Boudin fasciné par les laveuses ?

Durant la sinistre période du confinement, j’avais noué des liens virtuels, médiés par le Net, avec l’auteur de Un Jour Un Tableau, sur Facebook. Entre autres, nous avions travaillé l’un et l’autre sur les laveuses, alias plus au sud lavandières, ou bugadières (voir articles sur ce blog, mais il faut « remonter » loin dans le temps…). Depuis, nous continuons à jouer « en écho », et il glisse de temps à autres de nouvelles oeuvres découvertes. A mon tour, cette fois, car, lors de ma visite de l’exposition consacrée à Boudin, au Musée Marmottan, j’ai été surprise de découvrir que ce peintre s’était intéressé aussi aux scènes de lessive.
Pas au bord de la mer. Pas dans les lavoirs. Mais sur les fleuves et rivière, et dans les estuaires.
Je lui dédie donc ces photos prises au Musée. Sans doute le mathématicien collectionneur s’y intéresse-t-il aussi, car il n’y en avait pas qu’une…

Le 12 août 1874 était jour de lessive au bord de la Touques. Et tandis que Belles Dames et Beaux Messieurs se promenaient ou tenaient salon sur la plage, on lavait de concert.

Mais on lavait jusque dans les ports asséchés partiellement par la marée basse. J’ai malheureusement oublié de noter le nom de celui-ci, mais ai identifié, après recherches, Trouville, grâce notamment à la position de l’église, au-dessus de l’estuaire de la Touques.

A Deauville aussi, on lave le linge des plus riches… J’ai découvert cette oeuvre dans un autre blog, « Des nouvelles de la Butte aux Cailles », qui présentait une exposition au Musée Jacquemart-André en 2013.

Plus de calme, et moins de monde pour cette séance de lessive à la campagne…

En recherchant sur le net le titre des tableaux, j’en ai découvert d’autres! Cette fois, c’est à Etretat qu’oeuvraient les dames.

Il est au Musée des Beaux-Arts de Gand.

Une petite remarque pour finir : le ciel n’est jamais vraiment bleu, et les nuées font craindre des difficultés pour le séchage… qui n’a jamais, semble-t-il, intéressé le peintre au point qu’il en fasse son sujet…

Van Gogh à Auvers-sur-Oise (2)

Aujourd’hui je vous propose de nous rendre avec le peintre dans ce qui était alors un petit bourg de campagne, Auvers-sur-Oise. J’y suis déjà allée à deux reprises, mais n’avais pas vu tout ce que j’en ai découvert au travers de cette belle exposition dont je vous parlais hier, au Musée d’Orsay.

On y découvre l’environnement avant que ne soit présentée la « réalité » du village, par un plan et des photographies de l’époque. N’ayant pas réussi à prendre correctement la photo du plan présenté, je l’ai emprunté à un autre blog

Vous en avez déjà vu hier certains aspects, dans les dessins de l’artiste. En voici quelques autres, dans la sélection que je vous présente.

Certains tableaux semblent inachevés… mais peut-être était-ce la volonté du peintre, voulant à tout prix produire un maximum avant de disparaître?

Les lignes deviennent si épurées que je défie quiconque, qui ne verrait que le détail suivant, de deviner qui en est l’auteur-e!

Les maisons – j’allais écrire les masures – fascinent l’artiste, comme vous l’avez déjà remarqué dans les esquisses.

On se promène avec lui dans les ruelles bordées de murs, on aperçoit parfois des habitant-e-s qui vaquent à leurs occupations…

Je me suis demandé si le fait que tant de demeures semblent être de guingois était une interprétation poétique. Mais les photos d’époque proche montrent bien la pauvreté ambiante, si l’on excepte les résidences des « riches », dont je vous parlerai dans un autre article.

La rivière est ainsi vue sous deux aspects : les lavandières qui y travaillent durement, et les « touristes » qui canotent.

Point de lavandière dans cette exposition… Au passage, je remercie encore l’auteur de Un Jour Un Tableau qui continue à découvrir et publier des tableaux représentant des bugadières ou autre lavandières sur son magnifique blog, suite à notre communication pendant le premier confinement! Par contre, les bourgeois-e-s sont bien là.

Comme vous avez pu le constater, le « style » Van Gogh s’estompe parfois, mais parfois aussi explose dans telle ou telle partie du tableau. Un des exemples les plus connus est celui qui suit.

