Je vous ai relaté hier la blague d’un adhérent d’OVS Paris, qui proposait d’aller à la messe à la Madeleine à 5 heures du matin, puis de visiter les toilettes Belle Epoque (qui existent réellement, mais n’ouvrent qu’à 10h), avant de manger une soupe à l’oignon. Suivi par 37 personnes!
Photo empruntée au site Sortir à Paris, légèrement modifiée pour la circonstance…
Pour vous distraire en ce 2 avril un peu terne, voici deux autres farces que j’ai « vécues ». J’ai failli être victime de la première.
Image copiée sur le blog, et légèrement transformée par mes soins…
Je suis depuis longtemps le blog d’un Niçois féru de langue, de littérature et de poésie. Gabriel Grossi tient ce blog, Littérature Portes Ouvertes, depuis 2015, et j’apprécie tout ce qu’il me fait découvrir. Hier matin, il mettait en scène une poétesse niçoise méconnue. Voici l’intégralité de l’article.
« Eurydice Roussel est née en 1957 dans la région de Marseille. Elle a grandi dans un milieu artistique et c’est très tôt qu’elle a découvert sa propre vocation pour l’écriture poétique. Elle a étudié la littérature à l’Université Aix-Marseille et a rapidement commencé à publier ses poèmes dans des revues littéraires.
Ses premiers recueils de poésie, « Les Chants des abysses » et « Les larmes de l’Eternité », ont été très bien accueillis par la critique et ont rapidement attiré l’attention de grands noms de la poésie française contemporaine, tels que Emmanuel Hocquard, Jean-Pierre Siméon et Jean-Luc Nancy.
Eurydice est connue pour ses poèmes symboliques et oniriques qui abordent des thèmes tels que la mémoire, les rêves, la mort, et les relations humaines. Elle a également été très influencée par les philosophies orientales et on retrouve souvent des références à la méditation et à la spiritualité dans son œuvre. Elle a également développé un engagement féministe, qui se reflète dans ses poèmes qui dénoncent les injustices et les inégalités subies par les femmes.
Elle a également collaboré avec d’autres poètes contemporains tels que Edmond Jabès, Yves Bonnefoy et Jacques Dupin pour des lectures de poésie et des projets de création collective.
Ses recueils les plus récents « Les murmures des étoiles » et « Le silence des miroirs » ont été salués par la critique comme des chefs-d’œuvre de la poésie contemporaine française.
En plus de sa carrière de poète, Eurydice Roussel est également une conférencière très recherchée sur les sujets liés à la poésie et à la création artistique. Elle donne régulièrement des lectures de poésie dans des universités et des festivals à travers la France et l’Europe. Eurydice Roussel a également été très engagée dans la cause féministe, en utilisant sa plateforme pour dénoncer les inégalités et les discriminations subies par les femmes. Elle a également participé à des manifestations et des campagnes pour la promotion des droits des femmes.«
Une photo était jointe, photo qui m’avait un peu étonnée : une dame souriante, dans une bibliothèque… un casque sur les oreilles! Mais à l’époque TICophile que nous vivons, pourquoi pas? Et les « témoignages » suivant l’article étaient, eux, très sérieux.
Je n’avais pas le temps d’aller voir ces poèmes, aussi me suis-je promis de le faire plus tard… Eh bien, ce matin, Monsieur Grossi dévoile qu’il s’agit d’une supercherie. « Je n’avais pas le temps d’aller voir ces poèmes, aussi me suis-je promis de le faire plus tard… Eh bien, ce matin, je reçois un courriel dans lequel Monsieur Grossi dévoile qu’il s’agit d’une supercherie.
« Une fois n’est pas coutume, je me suis adonné hier à une petite plaisanterie. C’est mon poisson d’avril pour 2023. Vous l’aurez compris, Eurydice Roussel n’a jamais existé. Mais il y a mieux : j’ai fait rédiger l’article par ChatGPT, et je n’y ai rien changé. J’ai par contre relancé plusieurs fois le robot afin qu’il améliore son écrit. Je lui ai demandé de changer de nom (« Jacques Dupont » était trop banal), de ne citer que des collaborateurs contemporains (une collab avec Rimbaud n’aurait pas du tout été crédible), et d’ajouter des témoignages. Cette capacité à améliorer le texte déjà écrit est vraiment incroyable. On a du souci à se faire… En attendant, je vous souhaite un joyeux 1er avril ! »
Avouez que vous vous seriez peut-être aussi pris au jeu?
