée…

Ecran version karaoké

Seuls trois spectateurs sont restés particulièrement calmes, bien tapis dans la pénombre… Les connaissez-vous? En voici deux… Qui est le troisième?

Une dernière information : une captation du concert a été faite, annoncée… mais quand et où sera-t-elle disponible? Peut-être sur YouTube, où l’on peut voir beaucoup de vidéos du COSU?

Opéra en Liberté et Hymne à l’Amour

Dans le précédent article, qui vous a fait voyager dans les Cieux, je faisais allusion à l’église Saint Julien le Pauvre. Vous la connaissez, si vous lisez ce blog depuis longtemps, car j’en ai déjà parlé ici. Pour les autres, c’est cette jolie petite église plus ou moins romane, blottie dans le petit parc -jardin Viviani – qui fait face à sa grande soeur, Notre-Dame, de l’autre côté de la Seine, et fait angle avec la rue Galande.

Une église qui a vécu une histoire pleine de rebondissements (histoire que j’ai déjà narrée, je n’y reviens donc pas), et est maintenant consacrée au rite grec melkite catholique. Une petite visite, mais limitée au côté droit… je n’ai pas pu me promener dans l’église avant le concert! Et le manque de luminosité explique la mauvaise qualité des photos…

Les Grecs (ainsi dénommés non par leur origine géographique mais parce que c’est la langue grecque qui est utilisée) Melkites Catholiques sont des catholiques de rite byzantin. Ce qui explique la présence de nombreuses icônes.

Chapelle latérale

Cela explique aussi la présence de l’iconostase où se trouvent, entre autres, les peintures représentant les 4 évangélistes et leurs symboles, sujet de ma verve d’avant-hier… Observons-le de haut en bas (pour la petite histoire, le haut avait disparu à une certaine époque!)…

Quel lien avec l’Opéra et l’Amour? Tout simplement, cette église accueille très souvent des concerts, dont celui qui fait l’objet de mon discours ce jour. Vous l’aviez peut-être compris, si votre regard s’est porté sur le piano de la photographie ci-dessus!

EGLISE SAINT JULIEN LE PAUVRE - Salles de spectacles

En ce jour de fête commerciale, rien de tel, pour contrecarrer les visées économiques, que de se nourrir de musique et de chants, n’est-ce pas? Et ce fut un régal.

Le pianiste est remarquable. Il faut dire que Philippe Alègre a une carrière riche, qui l’amène à jouer régulièrement dans les salles célèbres comme Cortot et Gaveau.

Philippe Alègre au piano

« Parallèlement à sa carrière de concertiste, il est depuis 2003 le fondateur et directeur artistique des « Nuits musicales du Rouergue », festival d’été au cœur de l’Aveyron. Il est également directeur artistique de « Piano Passion », série de concerts tout au long de l’année à l’église Saint-Julien -le-Pauvre à Paris. » (source)

C’est donc, si je comprends bien, l’instigateur de ce concert. Voilà qui explique le fait qu’il s’agisse à la fois d’un récital de piano, avec des morceaux interprétés en soliste, et d’un récital d’airs chantés par deux artistes, Clémence Lévy et Matthieu Justine.

Le public attend encore quand s’élève une voix du fond de l’église. Vêtue d’une longue robe rouge, la couleur symbolique de cette fête, une jeune femme s’avance, doucement, s’arrêtant de temps à autres pour créer une connivence avec le public, tout en continuant à chanter… Lorqu’elle arrive au choeur, le changement de sonorité est surprenant et fait comprendre comment l’acoustique est modifiée par l’architecture. Elle est ensuite rejointe par son comparse, et l’on saisit très vite une entente étonnante entre les deux artistes, qui semble aller bien au-delà du duo de chanteur/euse…

Je ne vais pas détailler le programme, ma mémoire n’est pas assez performante et il n’y a pas eu de document écrit. Mais il fut d’une extrême variété, allant de Franck Sinatra à un Ave Maria… Cette diversité fut pour moi un peu difficile à accepter, je dois bien l’avouer, même si la thématique était claire : l’Amour, comme l’indiquait le titre du concert. Mais voir swinguer sur le « Maria » de West Side Story dans une église, alors que quelques minutes plus tôt et plus tard on était envoûté par des airs d’opéra, demandait une certaine adaptabilité. Et il a fallu toute la dynamique du trio, et surtout de la jeune femme, pour que cela constitue au total un spectacle exceptionnel, avec une mise en scène bien réglée.

Lorsque j’ai cherché à en savoir davantage sur le duo, j’ai compris. D’abord, que mon hypothèse était juste : Clémence Lévy et Mathhieu Justine forment bien un couple à la ville comme sur la scène. Ils ont d’ailleurs tourné pendant le confinement une vidéo que je vous conseille de regarder.

Toujours pendant le confinement, lorsque celui-ci s’est un peu « ouvert », ils n’ont pas craint d’aller chanter et jouer en plein air. D’autres vidéos, sur leur site officiel, les montrent dans un décor de cités.

Cela correspond à leur engagement citoyen, explicité dans ce texte:

« L’émotion au cœur.
La voix comme drapeau.
L’opéra est universel, il n’a pas d’âge, de couleur, de frontière.
Amener l’opéra et la musique classique là où on ne s’y attend pas.
Faire un pas vers celles et ceux qui pensaient ne pas y avoir accès.
Partager, toucher, vibrer ensemble aux sons des relations humaines dans une cité, une grange d’un petit village de campagne ou une école.
C’est notre engagement aujourd’hui.
Oui l’opéra et la musique classique sont accessibles à tous et l’accueil du public nous le confirme, concert après concert.
« 

On saisit mieux dès lors le nom de leur ensemble : Opéra en Liberté. Et sa devise : « L’opéra partout. L’opéra pour tous ». Car la soprano et le ténor se produisent aussi dans des contextes plus « classiques », comme on le voit sur cette vidéo.