Mais on identifie les volutes chères au peintre dans bien des oeuvres.

Un petit zoom?

La flore se prête à cela…

Encore un petit zoom?

Ou deux?

Or les jardins abondent dans le village.

Restons-en là pour aujourd’hui. Ils feront l’objet d’un prochain texte, si cela vous intéresse…

Gennaro Villani

Comme mes fidèles lecteurs et lectrices le savent, j’aime à suivre le blog « Un jour un tableau »… et, dès que j’ai un peu de temps, je vagabonde à loisirs parmi les oeuvres dénichées par son auteur, et prends du plaisir à en découvrir qui me plaisent particulièrement.
Ce fut le cas cette nuit, avec ce tableau.

Je n’ai pas été la seule à l’apprécier, car, mis en ligne voici seulement trois jours, il compte déjà 306 « j’aime » ou « j’adore »!

J’ai immédiatement plongé sur le net, pour rechercher ce que l’artiste avait créé comme autres oeuvres. Et je n’ai pas été déçue… D’où mon envie de partager avec vous ce jour cette découverte.

Un article lui est consacré sur Wikipedia (oui, je sais, non reconnu scientifiquement!). Ce Napolitain, disparu en 1948, a vécu 63 ans essentiellement en Italie, où il a aussi enseigné. Inspiré par les Fauves, il a produit des oeuvres variées, paysages, instantanés de la vie, (auto-) portraits… Et je dois dire que j’ai été fascinées par certaines d’entre elles. Pas question de vous les montrer toutes, mais en voici un petit florilège…

On voit beaucoup de ses oeuvres en ligne, je vous laisse donc les découvrir. Si toutefois vous souhaitez accéder directement à des diaporamas, vous en trouverez sur la page Facebook qui porte son nom, et sur You Tube, par exemple ici, avec une belle chanson italienne… Le détail d’un pastel sur cette vidéo. Une sélection d’oeuvres sur celle-ci, très riche à mon sens.

Sur Facebook, une page consacrée aux oeuvres introuvables (« rubati » = volées) présente des tableaux admirables ou étonnants, je vous conseille d’y jeter un oeil.

L’Institut Français de Naples avait consacré une exposition à sa période  » à Paris ».La présentation d’une exposition qui lui est consacrée, mais la personne interviewée, hélas, parle trop vite…

J’ai préféré de beaucoup cet entretien avec Ena Villani. Il avait peint sa fille, toute petite… Celle-ci est devenue peintre et poète.

Je ne voudrais pas finir sans un clin d’oeil à l’auteur du blog qui fut à l’origine de cet article…

Lavandaie in fiume

Les lavandières… On les retrouve! A la même époque environ, un autre peintre, Giovanni Ciuza Romagna, les représente d’une tout autre manière…

… Mais c’est une autre histoire, qu’on pourrait aussi poursuivre sur la page FaceBook consacrée à Pavie, Pavia FanPage, qui montre des photos des années 30 et cite le poète Dario Morani.

Marièta dal Burgh (Dario Morani)

I pàch, quand i sbàtan, sa sentan luntan,

in dia nebia dal temp diventan bacan.

Marièta l’e là cun scàgn e caplina,

la prima a rivà da prima matina.

I bràs e ‘l facin culur adls tèra

culur sensa su, culur lavandèra.

In riva dal Burgh la gheva la cà

Cun for’ una glicin, la vid canadà.

L’à fai l’infermiera, l’e stàia a servì

ma le ghe piasù fa cal maste li.

E Paride, bel me’l Deus dal Fium,

l’a stramudà ‘d riva’parer ad nisun.

Dadchì ian furmà famiglia e fiulin,

un po’ da furtuna’ glà daja’l Tesin.

I pàch chi sbatevan rivevan luntan

d’in mes adla nebia, ciucà me campàn

chi sunan a l’ura ad l’Ave Maria

e pòrtan al cor dla gran nustalgia.

Mais c’est une autre histoire… restons à Villani pour terminer, n’est-ce pas? Une énigme pour finir, donc. Situez cette boutique pour le moins polyvalente?

Bugadiera/o et bugada/o…

Je ne peux pas évoquer les lavandières, laveuses et autres lingères sans parler de la bugadière, en nissart « bugadiera » évidemment!

