Un peintre et des poètes : la synergie des arts

Dans le précédent article, nous étions à Deauville pour l’exposition consacrée à Zao Wou-Ki, et je vous avais promis de finir sur ses rencontres avec les poètes. En effet, une partie de l’exposition est consacrée au dialogue entre les oeuvres des uns et des autres.

Le processus est loin d’être toujours identique. Dans certains cas, une oeuvre en précède une autre, qui soit la commente, soit l’illustre… Dans d’autres, il s’agit d’une sorte d’écho entre deux créations.

Dans l’exposition, le parcours est chronologique. Je ne ferai pas le choix du même ordre, préférant comme critère la « proximité » entre les artistes : de la moins forte à la plus prégnante.

EZRA POUND

C’est pourquoi je commencerai par « le dernier », chronologiquement parlant, qui est celui dont Zao n’a jamais été proche de son vivant : Ezra Pound. En effet, c’est après le décès de ce dernier que les éditeurs ont sollicité le peintre pour qu’il crée des estampes en regard d’une de ses oeuvres.

YVES BONNEFOY

C’est assez tardivement aussi que Zao a oeuvré en écho aux poèmes d’Yves Bonnefoy, autour des années 2000…

HUBERT JUIN

C’est aussi une maison d’éditions qui est à l’origine de la rencontre entre Hubert Juin et Zao Wou_Ki et amena ce dernier à créer « en résonance » avec les poèmes de l’écrivain.

RENE CHAR

31 ans d’amitié et de créativité partagée, telle est l’histoire de René Char et Zao Wou-Ki, qui a été à l’origine de nombres d’oeuvres…

Le premier ouvrage qui en résulta est présenté dans cette exposition. En voici quelques extraits.

HENRI MICHAUX

Une longue amitié a lié les deux hommes. Elle a commencé peu après l’arrivée du jeune Chinois à Paris et a duré jusqu’au décès du poète en 1984. Elle a perduré au travers d’hommages et d’illustration d’éditions posthumes.

Il est assez rare que l’écrit succède à l’image, en poésie, surtout lorsque les artistes ne se connaissent pas… Tel est pourtant le cas de cette « lecture » qu’avait faite le poète lorsqu’il découvrir les oeuvres du jeune Chinois, avant même de le rencontrer.

« En regard de… », « lecture », « résonance »… les modalités d’interactions entre les artistes et entre leurs oeuvres sont d’une grande variété, telle est la leçon que l’on tire de cette exposition, qui me donne envie d’approfondir tout cela par la suite… Mais je ne veux pas terminer sans citer le peintre, bien sûr!

Le dit du Genji (1)

Le Musée Guimet propose régulièrement de belles expositions, qui nous entraînent dans un univers de recherche esthétique absolue. Vous en avez pu voir des traces dans ce blog à diverses reprises. C’est encore le cas actuellement, avec deux expositions reliées l’une à l’autre par un fil… de trame, si vous me permettez ce jeu de mots. En effet, la première est consacrée à un texte du XIème siècle, « Le dit du Genji », tandis que la seconde est dédiée à Maître Itaro Yamaguchi, expert du tissage, qui a entrepris, après avoir dépassé ce que les Belges nomment la septantaine, de créer des rouleaux tissés pour raconter l’histoire et l’illustrer.

Itaro-Yamaguchi-1901-2007-regardant-ses-rouleaux-©-Akira-Nonaka

Un ami m’a demandé hier ce que j’avais retenu de cette double exposition. Etrange question, mais ô combien intéressante, et qui m’a interpellée. Jamais je ne me l’étais posée, au sortir d’un musée. Encore moins quelques temps plus tard. Je me suis pliée à l’exercice. Et le(s?) texte(s?) – je ne sais pas encore si tout va tenir en un article aussi bref que le souhaitent certains des abonnés à ce blog – qui suit/suivent va donc s’inspirer des réponses apportées.

Des poétesses japonaises à notre époque médiévale

Telle fut la première réponse que j’apportai. Grâce à une conférencière exceptionnelle, j’ai appris qu’un siècle avant Chrétien de Troyes, il y avait au Japon le pendant de Marie de France… En plus grand nombre, et surtout plus disertes. Pourquoi ce qualificatif. Il suffit de voir le nombre de pages de l’oeuvre d’une d’entre elle, Musaraki Shikibu, pour le comprendre! Plus de 2000 pages. Le Dit du Genji comporte en effet 54 livres, qui en composent les trois parties.

Resituons-nous à l’époque de Heian. Heian n’est pas le nom d’une dynastie, ne vous y trompez-pas! C’est celui de l’actuelle ville de Kyoto. En gros (très gros), son début correspond à l’équivalent, à une autre époque et dans une autre contrée, de notre « Séparation de l’Eglise et de l’Etat » : il faut éviter que le pouvoir des bouddhistes n’empiète sur celui des empereurs. Mais l’histoire révélera que cela a aussi constitutif de la confirmation d’une identité japonaise par émancipation de la puissance chinoise.

