Les textes qui suivent ont été écrits à l’occasion de la Journée du Patrimoine, 22 septembre 2019… Une exposition à la Galerie Résonances, au Tréport, d’oeuvres de Jean-Claude Boudier… autour de laquelle a été conçue une animation intitulée « Avatars de galets. Du patrimoine naturel au patrimoine culturel ». Une découverte de la richesse au pied de la falaise du Tréport, suivie d’un jeu de piste organisé par l’Association Goéland, menant de l’Esplanade au Quartier des Cordiers, puis ramenant à la Galerie pour admirer les sculptures et autres oeuvres exposées, dont celles de Michèle Mareuge, mais aussi écouter une composition musicale et voir un film de Didier Debril, et enfin une lecture des textes qui suivent…
PS : maladroite avec ce logiciel, je ne suis pas parvenue à scinder les strophes…
Préambule
Force et faiblesse… C’est ce que m’évoque le galet, tel que vécu, senti, regardé sur la plage de mon enfance, de mon adolescence et de ma pseudo-maturité…
Que de fois ai-je entendu les adultes, les touristes, jeunes et vieux, se plaindre des galets et désirer le sable. Mais que ce soit à Nice, mon autre « chez moi » ou à Mers-les-Bains, haut lieu de mon enfance, les galets ont représenté pour moi un mystère et un symbole d’antinomie…
Enfant, je descendais en courant, pieds nus, sur les galets pour rejoindre le sable et la mer. Plus tard, j’appréciais de me baigner à marée haute, pour nager au plus vite en mer profonde.
J’ai joué avec eux, j’ai vu jouer aussi. Mes enfants. Mes petites-filles. Et maintenant cela va être le tour de Samuel, qui a initié cette année une nouvelle génération de grimpeurs, descendeurs et chercheurs de galets sur la place de Mers. C’est la 6ème que je vois. Une vie.
Je me suis souvent demandé si j’associais les galets à la vie ou à la non-vie, à l’animé ou à l’inanimé… Un jour, une conversation avec un ami a fait écho à ce questionnement. Il évoquait pour moi la place du galet dans le Feng Shui. Elément de Terre, il contribue à l’équilibre, en particulier pour détruire les effets négatifs de l’Eau… Voilà qui lui redonne un aspect dynamique dans sa minéralité si statique en apparence…
J’ai choisi de livrer ce jour deux courts textes qui chantent
ces galets, patrimoine naturel, patrimoine culturel….
Avatar 1
Roulé, malmené
Embarqué par les flots
Roulé, maltraité
Façonné par les flots
Il deviendra galet
Fondu dans la masse
Des autres galets
Unique pourtant
Invisible, trop visible
Au regard de l’enfant
Qui recherche le sable
Fin, le sable mouvant
Sous petits pieds fragiles
Imprévisible sous le pied
De l’adulte vieillissant
Qui cherche à s’assurer
Mais risque de tomber
Sur jambes si peu agiles
Fondu dans la masse
Des autres galets
Devient maltraitant
Unique, singulier
Le galet
Si recherché
On vante sa rondeur
Sa douceur
Ses couleurs
Mais aucun des galets
N’a d’égal à lui-même
N’est égal à un autre
La quête du galet…
L’enfant émerveillé
De si brillants jouets
L’adulte enchanté
De formes si variées
Toutes et tous en quête
D’un objet rare et beau
Caché sous la grisaille
De sa peau
Douce et rêche
Chaude ou fraîche
Car telle une coque
La surface anonyme
Peut cacher un trésor
De couleur et de forme
Roulé, malmené,
Le galet résiste
Il résiste à la mer
Le temps a peu de prise
Pourtant il finira
Par devenir poussière
Grain de sable d’abord
Epais, craquant, massant
Puis grain fin si plaisant
Sous le pied du passant
Homme libre,
Quand tu vas voir la mer
Contemple le galet
Si différent
Si semblable
Si faible
Et si puissant…
Avatar 2
Une masse blanche. Elle a chû de la falaise, a quitté le platier pour venir se rouler à nos pieds… Caressée. Massée. Travaillée par les flots, le flux et le reflux, la vague écumeuse…
La voici « galet ». Galet de calcaire. Pur mais pas dur. Lisse et doux au toucher. Prêt à se livrer aux mains de l’artiste et à ses outils.
L’artiste le pèse et le soupèse, le caresse à son tour. Il joue de ce galet, le regarde, s’interroge, se questionne, imagine, anticipe, projette et se projette dans une œuvre future.
L’ovoïde blanc est blessé. Entaillé, fendu, coupé, sculpté, mutilé, il souffre sous le coup des outils de l’Homme. Il se transforme, se trans-forme.
Peu à peu émergent… Un doigt ? Un ongle ? Un œil ? Anthropoïsation progressive. Ou animalisation. Ou… Tout est possible au créateur.
Une masse blanche. Qui n’a plus rien d’une masse. La lumière joue avec les creux et les reliefs, rompant la blancheur éclatante et projetant des ombres…
Alors apparaît l’œuvre. Sculpture intégrale. Pas de face cachée. Tout est fin. Tout est pur. Tout est Beau. Le galet travaillé par les mains de l’artiste se mue en œuvre d’art…