A Nice, des bugadières privées d’eau

Si elles ont disparu, ce n’est pas uniquement dû aux inventions techniques. A l’heure actuelle, même s’il en existait encore, vous ne pourriez pas les voir à cet endroit…

Bugadières autour de 1900

Pourquoi? Tout simplement parce qu’on ne voit plus couler le Palhon, Païoun, Paillon dans Nissa la Bella… Il a été enfoui, caché, comme s’il était honteux, hideux… Lui, le ruisseau-fleuve descendu de l’arrière-pays pour rejoindre la Méditerranée en plein coeur de la ville… Lui, qui reliait les montagnards aux marins, du Mont Auri à ce qui allait devenir la Promenade des Anglais… Lui, si impétueux l’hiver mais si discret en étiage… Totalement couvert, recouvert, rendu invisible sous ce qui est devenu le haut-lieu des rencontres de toutes sortes : théâtrales, muséales, littéraires… et le site des congrés, des promenades, des jardins d’enfants aux monstres ligneux…

Tirage d’après les plaques de verre originales de Jean Giletta,
propriété de la maison d’édition éponyme fondée en 1880 à Nice

La plus célèbre des bugadières

L’héroïne de la ville, Catarina Segurana, était selon la légende une « bugadiera ».

 » Catarina Segurana es presentada souta lu trat d’una frema dóu poble, budagièra de coundicioun. L’istoria vóu qu’aurìa per cas, de l’assèdi de Nissa dóu 1543, amassat d’un còu de massòla, un pouòrta-ensigna turc li raubant, en meme temp, la bandièra desenemiga. « 

Cette « massola », c’est un battoir à linge, qu’elle aurait tenu à la main en se précipitant, en tête de quelques soldats, au-devant des envahisseurs franco-ottomans, et avec lequel elle aurait frappé violemment un janissaire dont elle aurait volé l’étendard, avant de galvaniser la résistance au point de faire reculer l’ennemi.

La bugadiera et son battoir à linge (1923)
Faula o realità, Catarina, seras toujou lou
sìmbolou dóu courage e l’image de la voulountà
de vinche, quoura lu « tiéu » soun en lou dangié, lou
poudé de magnetisà, d’afoucà lu tihoun en la
mauparàda.
Noun soun li coulou, noun soun li fourma que
pouòdon definì la bèutà…
La Beutà… es lou « plen d’estre ». Es per acò,
Catarina, que lu Nissart an toujou, embarbat en
lou couòr, lou pantai que li as laissat.
Ahì ! lu Nissart, lu Seguran…
le symbole du courage et l’image de la volonté de
vaincre, quand les « tiens » sont en danger,
le pouvoir de magnétiser, d’enflammer les tisons dans
les « mauvaises passes ».
Ni les couleurs, ni les formes peuvent définir
la beauté…
La Beauté… c’est la « plénitude d’être ».
C’est pour cela Catherine, que les Niçois ont
toujours dans le coeur le rêve que tu leur a laissé. Oui
! les Niçois, les Seguran…
Henri Land
Source : La Countea

Une chanson de 1913 met en scène la jeune femme, avec sa « massa », dans le premier couplet, et insiste sur le surnom des Niçois, issu de son nom.

Terra doun l’eroisme poussa,
Brès de Massena e de Pepin,
Tu qu’as vist fuge Barbaroussa
Davan la massa de Catin,
O Nissa, la tan bèn noumada,
Filhola dei fier Phoucean,
Escout’ ancuei dei tiéu enfan
Toui lu laut e li allegri chamada.
 Terre où l’héroïsme pousse,
Berceau de Masséna (1) et de Pépin (2),
Toi qui a vu fuir Barberousse (3)
Devant la masse (4) de Catherine,
Ô Nice, la si bien nommée (5),
Filleule des fiers Phocéens,
Écoute aujourd’hui de tes enfants
Toutes les louanges et les allègres aubades.

