Pas de bijou chez les orfèvres

Je n’étais jamais allée au Petit Montparnasse. Une de mes amies m’ayant demandé de l’y accompagner en ce dimanche après-midi de mars, d’un froid glacial et, qui plus est, date funeste pour moi, j’ai découvert cette petite salle cachée derrière sa grande soeur, que je connaissais, elle. Aucun charme. Et, qui plus est, des sièges peu agréables. Mais nous n’y étions pas pour le confort. Juste pour voir cette pièce sur laquelle les critiques sont globalement élogieuses.

Le début est plutôt prometteur, avec une belle scène évocatrice des films policiers en noir et blanc de jadis. Comme d’ailleurs les tenues des acteurs et actrices. Seul le roux flamboyant de la chevelure de l’une d’elles tranche.

Bien sûr, je ne vous raconterai pas l’histoire. Cela ne se fait pas, n’est-ce pas, quand il s’agit de deviner qui est le ou la coupable? Sauf quand on regarde Colombo…

Nous avons été toutes deux très déçues par cette pièce, assez insipide. Sans nous être cependant trop ennuyées, car le jeu des acteurs est intéressant, voire parfois surprenant, et le rythme est assez soutenu. Et les pas dans l’invisible escalier de métal ne manque pas de réveiller celle ou celui qui s’assoupirerait. Mais cela ne suffit pas à prendre du plaisir. Et je n’en ai pas vraiment pris. Seul l’acteur qui joue l’inspecteur de police, Philippe Perrussel, réussissait à me faire sourire, avec son air de faux Colombo (justement!) et de mauvais Maigret.

Source : site du théâtre

Je ne vous dis pas de ne pas aller voir cette pièce. Je pense que des amateurs/trices de films et romans policiers peuvent y trouver plaisir, car elle doit être pleine de références que je n’ai pas. Peut-être me manque-t-il cette culture pour l’apprécier?

La servante de Proust

Celles et ceux d’entre vous qui suivent ce blog régulièrement savent qu’il est un petit théâtre que j’affectionne, le Poche Montparnasse. Non pour son confort (plus que sommaire) ni pour la facilité du stationnement, mais pour l’accueil aimable et surtout la qualité des spectacles.

Cette fois encore, je ne fus point déçue…

Pourquoi avoir choisi de le voir, moi qui n’aime pas trop les « one (wo)man show » (même si ce n’en est pas tout à fait un)? Tout simplement parce que j’ai vu l’an dernier la très belle exposition sur Proust au Musée Carnavalet, où l’on parlait longuement du rôle étonnant de cette « servante ». Un rappel, donc. Un contrepoint. Un complément?

« Servante » ne me paraît pas tout à fait adapté, comme terme, car, telle que présentée dans cette pièce, je l’appellerais plutôt « dame de compagnie ». Même si elle ne prétend pas être une « Dame », Céleste Albaret, de son vrai nom Augustine Célestine Gineste.

Une performance remarquable de l’actrice, Annick Le Goff. Qui parvient à tenir les spectateurs/trices en haleine pendant 1H15, les faisant passer par toutes les émotions, leur faisant visualiser ce qu’est censée avoir vécu la jeune femme qui accompagna les dernières années de l’écrivain si particulier que fut Marcel Proust.

J’ai moins apprécié le jeu de celle qui intervient dans la seconde partie, Clémence Boisnard, trop statique, presque « empesée ». Dommage… mais peut-être est-ce voulu pour accentuer le contraste?

Je ne vous en dirai pas plus, préférant vous laisser découvrir ce beau spectacle qui nous plonge dans un univers si spécifique, au début du XXème siècle : l’appartement de l’écrivain qui sacrifia son présent au futur de son oeuvre. Et pour celles et ceux qui sont loin des scènes, il reste le livre de Belmont.

Monsieur Proust - Céleste Albaret - Robert Laffont - Poche - Librairie Le  Failler RENNES

Un roman graphique en a été tiré.