L’autre scène se déroule sur la côte picarde où je suis venue profiter du vent du large, large largement venté par une belle tempête. Une amie me montre un article du journal L’Eclaireur. J’aime les journaux locaux qui évoquent si bien la vie quotidienne des invisibles et la prétention des trop visibles, mais je lis l’Informateur. Je n’avais donc pas eu connaissance de cet article, qui titrait sur le projet phare de la ville de Mers-les-Bains. « Phare » dans tous les sens, puisqu’il s’agissait de construire un phare. Et pas n’importe lequel : le phare le plus haut de la côte, d’une hauteur de 45 mètres.
Si vous ne connaissez pas ce joli coin de la côte d’albâtre, vous ne pouvez pas bien comprendre. Aussi vais-je vous y aider. J’ai emprunté une photographie à un autre canard local, le Courrier Picard.
Vous voyez l’entrée du port. Derrière, non visibles sur cette photo, trois espaces portuaires. L’un est destiné aux gros navires commerciaux; le deuxième, aux bateaux de pêche; un port de plaisance complète l’ensemble, relié à la rivière nommée Bresle, qui reliait la Manche à un ancien port situé près du Château de la troisième des « Villes Soeurs », Eu.
L’idée développée dans l’article est d’agrandir le port du Tréport vers Mers-les-Bains… Or voici l’image Google Map (au fait, quelqu’un sait-il/elle supprimer la pub?).
Point besoin d’être grand clerc pour saisir que cela ferait tout bonnement disparaître la majeure partie de la ville! Y compris, soit dit en passant, le magnifique front de mer classé, car datant de la Belle Epoque.
Post scriptum écrit le 3 avril à l’aube
Comme je rendais visite à la galerie de mon amie, celle-là même qui m’avait montré l’article, j’y retrouvai un artiste de Mers, Jack Guerrier, et son épouse. Il et elles étaient tou-te-s trois hilares. Figurez-vous qu’il est l’auteur de la farce! C’est lui qui a rédigé le texte, placé les illustrations, et inséré un titre évoquant le journal… Vous pourrez trouver l’intégralité sur sa page Facebook, mais je vous la recopie.
« Un phare pour Mers les Bains. Une ambition mersoise.
L’ambition pour les élus de la commune de Mers les Bains d’en faire une « VILLE PHARE » va être concrétisée par la construction d’un phare d’une hauteur appréciable de 45 mètres. Il deviendra ainsi le plus haut phare de toute la côte picarde, bien plus haut que celui d’Ault-Onival d’une hauteur de 28 mètres ou que celui du Tréport dont l’attrait attire toujours autant de touristes, malgré ses 14 mètres. Rappelons qu’à Mers les Bains, il subsiste les traces d’un port daté du 18ème siècle à l’entrée de la rue Jules Barni.
Les édiles nous confient : « Mers les Bains n’est plus un port de pêche, son ambition serait de le redevenir. C’est pour cette raison que nous souhaitons ce phare et les infrastructures qui constitueraient la future architecture portuaire complémentaire à celle du Tréport. »
Le projet est d’ores et déjà à l’étude.
L’Éclaireur du 1/4/2023
« La clarté est quand la lumière se fait ». Lao Tsong. »
Et c’est là qu’on constate que l’oeil « répare » les mots (exercice par ailleurs couramment fait dans les stages de récupération de points) : j’avais lu « Lao Tseu ». Sinon peut-être eus-je été alertée? Quoique.Voulant ce matin vérifier l’existence d’un Lao Tsong hypothétique, j’ai trouvé une page Facebook totalement vierge, d’un Lao Mao Tsong. Avec une photo délirante de chat… Peut-être une seconde farce de notre ami Jack?
Il n’en reste pas moins que le quotidien concerné apprécie les poissons d’avril. Il a publié des exemples de poissons d’avril ici ou encore là, pour le pays de Chateaubriant. Non, je n’ai pas commis d’erreur d’orthographe. Vous pouvez en trouver la preuve sur le net.
J’ai été saisie par la beauté et la profondeur de quelques vers dits magnifiquement par une personne, et ai recherché le poème de Louis Aragon d’où ils sont extraits. L’oeuvre est longue, et triste… Je me suis demandé si je vous la livrerais en entier ou si je la couperais, moi aussi, et, si oui, à quel niveau. Voici donc le choix que j’ai fait. Mais si d’aucun-e-s souhaitent tout lire, ne craignez rien, vous le trouverez en ligne. Pour les autres, sachez simplement que la suite évoque l’Espagne franquiste… Le titre du poème? Le Vaste Monde
Il fait peut-être (je ne suis pas parvenue à trouver les dates des deux écrits) suite à une lettre d’Elsa Triolet qui commençait comme ceci :
« Il n’est pas facile de te parler. Tu sembles oublier que nous vivons l’épilogue de notre vie, qu’ensuite il n’y aura plus rien à dire et que l’index lui-même d’autres le liront — pas nous.