Refren                
Flou dòu païs ligour,
Nissa, lou nouostr’ amour,
Ti saludan
E ti cantan :
« Viva lu Seguran ! » (bis)
 Fleur du pays ligure,
Nice, notre amour,
Nous te saluons
Et te chantons :
« Vive les Séguran ! » (bis)
Innou Seguran, couplet 1 et refrain
Source : Mùsica tradiciounella de la countéa de Nissa

Une autre chanson la met en scène avec son battoir

Catarina Segurana, erouina dei bastioun,
Catarina Segurana, que desfendia maioun,
Noun pougnèt emb’un’espada,
Noun bussèt emb’un bastoun.
Manejava una massola
Per picà sus lu nemic !
Pica ! Pica ! Pica ! Pica !
Per picà sus lu nemic !
Li bandièra li escapon,
Si vé pu que li esclapa,
Es la vergougna dei nemic !
 Catherine Ségurane, héroïne des bastions,
Catherine Ségurane, qui défendait [les] maisons,
N’empoignait pas une épée,
Ne cognait pas avec un bâton.
Elle maniait un battoir
Pour frapper sur les ennemis !
Frappe ! Frappe ! Frappe ! Frappe !
Pour frapper sur les ennemis !
Les bannières leur échappent,
On ne voit plus que les [membres] éclatés,
C’est la honte des ennemis !
Ma qu’era Catarina Segura ? couplet 3
Source : Mùsica tradiciounella de la countéa de Nissa

Je n’ai trouvé ni tableaux ni chansons mettant en scène les lavandières à Nice. Par contre, on obtient sur le net un grand nombre d’informations sur la bugada et ses praticiennes en Provence.

Bugadières en Provence

La bugadiera est d’ailleurs un des santons de certaines crèches provençales.

Bugadiera, santon
La marque sur le battoir indique « M. Chave, Aubagne »
Le petit-fils de Marius Chave est toujours santonnier à Aubagne

Mistral a apporté une explication au terme « bugado » ou « bugada », selon les parlers, la « grande lessive » en Provence.

« Le mot bugado vient de bou, bouc, trou, parce que la lessive est proprement l’eau qui passe par le trou du cuvier. »

C’est lui aussi qui évoque les dictions liés aux lavandières.

« « Tan plan l’ivèr coume l’estiéu, li bugadiero van au riéu. » (Lou Tresor dóu Felibrige), dont la traduction pourrait être : « Tant l’hiver que l’été, les bugadières vont au ruisseau » ; ou le plus ironique : « Li bugadieros dóu riéu/ Manjarien soun ome viéu. » (Lou Tresor dóu Felibrige) « Les bugadières du ruisseau/ Mangeraient leur mari (tout) vif ». »

J’ai trouvé ces informations, ainsi que celles qui suivent, sur un site qui est une mine en ce domaine : Occitanica

« D’autres, au contraire, relèvent les traits généralement associés à ces femmes, et aux discussions autour du lavoir, lieu où se transmettent les informations (et les rumeurs). Tel est ainsi le cas de : « front de bugadiero, effronterie de harengère ; que bugadiero ! Quel bavard ! » (cf. Frédéric Mistral, Lou Tresor dóu Felibrige, définition de Bugadiero). C’est d’ailleurs le nom de cette profession que le Niçard J. Bessi choisit en 1871 pour baptiser son nouveau journal (La Bugadiera, Nice, 1871-1880). On dit aussi : « Lengut coma una bugadièra » (avoir la langue bien pendue comme une bugadière).

Notons enfin quelques expressions et dictons relatifs à la pratique :

« Que fai bugado entre Caremo e Carementrant/ Li bugadiero moron dins l’an. » : Qui fait sa lessive entre Carême et Carême-prenant, la bugadière meurt dans l’année. (superstition particulièrement répandue semble-t-il et relevée par de nombreux collecteurs).

« Las sorbras dal flascon de las bugadièiras garisson las fèbras » : Les restes de la gourde des lessiveuses guérissent les fièvres. Ce dicton souligne la réputation de bonne santé de ces bugadièras, solides travailleuses dont les « cueissas frescas » (Cf. ouvrage Grabels) furent également vantées. »

Enfin, au risque d’être prise en flagrant délit de copier-coller, je reprends sur le même site un extrait d’un poème sur la bugada, avec les deux graphies.

La bugado/ La bugada

Se soun lebados pla mati/ Se son levadas plan matin

Las labairos, e, per parti,/ Las lavairas e, per partir,

Biste, sans se trop escouti,/ Viste, sans se tròp escotir,

Cadunp al galop s’es coufado ;/ Caduna al galòp s’es cofada;

D’un grand pas lou pitiou troupel/ D’un grand pas lo pichon tropèl

Camino cat al ribatel ;/ Camina cap al rivatèl;

Dins de descos, sul toumbarel/ Dins de descas, sul tombarèl

Lous beus ban traina la bugado./ Los buèus van trainar la bugada.