« En 794, l’empereur Kammu (781-806) transfère la capitale de son empire à Heian-kyo (actuelle Kyōto) pour échapper à l’emprise croissante des temples bouddhiques de Nara. Dans un premier temps, les influences chinoises qui dominaient l’époque antérieure, dite de Nara (710-794), continuent d’être fortes : elles se traduisent en particulier par le plan en damier de la cité nouvelle et par l’atmosphère culturelle qui règne à la cour du souverain. Mais, progressivement, en raison du déclin de la dynastie chinoise des Tang, le Japon s’émancipe du modèle de son puissant voisin continental et se replie sur lui-même. S’épanouit alors un art proprement japonais qui se réalise pleinement dans l’architecture, la peinture religieuse, la littérature et la culture de la cour impériale. Les relations avec la Chine, qui s’étaient maintenues à un niveau officiel au viiie siècle, s’espacent progressivement et disparaissent à la fin du ixe siècle. Le système politique de Heian, caractérisé par la prédominance d’une aristocratie civile incarnée par la famille des Fujiwara, qui gouvernent durant près de trois siècles au nom des souverains, se maintient jusqu’en 1192. »

Si vous regardez les dates, elles se situent dans la période que nous considérons comme notre Moyen-Age (476-1492). Elles correspondent peu ou prou à l’époque de Charlemagne, pour ce qui est du début, et celle de Philippe Auguste, pour la fin (1192, c’est l’année de la Troisième croisade). Mais revenons à nos écrivaines.

Musaraki Shikibu serait née une trentaine d’années avant l’an 1000, et morte une trentaine d’années après. Ne vous y trompez pas : elle ne s’est jamais nommée ainsi. Et des versions différentes circulent, concernant sa véritable identité. « Musaraki », cela signifie « violet ». Et « Shikibu » ferait référence au rang de son père à la cour. Facile à comprendre, comme vous pouvez le constater d’après les explications trouvées sur le net !

« As mentioned above, Shikibu-sho was regarded as the important ministry, and therefore the rank of Jugoinoge (Junior Fifth Rank, Lower Grade) was often conferred on the Shikibu no Taijo (Senior Secretary, corresponding to Shorokuinoge [Senior Sixth Rank, Lower Grade] as a rule) and the Shikibu no Shojo (Junior Secretary, corresponding to Jurokuinojo [Junior Sixth Rank, Upper Grade] as a rule) extraordinarily. In addition, Shikibu no Jo (Secretary of the Ministry) with the rank of Goi (Fifth rank) was called Shikibu no Taifu (Master of the Ministry). » (source)

En bref, une famille bien placée, une vie de cour, et un surnom pour la désigner. Ne rêvez pas, vous n’en aurez pas de portrait non plus, car à l’époque on « standardisait » déjà, au Japon. Et les tableaux censés la représenter ne la représentent pas vraiment…

Comme vous le savez, j’aime à me documenter davantage… J’ai donc cherché à en savoir plus sur les poétesses japonaises de cette époque.
Un article intéressant m’a beaucoup aidée. Il porte sur une autre écrivaine, deux siècles plus tôt que « Violette » : Ono no Komachi, et dévoile notamment l’existence de Rokkasen, les « poètes immortels ».

« Qui est vraiment Ono no Komachi ? Nous ne savons finalement que très peu de choses sur la vie réelle d’Ono no Komachi. Pourtant, celle-ci fut l’une des plus grandes poétesses de l’histoire du Japon, au point d’être même considérée comme l’une des Rokkasen (六歌仙), à savoir les six poètes dont l’œuvre restera immortelle pour les japonais.

Les six poètes « immortels » en question évoluèrent tous à la même période, autour du IXeme siècle durant l’ère Heian (平安時代, Heian-jidai, 794-1185). C’est précisément à cette époque que la poésie japonaise prendra une nouvelle tournure avec l’apparition des Waka (和歌), et de sous-genre le Tanka (短歌), dont l’œuvre d’Ono no Komachi reste à l’heure actuelle l’une des plus emblématiques. »

Pour les Béotien-ne-s comme moi, le tanka est l’ancêtre du haïku…

色見えで
うつろふ物は
世中の
人の心の
花にぞ有りける

Comment invisiblement
elle change de couleur
dans ce monde,
la fleur
du coeur humain.

Tanka… l’occasion d’évoquer une autre poétesse de cette époque, Izumi Shibiku.

« Izumi Shikibu, née vers 970, est une poétesse japonaise de l’époque Heian.
Membre des trente-six poétesses éternelles et des trente-six poètes immortels du Moyen-âge, elle est une contemporaine de la poétesse d’Akazome Emon et de la dame de cour Murasaki Shikibu à la cour de Joto Mon’in. »

Tiens, tiens! On parlait de « 36 poètes immortels », et voici évoquées « 36 poétesses éternelles »… Une question de parité? Où est l’erreur?

Une liste en est donnée sur Wikipédia… mais quelle est sa valeur?