Je te reproche de vivre depuis trente-cinq ans comme si tu avais à courir pour éteindre un feu. Dans ta course, il ne faut surtout pas déranger, ni te devancer, ni t’emboîter le pas, ni te suivre — quel que soit l’ouvrage — aussi bien couper des branches sèches, il ne faut surtout pas s’aviser de faire quoi que ce soit avec toi, ensemble.«
Où faut-il qu’on aille Pour changer de paille Si l’on est le feu
À moins qu’il ne faille Si l’on est la paille Fuir avec le feu
La paille est si tendre Mais vouloir l’étendre Étendra le feu Qu’on tente d’étreindre
Or il faut l’éteindre
Le long pour l’un pour l’autre est court II y a deux sortes de gens L’une est pour l’eau comme un barrage et l’autre fuit comme l’argent
Le mot-à-mot du mot amour à quoi bon courir à sa suite Il est resté dans la Dordogne avec le bruit prompt de la truite Au détour des arbres profonds devant une maison perchée Nous avions rêvé tout un jour d’une vie au bord d’un rocher
La barque à l’amarre Dort au mort des mares Dans l’ombre qui mue
Feuillards et ramures La fraîcheur murmure Et rien ne remue
Sauf qu’une main lasse Un instant déplace Un instant pas plus
Non, je ne vais pas vous faire entendre Dalida… Mais simplement me faire le relais d’une jeune femme qui écrit des paroles pour des chansons. Lorsque je lui ai suggéré de publier un recueil de ses oeuvres, elle m’a répondu que ce n’étaient pas des poèmes, mais des paroles de chansons… Voilà qui a, vous l’imaginez, suscité des réflexions ultérieures… dont je vous fais part ici… et que je vous propose de prolonger. Quelles différences entre les deux? D’ailleurs, certaines chansons n’ont-elles pas été simplement la mise en musique de textes poétiques? Je pense entre autres à « Je suis venu, calme orphelin… » chanté par Reggiani… Et combien d’auteur-e-s et interprètes de chansons sont tout aussi poètes que les autres? Il n’est qu’à penser à Brassens, parmi tant d’autres, ou à Gainsbourg, qu’on célèbre ces jours-ci.
« C’est la vie.
Lisse comme la Seine en septembre, Légère comme un tas de cendres, Douce et fière comme de l’acier, Froide comme une seconde passée, La vie c’est à prendre, Mais jamais à laisser. La vie c’est l’infini derrière des yeux fermés, La vie c’est un pari qu’on ne gagnera jamais.
Envier le soleil sur la joue d’un enfant, Toucher une larme dans l’œil d’un amant, La sécher dans le creux de son cou, Etre soi même et devenir fou. La vie c’est un délit pour ceux qui ont tout dit, La vie c’est une envie qui crie à l’infini, La vie c’est un choix qui sans cesse recommence. Faut-il vraiment se fier à tous ces sens ? Une collection de souvenirs, tout un tas d’avenirs, Pour ne pas se faire mal, il faut être fakir.
Peur, désir et oubli de soi, Frisson d’un soir et peur du lendemain, Empreinte d’une nuit et grand émoi, La vie comme une étincelle le long de mes reins, Me brûle à jamais , chaotique et sublime Me voilà funambule au dessus de l’abîme, Me voilà sirène au fond de l’océan, Me voilà écume, te voilà mon amant.