Froment, Paul, A trabès régos : rimos d’un pitiou paysan, Villeneuve-sur-Lot ; impr.B. Delbergé, 1895. Texte original et transcription en graphie standardisée.

Il existe beaucoup de textes sur « la bugada ». En voici un récent, qui explicite la tradition en langage poétique.

Autrefois, deux fois l’an, c’était « la bugado » :
Quel tintouin, mes amis, et quel remue-ménage !
Dès l’aube du lundi tout d’abord le trempage
Dans l’eau additionnée de soude en gros cristaux ;

Un rinçage abondant ; et puis on préparait
Le cuvier tapissé d’un drap ou d’un tissu ;
On y mettait le linge, un autre drap dessus
Où l’on plaçait les vieilles cendres du foyer ;

Sur l’ensemble on versait alors de l’eau bouillante
Qui coulait dans un seau placé sous un trépied ;
Ca durait une nuit où tous se relayaient :
De l’eau, encor de l’eau, dans des vapeurs ardentes…

On empilait le linge en tas sur la brouette
Pour aller le rincer plus loin à la rivière
Ou au lavoir, selon… Et là les lavandières
Frottaient encore un coup torchons et serviettes,

Camisoles, jupons… Rinçages abondants,
Encor un et puis deux… Ensuite l’essorage…
L’étendage sur l’herbe … et la fin de l’ouvrage !
En est-il pour encor vanter  « le bon vieux temps » ? »

Vette de Fonclare

La lavandière, Alphonse Moutte (1882)

Parmi les lavandières

Lavenderas de Sienna, Andres di Santamaria

Un texte de Brassens, extrait de « Les amoureux qui écrivent dans l’eau » (1954), texte que je ne connaissais pas du tout, découvert par ce beau matin d’avril alors que je recherchais des poèmes traitant de « lessive », en écho à ce que j’ai publié à l’aube. Bourré de références qu’il vous faudra décrypter, à moins que vous ne préfériez vous laisser aller à l’humour léger pour commencer (ou poursuivre) votre journée…. A déguster avec gourmandise et plaisir…

Un minuscule lavoir rudimentaire qui tombe de vétusté.
Entrent les jeunes lavandières.

Certaines portent le linge à laver sur leur tête, d’autres poussent une brouette.

Elles tournent en rond et chantent.



LE
CHŒUR
DES
LAVANDIÈRES

Maudits les pourceaux qui font
La lessive, la lessive.
Maudits les pourceaux qui font
La lessive du
Gascon.

LAVANDIÈRE
SOPRANE

La lessive, la lessive,

LE
CHŒUR
DES
LAVANDIÈRES

La lessive du
Gascon.

LAVANDIÈRE
CONTRALTE

La lessive, la lessive,

LE
CHŒUR
DES
LAVANDIÈRES

La lessive du
Gascon.





LA
NYMPHE
DE
LA
MER
BALTIQUE

Voici les jeunes lavandières,

Les manieuses de battoirs

Qui de la source à l’embouchure,

De l’étoile de l’aube à l’étoile du soir

Se chamaillent avec la crasse

D’autrui.



LE
CHŒUR
DES
LAVANDIÈRES

Maudits les pourceaux qui font
La lessive, la lessive
Maudits les pourceaux qui font
La lessive du
Gascon.

Elles ont rangé les brouettes et s’arment de leurs battoirs pour se mettre à l’ouvrage.

Entrent en grand désordre les jeunes amoureux qui écrivent sur l’eau.

Les lavandières les entourent; elles dansent en rond autour d’eux.
Elles brandissent leurs battoirs et font mine de les battre.
Elles chantent.



LE
CHŒUR
DES
LAVANDIÈRES

Voici les pourceaux qui font
La lessive, la lessive
Voici les pourceaux qui font
La lessive du
Gascon.



LA
NYMPHE
DE
LA
MER
BALTIQUE

Il serait vain de tirer le rideau,

Ce n’est pas une pierre de scandale,

Les jeunes amoureux qui écrivent sur l’eau

Ont coutume de retourner leur linge sale.



