Une belle découverte : Berthe Weill. 1. Première galerie

Je dois bien l’avouer : je n’avais jamais entendu parler de cette artiste, et l’idée d’aller voir cette exposition ne m’est pas venue spontanément. D’autant que l’affiche n’était guère attrayante! Jugez-en vous-même!

Un nouvel aveu s’impose : j’ai été subjuguée par la force et la beauté de son oeuvre. Et le personnage m’a vraiment intriguée… Dès l’affiche, à vrai dire : que signifiait « Galeriste d’avant-garde »? Et pourquoi ce parti-pris d’un fond rose très « fifille ». Connotation totalement antinomique avec le portrait (dont j’ai appris par la suite qu’il est dû à son amie Emilie Charmy, qui ne l’a pas flattée!) très sombre, que seul éclaire un visage emprunt de finesse, avec un regard pétillant derrière les bésicles et un sourire en coin dont on ne sait s’il faut l’interpréter comme charmeur ou moqueur… La voici en photo, avec la famille Lévy, aux alentours de 1900 (au centre en bas).

Une volonté affirmée de s’installer comme galeriste, à une époque où les hommes dominaient dans ce métier. Elle avait d’abord ouvert une boutique en lien avec sa formation auprès d’un marchand d’estampes, Salvator Mayer, chez qui elle était entrée en apprentissage lors de son arrivée à Paris, depuis son Alsace natale. Mais très vite elle décida de devenir galeriste, avec un objectif précis : sortir des sentiers battus, et notamment de la tradition académique, et faire découvrir des peintres « d’avant-garde ». Nous sommes en 1901, elle a à peine 36 ans. Voici ce qu’elle en dit dans son autobiographie écrite en 1933.

L’adresse – 25, rue Victor Massé, dans le 9ème, a déjà une histoire, dans les Beaux-Arts : ce fut celle d’un certain Théo, qui y a abrité de 1886 à 1888 son frère Vincent… Ci-dessous, la « Vue depuis la fenêtre » qu’a peinte ce dernier à cette époque.

Petite parenthèse : si cette période vous intéresse, je vous conseille un article en ligne sur le site Paris la Douce, auquel j’ai emprunté cette reproduction. Mais revenons à Berthe, au talent d’inventeure, dans le sens profond du terme : celle qui découvre. Et pas n’importe qui : parmi les premiers artistes exposés, un jeune inconnu, Picasso!

Je n’ai pas choisi le Moulin de la Galette, plus connu, mais une autre toile de l’artiste, que je n’avais jamais vue, et qui a suscité en moi des émotions similaires à celles que je ressens devant certains tableaux de Chagall…

Elle a aussi été fait largement la promotion de Toulouse-Lautrec.

Ses réseaux lui permettent d’aller plus avant, de découvrir, encore et encore. Pourtant, elle ne ménage pas ceux à qui elle a affaire!

La liste de ces artistes plus ou moins (in)connus qu’elle a accueillis, encouragés, et dont elle a assuré la promotion commerciale est telle que je renonce à vous la transmettre. Vous la lirez aisément sur les nombreux articles et dans les livres qui lui sont consacrés. Le terme « artistes » a été choisi, car on trouve parmi les productions exposées des objets. J’en ai sélectionné pour vous deux qui ont attiré mon attention sur Paco Durrio.

Vous ne le connaissiez pas non plus? En cherchant à en savoir davantage sur ce sculpteur, je l’ai trouvé représenté par… Gauguin, guitare à la main.

Elle ne s’intéresse pas qu’aux Beaux-Arts… L’électricité éclaire sa galerie dès 1908, avant les grands travaux qui succédèrent à la crue de 1910. Elle fut la première de sa rue à passer du gaz à l’électricité… Autre signe de modernisme, qui, allié au rejet des contraintes et des normes, en font une personne étonnante et si « séduisante »…

Agapè

Je n’aime pas transcrire les mots grecs dans notre alphabet, car cela les dévalorise, à mon sens. C’est le cas particulièrement de celui dont il est question aujourd’hui. Dans notre langue moderne, il est souvent transformé en « agape ». Ce terme renvoie à une forme de repas en commun, attesté dans le paléochristianisme, notamment par Tertullien. Un vif débat à ce sujet évoque la différence entre ce repas que certains considèrent comme « de charité » (par exemple, les veuves y étaient invitées) et le partage de l’Eucharistie. En voici un exemple, qui occupe 15 pages de la Revue d’Histoire Ecclésiastique 7 (1906) pp. 5-15, où un certain Fr (Frère?) X. Funk, de Tubinge, contre-argumente contre un prélat.