Quand le théâtre se joue de lui-même

Quelle pièce aller voir une fin de semaine, quand les autres partent en week-end ou en vacances et que l’on reste à Paris? Une idée me vient en consultant le web : les Faux British ! Je ne l’ai pas encore vue, mais, quand j’en parle, on me dit qu’elle est tellement bonne qu’on irait bien la revoir…

Direction donc les beaux quartiers, où je trouve heureusement une place non loin de la Comédie des Champs-Elysées. A la limite… Quelle idée d’avoir ainsi avancé les heures de spectacles! Maintenant, on se trouve placé-e devant un choix cornélien : dîner ou « spectater »… Combien de salles se trouvent moins fréquentées à cause de cela? Car d’aucun-e-s .ne peuvent se passer de repas. Ce n’est pas mon cas, et j’arrive donc à l’heure sans avoir mangé… enfin, pas depuis 5 heures, ce qui reste supportable, n’est-ce pas?

J’adore l’ascenseur gigantesque de ce théâtre, avec son liftier, à qui je n’ai pas osé demandé pourquoi il n’était pas vêtu comme Spirou. Ce qui aurait été très seyant, car il est mignon comme tout. Et très aimable, ce qui ne gâche rien. Impossible de le photographier, car il est pris d’assaut… Mais quelques vues (pas très bonnes) du théâtre, dont je vous ai déjà parlé sur ce blog, voici bien longtemps…

Plusieurs surprises à l’arrivée au théâtre, mais je ne vous en dirai rien. Je vous laisse les découvrir, si vous allez voir ce spectacle, ce que je vous recommande chaudement. De quoi oublier tous les tracas du quotidien!

Car j’ai passé une heure trente à rire, rire, rire. Voilà qui fait du bien! Et à admirer des acteurs et actrices qui jouent le rôle des pires interprètes possibles. A cela s’ajoutent tous les gags liés à la mise en scène et aux décors, sans compter les textes dits de toutes les manières possibles…

Bref, un excellent moment dans cette belle salle ancienne, où seuls les genoux se plaignent…

Les artistes offrent toute une gamme de « jeux » tout aussi réjouissants les uns que les autres, flirtant parfois avec le burlesque sans vraiment y tomber.

J’ai un peu regretté la trop grande place accordée à l’un d’entre eux, visiblement tout aussi danseur que comédien. Car cela s’est fait au détriment d’autres, beaucoup plus subtils…

Je vous laisse comparer l’état du décor : avant / après… cela vous donnera peut-être une idée du spectacle?

Le public, hélas très peu nombreux (j’ai été « surclassée »!), ne cessait d’applaudir, et il a fallu couper court aux innombrables rappels.

Duc et Pioche

Jamais je n’aurais eu l’idée d’aller voir une pièce ainsi intitulée. Quel drôle de titre! Mais me voici entraînée au Théâtre de Poche (et non de Pioche) à Montparnasse, dans la même salle où j’avais assisté à une pièce fort intéressante voici quelques temps… Des banquettes en arc de cercle autour d’une non-scène, et le décor quasi inchangé : un petit bureau couvert de papier et quelques objets pour situer l’époque. En l’occurrence, le XVIIème siècle.

Restait à essayer de comprendre qui pouvait être « Pioche », et de quel « Duc » il s’agissait…

L’acteur incarnant ce Duc est un condensé de séduction, à presque 70 ans, ce qui m’a quelque peu gênée pour suivre intellectuellement. Je ne le connaissais pas, et viens de regarder sur le net de qui il s’agit : François-Eric Gendron. Quant à l’actice, née elle aussi en 1955, elle se nomme Sabine Haudepin. Nom qui vous rappelle quelque chose? Normal, elle est la soeur de Didier Haudepin que vous avez sans doute vu dans des films naguère.

Mais revenons à la pièce. On apprend progressivement que le Duc est auteur de Maximes célèbres… Vous avez deviné? Oui, c’est bien de François de La Rochefoucauld dont il est question.