1. Ono no Komachi10. Kodai no Kimi19. Shikishi Naishinnō28. Go-Toba In no Shimotsuke
2. Dame Ise11. Murasaki Shikibu20. Go-Toba In Kunai-kyō29. Ben no Naishi
3. Nakatsukasa12. Koshikibu no Naishi21. Suō no Naishi30. Go-Fukakusa In no Shōshōnaishi
4. Kishi Joō13. Ise no Taifu22. Fujiwara no Toshinari no Musume31. Inpu Mon In no Daifu
5. Ukon (poétesse)14. Sei Shōnagon23. Taiken Mon In no Horikawa32. Tsuchimikado In no Kosaishō
6. Fujiwara no Michitsuna no Haha15. Daini no Sanmi24. Gishū Mon In no Tango33. Hachijō In no Takakura
7. Uma no Naishi16. Takashina no Kishi25. Kayō Mon In no Echizen34. Fujiwara no Chikako
8. Akazome Emon17. Yūshi Naishinnō-ke no Kii26. Nijō-in no Sanuki35. Shikiken Mon In no Mikushige
9. Izumi Shikibu18. Sagami27. Kojijū36. Sōheki Mon In no Shōshō

Et l’on y retrouve une autre écrivaine de l’époque, Akazome Emon.

« Akazome Emon (赤染衛門?, 9561041) est une poétesse japonaise de waka qui a vécu au milieu de l’époque de Heian. Elle est membre des trente-six poètes sages (中古三十六歌仙, Chūko Sanjūrokkasen?) et des trente-six poétesses immortelles (女房三十六歌仙, Nyōbō Sanjūrokkasen?).

On pense qu’elle est l’auteur ou le compilateur principal des Eiga Monogatari.« 

« Chuko » et « Nyobo »… Il y aurait donc bien deux catégories. Mais selon le sexe d’état-civil (si tant est qu’on puisse parler d’état civil à cette époque!) ou selon qu’ils sont… quoi? « chuko » signifierait « loyauté », selon Auroux dans La pensée japonaise. Quant à « nyobo », il désigne les femmes servant au palais, les dames de la cour. (voir ici)

Je ne vais pas vous faire un cours sur ce thème, mais avouez que c’est intrigant… A poursuivre donc… et revenons en attendant au Genji, en passant par ce magnifique écritoire.

Zao Wou Ki : l’Oeuvre gravé et imprimé (2)

Comme je le disais précédemment, ce que j’ai particulièrement apprécié, ce sont les collaborations entre l’artiste et les écrivains. Volontairement au masculin, car je n’ai pas vu de femmes parmi les auteurs…

Textes et illustrations se subliment, sans que l’on puisse décider qui met l’autre en valeur.

Jugez-en plutôt, au travers des quelques exemples qui suivent.

Jean Lescure avait fait la connaissance de Zao Wou Ki dans les années 50, mais c’est vingt ans plus tard (1972) que ce dernier illustrera de 8 eaux-fortes les poèmes consacrés à l’Etang, écrits dans la ferme de Bouzy-la-Forêt où l’écrivain se retire régulièrement.

Je ne suis pas parvenue à savoir comment Jean Frémon et le peintre s’étaient connus. Certes, ils fréquentaient les mêmes milieux artistiques, mais l’écart d’âge est considérable… Toujours est-il qu’en 1991 paraît un recueil du premier, avec des eaux-fortes du second…

Un point commun entre l’ouvrage qui précède et celui qui suit : l’éditeur, Thierry Bouchard. Il pourrait peut-être m’apporter les réponses?

Eaux-fortes, gravures, lithographies… les techniques varient, mais l’on reconnaît la « touche Zao » dans ces différents ouvrages… Et ce dernier m’a permis d’apprendre le sens d’un mot que je connaissais dans d’autres contextes : « frontispice ». A savoir, « gravure placée en face d’un titre »!

Il serait dommage, me semble-t-il, de quitter l’univers littéraire sans une citation de René Char, qui m’a aussi permis d’apprendre un terme ignoré de l’ignare que je suis : « coudoyer »…

Ce texte est extrait d’un ouvrage co-signé avec Zao Wou-Ki, « Effilage du sac de jute ».

Voici sa présentation par un admirateur du peintre, Dominique de Villepin :

« Ici, le désir de peinture d’un poète a rencontré le désir de poème d’un peintre. Zao Wou-Ki et René Char s’y entretiennent. L’un et l’autre ont exprimé souvent ces quêtes complémentaires, René Char avec Georges Braque, avec Joan Miró, avec Giacometti, avec Vieira da Silva et Zao Wou-Ki avec Henri Michaux, avec Yves Bonnefoy, avec Roger Caillois, exemples parmi tant d’autres. Des étincelles splendides se sont constellées dès avant cette brassée de tisons éclatants. C’est pourquoi il est plus juste de dire que l’oeuvre commune a vu le jour. Elle a fait son chemin depuis les ténèbres de l’incréé jusqu’à la lumière, enfant exposé. Elle a été le terme d’un devenir, d’un échange façonné par le temps. Lumière et matière – voilà de quoi il s’agit. […] »

Clin d’oeil à Verlaine

En saisissant cette image, je songeais à Verlaine « Le ciel est par-dessus le toit »…

Mais c’est un autre poème de lui que je préfère vous rappeler maintenant, en cette nuit de pleine lune…

La lune blanche
Luit dans les bois ;
De chaque branche
Part une voix
Sous la ramée…

Ô bien-aimée.

L’étang reflète,
Profond miroir,
La silhouette
Du saule noir
Où le vent pleure…

Rêvons, c’est l’heure.