« L’existence, dans l’antiquité chrétienne, du repas de charité, au sens admis jusqu’ici, a été combattue, en 1902, par Mgr Batiffol dans ses Études d’histoire et de théologie positive. J’ai montré alors, dans la Revue d’histoire ecclésiastique (t. IV, pp. 4-21), qu’on n’est pas fondé à se départir de l’opinion universellement reçue, qu’en particulier Tertullien (Apolog. c. XXXIX) est un témoin indiscutable de l’agape.« 

« Tertullien dit du repas en question: « Editur, quantum esurientes capiunt; bibitur, quantum pudicis utile est ». J’ai fait remarquer que le passage ne peut pas s’entendre de l’Eucharistie, mais bien du repas de charité connu sous le nom d’Agape, et que « des expressions de ce genre, abstraction faite de certaine littérature mystique ou pseudomystique, ne se rencontrent jamais dans un passage qui traite de l’Eucharistie. »

Pas question, je vous rassure, que j’entre dans ce débat. Ce qui m’intéresse aujourd’hui, ce ne sont pas les agapes, mais « agapè ». Toute la différence tient dans l’accentuation, qui correspond à un éta en grec. Le voici en grec ancien.

Car les Hellènes étaient plus fort-e-s que nous! Ils et elles (ou elles et ils) avaient trois mots pour le concept d’ « Amour » : eros, philia et agapè.

« Eros, c’est le désir du bien sensible, mais aussi de toute autre objet digne d’attachement, la beauté par exemple. La philia c’est l’amour désintéressé qui prend soin de l’homme, de l’ami, de la patrie, en qui la volonté et la noblesse de coeur ont maîtrisé les passions humaines. Le mot agapè a parfois le sens d’Eros, mais plus souvent le sens de philia. Le dictionnaire grec donnent les sens suivants au mot agapè: 1- Accueillir avec amitié, traiter amicalement, 2- se contenter de, être satisfait de, 3- Aimer, chérir. Parmi les mots de même souche, on remarque agapètikos, tendre, affectueux, agapèteos,qui mérite d’être aimé ou désiré, agapèsis, affection, tendresse. » (source)

Vite, le Bailly!!

« ἀγάπη,ης (ἡ) [ᾰᾰ]

1 affection, Spt.Eccl.9, 1 ;particul. amour fraternel, NT.1 Cor.13, 1 ; amour divin, Phil.1, 283 ;NT.Luc.11, 42 ;2 Cor.5, 14 ;rar. amour au sens de passion, Spt.Cant.2, 4, 5 ;titre d’honneur (Votre Amour) Bas.4, 381 ;Nyss.3, 1073 edd. Migne ||

2 objet d’affection, être aimé, Spt.Cant.2, 7 ||

3au pl. agapes, repas fraternels des premiers chrétiens, NT.2 Petr.2, 13,etc. ;au sg.Clém.1, 384, 1112 Migne. »

Mais pourquoi, allez-vous me demander, parler de cela aujourd’hui?
Tout simplement à cause d’une sculpture qui a attiré mon regard, hier au couchant, sur la Promenade des Anglais. Sculpture dont j’ai fait des photos, que voici…


A vous de retrouver dans la liste qui suit l’expression signifiant « je t’aime » en grec. Un petit piège : elle est en majuscules, pour que ce ne soit pas trop facile!

Une école d’art à Monaco : le Pavillon Bosio

Deux jeunes amies sont actuellement étudiantes en art, et elles fréquentent une école de Monaco. Hier, elles m’y ont invitée; et j’ai découvert une pépinière dans un cadre idyllique.
Je n’aime pas Monaco, comme vous le savez si vous suivez ce blog depuis des années. Cette verrue sur la côte, hyper urbanisée, où les immeubles veulent dépasser la crête environnante… Mais il est un espace qui serait préservé s’il n’était pas envahi par des hordes de touristes : le Rocher.

Or c’est sur le Rocher que se situe l’école en question, le Pavillon Bosio. Direction donc le Parking des Pêcheurs, avec sa montée en colimaçon qui fut naguère le témoin d’une de mes folies (faire crisser les pneus grâce à la vitesse en montant et descendant, n’importe quoi, mais qu’est-ce qu’on a ri!)

