Grand Tour

Un film presque totalement en noir et blanc. Une plus grande proportion de narration en voix off que de dialogues. Et surtout une ribambelle d’anachronismes délibérés. Voilà ce qui me vient à l’esprit au sujet du film Grand Tour, de Gomes.

Peut-être aussi l’exploitation des stéréotypes : les « Caucasien-ne-s » sont expansifs, incarnés par des acteurs/trices qui surjouent, alors que les « Asiatiques » ont le verbe rare et restent de marbre en toute situation.

Ou encore une accumulation de saynètes qui pourraient sortir d’un guide touristique sur les pays visités et leurs spectacles étonnants : ombres chinoises, marionnettes, sports de combat, combats de coqs, musique difficile à faire accepter à nos oreilles policées par le classique ou le jazz, danses subtiles…

Mais surtout la beauté des images, des paysages, les choix de cadrage qui tour à tour plongent le spectateur / la spectatrice dans des villes bruyantes, tourbillonnantes, virevoltantes, ou dans des vallées montagneuses impressionnantes de sérénité et de silence uniquement troublé par le froissement d’ailes d’oiseaux ou le grignotage des pandas.

Si j’ai éprouvé quelques difficultés à « entrer » dans l’histoire, tant le scénario est rocambolesque, je me suis laissé porter par la suite, jusqu’aux trois quarts du film. J’ai moins apprécié la fin, beaucoup trop mélodramatique à mon goût.
Car, dans ce film, on oscille en permanence entre rires et larmes, et la « guimauve » n’est jamais loin. Un art certain de funambule pour le réalisateur… trahi à la fin par une précipitation pour clore le tout. Dommage!

Néanmoins une oeuvre « rare », qui fait oublier, le temps de la séance, le monde ambiant pour nous plonger dans nos rêves et nos fantasmes, au sein d’un univers souvent poétique. A voir, donc, pour se forger sa propre idée…

Découverte de l’Opéra Royal de Versailles

Loin d’être une royaliste convaincue, je ne fréquente guère le Château de Versailles, si ce n’est pour ses magnifiques Jardins. Mais en ce soir de fin mars, l’annonce d’un ballet d’un chorégraphe que j’apprécie, Angelin Preljocaj, est bien alléchante. M’y voici donc, aux portes du Palais… ou plutôt de son Opéra, aussi royal que la Chapelle voisine, et que les statues qui me font une haie d’honneur dans la galerie qui n’est pas des Glaces…

Une foule plutôt BCBG attend patiemment… Le temps d’admirer une maquette (de quoi???)…

… et de boire une petite coupe (on ne peut prendre du « gros rouge qui tâche », en de tels lieux!)…

… et c’est l’heure. A ma grande surprise, l’Opéra n’est pas aussi vaste que je l’imaginais.

Vous avez vu? On ne peut pas oublier qu’il est « royal »! Même en regardant la scène! J’ai la chance d’être placée au premier rang d’une Corbeille, premier dans deux sens : de face comme de côté, ce qui m’offre une superbe vue sur le rideau…

Le spectacle comporte trois oeuvres : Annonciation, Torpeur et Noces. Dans l’ordre chronologique, il faudrait placer le dernier en premier, le premier en deuxième, et le deuxième en trois. Car ce sont deux créations anciennes, et une plus récente : respectivement 1989, 1995 et 2023. Et, curieusement, mon ordre de préférence va du plus récent au plus ancien. Je m’explique : j’ai beaucoup apprécié Torpeur. Magnifique danse d’une lenteur et d’une profondeur exceptionnelles. En second, Annonciation. Tout aussi puissante, d’une même tension entre pureté / sérénité et érotisme / volupté.

Aussi étais-je « sur un petit nuage » durant la première partie, et suis-je sortie de la salle, tout à fait subjuguée, ravie, le sourire aux lèvres.

Un petit sandwich et une tartelette aux pommes plus tard, me revoici prête à « m’envoler » à nouveau. Euh… J’allais oublié « et une nouvelle flûte enchantée…

Hélas! Le troisième ballet est heurtant, violent, dérangeant. Je comprends qu’un artiste ait besoin de subventions pour survivre, mais de là à produire sur de tels sujets, il y a une marge. Certes, les interprètes sont toujours aussi bon-ne-s. Certes, la technique y est. Certes, j’ai apprécié certaines figures… Mais je n’ai pas du tout validé le rapprochement des deux premières et de la dernière oeuvre; et j’en voulais (oui, c’est le terme idoine) à celui qui m’infligeait une telle déception. Est-ce le chorégraphe ou la personne qui a fait le choix du programme? Quoi qu’il en soit, mauvais choix pour moi que ce « triptyque« …

Il n’en reste pas moins qu’on ne peut rester insensible à la créativité de Preljocaj, au côté « osé » de ses oeuvres, et à la virtuosité des danseuses et danseurs… et que j’ai passé une excellente soirée dans cet Opéra, tout royal qu’il soit… Vous pourrez en voir des extraits ici (et ailleurs, il y en a beaucoup sur le net). Je ne résiste pas à l’envie de copier pour vous deux photos qui évoquent les passages que j’ai adorés, ballets 1 et 2.

Et, franchement, les ovations étaient bien méritées. Dommage que, pour les saluts finaux, les artistes soient dans la tenue du dernier ballet… je préférais celle du deuxième!