Un vaste et tendre
Apaisement
Semble descendre
Du firmament
Que l’astre irise…

C’est l’heure exquise.

Poissons d’avril

Je vous ai relaté hier la blague d’un adhérent d’OVS Paris, qui proposait d’aller à la messe à la Madeleine à 5 heures du matin, puis de visiter les toilettes Belle Epoque (qui existent réellement, mais n’ouvrent qu’à 10h), avant de manger une soupe à l’oignon. Suivi par 37 personnes!

Photo empruntée au site Sortir à Paris, légèrement modifiée pour la circonstance…

Pour vous distraire en ce 2 avril un peu terne, voici deux autres farces que j’ai « vécues ». J’ai failli être victime de la première.

Image copiée sur le blog, et légèrement transformée par mes soins…

Je suis depuis longtemps le blog d’un Niçois féru de langue, de littérature et de poésie. Gabriel Grossi tient ce blog, Littérature Portes Ouvertes, depuis 2015, et j’apprécie tout ce qu’il me fait découvrir. Hier matin, il mettait en scène une poétesse niçoise méconnue. Voici l’intégralité de l’article.

« Eurydice Roussel est née en 1957 dans la région de Marseille. Elle a grandi dans un milieu artistique et c’est très tôt qu’elle a découvert sa propre vocation pour l’écriture poétique. Elle a étudié la littérature à l’Université Aix-Marseille et a rapidement commencé à publier ses poèmes dans des revues littéraires.

Ses premiers recueils de poésie, « Les Chants des abysses » et « Les larmes de l’Eternité », ont été très bien accueillis par la critique et ont rapidement attiré l’attention de grands noms de la poésie française contemporaine, tels que Emmanuel Hocquard, Jean-Pierre Siméon et Jean-Luc Nancy.

Eurydice est connue pour ses poèmes symboliques et oniriques qui abordent des thèmes tels que la mémoire, les rêves, la mort, et les relations humaines. Elle a également été très influencée par les philosophies orientales et on retrouve souvent des références à la méditation et à la spiritualité dans son œuvre. Elle a également développé un engagement féministe, qui se reflète dans ses poèmes qui dénoncent les injustices et les inégalités subies par les femmes.

Elle a également collaboré avec d’autres poètes contemporains tels que Edmond Jabès, Yves Bonnefoy et Jacques Dupin pour des lectures de poésie et des projets de création collective.

Ses recueils les plus récents « Les murmures des étoiles » et « Le silence des miroirs » ont été salués par la critique comme des chefs-d’œuvre de la poésie contemporaine française.

En plus de sa carrière de poète, Eurydice Roussel est également une conférencière très recherchée sur les sujets liés à la poésie et à la création artistique. Elle donne régulièrement des lectures de poésie dans des universités et des festivals à travers la France et l’Europe. Eurydice Roussel a également été très engagée dans la cause féministe, en utilisant sa plateforme pour dénoncer les inégalités et les discriminations subies par les femmes. Elle a également participé à des manifestations et des campagnes pour la promotion des droits des femmes.« 

Une photo était jointe, photo qui m’avait un peu étonnée : une dame souriante, dans une bibliothèque… un casque sur les oreilles! Mais à l’époque TICophile que nous vivons, pourquoi pas? Et les « témoignages » suivant l’article étaient, eux, très sérieux.

Je n’avais pas le temps d’aller voir ces poèmes, aussi me suis-je promis de le faire plus tard… Eh bien, ce matin, Monsieur Grossi dévoile qu’il s’agit d’une supercherie. « Je n’avais pas le temps d’aller voir ces poèmes, aussi me suis-je promis de le faire plus tard… Eh bien, ce matin, je reçois un courriel dans lequel Monsieur Grossi dévoile qu’il s’agit d’une supercherie.

« Une fois n’est pas coutume, je me suis adonné hier à une petite plaisanterie. C’est mon poisson d’avril pour 2023. Vous l’aurez compris, Eurydice Roussel n’a jamais existé. Mais il y a mieux : j’ai fait rédiger l’article par ChatGPT, et je n’y ai rien changé. J’ai par contre relancé plusieurs fois le robot afin qu’il améliore son écrit. Je lui ai demandé de changer de nom (« Jacques Dupont » était trop banal), de ne citer que des collaborateurs contemporains (une collab avec Rimbaud n’aurait pas du tout été crédible), et d’ajouter des témoignages. Cette capacité à améliorer le texte déjà écrit est vraiment incroyable. On a du souci à se faire… En attendant, je vous souhaite un joyeux 1er avril ! »

Avouez que vous vous seriez peut-être aussi pris au jeu?

L’autre scène se déroule sur la côte picarde où je suis venue profiter du vent du large, large largement venté par une belle tempête. Une amie me montre un article du journal L’Eclaireur. J’aime les journaux locaux qui évoquent si bien la vie quotidienne des invisibles et la prétention des trop visibles, mais je lis l’Informateur. Je n’avais donc pas eu connaissance de cet article, qui titrait sur le projet phare de la ville de Mers-les-Bains. « Phare » dans tous les sens, puisqu’il s’agissait de construire un phare. Et pas n’importe lequel : le phare le plus haut de la côte, d’une hauteur de 45 mètres.