Le public a suivi. Il a aimé. Il a vibré. Moi aussi. Vous savez, ces instants où tout à coup votre corps est parcouru par des picotements, comme une « chair de poule » généralisée? Et ceux où les larmes vous viennent aux yeux tant l’émotion est forte? Et ceux où vous vous surprenez à sourire en permanence (derrière votre masque) tant vous vous sentez heureux/euse?

Le public a applaudi. Ovations qui se sont terminées debout après deux « bis », ou plutôt deux nouveaux airs offerts.

Nuit des Rois

Enfin les salles réouvrent, et l’on peut retrouver le plaisir des concerts. C’est avec bonheur que j’ai retrouvé hier soir la nef enchanteresse qui vogue sur la Seine à l’ouest de Paris…

Une heure un peu étrange pour un concert, qui avait déjà été avancé à 19 heures, puis l’a encore été à 18h30, pour permettre au public de ne pas contrevenir à l’heure du « couvre-feu » stupide. Au programme : la Nuit des Rois de Schumann. Peut-être pas ce que j’aurais choisi en temps ordinaire, mais un des premiers grands concerts possibles, ça ne se rate pas!

Retrouver les lieux, l’ambiance un peu fébrile dans l’attente du moment où la musique va envahir les lieux et les corps, voir arriver et s’installer l’orchestre, puis le voir se lever pour accueillir la cheffe… autant de ressentis qui manquaient depuis si longtemps…

Parmi l’orchestre, quelques chanteurs/euses
Avec la cheffe d’orchestre, Laurence Equilbey

Les lumières s’éteignent, le silence se fait… Et l’écran s’illumine. C’est une des spécificités de ce spectacle : une projection d’images. Elles sont dues à Antonin Baudry – auteur de la bande dessinée Quai d’Orsay et scénariste du film Le Chant du loup. La vidéo accompagne toute l’oeuvre.

La récitante, Anna Lucia Richter

En transparence, on voit les minuscules silhouettes des membres du choeur et des chanteurs/euses lorsqu’ils passent derrière l’écran. Et, ce que j’ai beaucoup apprécié, les paroles sont traduites et reportées dans un espace réduit en haut à droite de ce même écran.

La Reine des Nymphes et Poséidon, et surtout la Harpe faite des os du Page…

Ce dispositif présente avantages et inconvénients. Du côté des premiers, outre la possibilité, non négligeable, de comprendre le texte, une dramaturgie omniprésente et le mélange des genres. Du côté des seconds, le fait, selon moi, de « distraire » de la musique, et cela me perturbe quelque peu.

Et puis, dois-je l’avouer, je n’ai pas apprécié le graphisme, ni les couleurs. Question de goût, peut-être…

Pour ce qui est de la musique, plutôt des oeuvres assez courtes qu’une oeuvre intégrale:

Schumann, Le Page et la fille du roi

Schumann, La Malédiction du chanteur

Trauermarsch (Marche funèbre) in Leonore Prohaska

Geistlicher Marsch (Marche spirituelle) in König Stephan

Schumann, Nachtlied

Bref, un ensemble de 5 « tableaux » illustrés, joués et chantés. L’interprétation de l’orchestre, sous la direction fine et forte de sa cheffe, m’a entraînée dans des univers tous plus sombres les uns que les autres, avec une mise en abîme de la cruauté, du déni de l’amour, et de la mort sous la vision la plus romantique qui soit.

Le choeur se déplace en une chorégraphie bien réglée et harmonieuse. D’abord, en chant « guerrier », sur chaque côté des balcons. Puis, sur la scène et derrière l’écran. Enfin, descendant les marches parmi le public assis en orchestre. Les costumes sont sobres, en nuances de bleu.

Lorsque le spectacle s’achève, les applaudissements pleuvent. Et successivement montent sur la scène le choeur (ci-dessus), les chanteurs/euses et la cheffe, puis le metteur en scène et tous les autres acteurs du spectacle.

Je ne suis pas parvenue à trouver d’enregistrement du spectacle, alors qu’il a été produit en partenariat avec France Musique, mais pour en savoir davantage sur Insula Orchestra, vous pouvez aller ici.

Et pour comprendre deux des oeuvres, une présentation drôle et bien faite ici. Une autre interprétation de Trauermarsch, un air que j’aime beaucoup (merci, Beethoven!).

Un peu de musique dans ce monde de brutes. Billet 5

Aussi longtemps que je me souvienne, j’ai toujours aimé les voix « de castrats »… qui heureusement ne sont plus castrats… mais dont la tessiture rappelle celle de ces personnes qui sacrifiaient – ou dont on sacrifiait – la virilité au profit de leur voix.

Voyant qu’il y avait en ce samedi 5 octobre un concert du contre-ténor sopraniste Mathieu Salama à Sainte-Elisabeth de Hongrie, j’ai voulu en savoir davantage sur ce chanteur, et ai découvert cet air, que je souhaite partager avec vous ce matin.

Je ne puis m’empêcher d’évoquer Alfred Deller

Et le magnifique film Farinelli