Ascenseurs, escalators, ascenseurs… Il est à peine 10 heures, mais des troupeaux de retraité-e-s s’amassent déjà devant les portes… Heureusement, ils et elles restent grégaires, et n’ont pas vu qu’un ascenseur est libre, sur leur droite. Elsa, que je conduis à son cours, ne sera pas trop en retard. Car il n’est pas prévu, dans la ville hyper-fréquentée par les touristes, de laisser des voies réservées aux habitant-e-s ni à celles et ceux qui travaillent ou étudient. Or c’est une vraie galère quand les flots de touristes envahissent tout!

Nous arrivons enfin « au sommet », et nous dirigeons vers un bâtiment dont le nom m’interpelle. « Ministère d’Etat ». Pour moi, un « ministère » est toujours « d’état », pensai-je d’abord. Puis me vint l’expression « ministère du culte ». Une question à creuser? Alors, bien sûr, c’est ce que je fais ce matin en écrivant cet article. Vite, le site officiel!

« Le Ministre d’État représente le Prince. Il est la première autorité après le Prince. Il est nommé par Lui. En tant que président du Conseil de Gouvernement, il est chargé de l’administration du Pays et dispose, à cet effet, des services exécutifs de l’État.
 
Le Ministre d’État, en vue d’assurer sa mission, est assisté de cinq Membres du Gouvernement qui sont placés à la tête de Départements spécialisés de l’Administration. Les Conseillers de Gouvernement – Ministres sont responsables de leur mission devant le Prince. »

En quelque sorte, c’est notre Matignon, si je comprends bien. Mais mieux situé, avec vue sur la mer… et dont la porte s’ouvre sur une Nymphe…

Si vous parvenez à lire la plaque, vous verrez que la statue est d’un certain… François-Joseph Bosio! Pourquoi lui? Parce qu’il est né à Monaco, justement, en 1768. Alors, pourquoi l’Encyclopédia Universalis le proclame-t-elle « français »?

« Sculpteur français. Né à Monaco, François-Joseph Bosio, certainement le sculpteur le plus en vue de l’Empire et de la Restauration, se forma seul, en marge des écoles ; il passa quelque temps à Paris dans l’atelier de Pajou, puis de nombreuses années en Italie où l’on pense qu’il rencontra Canova. Sa production italienne, qui fut abondante et consista surtout en œuvres religieuses, n’est pas bien connue. Se fixant en France en 1807, mais restant en rapport avec les sculpteurs italiens les plus remarqués de l’époque, Bartolini entre autres, Bosio connut déjà un très grand succès sous l’Empire. Pendant la Restauration, il devint Premier sculpteur du roi et fut fait baron. Académicien et professeur à l’École des beaux-arts en 1816, portraitiste recherché, il reçut de nombreuses commandes officielles et exposa régulièrement aux Salons. »

Je ne vais pas vous raconter l’histoire si complexe de Monaco ni celle de ses rapports avec la France. En gros, on considère que la principauté existerait depuis 1314 (fondation de la dynastie des Grimaldi) – même si d’autres y ajoutent un siècle-, et c’est six siècles plus tard qu’est reconnue, en 1918, son « égalité » avec la France (traité du 17 juillet 1918). Bosio était donc bien « monégasque » de naissance. Mais il a oeuvré bien ailleurs. D’abord en Itale, puis en France, où il a d’ailleurs été anobli par le Roi, comme « baron ». Et, si vous avez fréquenté les lieux célèbres de Paris, donc le Louvre, vous ne pouvez pas ne pas avoir vu une de ses oeuvres, sans même entrer dans le musée. Il suffit de lever la tête, en tournant le dos à la pyramide et en regardant les Tuileries : c’est lui qui est l’auteur du groupe sommital de l’Arc de Triomphe du Carrousel. En vérifiant cette information (car, pour moi, il s’agissait d’une copie de celui qui orne la porte principale de la basilique Saint-Marc à Venise, j’ai découvert l’histoire de ces statues de bronze.

Ci-dessus, on voit le quadrige dominant la place du Carrousel où passent Napoléon et ses troupes, en 1810.

Digital Foxing

Regardez de plus près… Pas d’aurige!

Et pour cause. L’aurige a été placé ensuite. Et devinez qui il représentait? Napoléon, bien sûr.