Si vous ne connaissez pas ce joli coin de la côte d’albâtre, vous ne pouvez pas bien comprendre. Aussi vais-je vous y aider. J’ai emprunté une photographie à un autre canard local, le Courrier Picard.

Vous voyez l’entrée du port. Derrière, non visibles sur cette photo, trois espaces portuaires. L’un est destiné aux gros navires commerciaux; le deuxième, aux bateaux de pêche; un port de plaisance complète l’ensemble, relié à la rivière nommée Bresle, qui reliait la Manche à un ancien port situé près du Château de la troisième des « Villes Soeurs », Eu.

L’idée développée dans l’article est d’agrandir le port du Tréport vers Mers-les-Bains… Or voici l’image Google Map (au fait, quelqu’un sait-il/elle supprimer la pub?).

Point besoin d’être grand clerc pour saisir que cela ferait tout bonnement disparaître la majeure partie de la ville! Y compris, soit dit en passant, le magnifique front de mer classé, car datant de la Belle Epoque.

Post scriptum écrit le 3 avril à l’aube

Comme je rendais visite à la galerie de mon amie, celle-là même qui m’avait montré l’article, j’y retrouvai un artiste de Mers, Jack Guerrier, et son épouse. Il et elles étaient tou-te-s trois hilares. Figurez-vous qu’il est l’auteur de la farce! C’est lui qui a rédigé le texte, placé les illustrations, et inséré un titre évoquant le journal… Vous pourrez trouver l’intégralité sur sa page Facebook, mais je vous la recopie.

« Un phare pour Mers les Bains. Une ambition mersoise.

L’ambition pour les élus de la commune de Mers les Bains d’en faire une « VILLE PHARE » va être concrétisée par la construction d’un phare d’une hauteur appréciable de 45 mètres. Il deviendra ainsi le plus haut phare de toute la côte picarde, bien plus haut que celui d’Ault-Onival d’une hauteur de 28 mètres ou que celui du Tréport dont l’attrait attire toujours autant de touristes, malgré ses 14 mètres. Rappelons qu’à Mers les Bains, il subsiste les traces d’un port daté du 18ème siècle à l’entrée de la rue Jules Barni.

Les édiles nous confient : « Mers les Bains n’est plus un port de pêche, son ambition serait de le redevenir. C’est pour cette raison que nous souhaitons ce phare et les infrastructures qui constitueraient la future architecture portuaire complémentaire à celle du Tréport. »

Le projet est d’ores et déjà à l’étude.

L’Éclaireur du 1/4/2023

« La clarté est quand la lumière se fait ». Lao Tsong. »

Et c’est là qu’on constate que l’oeil « répare » les mots (exercice par ailleurs couramment fait dans les stages de récupération de points) : j’avais lu « Lao Tseu ». Sinon peut-être eus-je été alertée? Quoique. Voulant ce matin vérifier l’existence d’un Lao Tsong hypothétique, j’ai trouvé une page Facebook totalement vierge, d’un Lao Mao Tsong. Avec une photo délirante de chat… Peut-être une seconde farce de notre ami Jack?

Il n’en reste pas moins que le quotidien concerné apprécie les poissons d’avril. Il a publié des exemples de poissons d’avril ici ou encore , pour le pays de Chateaubriant. Non, je n’ai pas commis d’erreur d’orthographe. Vous pouvez en trouver la preuve sur le net.

Eteindre ou étreindre le feu ?

J’ai été saisie par la beauté et la profondeur de quelques vers dits magnifiquement par une personne, et ai recherché le poème de Louis Aragon d’où ils sont extraits. L’oeuvre est longue, et triste… Je me suis demandé si je vous la livrerais en entier ou si je la couperais, moi aussi, et, si oui, à quel niveau. Voici donc le choix que j’ai fait. Mais si d’aucun-e-s souhaitent tout lire, ne craignez rien, vous le trouverez en ligne. Pour les autres, sachez simplement que la suite évoque l’Espagne franquiste… Le titre du poème? Le Vaste Monde

Il fait peut-être (je ne suis pas parvenue à trouver les dates des deux écrits) suite à une lettre d’Elsa Triolet qui commençait comme ceci :

« Il n’est pas facile de te parler. Tu sembles oublier que nous vivons l’épilogue de notre vie, qu’ensuite il n’y aura plus rien à dire et que l’index lui-même d’autres le liront — pas nous.

Je te reproche de vivre depuis trente-cinq ans comme si tu avais à courir pour éteindre un feu. Dans ta course, il ne faut surtout pas déranger, ni te devancer, ni t’emboîter le pas, ni te suivre — quel que soit l’ouvrage — aussi bien couper des branches sèches, il ne faut surtout pas s’aviser de faire quoi que ce soit avec toi, ensemble.« 

Où faut-il qu’on aille
Pour changer de paille
Si l’on est le feu

À moins qu’il ne faille
Si l’on est la paille
Fuir avec le feu

La paille est si tendre
Mais vouloir l’étendre Étendra le feu
Qu’on tente d’étreindre

Or il faut l’éteindre

Le long pour l’un pour l’autre est court
II y a deux sortes de gens
L’une est pour l’eau comme un barrage et l’autre fuit comme l’argent