Tout au creux de tes bras là ou rien ne m’atteint, Là ou je serais moi , là ou je me sens bien, Tu feras une danse au hasard de tes mains, Le temps d’un instant tu seras mon destin. Mon âme en transe, brûlée de tes yeux bruns, La chaleur de ton souffle, ce feu qui me ronge, ton odeur qui m’essouffle, une envie de mensonge, La vie c’est pas après pas, Une brusque envie de toi. »
Anne-Laure, janvier 2021
J’apprécie déjà beaucoup la phrase introductrice de sa page Facebook : « Poésie, échecs, musique et insoutenable légèreté de l’être. »
Et le fait qu’avec d’autres, elle se bat pour la survie de la production et de l’interprétation musicale. Parmi d’autres combats qu’elle livre sans répit et parfois à son détriment. En voici la trace, avec une dédicace « Pour Manu »…
« Quand la norme devient l’énorme
Au royaume des p’tits chiens
les rois sont les borgnes
Au royaume des moutons, les loups sont légion
Au royaume des cons, gagne celui qui cogne
La vraie révolution commence aux balcons
Quand la norme devient l’énorme
Pendant que tu continues ta triste besogne
Fais tes calculs et dirige les opérations
Ecoute bien et entends notre grogne
Arrête de nous prendre pour des pions
Quand à la vie on substitue la mort
A l’envi on remplit les ports
Les ports d’armes, les ports de masques
Les porte-avions, les portes fermées
Jusqu’à ce qu’on en ait plein les basques
Et qu’on veuille tout faire péter
Quand à la vie on substitue la peur
A l’envi on nourrit les abuseurs
Les aboyeurs et les inquisiteurs
Les législateurs et les millions par heure
Alors même que la liberté se meurt
Et qu’on mange tous des pâtes au beurre. »
Résumons-nous.
Elle écrit. A 16 ans, elle avait déjà produit un roman, qu’elle a ensuite détruit…
Elle joue. Aux échecs, en tournoi. A de nombreux autres jeux, où elle gagne souvent!
Elle joue. De la musique : saxo, piano, harmonica, violon… rien ne lui fait peur. Seule. Ou en groupe. En « batucada », lors de la dernière manifestation de Cahors. En famille ou entre ami-e-s. En orchestre, pour du jazz ou d’autres types de musique.
Elle s’intéresse aux formes alternatives de pédagogie.
Elle cultive son jardin. Dans tous les sens que l’on peut donner à cette expression.
Et c’est une merveilleuse photographe. Je vous laisse en juger en visitant ce site.
Miroir d’eau, Bordeaux, Anne-Laure Fleurette
Bref, comme elle le dit, une « créative », une « subversive », une « inventive ».
Difficile pour de tels êtres de se faire accepter, comprendre, intégrer, « inclure ». La société est si rigide… j’allais écrire si « frigide »…
Vous l’aurez compris, j’ai une grande admiration pour cette femme…
Je suis abonnée depuis bien longtemps au blog d’un poète de Nice, Gabriel Grossi. J’admire la constance avec laquelle chaque semaine au moins, et souvent chaque jour, il partage son goût de la langue française et de la poésie. Et, ce matin, je découvre un poème en prose qu’il a écrit récemment. Au-delà de la qualité littéraire, j’apprécie la voix qui résonne comme un écho à un mal-être qui s’étend, et qui, pour certain-e-s comme pour moi, se calme un peu en écoutant et regardant l’eau vivre (une pensée pour l’Eau Vive de Béart…) et en humant l’air marin. Je me permets donc – et je vais l’en prévenir – de publier ici son poème. Juste un point : pour moi, la mer n’est pas « féminine »… mais celles et ceux qui me connaissent bien pouvaient s’en douter!
Mers-les-Bains, 23 janvier 2021
Près de la mer
Lorsqu’il sent poindre en lui les assauts de la dépression, il s’en va chercher refuge près de la mer. Elle ne se lasse pas de chanter, pour lui comme pour quiconque, la même histoire de vagues et d’écume, offrant à chacun, pour rien, son spectacle de rue, ses acrobaties légères, sa danse de voiles et de tulle. Jamais elle ne refuse de donner, à qui le demande, sa vision toute féminine de l’infini. Elle est une présence qui apaise, dans le bercement du ressac et la ligne pure de l’horizon. Elle laisse, à qui veut bien les trouver, de menus lots de consolation : morceaux de verre colorés, squelettes d’oursin étoilé, fragments d’algues desséchées… Certains jours, assis sur un banc, face au vide, seul avec la mer et plus uni encore avec elle qu’un doge de Venise, il écoute sa fable mélancolique, ses plaintes caricaturales et ses cris de mouette effarouchée. Il ne lui reproche pas son emphase, non plus que ses trop longues phrases et sa grandiloquence mal placée. Il sait qu’en dépit de ses postures de cinéma, de ses airs de princesse et de son humeur fantasque, la mer est sincère. Il laisse à cette amie fidèle le soin de bercer son chagrin.