« La statue de Napoléon placé sur le char, fut retirée à la demande de l’empereur, puis, en 1815, le char et les deux statues furent enlevés (les statues seront conservées) et les chevaux furent récupérés par les Autrichiens qui les restituèrent à Venise. »

Je résume : on vole un quadrige à Venise, on le place sur l’arc de triomphe parisien; on place une statue de Napoléon sur le char, comme aurige. Ensuite, l’empereur fait retirer la statue. On démonte les deux « renommées » en fer et plomb qui encadrent le quadrige, que l’on rend ensuite aux Vénétiens, qui le placent sur Saint-Marc. Les renommées, elles, sont conservées.

Et, comme le sommet est « nu », que fait-on? On fait faire une autre statue. A qui? Au « premier sculpteur », bien sûr. Donc à Bosio. Vous me suivez? On place ce nouveau quadrige au sommet de l’arc, et on replace, quelques temps plus tard, les deux renommées qui avaient été mises de côté. Ce qui donne le groupe que l’on peut voir actuellement, dénommé « Le quadrige de la Paix ». Vous pouvez observer, ce n’est certainement pas Napoléon qui le conduit!

Laissons là Paris, et revenons à Monaco, où le buste du sculpteur nous accueille.

Et ce que vous voyez derrière, c’est le Pavillon Bosio, sujet (un instant) oublié de ce texte.

Voici comment l’établissement se présente sur son site officiel.

« Le Pavillon Bosio occupe depuis une vingtaine d’années une place particulière parmi les écoles d’art avec un enseignement spécialisé en art et scénographie. La scénographie, traditionnellement enseignée dans les écoles d’art appliqué ou dans les écoles d’architecture, est ici placée au coeur d’une pédagogie qui a vocation à former des artistes. Ce positionnement, unique en son genre, accompagne une tendance de fond, celle qui replace les artistes au coeur d’une multiplicité d’aventures collectives et dans une variété de rôles : scénographes, commissaires, metteur·euse·s en scène, réalisateur·rice·s, décorateur·rice·s… En pratique, cela signifie que les étudiant·e·s développent, d’une part, un travail personnel exposé et commenté au moment des galeries d’essai, des bilans, des Dna et des Dnsep et, d’autre part, qu’ielles participent chaque année à un ensemble de projets collectifs relatifs à la question de la scénographie. »

On pourrait s’attendre à ce que la scolarité soit hors de prix. Pas du tout! Le coût annuel est de 690 euros pour les Français-e-s (650 pour les Monégasques). Si vous voulez en savoir plus sur l’Ecole : https://pavillonbosio.com/admissions/concours

C’est effectivement une école très originale, et c’est cette politique spécifique qui a attirée mes jeunes amies. Elles y oeuvrent (c’est le cas de le dire!) dans une vaste salle ouverte sur la Méditerranée.

Dans la salle des « Première Année », des oeuvres en cours de conception, ou attendant d’être évaluées. Ci-dessous, celle d’Estelle Résigné, hélas en contrejour.

Elle crée notamment des « costumes » en matériaux divers, et imagine des scénographies avec ses collègues. L’Ecole présente peu les résultats de leurs travaux, mais en voici un en ligne. Ils sont extrêmement variés… J’ai rencontré une autre étudiante, qui travaille, pour sa part, à partir des pierres et bois « chahutés » par la crue de la Vésubie, car elle est originaire de Saint Martin. Une oeuvre, dans la cour, a été, elle détruite la nuit précédente par le vent. Elsa Mallet-Orlianges, sa conceptrice, m’a promis de m’envoyer une photo de l’installation initiale! Mais, à partir d’une recherche sur Internet à partir de son nom, vous pourrez voir des vidéos d’autres travaux.

L’environnement est calme, serein, loin de l’agitation de la ville, avec de jolies perspectives qui donneraient presque du charme à l’architecture affreuse.

Et j’ai pu constater l’effort fait pour laisser de la place à la nature, avec notamment une sorte d’ « arboretum » urbain : des panonceaux présentes les espèces, comme ce Brachychiton rupestris, qui a la particularité de retenir l’eau dans son tronc, ce qui lui permet de résister à la sécheresse, d’où son surnom d’ « arbre-bouteille ».

Ou encore ce Pin de Norfolk, qui, contrairement à ce que pourrait faire croire son nom, n’est pas un pin, et dont l’expansion racinaire est telle qu’il pourrait menacer des habitations environnantes (notons, soit dit en passant, qu’il jouxte le Ministère d’Etat, que vous apercevez derrière…

Un dernier regard pour la place devant ce Ministère, près duquel un passant se repose…

George Segal, 1984, Man on the bench

Un dernier regard sur la sirène de Bosio, et je quitte le havre de paix où le Pavillon Bosio permet à de jeunes talents de se développer…

Visions chamaniques (1)

Adepte de Mircea Eliade lors de mes études, déjà auparavant intriguée par les rituels grecs anciens, puis ayant assisté à une séance de transe chez les Gnaouas au Maroc, etc. Bref, j’ai toujours été fascinée par le chamanisme. Or voici qu’une affiche m’apprend que le Musée du Quai Branly propose une exposition intitulée « Visions chamaniques ».