Le mot-à-mot du mot amour à quoi bon courir à sa suite
Il est resté dans la
Dordogne avec le bruit prompt de la truite
Au détour des arbres profonds devant une maison perchée
Nous avions rêvé tout un jour d’une vie au bord d’un rocher

La barque à l’amarre
Dort au mort des mares
Dans l’ombre qui mue

Feuillards et ramures
La fraîcheur murmure
Et rien ne remue

Sauf qu’une main lasse
Un instant déplace
Un instant pas plus

La rame qui glisse

Sur les cailloux lisses
Comme un roman lu

Créativité tous azimuths

Non, je ne vais pas vous faire entendre Dalida… Mais simplement me faire le relais d’une jeune femme qui écrit des paroles pour des chansons. Lorsque je lui ai suggéré de publier un recueil de ses oeuvres, elle m’a répondu que ce n’étaient pas des poèmes, mais des paroles de chansons… Voilà qui a, vous l’imaginez, suscité des réflexions ultérieures… dont je vous fais part ici… et que je vous propose de prolonger. Quelles différences entre les deux?
D’ailleurs, certaines chansons n’ont-elles pas été simplement la mise en musique de textes poétiques? Je pense entre autres à « Je suis venu, calme orphelin… » chanté par Reggiani… Et combien d’auteur-e-s et interprètes de chansons sont tout aussi poètes que les autres? Il n’est qu’à penser à Brassens, parmi tant d’autres, ou à Gainsbourg, qu’on célèbre ces jours-ci.

« C’est la vie.

Lisse comme la Seine en septembre,
Légère comme un tas de cendres,
Douce et fière comme de l’acier,
Froide comme une seconde passée,
La vie c’est à prendre,
Mais jamais à laisser.
La vie c’est l’infini derrière des yeux fermés,
La vie c’est un pari qu’on ne gagnera jamais.

Envier le soleil sur la joue d’un enfant,
Toucher une larme dans l’œil d’un amant,
La sécher dans le creux de son cou,
Etre soi même et devenir fou.
La vie c’est un délit pour ceux qui ont tout dit,
La vie c’est une envie qui crie à l’infini,
La vie c’est un choix qui sans cesse recommence.
Faut-il vraiment se fier à tous ces sens ?
Une collection de souvenirs, tout un tas d’avenirs,
Pour ne pas se faire mal, il faut être fakir.

Peur, désir et oubli de soi,
Frisson d’un soir et peur du lendemain,
Empreinte d’une nuit et grand émoi,
La vie comme une étincelle le long de mes reins,
Me brûle à jamais , chaotique et sublime
Me voilà funambule au dessus de l’abîme,
Me voilà sirène au fond de l’océan,
Me voilà écume, te voilà mon amant.

Tout au creux de tes bras là ou rien ne m’atteint,
Là ou je serais moi , là ou je me sens bien,
Tu feras une danse au hasard de tes mains,
Le temps d’un instant tu seras mon destin.
Mon âme en transe, brûlée de tes yeux bruns,
La chaleur de ton souffle, ce feu qui me ronge,
ton odeur qui m’essouffle, une envie de mensonge,
La vie c’est pas après pas,
Une brusque envie de toi. »

Anne-Laure, janvier 2021

J’apprécie déjà beaucoup la phrase introductrice de sa page Facebook : « Poésie, échecs, musique
et insoutenable légèreté de l’être. »

Et le fait qu’avec d’autres, elle se bat pour la survie de la production et de l’interprétation musicale. Parmi d’autres combats qu’elle livre sans répit et parfois à son détriment. En voici la trace, avec une dédicace « Pour Manu »…

« Quand la norme devient l’énorme

Au royaume des p’tits chiens

les rois sont les borgnes

Au royaume des moutons, les loups sont légion

Au royaume des cons, gagne celui qui cogne

La vraie révolution commence aux balcons

Quand la norme devient l’énorme

Pendant que tu continues ta triste besogne

Fais tes calculs et dirige les opérations

Ecoute bien et entends notre grogne

Arrête de nous prendre pour des pions

Quand à la vie on substitue la mort

A l’envi on remplit les ports

Les ports d’armes, les ports de masques

Les porte-avions, les portes fermées

Jusqu’à ce qu’on en ait plein les basques

Et qu’on veuille tout faire péter

Quand à la vie on substitue la peur

A l’envi on nourrit les abuseurs

Les aboyeurs et les inquisiteurs

Les législateurs et les millions par heure

Alors même que la liberté se meurt

Et qu’on mange tous des pâtes au beurre. »

Résumons-nous.

Elle écrit. A 16 ans, elle avait déjà produit un roman, qu’elle a ensuite détruit…

Elle joue. Aux échecs, en tournoi. A de nombreux autres jeux, où elle gagne souvent!

Elle joue. De la musique : saxo, piano, harmonica, violon… rien ne lui fait peur. Seule. Ou en groupe. En « batucada », lors de la dernière manifestation de Cahors. En famille ou entre ami-e-s. En orchestre, pour du jazz ou d’autres types de musique.

Elle s’intéresse aux formes alternatives de pédagogie.