VÉNUS
HOTTENTOTE

Le donner à laver !

YAMUBA-PIED-MENU

Ils sont légers d’argent.

ÉGÉRIE
TOMAHAWK

Et trop bien élevés

Pour confier aux gens

Leurs divers soins de propreté.

LA
NYMPHE
DE
LA
MER
BALTIQUE

Quoique à leur sens les lavandières soient des garces

De fougueuses langues d’aspic.

Quant à s’en occuper eux-mêmes,

Croix de paille ; ils n’ont ni le temps

Ni le courage, ils sont des vic-

Times de la déesse
Flemme…

Le sexe de la grâce au reste

Ajoute encore à ce rustique

Et de pied en cap son costume

Relève de la botanique.

S’avance vers les nymphes
Aline.
Une courte jupe en coquelicot moule ses formes volubiles.



ALINE

Une jupe en coquelicot

«
Ami, aimons-nous au plus vite »

Une jupe en coquelicot

«
Ami, aimons-nous au plus tôt ».

Mademoiselle
Trois-Etoiles s’avance à son tour vers les nymphes.
Elle est coiffée d’un béret de lierre.



MADEMOISELLE
TROIS-ETOILES

Une coiffe en lierre pistache

«
Ami je meurs ou je m’attache »

Une coiffe en lierre pistache

«
Ami je m’attache ou je meurs ».

Entre
Fanchon.
Elle est vêtue d’un corsage en pervenche.
Un sein déborde le corsage.

FANCHON

En pervenche le canezou «
Ami c’est à vous que je rêve »
En pervenche le canezou «
Ami je ne rêve qu’à vous ».

LE
CHŒUR
DES
LAVANDIÈRES

Maudits les pourceaux qui font
La lessive, la lessive
Maudits les pourceaux qui font
La lessive du
Gascon.

LE
FACTOTUM
DES
JEUNES
AMOUREUX
De quoi vous mêlez-vous, gâteuses de rivière ?

LE
CHŒUR
DES
LAVANDIÈRES

Nous nous mêlons de nos affaires…
Que laveraient les lavandières
Si chacun suivait votre exemple !

LE
FACTOTUM

Baste, elles ne laveraient pas ;

Il y a dans le ciel d’autres choses à faire.



LE
CHŒUR
DES
GOUTTES
D’EAU

Elles nous laisseraient tranquilles.

Du pied du col de la
Furka jusqu’en
Camargue

Des
Pyrénées espagnoles jusqu’à
Royan

De
Saint-Germain source
Seine jusqu’à
Honneur

Et du mont
Gerbier-de-Jonc jusqu’à
Saint-Nazaire,

Ainsi que de n’importe où jusqu’à n’importe où

Nous nous promènerions toujours fraîches et pures.

LE
CHŒUR
DES
LAVANDIÈRES
Mais alors que mangeraient-elles ?

LE
FACTOTUM

Baste, elles ne mangeraient pas ;

Il y a sous le ciel d’autres choses à faire !

LE
COQ
BRAHMAPOUTRE suivi de la majeure partie des poules de l’endroit.

Nous pourrions conserver nos cuisses et nos ailes
Et mourir de mon naturelle.

LE
CHŒUR
DES
LAVANDIÈRES

Mais alors comment vivraient-elles ?

LE
FACTOTUM

Baste, elles cesseraient de vivre

Il y a sous le ciel d’autres choses à faire…

LE
CHŒUR
DES
MÈTRES
CUBES
D’AIR

Des poumons de moins à gaver !



LE
CHŒUR
DES
LAVANDIERES

Que deviendraient alors les demoiselles smart
Les généreuses demoiselles smart
Qui changent souvent de chemise
Et nous en confient la lessive !

LE
CHARMANT
DISCIPLE
D’APELLE

Elles feraient ce que les autres font

La lessive tout court ou celle du
Gascon.

HUON-DE-LA-SAÔNE

Et demain quand viendra l’usage
De retourner son linge sale
Pour paraître up to date on les érigerait
En élégantes d’avant-garde…

LE
CHŒUR
DES
CRASSEUX
OPINIÂTRES
Oh, l’agréable compagnie !

LE
CHŒUR
DES
LAVANDIÈRES faisant mine de battre les jeunes amoureux.

Y songez-vous, tas d’enragés
Les demoiselles smart contraintes
De décrasser leur linge
Ou de n’en pas changer.