Sans prendre la peine d’en savoir davantage sur ce qui est proposé (notamment sans lire le sous-titre!), je m’y précipite par cet après-midi d’automne froid et pluvieux. Personne à la billetterie… Ah si! un homme… et le responsable de la sécurité qui m’oblige à me placer derrière lui! Me voici dans le musée, direction l’exposition, par la « rivière » de mots qui coule sous mes pieds, puis l’escalier qui conduit à l’espace consacré. En passant par une statue sexy…

Première surprise : la découverte de l’ayahuasca. J’avoue que je n’en avais jamais entendu parler. Ce n’est pas un être humain, non, même si on peut en adopter…

« Aidez-nous à poursuivre ces actions de conservation en adoptant une liane d’Ayahuasca ou une autre plante-maîtresse »

Eh oui, c’est une liane qui est ainsi qualifiée sur ce site. Bien sûr, je me suis précipitée sur mon ordi connecté pour savoir ce qu’est une « plante-maîtresse ». C’est une plante qui enseigne, comme les humains. L’ayahuasca est d’ailleurs sur un autre site dénommée « Mère ayahuasca ».

« Plante maîtresse visionnaire et instructrice des plans multi-dimensionnels. Découverte depuis des millénaires par les hommes Médecine d’Amazonie et utilisée à l’origine pour diagnostiquer et soigner les maladies physiques et émotionnelles, pour les guérir sur le plan spirituel. »

Citons parmi ces plantes « Ushpawasha Sanango, Chiric Sanango, Chacruna, Ajo Sacha, Mucura, Uchu Sanango, Bobinzana et Coca« .

Donc l’exposition porte sur cette plante et ses effets sur celles et ceux qui l’ingèrent dans un breuvage « composé de deux ingrédients: la liane Ayahuasca (Banisteriopsis caapi) et les feuilles de chakruna (Psychotria viridis)« , dont la première vidéo (elles sont très nombreuses en proportion de la petite taille de l’exposition) explique qu’il fait d’abord vomir avant de provoquer les hallucinations qui permettent de créer.

Oui, de créer. Des oeuvres d’art. Car les membres de cette peuplade amazonienne, les Shipibo-Konibo, s’en servent pour exploiter dans des arts divers (peinture, sculpture, broderie, poterie) comme en médecine les effets psychédéliques de son absorption.

Je n’en ai pas bu. Mais j’ai pu avoir un aperçu de ses effets grâce à la réalité virtuelle. Ce fut la deuxième surprise. Un casque m’a entraînée dans un univers incroyable, où les serpents entraînent dans un tourbillon vertigineux, par exemple. Tellement vertigineux que j’ai dû abandonner la projection au bout de quelques minutes (elle en dure 18) car j’étais prise de vertige!

Il n’est pas le seul Occidental à avoir tenté l’expérience, comme en attestent quelques oeuvres d’artistes européens ou américains, qui ont remplacé la mescaline par ce breuvage.

Vous l’aurez compris, toute l’exposition tourne autour de la plante, notamment en suivant l’histoire de la botanique, de la préparation du breuvage, puis de la production des diverses oeuvres. Et je dois dire que c’est passionnant. Et intrigant. Comment peut-elle conduire à des extrêmes comme ces sculptures et peintures aux formes étranges et aux couleurs vives, comme à ces textiles ou poteries aux motifs extrêmement géométriques, symétriques, et d’une finesse extraordinaire, troisième surprise de ce parcours muséal qui m’a emmenée bien loin de la grisaille parisienne et de mon travail…

Je vous propose donc un premier aperçu de ces oeuvres. Les autres feront l’objet du prochain article (je ne veux pas vous lasser!)

J’échangeais dernièrement sur la place du vide dans les tableaux… Ici pas de vide, comme vous pourrez le voir sur le détail de la peinture qui suit.

Une sculpture m’a particulièrement marquée, à ce propos. En voici trois détails :

J’aimerais être initiée, pour mieux comprendre tout ce qu’elle représente et symbolise!