Elle cultive son jardin. Dans tous les sens que l’on peut donner à cette expression.

Et c’est une merveilleuse photographe. Je vous laisse en juger en visitant ce site.

Peut être une image de enfant, debout et plein air
Miroir d’eau, Bordeaux, Anne-Laure Fleurette

Bref, comme elle le dit, une « créative », une « subversive », une « inventive ».

Difficile pour de tels êtres de se faire accepter, comprendre, intégrer, « inclure ». La société est si rigide… j’allais écrire si « frigide »…

Peut être un gros plan de aliment, rose et nature

Vous l’aurez compris, j’ai une grande admiration pour cette femme…

Comme un écho…

Je suis abonnée depuis bien longtemps au blog d’un poète de Nice, Gabriel Grossi. J’admire la constance avec laquelle chaque semaine au moins, et souvent chaque jour, il partage son goût de la langue française et de la poésie. Et, ce matin, je découvre un poème en prose qu’il a écrit récemment. Au-delà de la qualité littéraire, j’apprécie la voix qui résonne comme un écho à un mal-être qui s’étend, et qui, pour certain-e-s comme pour moi, se calme un peu en écoutant et regardant l’eau vivre (une pensée pour l’Eau Vive de Béart…) et en humant l’air marin. Je me permets donc – et je vais l’en prévenir – de publier ici son poème. Juste un point : pour moi, la mer n’est pas « féminine »… mais celles et ceux qui me connaissent bien pouvaient s’en douter!

Mers-les-Bains, 23 janvier 2021

Près de la mer

Lorsqu’il sent poindre en lui les assauts de la dépression, il s’en va chercher refuge près de la mer. Elle ne se lasse pas de chanter, pour lui comme pour quiconque, la même histoire de vagues et d’écume, offrant à chacun, pour rien, son spectacle de rue, ses acrobaties légères, sa danse de voiles et de tulle. Jamais elle ne refuse de donner, à qui le demande, sa vision toute féminine de l’infini. Elle est une présence qui apaise, dans le bercement du ressac et la ligne pure de l’horizon. Elle laisse, à qui veut bien les trouver, de menus lots de consolation : morceaux de verre colorés, squelettes d’oursin étoilé, fragments d’algues desséchées… Certains jours, assis sur un banc, face au vide, seul avec la mer et plus uni encore avec elle qu’un doge de Venise, il écoute sa fable mélancolique, ses plaintes caricaturales et ses cris de mouette effarouchée. Il ne lui reproche pas son emphase, non plus que ses trop longues phrases et sa grandiloquence mal placée. Il sait qu’en dépit de ses postures de cinéma, de ses airs de princesse et de son humeur fantasque, la mer est sincère. Il laisse à cette amie fidèle le soin de bercer son chagrin.

Gabriel Grossi, janvier 2021.

Colombe

A nouveau une de ces co-incidences dont je vous ai souvent parlé… Je venais de répondre au commentaire de « Karlhiver », qui traite entre autres de la rue de la Colombe à Paris, et lui promettais d’aller revoir cette rue et rechercher la colombe sur une grille rue des Barres, quand j’ai appris le décès de Salah Stétié. Alors j’écris, dans le peu de temps disponible que j’ai cet après-midi, ce bref article pour saluer ces rencontres, et vous transmettre le poème du grand pacifiste qu’il fut, où il est question de colombe… Repose en paix, Salah Stétié… et que les colombes se multiplient et se rencontrent…

Femme et enfant à la colombe, Ivanne

Paix

La paix, je la demande à ceux qui peuvent la donner
Comme si elle était leur propriété, leur chose
Elle qui n’est pas colombe, qui n’est pas tourterelle à nous ravir,
Mais simple objet du cœur régulier,
Mots partagés et partageables entre les hommes
Pour dire la faim, la soif, le pain, la poésie
La pluie dans le regard de ceux qui s’aiment

La haine. La haine.
Ceux qui sont les maîtres de la paix sont aussi
les maîtres de la haine
Petits seigneurs, grands seigneurs, grandes haines toujours.
L’acier est là qui est le métal gris-bleu
L’acier dont on fait mieux que ces compotes
Qu’on mange au petit déjeuner
Avec du beurre et des croissants

Les maîtres de la guerre et de la paix
Habitent au-dessus des nuages dans des himalayas,
des tours bancaires
Quelquefois ils nous voient, mais le plus souvent
c’est leur haine qui regarde :
Elle a les lunettes noires que l’on sait

Que veulent-ils ? Laisser leur nom dans l’histoire
À côté des Alexandre, des Cyrus, des Napoléon,
Hitler ne leur est pas étranger quoi qu’ils en disent :
Après tout, les hommes c’est fait pour mourir
Ou, à défaut, pour qu’on les tue

Eux, à leur façon, qui est la bonne, sont les serviteurs d’un ordre
Le désordre, c’est l’affaire des chiens – les hommes, c’est civilisé
Alors à coups de bottes, à coups de canons et de bombes,
Remettons l’ordre partout où la vie
A failli, à coups de marguerites, le détraquer

À coups de marguerites et de doigts enlacés, de saveur de lumière,
Ce long silence qui s’installe sur les choses, sur chaque objet,
sur la peau heureuse des lèvres,
Quand tout semble couler de source comme rivière
Dans un monde qui n’est pas bloqué, qui est même un peu ivre,
qui va et vient, et qui respire…