A nouveau une de ces co-incidences dont je vous ai souvent parlé… Je venais de répondre au commentaire de « Karlhiver », qui traite entre autres de la rue de la Colombe à Paris, et lui promettais d’aller revoir cette rue et rechercher la colombe sur une grille rue des Barres, quand j’ai appris le décès de Salah Stétié. Alors j’écris, dans le peu de temps disponible que j’ai cet après-midi, ce bref article pour saluer ces rencontres, et vous transmettre le poème du grand pacifiste qu’il fut, où il est question de colombe… Repose en paix, Salah Stétié… et que les colombes se multiplient et se rencontrent…
Femme et enfant à la colombe, Ivanne
Paix
La paix, je la demande à ceux qui peuvent la donner Comme si elle était leur propriété, leur chose Elle qui n’est pas colombe, qui n’est pas tourterelle à nous ravir, Mais simple objet du cœur régulier, Mots partagés et partageables entre les hommes Pour dire la faim, la soif, le pain, la poésie La pluie dans le regard de ceux qui s’aiment
La haine. La haine. Ceux qui sont les maîtres de la paix sont aussi les maîtres de la haine Petits seigneurs, grands seigneurs, grandes haines toujours. L’acier est là qui est le métal gris-bleu L’acier dont on fait mieux que ces compotes Qu’on mange au petit déjeuner Avec du beurre et des croissants
Les maîtres de la guerre et de la paix Habitent au-dessus des nuages dans des himalayas, des tours bancaires Quelquefois ils nous voient, mais le plus souvent c’est leur haine qui regarde : Elle a les lunettes noires que l’on sait
Que veulent-ils ? Laisser leur nom dans l’histoire À côté des Alexandre, des Cyrus, des Napoléon, Hitler ne leur est pas étranger quoi qu’ils en disent : Après tout, les hommes c’est fait pour mourir Ou, à défaut, pour qu’on les tue
Eux, à leur façon, qui est la bonne, sont les serviteurs d’un ordre Le désordre, c’est l’affaire des chiens – les hommes, c’est civilisé Alors à coups de bottes, à coups de canons et de bombes, Remettons l’ordre partout où la vie A failli, à coups de marguerites, le détraquer
À coups de marguerites et de doigts enlacés, de saveur de lumière, Ce long silence qui s’installe sur les choses, sur chaque objet, sur la peau heureuse des lèvres, Quand tout semble couler de source comme rivière Dans un monde qui n’est pas bloqué, qui est même un peu ivre, qui va et vient, et qui respire…
Ô monde… Avec la beauté de tes mers, Tes latitudes, tes longitudes, tes continents Tes hommes noirs, tes hommes blancs, tes hommes rouges, tes hommes jaunes, tes hommes bleus Et la splendeur vivace de tes femmes pleines d’yeux et de seins, d’ombres délicieuses et de jambes Ô monde, avec tant de neige à tes sommets et tant de fruits dans tes vallées et dans tes plaines Tant de blé, tant de riz précieux, si seulement on voulait laisser faire Gaïa la généreuse Tant d’enfants, tant d’enfants et, pour des millions d’entre eux, tant de mouches Ô monde, si tu voulais seulement épouiller le crâne chauve de ces pouilleux, ces dépouilleurs Et leur glisser à l’oreille, comme dictée de libellule, un peu de ta si vieille sagesse
La paix, je la demande à tous ceux qui peuvent la donner Ils ne sont pas nombreux après tout, les hommes violents et froids Malgré les apparences, peut-être même ont-ils encore des souvenirs d’enfance, une mère aimée, un très vieux disque qu’ils ont écouté jadis longtemps, longtemps
Oh, que tous ces moments de mémoire viennent à eux avec un bouquet de violettes ! Ils se rappelleront alors les matinées de la rosée L’odeur de l’eau et les fumées de l’aube sur la lune.
Je m’étais dit que la fin du confinement marquerait la fin de la série « poème »… Mais j’ai envie de continuer… et les commentaires des un-e-s et des autres m’y poussent aussi, je dois le dire…
En me promenant sur le net pour chercher qui est ce José Ramon Ripoll dont « Karlhiver » nous a transmis un très beau poème, je suis tombée par hasard ou par algorithme sur un autre poète, qui écrit aussi en langue espagnole, car il est Cubain : José Marti. Je ne suis pas à même de le traduire, mais je pense que, comme moi, vous pourrez en sentir la saveur dans le texte original.
Yo soy un hombre sincero De donde crece la palma. Y antes de morirme quiero Echar mis versos del alma.
Yo vengo de todas partes, Y hacia todas partes voy: Arte soy entre las artes, En los montes, monte soy.
Yo sé los nombres extraños De las yerbas y las flores, Y de mortales engaños, Y de sublimes dolores.
Yo he visto en la noche oscura Llover sobre mi cabeza Los rayos de lumbre pura De la divina belleza.
Alas nacer vi en los hombros De las mujeres hermosas: Y salir de los escombros, Volando las mariposas.