Les animaux sont omniprésents, que ce soit en peinture, sculpture ou poterie.

Exposition collective au Tréport

J’ai toujours une crainte quand on me parle d’exposition collective… Comme, d’ailleurs, je préfère une exposition autour d’un-e artiste à la visite d’un musée « traditionnel ». Mais parfois, cela « fonctionne ». C’est le cas pour celle de la Galerie Résonances, en cette fin d’année 2023.

Variété d’oeuvres, mais aussi variété d’arts et de techniques. Je ne présenterai pas dans cet article l’ensemble des artistes, et encore moins des commentaires critiques sur leur travail. Et préfère zoomer sur quelques-unes de celles-ci, qui ont particulièrement retenu mon attention.

Depuis que je l’ai vu travailler, je suis fascinée par le travail méticuleux qui aboutit aux oeuvres en linogravure… Une confidence : j’ai regretté de ne pas être plus douée de mes mains quand je n’ai pas pu participer aux ateliers que l’artiste a animés en ce même lieu, pour le plus grand plaisir des néophytes.

Témoignent de la patience et du talent nécessaires ces deux plaques de Jack Guerrier, aussi doué pour les beaux-arts que pour la littérature, comme en témoignent les poèmes dont l’écrin n’est autre qu’une linogravure, poèmes dont j’avais eu l’honneur, voici quelques temps de lire l’un d’entre eux. Pour cette exposition, il présente en quelques lignes ses oeuvres.

Hypothèse de la rédactrice : l’atelier imaginaire fait référence au « Café imaginaire », que vous pouvez découvrir dans ce blog.

J’ai sélectionné pour vous deux linogravures, dont l’une m’a littéralement séduite, tandis que la seconde m’a questionnée (positivement, bien sûr!)

Je ne parlerai pas de Jean-Claude Boudier, que je vous ai déjà présenté sur ce blog, ni de Micheline Bousquet, dont j’ai également déjà parlé, et qui nous a quitté-e-s trop tôt… Mais je m’arrêterai sur un tableau et une sculpture d’un autre artiste, que je n’apprécie pas humainement, à cause de sa morgue, de son sans-gêne et de son mépris des Autres (un exemple : lors du vernissage, il est arrivé largement en retard, et peu discrètement, n’a pas rejoint les autres artistes et, dans le public, s’est mis à parler à haute voix à certaines personnes, sans vergogne, pendant les prises de parole de ses collègues… puis est reparti directement, sans souci des personnes venues voir ses oeuvres). Je fais donc le choix ici de vous « montrer » ce qu’il fait, et que j’ai apprécié, mais ne citerai pas son nom. Les titres évoquent deux animaux : l’éléphant et… je vous laisse deviner celui de la sculpture.

Dans un coin de la galerie, une série de tondos tranche avec les parallélépipèdes…

Même si l’artiste, Philippe Colin, qui les a créés a fait le choix d’exposer aussi un petit carré discret – ou pas, car on ne peut s’empêcher de se questionner sur l’objectif de sa présence à cet endroit.

En quoi la forme géométrique du support contraint-elle ou au contraire libère-t-elle le peintre? Les oeuvres dénotent la dynamique de recherche de l’artiste. Qu’il s’agisse de mouvement, de couleurs, d’apports de matière « naturelle » comme les fleurs de bougainvillés ou d’orchidée que l’on voit sur certains tableaux ci-dessus. Ou d’exploitation de pigments naturels, comme l’indigo acheté sur les marchés de Conakry ou de N’Zérékoré.

Indigo qui a donné lieu voici peu à un autre atelier, toujours à la galerie, durant deux sessions où chacun et chacune a pu s’exercer à sa préparation et son utilisation.

Je terminerai par un petit mot à propos du vernissage lui-même, sous la houlette de celle que je qualifie de « tisseuse de liens », Sylvie Henrot. Elle a cette fois voulu placer l’art comme médium de paix, en cette période qui en a tant besoin et au moment où l’on vient de se remémorer l’une des grandes guerres qui a marqué notre histoire. « L’art apporte l’apaisement. Pourquoi s’en priver? Car…en vérité, je vous le (re)dis « qui veut la Paix, prépare la Paix« , a-t-elle déclaré en introduction. Chaque artiste (sauf les deux dont je vous ai parlé plus haut, l’une défunte et l’autre méprisant) ont pu prendre la parole, préparée pour certains, improvisée pour d’autres.