La pièce traite de son amitié avec une auteure célèbre de l’époque. Cet incroyable Frondeur et séducteur s’est, paraît-il, « assagi » en vieillissant. On parle donc d’amitié entre lui et Marie-Madeleine, des liens qui auraient duré un quart de siècle, de 1655 à 1680, année du décès du Duc, qui avait 21 ans de plus que celle qui lui survivra dix ans encore. Qui était « Pioche »? Avez-vous trouvé? Des indices : amie de Madame de Sévigné, qu’elle a connu quand sa mère s’est remariée avec un oncle de celle-ci, Renaud-René de Sévigné, et à qui elle écrivit un jour :

« Vous êtes en Provence, ma belle ; vos heures sont libres, et votre tête encore plus. Le goût d’écrire vous dure encore pour tout le monde : il m’est passé pour tout le monde et, si j’avais un amant qui voulût de mes lettres tous les matins, je romprais avec lui. Ne mesurez donc point notre amitié sur l’écriture. Je vous aimerai autant en ne vous écrivant qu’une page en un mois, que vous en m’en écrivant dix en huit jours« …

Ecrivaine ayant eu pour conseillers littéraires Segrais et Ménage…

Pioche était le nom de son père, un bourgeois, écuyer du roi et faisant partie de la suite de Richelieu qui lui confia l’éducation de son filleul. Il se faisait appeler Pioche de la Vergne pour paraître plus « noble ». Le prénom de sa fille évoque la nièce du Cardinal, Marie-Madeleine de Vignerot du Pont-de-Courlay, dame de Comballet puis duchesse d’Aiguillon. Isabelle Pena, fille d’un médecin du roi, mère de Marie-Madeleine, était à son service.

Sous quel nom est connue cette Marie-Madeleine Pioche de La Vergne? Avez-vous trouvé? Dans ce pays patriarcal, il faut chercher le nom de l’époux. A 21 ans, elle s’était mariée avec un « vieux » de 38, François Motier, comte de La Fayette. D’où le nom qui passera à la postérité comme celui d’une écrivaine de ce siècle : Madame de La Fayette.

La pièce met donc en scène les deux amis, au moment où l’auteure entreprend l’écriture de ce qui deviendra La Princesse de Clèves. On assiste à la genèse de cet ouvrage. Quelle part du fictif et de la réalité? Impossible à déterminer! Mais j’ai trouvé intéressants les questionnements autour de la conception du roman. Co-conception, en l’occurrence, devrais-je plutôt dire. Quel incipit? Comment rendre les personnages crédibles? Quels lieux choisir pour « décors » de l’action? Peut-on éviter de narrer, pour mieux mettre en valeur les finesses psychologiques? Tel est le thème de cette pièce écrite par Jean-Marie Besset, que j’ai vue (et surtout écoutée) avec beaucoup d’attention, en regrettant de ne pas avoir relu le livre avant…

« 

Dystopia

Un fond de scène vert. Trois téléviseurs : deux petits à droite et à gauche de la scène, un plus grand au-dessus.

Et la salle du Théâtre du Rond-Point en partie remplie de jeunes collégien-ne-s et lycéen-ne-s…

A quoi vais-je assister? Je ne le sais pas vraiment. J’avais « raté » le précédent spectacle « Un poyo rojo », dont l’annonce m’avait alléchée. Et lorsque j’ai découvert l’annonce de celui-ci, qui reprend le titre avec mot-dièse 2 (pour celles et ceux qui l’ignorent, on ne doit plus utiliser « haschtag » depuis 2013, année où le mot a été officiellement – car l’annonce est publiée dans le Journal Officiel – traduit par « mot-dièse »). D’où la décision un peu précipitée d’aller voir ce spectacle.

Il commence.

Deux silhouettes se découpent sur ce fond vert. Superbes corps noirs évoluant gracieusement, mis en valeur par ce fond.

Et peu à peu suscitent le rire. Puis le fou-rire. Ce qui n’empêche pas de continuer à admirer leur danse. Hommes? Femmes? L’ambiguïté subsiste, jusqu’à ce que l’on découvre deux barbes bien évidentes.