LAVANDIÈRE
SOPRANE
Leurs purs appas couverts de malpropre linon ?

LAVANDIÈRE
CONTRALTE

Leurs phalanges rongées par la potasse ?



LE
CHŒUR
DES
LAVANDIÈRES

Ah non !

LE
CHŒUR
DES
FRÈRES
ET
SŒURS
CADETS
DES
JEUNES
LAVANDIÈRES

Ah non, car de ce fait leurs mains seraient plus dures
Et plus durs leurs va-te-laver sur nos figures…



LE
VIEUX
PROPHÈTE
DE
CORMEILLES

Elles inciteraient leurs pères cacochymes
A fabriquer plus de laveuses mécaniques.

Surgissent quatre ou cinq carrosses dorés.
Ce sont les demoiselles smart.
Leurs valets de pied s’empressent d’ouvrir les portières.

Les demoiselles descendent de voilure.
Elles sont accompagnées des meilleurs parfumeurs qui pour annihiler les effluves tenaces de la savonnette à vilain pulvérisent de l’opopanax dans leur sillage.



LE
CHŒUR
DES
DEMOISELLES
SMART aux jeunes lavandières.

A la bonne heure nécessaire,
Pour avoir pris notre défense
Contre ces personnes sans branche,
Ces personnes de basse source,
Vous laverez en récompense
Deux chemises supplémentaires
Que nous souillerons dans ce but.

Comme une seule, toutes les lavandières se jettent à plaît-il maîtresse aux pieds des généreuses demoiselles smart.



Elles font le chien couchant.
Fanatiquement elles baisent les semelles de leurs maîtresses.

LE
CHŒUR
DES
LAVANDIÈRES

Dieu vous bénisse, généreuses demoiselles,
A jamais pour vous notre zèle.

LE
FACTOTUM

Ainsi soit-il ; à votre guise
Rien n’est au reste plus grisant
Que le spectacle d’une esclave agonisant
Sous le talon d’une marquise…

LE
CHŒUR
DES
JEUNES
AMOUREUX

…………
DES
VOLATILES

…………
DES
MÈTRES
CUBES
D’AIR

…………
DES
GOUTTES
D’EAU

…………
DES
CRASSEUX
OPINIÂTRES

De-Ca-ra-bas.
De-Ca-ra-bas.
De-Ca-ra-bas.

Entre une troupe de lévriers de bourreau armés jusqu’aux dents.

Ils sont guidés par les valets de pied des généreuses demoiselles smart.

LE
VIEUX
PROPHÈTE
DE
CORMEILLES aux valets de pied.

Sycophantes à vos moments ?

LE
CHARMANT
DISCIPLE
D’APELLE
Quand les pots de chambre sont vides.



HUON-DE-LA-SAÔNE
Et que les bottes sont cirées.

ROBIN-PÉCHE-EN-EAU-DE-BOUDIN
Et les écuries nettoyées.

LES
LÉVRIERS
DE
BOURREAU

aux jeunes amoureux.

Circulez, circulez, circulez, circulez.

Ils brandissent leurs matraques.
Les jeunes amoureux s’échauffent.

LE
FACTOTUM

On leur lance des épluchures à la tête ?

Les jeunes amoureux opinent du bonnet.
Ils se munissent de cailloux et marchent vers les lévriers de bourreau.

Les nymphes s’interposent et pacifient les jeunes amoureux d’un geste.

Ils font alors des ricochets avec leurs projectiles.

LE
CHŒUR
DES
JEUNES
AMOUREUX

Les nymphes ont raison
Les nymphes ont raison.
On ne s’amuse pas à mettre
Flamberge au vent devant des sbires
Quand on a les grandes eaux de
Versailles
Dans la tête.

Entre le nain
Onguent-Miton-Mitaine.
Il va et vient en chantonnant d’un groupe à l’autre.





Parmi les lavandières, Brassens




Lavenderas de La Varenne, Martin Rico y Ortega
Source

Printemps

Au printemps nous voyons

refleurir aux fenêtres

les jolies lingeries,

et les prés sont parfois

de draps blanc embellis…

La Pâturette bruit.

La lavande endormie

Le narcisse épanoui

la berge du ruisseau

attend la lavandière…

La Pâturette bruit.

Petite laveuse (Muenier, 1910)