Sur la photo ci-dessus, durant l’exposé de Philippe Colin, on voit de dos, à droite, Didier Debril, qui accompagne la création artistique de ses ami-e-s par d’autres créations, notamment musicales, ou en saisissant leur univers et leurs gestes dans de superbes vidéos. Et l’amitié qui unit les un-e-s et les autres fait chaud au coeur en ces temps de marchandisation de l’art qui entraîne la concurrence entre les créateurs créatifs…

Fantaisies ligneuses

Alors qu’il s’est passé une semaine depuis, je poursuis la visite de la cathédrale de Saint Pol de Léon, pour vous faire découvrir de petites merveilles…

Dans le choeur, des stalles. Beaucoup de stalles. 16 d’un côté, 17 de l’autre, sur deux rangées. Si vous comptez bien, cela fait 66. Les stalles hautes jouissent d’un dossier à baldaquin. L’ensemble date du 16ème siècle. Mais ce n’est ni pour l’histoire ni pour les mathématiques que je vous en parle, mais pour leur extraordinaire richesse iconographique.

Comme on le voit sur la photo précédente, mais aussi sur la suivante et d’autres, de nombreux graffitis ne peuvent être datés, et leur sens n’est pas vraiment évident.

Leurs concepteurs s’en sont donné à coeur joie. Certes, on s’attend à des motifs religieux. Et il y en a. Peu. Essentiellement des personnages.

Mais on s’attend moins à un bestiaire varié.

Et l’Ardennaise en moi a été ravie de voir l’animal emblématique de la région d’origine!

Bien sûr, le Dragon est présent.

J’ai particulièrement apprécié l’aspect réaliste, voire caricatural, de certains personnages. En voici quelques-uns…


On découvre enfin des scènes difficiles à interpréter.

Empreintes

Le mois dernier, j’avais découvert la remarquable dynamique culturelle d’un petit village normand, Longueville-sur-Scie. Je n’ai hélas pas eu le temps de relater ici cette visite d’une propriété extraordinairement vivante, celle de Pierre et Bernard, qui organisent chez eu des expositions, telles que « De l’Art en ce jardin« , et des concerts, tout au long de l’année… j’essaierai de le faire, promis.

Lors du vernissage, j’avais fait la connaissance de Sylvie. Elle m’avait expliqué qu’elle gérait un espace artistique créé dans… une maison de santé! MédiScie. Or, co-incidence, la semaine dernière, une amie artiste m’a justement envoyé une invitation pour un vernissage : elle allait exposer en ces lieux.

Me voici donc, en premier samedi de juillet plutôt frisquet, sur les petites routes normandes, en direction de Saint Crespin, village d’un peu plus de 300 âmes (depuis le concile de Trente, y compris les femmes!), qui jouxte Longueville, dans la vallée de la Scie. Et je n’ai pas regretté la petite heure de route! D’abord, parce que les paysages sont très beaux et apaisants. Ensuite, parce que chaque hameau recèle des trésors d’imaginaire architectural. Enfin, par ce que j’y ai vécu.

Le rendez-vous se situait à l’église Saint Crespin, du village éponyme. Mais il était précisé qu’une promenade nous conduirait ensuite à la maison de santé MédiScie, puis à l’EHPAD du village, où aurait lieu un concert. Et c’est effectivement ce qui s’est produit. Je ne vais pas tout vous raconter, ce serait trop long. mais plutôt exprimer le plaisir ressenti à constater que des personnes bénévoles et bienveillantes peuvent produire un évènement exceptionnel, dans des sites inattendus, en mobilisant un grand nombre d’acteurs, des habitant-e-s aux artistes.

Empreintes

Empreintes de vie. Empreintes de morts.

Empreintes de la Nature. Empreintes de l’Homme.

Les promesses du titre ont été tenues.

Dans le premier site, l’église, il a été fait le choix de présenter des oeuvres d’artistes qui ont exploité des techniques diverses pour fixer des empreintes. Depuis celles d’un tyrannosaure jusqu’à celles de légers feuillages.

Dans le second, une symphonie de formes et de couleurs. Ici, les empreintes allient les souvenirs du passé, comme ces blockhaus tombés des falaises, aux vécus émotionnels, la poésie d’Anna de Noailles à la prose si poétique de Colette, la calligraphie au tissage, le noir et blanc, décliné en nuances de gris, aux couleurs éclatantes des peintures d’enfants de maternelle…

Enfin, des oeuvres collectives, dans la rue, et d’autres plus personnelles, à l’EHPAD… Une richesse et une variété époustouflantes…

Ce petit miracle, on le doit entre autres à trois femmes. Sylvie Auger, d’abord, à la fois organisatrice et tisseuse de liens. C’est à elle que l’on doit l’initiative, mais aussi la mobilisation d’autant d’artistes de régions différentes.