He visto vivir a un hombre Con el puñal al costado, Sin decir jamás el nombre De aquélla que lo ha matado.
Rápida como un reflejo, Dos veces vi el alma, dos: Cuando murió el pobre viejo, Cuando ella me dijo adiós.
Temblé una vez -en la reja, A la entrada de la viña,- Cuando la bárbara abeja Picó en la frente a mi niña.
Gocé una vez, de tal suerte Que gocé cual nunca: cuando La sentencia de mi muerte Leyó el alcalde llorando.
Oigo un suspiro, a través De las tierras y la mar, Y no es un suspiro. -es Que mi hijo va a despertar.
Si dicen que del joyero Tome la joya mejor, Tomo a un amigo sincero Y pongo a un lado el amor.
Yo he Visto al águila herida Volar al azul sereno, Y morir en su guarida La víbora del veneno.
Yo sé bien que cuando el mundo Cede, lívido, al descanso, Sobre el silencio profundo Murmura el arroyo manso.
Yo he puesto la mano osada De horror y júbilo yerta, Sobre la estrella apagada Que cayó frente a mi puerta.
Oculto en mi pecho bravo La pena que me lo hiere: El hijo de un pueblo esclavo Vive por él, calla y muere.
Todo es hermoso y constante, Todo es música y razón, Y todo, como el diamante, Antes que luz es carbón.
Yo sé que el necio se entierra Con gran lujo y con gran llanto, – Y que no hay fruta en la tierra Como la del camposanto.
Callo, y entiendo, y me quito La pompa del rimador: Cuelgo de un árbol marchito Mi muceta de doctor.
Au pays où sont les tombes des héros, Antanas Zmuidzinavicius (1911)
Juste pour ajouter un mot sur José Marti, si vous ne le connaissez pas : il a été tué à 42 ans lors de la guerre d’indépendance de 1895, au cours de la première bataille contre les Espagnols, lui qui avait été le fondateur du Parti Révolutionnaire.
José Marti
PS : en recherchant les illustrations de cet article, je viens de découvrir un blog très intéressant, qui présente notamment des tableaux de pays dont l’art m’est moins familier que d’autres. Voici la page dont est extraite celui qui nous vient de Lituanie. Et voici l’adresse du blog qui m’a mise sur la piste de José Marti.
Abonnée à une Lettre qui me nourrit chaque matin de magnifiques images, j’ai eu le bonheur de découvrir en cette aube ensoleillée une étoile disparue trop vite et une photographe qui, elle, est bien vivante. Alors que le travail m’attend, je ne résiste pas à l’envie de vous le faire partager…
La photographe est Allemande, elle s’appelle Miriam Tölke, a 43 ans et vit à Stuttgart.
L’écrivaine est… je ne sais quoi dire… Jugez un peu. Elle est née en 1924 à Czernowitz. Cette ville était alors située en Bucovine, province longtemps autrichienne, devenue roumaine en 1920, aujourd’hui en Ukraine. Donc… elle est Autrichienne si l’on considère sa famille? Roumaine pour les historiens? Ukrainienne pour les politiques? Cela vous rappelle peut-être quelque chose, un autre écrivain… Paul Celan, de son nom de naissance Paul Pessach Antschel (en allemand) ou Ancel (en roumain). Il était né en 1920 à Cernauti, dans la même province. Ce poète (et traducteur) est devenu, lui, Français, en 1955, par naturalisation. Lui a eu la chance de connaître « l’après-guerre ». Ce ne fut pas le cas de la jeune Selma Meerbaum – Eisinger, qui mourut du typhus dans un camp de travail ukrainien en 1942. Vous avez bien lu… Elle n’avait que 18 ans… Vous avez deviné pourquoi… Ajoutons qu’elle avait un lien de cousinage éloigné avec Paul Celan, dont les parents sont d’ailleurs décédés dans le même camp.
Les vivres des morts pour les vivants, David Olère
Un Musée de la Famille nous parle de sa jeunesse et présente, en anglais, le poème dont il est question dans cet article, Crystal (je ne l’ai trouvé écrit ni en allemand ni en français, désolée!). Mais vous pouvez entendre Kristall déclamé par Ole Irenäus Wieröd.
Crystal
All’s calm. And many withered leaves here lie like brown gold dipped in sunshine. The sky is very blue white clouds are rocking by. Hoar-frost blows brightness on the pine.
Firs are standing fresh and green lofty tops rising into the height. The red beeches, slender and keen, listen to the eagle calling in his flight and dare go ever higher as heaven were. Lonely benches standing here and there and here a patch of grass, now half-frozen, the sun as its own darling had is chosen.