Ce jeu sur les codes de genre subsistera quasiment tout au long du spectacle. Car c’est l’un des thèmes abordés par les deux artistes très engagés.

Les écrans s’allument. Apparaissent deux speakerines. Tout aussi barbues. Elles commencent à dialoguer avec les artistes sur scène, en forçant le trait sur les stéréotypes de la féminité stupide. Puis leur demandent de danser. Ils s’exécutent. Une danse moins aboutie que précédemment. Ce que soulignent les deux autres. Jusqu’au moment où l’on comprend qu’il manque un fond d’images filmées. Oubli réparé. La danse prend alors un tout autre sens.

J’ai beaucoup aimé ces deux premières parties. Un vrai régal. Et j’ai vraiment beaucoup ri aussi.

La suite m’a moins plu. Trop de discours. Un comique de répétition, jouant sur les effets et les filtres – j’ai dû chercher sur le net pour écrire cette phrase, car je ne savais pas comment s’appelait le fait de jouer sur les selfies, en les « détachant » du contexte et en leur ajoutant des accessoires divers! Un comique de répétition, disais-je. Beaucoup trop long à mon goût. Et un discours militant intéressant, certes, mais convenu. Dommage…

A voir cependant, car cela « décoiffe » (pour en avoir une idée, regardez le « teaser »), et, je le redis, les deux premières parties sont hilarantes. Cela fait du bien, à 18h30, après une journée de travail, pluvieuse qui plus est…

Des fleurs aux pleurs, des pleurs aux peurs

Les cimetières – mes lecteurs/trices fidèles le savent – sont parmi mes lieux préférés. J’aime la compagnie des personnes qui ont quitté ce monde turbulent… Me promener dans ces lieux calmes et souvent fort beaux, déambuler dans les allées en essayant de deviner ce qu’a pu être la vie que seule quelques chiffres, quelques mots, quelques images évoquent…

Aussi n’est-il pas étonnant que, pour la reprise de ma vie parisienne, j’aie choisi une pièce qui se déroule dans ce contexte.

J’avais lu de bonnes critiques sur la pièce, et par co-incidence, une affiche venait d’être placée sur la descendante des colonnes Morris, non loin de chez moi.

C’était aussi l’occasion rêvée de découvrir un théâtre que je n’avais jamais fréquenté, dans une rue pour moi légendaire… Me voici donc, en ce premier jour du mois de septembre tant attendu, prête à affronter la montée rude du début de cette rue. Le théâtre se situe tout en haut, à l’intersection avec la rue Junot. Je découvre que c’est le voisin du Moulin de la Galette, et me demande quels liens il a eu historiquement avec celui-ci. Il faudra que j’enquête…

Mais aujourd’hui, j’en resterai à la pièce.

Un décor fondé sur le hiatus minéral / végétal, couleur vive des fleurs / déclinaison de gris, artifice / réalité… Je découvrirai, au fur et à mesure du déroulé de la pièce, toute l’ingéniosité des choix de ses éléments… Je ne vous en dis pas plus, c’est à vous de découvrir quand vous verrez cette pièce.

Onze personnages, mais seuls trois sont « incarnés ». Et bien incarnés. L’héroïne, gardienne de ce cimetière. Et deux hommes. Cela vous fait penser à du « boulevard »? On en est loin, bien loin, et de plus en plus loin au fur et à mesure que se déroule… Dois-je dire « l’action »? Elle est loin d’être linéaire, et les repères temporels relèvent du challenge de l’écriture scénaristique et de l’exploitation du décor… Ou « le texte »? Car c’est lui qui porte tout, faisant passer les spectateurs/trices par toute une palette d’émotions, au point qu’à la fin, les sièges ne se vidèrent que lentement, pour laisser à chacun_e le temps de s’en remettre.