Sophie Doré, aussi. La maire du village. Elle a été présente, souriante et aimable, tout au long de l’événement. Et n’a pas « fui » à toutes jambes une fois les discours achevés, comme son collègue du Conseil Départemental. Sans doute un des « moteurs » de la vie culturelle du village. Mais aussi investie dans celle de l’EHPAD, où sa maman a travaillé jadis comme aide-soignante.

Anne Legrand, enfin. Une directrice pleine de PEPS : on la trouve à l’église, on la revoit à l’EHPAD, tantôt promenant les résidentes, tantôt servant boissons et petits fours… Accompagnée de ses parents et de ses charmantes petites filles, parmi les personnes âgées. Et attentive à toutes et tous, délicate avec les concertistes qui ont bien du mal à se faire entendre.

Une belle chaîne humaine et humaniste, avec trois femmes comme « maillons forts »… et une belle expérience vécue dans ce petit village… Merci, Sylvie, Sophie et Anne! Mais aussi Sébastien, Pierre et Bernard… Sans oublier Thierry, artiste si souriant et hospitalier… je vous en reparlerai… comme je vous présenterai quelques aspects des oeuvres exposées et de leurs auteur-e-s…


	

Sculptures fugaces

Après une sieste sur la plage en ce bel après-midi de week-end pascal, une petite promenade s’impose. L’idée? Aller découvrir une exposition de sculptures, juste un peu plus loin. Mais silence… je vous laisse découvrir quelques-unes des oeuvres exposées « no comment »…

Où a lieu cette exposition? Je vous sens impatient-e-s de le savoir… Les photographies suivantes vous donneront quelques indices.

Pas de doute, vous êtes bien au pied d’une falaise. Plus précisément, la falaise de Mers-les-Bains, que les « Anciens » et « Anciennes », dont l’addiction à ce site n’est plus à prouver, connaissent bien pour en avoir déjà vu moultes photos.

Une des artistes mêle matière textile au métal, dans une série d’oeuvres intitulée « Traces de vie humaine ».

Si vous souhaitez connaître les noms des exposant-e-s, en voici quelques-uns : Eole, Chronos, Thalassa, et Rouille (je n’ai pas trouvé le mot grec… si l’un-e d’entre vous le connaît, merci de me le donner en commentaire?)

A ce propos, connaissez-vous l’histoire de Télèphe?

Un jour, les Grecs, croyant débarquer sur les rivages de Troie, arrivèrent en Mysie, sur les terres de Télèphe. Celui-ci les combattit et tua Thersandre fils de Polynice. Mais il se prit le pied dans un cep de vigne et, perdant l’équilibre, il reçut d’Achille une mauvaise blessure qui ne guérissait pas. Il consulta l’oracle qui répondit: « Celui qui t’a blessé te guérira »; il ne comprit pas ce qu’il fallait faire et se rendit à Mycènes déguisé en mendiant à l’époque où se préparait à nouveau l’expédition des Grecs contre Troie. Il se confia à la reine Clytemnestre qui lui dit qu’il n’y avait qu’un moyen de se faire entendre: se saisir du petit Oreste (qui était aussi son fils) et faire pression sur Agamemnon. Quoi qu’il en fût Agamemnon et les chefs grecs tenaient d’un oracle qu’ils n’arriveraient à Troie que conduits par Télèphe. Aussi accédèrent-ils à sa demande.

Bien qu’Achille ait été instruit par le Centaure Chiron, il ne comprit pas ce qu’il devait faire pour le guérir et c’est Ulysse qui trouva la solution en inventant une sorte d’homéopathie avant l’heure: grâce à la rouille de la lance d’Achille. Télèphe fut guéri et conduisit la flotte grecque vers Troie en oubliant son alliance avec son beau-père Priam, mais il ne porta pas les armes contre lui. En revanche après sa mort son fils Eurypyle, combattit à nouveau dans le rang des Troyens

Si cette légende aux nombreuses variantes dans la littérature grecque vous intéresse, vous pouvez lire ceci.

Mais revenons sur la côte d’Albâtre pour un dernier regard à cette exposition d’oeuvres en mouvance permanente, alliant permanence et éphémère…