Ô monde… Avec la beauté de tes mers,
Tes latitudes, tes longitudes, tes continents
Tes hommes noirs, tes hommes blancs, tes hommes rouges,
tes hommes jaunes, tes hommes bleus
Et la splendeur vivace de tes femmes pleines d’yeux et de seins,
d’ombres délicieuses et de jambes
Ô monde, avec tant de neige à tes sommets et tant de fruits
dans tes vallées et dans tes plaines
Tant de blé, tant de riz précieux, si seulement on voulait
laisser faire Gaïa la généreuse
Tant d’enfants, tant d’enfants et, pour des millions
d’entre eux, tant de mouches
Ô monde, si tu voulais seulement épouiller le crâne chauve
de ces pouilleux, ces dépouilleurs
Et leur glisser à l’oreille, comme dictée de libellule,
un peu de ta si vieille sagesse

La paix, je la demande à tous ceux qui peuvent la donner
Ils ne sont pas nombreux après tout, les hommes
violents et froids
Malgré les apparences, peut-être même ont-ils encore
des souvenirs d’enfance, une mère aimée,
un très vieux disque qu’ils ont écouté jadis
longtemps, longtemps

Oh, que tous ces moments de mémoire viennent à eux
avec un bouquet de violettes !
Ils se rappelleront alors les matinées de la rosée
L’odeur de l’eau et les fumées de l’aube sur la lune.

Photographie emprumtée au blog sosduneterrienneendetresse

Etats d’âme

Je m’étais dit que la fin du confinement marquerait la fin de la série « poème »… Mais j’ai envie de continuer… et les commentaires des un-e-s et des autres m’y poussent aussi, je dois le dire…

En me promenant sur le net pour chercher qui est ce José Ramon Ripoll dont « Karlhiver » nous a transmis un très beau poème, je suis tombée par hasard ou par algorithme sur un autre poète, qui écrit aussi en langue espagnole, car il est Cubain : José Marti. Je ne suis pas à même de le traduire, mais je pense que, comme moi, vous pourrez en sentir la saveur dans le texte original.

Yo soy un hombre sincero
De donde crece la palma.
Y antes de morirme quiero
Echar mis versos del alma.

Yo vengo de todas partes,
Y hacia todas partes voy:
Arte soy entre las artes,
En los montes, monte soy.

Yo sé los nombres extraños
De las yerbas y las flores,
Y de mortales engaños,
Y de sublimes dolores.

Yo he visto en la noche oscura
Llover sobre mi cabeza
Los rayos de lumbre pura
De la divina belleza.

Alas nacer vi en los hombros
De las mujeres hermosas:
Y salir de los escombros,
Volando las mariposas.

He visto vivir a un hombre
Con el puñal al costado,
Sin decir jamás el nombre
De aquélla que lo ha matado.

Rápida como un reflejo,
Dos veces vi el alma, dos:
Cuando murió el pobre viejo,
Cuando ella me dijo adiós.

Temblé una vez -en la reja,
A la entrada de la viña,-
Cuando la bárbara abeja
Picó en la frente a mi niña.

Gocé una vez, de tal suerte
Que gocé cual nunca: cuando
La sentencia de mi muerte
Leyó el alcalde llorando.

Oigo un suspiro, a través
De las tierras y la mar,
Y no es un suspiro. -es
Que mi hijo va a despertar.

Si dicen que del joyero
Tome la joya mejor,
Tomo a un amigo sincero
Y pongo a un lado el amor.

Yo he Visto al águila herida
Volar al azul sereno,
Y morir en su guarida
La víbora del veneno.

Yo sé bien que cuando el mundo
Cede, lívido, al descanso,
Sobre el silencio profundo
Murmura el arroyo manso.

Yo he puesto la mano osada
De horror y júbilo yerta,
Sobre la estrella apagada
Que cayó frente a mi puerta.

Oculto en mi pecho bravo
La pena que me lo hiere:
El hijo de un pueblo esclavo
Vive por él, calla y muere.

Todo es hermoso y constante,
Todo es música y razón,
Y todo, como el diamante,
Antes que luz es carbón.

Yo sé que el necio se entierra
Con gran lujo y con gran llanto, –
Y que no hay fruta en la tierra
Como la del camposanto.

Callo, y entiendo, y me quito
La pompa del rimador:
Cuelgo de un árbol marchito
Mi muceta de doctor.

Au pays où sont les tombes des héros, Antanas Zmuidzinavicius (1911)

Juste pour ajouter un mot sur José Marti, si vous ne le connaissez pas : il a été tué à 42 ans lors de la guerre d’indépendance de 1895, au cours de la première bataille contre les Espagnols, lui qui avait été le fondateur du Parti Révolutionnaire.

José Marti

PS : en recherchant les illustrations de cet article, je viens de découvrir un blog très intéressant, qui présente notamment des tableaux de pays dont l’art m’est moins familier que d’autres. Voici la page dont est extraite celui qui nous vient de Lituanie. Et voici l’adresse du blog qui m’a mise sur la piste de José Marti.