Je ne vous en dirai pas davantage. Pour que vous puissiez découvrir vous-même cette oeuvre originale, portée par une actrice étonnante et détonnante, Caroline Rochefort. Juste un mot pour vous expliquer le titre qui m’est venu spontanément à l’esprit. Les « peurs » ne sont pas celles de la mort, mais celles de la vie, et surtout de l’amour…

Une rivière de pleurs, un bouquet de pure poésie

Je suis encore sous le coup de l’émotion, et ne disserterai point cette nuit sur le spectacle que je viens de voir. La poésie à l’état pur, durant une très grande partie de celui-ci.

Des corps qui dansent, se meuvent lentement avec grâce, jonglent doucement avec des quilles souples, se jouent des lois de l’équilibre sur un trapèze ou sur un fil…

Des images… sobres et flamboyantes à la fois, par moments… poétiques, toujours… Des tableaux vivants, comme cette joueuse de kantele tenant un mouchoir d’une main et embrassant un arbuste de l’autre. Ou encore la traîne plus longue que n’est large la scène, enveloppant littéralement les protagonistes de la jeune femme qui la porte et semble flotter. Des images projetées, filmées sur et dans un aquarium… eau glissant sur le verre derrière lequel se tient un visage, cheveux roux flottant dans l’eau, nuées de bleu et de blanc derrière lesquelles on devine les corps…

Des musiques et des chants qui saisissent et enveloppent les auditeurs/trices… En finois, en arabe, en anglais… J’aurais aimé vous les citer tous, mais je n’en connais qu’un, un de mes airs préférés. Le voici, interprété par Alfred Deller, dont je vous ai déjà parlé sur ce blog. Et encore par Jaroussky. Je vous ai parlé du kantele. Si vous ne connaissez pas cet instrument, et encore moins sa version finnoise, écoutez ceci ou encore cela, ça vous donnera une idée de l’enchantement.

Deux scènes m’ont moins plu, car leur côté « dérision », selon moi, tranchait avec cette harmonie poétique. L’une mettait en scène deux mariés, dont un ours. L’autre, un cadavre que l’on disséquait. Certes, bien jouées. Avec un côté absurde. Certes, j’ai ri parfois à la première. Mais je ne souhaitais pas rire. Et c’est peut-être la force de ce spectacle que de démontrer que l’on préfère parfois pleurer que rire. Un paradoxe soulevé au début, et repris à la fin, comme deux parenthèses dans le cours de notre vie.

Si vous souhaitez voir ce spectacle, courez-y vite ce soir, 25 mai, car c’est le dernier jour… Et je vous déconseille de lire la suite, car cela ôterait de l’effet de surprise et du plaisir de la découverte. Si vous souhaitez en savoir plus, vous pouvez continuer…

Vous attendez peut-être le titre de cette oeuvre si « décoiffante ». Les amateurs de jazz vont reconnaître un titre célèbre, Cry me a River. Qu’elle soit chantée par Julie London ou Ella Fitzgerald. Voici ce qu’en dit Wikipedia (eh oui, même pas honte de vous citer cette source!)

« Cette chanson d’amour est composée dans le style de la musique western nostalgique Rivière sans retour, de Marilyn Monroe5 de 1954. Arthur Hamilton écrit et compose cette ballade jazz-blues, à l’origine, pour Ella Fitzgerald, pour la musique du film La Peau d’un autre, de 1955, mais elle n’est finalement pas retenue6.

La jeune actrice-chanteuse inconnue Julie London devient alors une célébrité américaine internationale7 en enregistrant ce premier single de sa carrière, accompagnée de deux instruments de musique, Barney Kessel à la guitare électrique, et Ray Leatherwood (en) à la contrebasse8, pour la musique du film La Blonde et moi de la Twentieth Century Fox (1956), où elle joue son propre rôle. Le titre atteint alors la 9e place des ventes du Billboard américain9,10,11.

Ella Fitzgerald l’enregistre finalement à son tour avec succès sur son album Clap Hands, Here Comes Charlie! de 196112.« 

En voyant la photo de Julie London, je n’ai pu m’empêcher de penser à l’une des interprètes sur scène, à la longue chevelure bouclée.