Pour écouter sa poésie dans la langue d’origine : Fritz Stavenhagen.
J’ai beaucoup aimé aussi, pour ma part, Traüme (« Rêves »), en allemand par le même lecteur, et chanté en yiddish par Ruth Levin, et cette superbe vidéo sur Ich bin der Regen (« Je suis la pluie ») alliant musique, chanson et acrobatie/danse, par Nadine Maria Schmidt & Frühmorgens am Meer.
Edvard Munch
Je disais donc au début de ce texte que je venais de la découvrir grâce à un article sur une exposition qui devait se dérouler dans une galerie -qui n’a réouvert qu’aujourd’hui12 mai, Bildhalle à Zürich. La galerie a eu la bonne idée de présenter l’exposition en ligne, ce qui nous permet d’en profiter… Voici donc l’oeuvre que son auteure met en lien avec la jeune fille, un collage.
Third Eye (le Troisième Oeil), Myriam Tölke, 2020 (Source)
« Je prends tout hors contexte, le réorganise, reconfigure les pièces détachées, mélange les matériaux et les techniques, crée un nouvel ordre hors du chaos de l’abondance. Je suis une randonneuse, je passe la plupart de mon temps en ville et j’adore étudier les gens, les lieux, les gestes et les mouvements. La nature me donne l’horizon devant lequel toutes les parties se rejoignent. » Miriam Tölke, 2019 (Source)
En ce matin du 11 mai, beaucoup de personnes autour de moi hésitent et ne savent plus que penser. Alors que la sphère commerciale, à l’exception des secteurs encore interdits d’activités, comme bars, restaurants… et culture, pousse à se réjouir, les citoyen-ne-s qui réfléchissent se demandent comment agir et réagir… L’heure est aussi aux bilans. Deux mois, si brefs dans une vie, mais si importants quand il n’en reste plus beaucoup à vivre… Qu’en avons-nous fait? En quoi nous ont-ils modifiés et ont-ils ou vont-ils changer le cours de notre vie ? Mais cessons là. Comme vous l’avez remarqué, depuis deux mois j’ai tenté au travers de ce blog de « survivre intellectuellement » et de distraire celles et ceux d’entre vous qui étaient isolé-e-s, découragé-e-s, parfois en manque de « société » tout simplement. Aujourd’hui, je vais consacrer mon dernier article « quotidien » – mais peut-être le resteront-ils, qui sait? – à l’un des « cadeaux » qui m’ont été offerts par les un-e-s et les autres, au travers des échanges qui se sont multipliés grâce à Internet.
Lasar Segall
Le poème du jour, qui sera le dernier de la séquence « La Poésie pour clef« , m’a été transmis par une amie, qui l’a enregistré et m’a envoyé une vidéo… que je ne parviens pas à placer ici pour l’instant. Promis, dès que je le pourrai, je le ferai.
Emiliano di Cavalcanti
Acceptation
É mais fácil pousar o ouvido nas nuvens
e sentir passar as estrelas
do que prendê-lo à terra e alcançar o rumor dos teus passos.
É mais fácil, também, debruçar os olhos nos oceanos
e assistir, lá no fundo, ao nascimento mudo das formas,
que desejar que apareças, criando com teu simples gesto
o sinal de uma eterna esperança.
Não me interessam mais nem as estrelas, nem as formas do mar, /nem tu.
Desenrolei de dentro do tempo a minha canção :
não tenho inveja às cigarras : também vou morrer de cantar.
Cecilia Meireles
Comme vous ne lisez peut-être pas couramment le portugais, en voici la « traduction » en français – si vous me lisez souvent, vous savez ce que je pense de ces interprétations, même si elles sont très bien pensées… d’où la présence du texte original…
Il est plus facile deposer l’oreillesur les nuages
et sentir se déplacer les étoiles
que la fixer au sol et percevoir le son de tes pas.
Il est plus facile, aussi, de plonger les yeux dans les océans
et d’assister, là, au fond, à la naissance silencieuse des formes,
que vouloir que tu apparaisses, créantavec ton simple geste
le signe d’une espérance éternelle.
Je ne m’intéresse plus aux étoiles ni aux formes de la mer, ni à toi.
J’ai déroulé de l’intérieur du temps ma chanson :
Je n’envie pas les cigales : je vais, moi aussi, mourir d’avoir trop chanté.
Traduction Jacky Lavauzelle
A luna, Tarsilo di Amaral (1928)
Je ne connais pas bien la littérature brésilienne, c’est un doux euphémisme. Et j’ai ainsi découvert l’écrivaine remarquable qu’a été Cecília Benevides de Carvalho Meireles, décédée en 1964 à 63 ans. Sa poésie est vivante et forte, trace de la personnalité de cette femme qui s’est adonnée non seulement à la poésie, mais aussi à l’enseignement et au journalisme. Vous pourrez trouver quelques oeuvres traduites ici.
Le temps a laissié son manteau De vent, de froidure et de pluye, Et s’est vestu de brouderie, De soleil luyant, cler et beau.
Il n’y a beste, ne oyseau, Qu’en son jargon ne chante ou crie : Le temps a laissié son manteau !
Riviere, fontaine et ruisseau Portent, en livree jolie, Gouttes d’argent, d’orfaverie, Chascun s’abille de nouveau : Le temps a laissié son manteau !
Charles d’Orléans (1394-1465)
Plusieurs voix l’ont déclamé. Parmi celles-ci, j’ai retenu pour vous celle d’Alain Bashung. Le Trio Selima en fait une très belle interprétation musicale et vocale. Mais j’ai aussi apprécié, dans son authenticité, la chorale d’enfants / jeunes Les Evolènards. Enfin, on ne peut oublier l’oeuvre de Debussy, la première des 3 Chansons de France.
Primavera, Botticelli (autour de 1480)
Je sais que certain-e-s d’entre vous commencent à se lasser des articles tournant autour du tissu et du linge. Mais je ne pouvais terminer cette « série » de confinement sans aborder ce qui me permit une relation privilégiée avec une de mes grands-mères et une occupation durant mes maladies… la broderie…
Yuri Yakovlevitch Leman
Son apprentissage correspondait à un véritable parcours initiatique. Au début était le petit canevas, sur lequel nous croisions les fils pour… le point de croix. Le canevas pouvait être vierge. Mais, le plus souvent, il représentait un animal ou un paysage, comme les fonds sur lesquels, petit-e-s, nous organisions les cubes pour représenter ce qui y figurait, et, plus tard, ceux qui guidaient l’assemblage de nos premiers puzzles. Il ne fallait pas se tromper, et croiser toujours dans le même ordre…
Comment résister à la magie des couleurs des échevettes?
A ma grande surprise, j’ai découvert hier en tête de gondole d’un supermarché… des écheveaux de fils et des canevas pour enfants… Occupation de confinement? Et je viens de découvrir, en faisant les recherches pour cet article, que la maison DMC, marque des fils de mon enfance, existe toujours… Elle date de 1746…
Un meuble à échevettes encore vendu actuellement sur le site de DMC
Je ne suis pas de ces générations de femmes qui ont appris à broder l’alphabet avec toutes sortes d’ornements, pour préparer leurs trousseaux ou ceux de leurs filles. Mais je possède encore nombre de draps, serviettes, mouchoirs qui offrent au regard les initiales familiales, depuis les RP des mes grands parents jusqu’aux miennes, en passant pas les HR de mes parents. Et voici peu, le jour de Pâques, la petite voisine a adoré la belle nappe brodée par ma grand-mère…
Et je viens aussi de découper la bordure à mes initiales d’un drap plus qu’usé dans sa quasi-totalité. J’ai jeté le reste, mais gardé « pieusement » le motif brodé.
Mme Arthur peinte par Odilon Redon (1901)
Ah! Le point de tige! Je ne sais pourquoi, mais il m’emballait – beaucoup plus que le point de chaînette, allez savoir pourquoi… Et, lorsqu’à 14 ans j’ai fait une longue maladie, dite « du baiser » (si, si!), c’est ce point qui m’a distraite. J’ai toujours, sagement enfermé dans un coffre, le long napperon brodé de fils colorés sur une toile écrue, au motif floral apuré mais aux couleurs trop vives, souvenir de mes souffrances et de l’apprentissage de la patience.
Après le point de croix, j’ai appris à ourler. Qu’est-ce que j’ai pu passer de temps à ourler des torchons faits à partir de draps anciens que ma grand-mère découpait! Et je détestais cela. je trouvais ces points en U affreux et le processus répétitif. Mais cela m’a permis aussi d’apprendre le point de tige.
Le « tambour » me fascinait, mais je ne l’ai, pour ma part, jamais utilisé… Dommage!
La période de confinement se termine… Le blog va pouvoir progressivement reprendre ses thèmes plus ancrés dans la Vie quotidienne et les plaisirs qu’elle procure. Une dernière image pour clore ce chapitre…