Le thème de cette oeuvre aurait été inspiré par une ancienne tradition de Carélie. J’ignorais jusqu’à cet instant ce qu’était la Carélie. En recherchant sur le net pour écrire cet article, j’ai découvert des points communs entre celle-ci et des régions actuellement en guerre. La Carélie se divise en effet entre la Finlande et… la Russie… ça vous dit quelque chose?

La présentation du spectacle parle de la Karélie finnoise, bien sûr, et des pleureuses de jadis.

« En 2007, Sanja Kosonen participe à un stage de « pleurs chantés » en Finlande, organisé par quelques chanteuses contemporaines qui font revivre et réinventent la tradition oubliée des pleureuses de Carélie. Ces chants improvisés se pratiquaient seule dans la forêt ou collectivement lors de rites de passages.« 

Le dépliant distribué au public avant l’entrée présente, lui, les références mythologiques, au nombre de 6. Cinq d’entre elles réfèrent à la Finlande. La sixième provient d’Amérique latine.

Je ne l’avais pas lu avant le spectacle, qu’il éclaire différemment. Aurais-je dû? Je ne crois pas, car je préfère me laisser porter et emporter par les émotions que « comprendre » ce que je vois et entends… Pas vous?

Sanja Kosonen est à la fois auteure et interprète de ce « cirque de lamentation » (pour reprendre l’expression utilisée dans la communication autour de l’oeuvre). C’est elle que l’on voit s’envoler sur le trapèze ou flotter dans l’air, sur un fil…

Image empruntée au Journal La Terrasse

Pour finir, deux photos de la troupe. La première est ratée, mais je l’ai laissée car elle permet de voir l’une des « images projetées » dont je parlais et le dispositif pour ce faire (à gauche).

Un détail : ce ne sont pas les costumes de scène qui sont portés ici, car les interprètes finissent nu-e-s, et sont donc allé-e-s se rhabiller pour venir saluer le public puis discuter avec lui au bar du théâtre Le Monfort (j’avais oublié le lieu!!!).

Au centre, Sanja Kosonen

Pour terminer, j’ai eu envie de partager avec vous une partie du poème de Renée Vivien, La Pleureuse.

Vers le soir, quand décroît l’odeur des ancolies
Et quand la luciole illumine les prés,
Elle s’étend parmi les morts qu’elle a pleurés,
Parmi les rois sanglants et les vierges pâlies.

Sous les cyprès qui semblent des flambeaux éteints,
Elle vient partager leur couche désirable,
Et l’ombre sans regrets des sépulcres l’accable
De sanglots oubliés et de désirs atteints.

Elle y vient prolonger son rêve solitaire,
Ivre de vénustés et de vagues chaleurs,
Et sentir, le visage enfiévré par les fleurs,
D’anciennes voluptés sommeiller dans la terre.

Avatars de Rhinocéros

Hier soir j’ai assisté à une représentation théâtrale hors du commun. Son titre? « Les Rhinos, c’est… »

Le titre aurait dû m’alerter. Mais, comme l’initiative ne venait pas de moi, je n’avais fait que rechercher où et à quelle heure je devais me trouver pour y assister. Et j’ai bien fait, soit dit en passant : ce devait être à l’Amphi Richelieu de la Sorbonne – et je me réjouissais de retrouver ce cher Amphi où j’avais passé tant d’heures jadis. Et je découvris, à peine une heure avant le début, que c’était à l’Amphi 25 de Jussieu. Ne serait-ce que la dénomination, tout est dit! Avouez que l’on préfère retrouver Richelieu que 25! Et d’ailleurs, ce fut un jeu de piste pour le trouver, cet Amphi. Des groupes circulaient dans la tour 25 en quête de sa porte. Cela nous fit monter, descendre, remonter… jusqu’à trouver un jeune « couple » d’étudiant-e-s tranquillement installés au 5ème étage, près de la porte du « LIP6 » (un autre souvenir, d’une équipe d’informaticiennes…), en train de pique-niquer à l’abri des regards. Fort aimables, il et elle nous expliquèrent que c’était l’étage des équipes de recherche, et faire appel à notre logique : l’espace offert par la forme cylindrique de la tour ne permettait nullement d’abriter un lieu aussi vaste qu’un amphi. Ce ne pouvait donc, selon elle et lui, qu’au rez-de-chaussée. Heureusement, nous avions situé l’ascenseur et pûmes redescendre rapidement, car l’heure était dépassée… En bas, pas d’amphi, mais une porte aboutissant dans une cour. « Bibliothèque »… Les personnels devaient savoir où se trouvait le lieu convoité? Dans la cour, une bande de jeunes. Avec des papiers. En train de « répéter », visiblement. La jeune fille dont l’accent faisait penser qu’elle venait d’Europe de l’Est, jeune fille qui avait rejoint notre groupe connaissait l’une des étudiantes. Elles se mirent à parler en russe. En réalité, nous étions tout près, il suffisait… de remonter! un large escalier, en plein air, aux degrés moins élevés. Enfin, nous y voici! Un doute subsiste cependant : si la salle est bien peuplée, la scène, elle, est plutôt vide…

Décor minimaliste s’il en fut! Un homme demande que l’on descende le plus près possible de la scène. « Faute de quoi », dit-il, « vous n’entendrez rien ». Il fallait comprendre le verbe dans le sens de la compréhension, pas de l’audition, comme je m’en apercevrai plus tard, après le discours introductif. Car, après une sorte de ballet pour l’entrée des acteurs et actrices, le sens des mots et des phrases ne fut pas toujours saisissable, loin de là. On ne peut leur en vouloir : comme nous l’apprendrons plus tard, ce sont des jeunes gens venant d’Italie, de Suisse, de Taïwan, de Russie, du Brésil… et j’en oublie…, tous et toutes étudiant-e-s de Français Langue Etrangères, alias FLE.

La troupe en costume de scène…

Un jeu vif, voire endiablé, avec les violentes lumières rouges qui nous éblouissaient. Une étonnante dynamique sur la scène comme dans la salle, sur les gradins où se déplaçaient les acteurs/trices devenu-e-s rhinocéros grâce à des masques… avec becs! si, si, l’absurde jusque dans les accessoires. Et la « danse » des rhinos est un morceau d’anthologie burlesque!

Désolée pour la très mauvaise qualité des photos… mais je n’ai pas résisté! Seule l’une d’entre toutes celles que j’ai prises me plaît, et je ne résiste pas à l’envie de vous la montrer malgré tous ses défauts.

La seconde partie était tout aussi enjouée, mais assez différente : une improvisation à partir de « mots » tirés non d’un chapeau, mais de casquettes, censés composer une « identité ». Une autre jeune troupe, pleine d’entrain, les Sorbiquets.

« Troupe d’improvisation théâtrale de Sorbonne Université. Elle vibrionne depuis sept ans sous la houlette des improvisades et compte à son actif de nombreuses interventions dans et hors les murs de la vénérable institution, n’hésitant pas à transcender les genres et les époques. » (source)

Mais je ne suis pas parvenue à entrer dans leur jeu, voire, parfois, à comprendre le sens des saynètes jouées. Dommage, car cela ne manquait pas d’originalité, en termes d’ « interprétation » de la pièce de Ionesco. Le discours final m’a éclairée : leur professeur n’était pas parti de la pièce, mais s’était appuyé sur la nouvelle éponyme!

Ce que je retiendrai surtout de ce spectacle, c’est l’ambiance étonnante, une forme de symbiose entre scène et salle, et l’enthousiasme partagé. C’est aussi l’extraordinaire actualité de ces textes de Ionesco, en cette période si trouble où l’humour est arme… des pacifistes et partisans de la Liberté.

Un « Huis clos » dépoussiéré

Invitée à aller voir la pièce de Sartre, je dois avouer que mon enthousiasme était assez limité. J’ai beaucoup apprécié le texte quand j’avais quatorze ans, mais je craignais de le trouver un peu « poussiéreux ». A l’entrée du théâtre, accueillie par des hommes en noir à l’oeil rouge, je commençais à me questionner. Le rideau était ouvert, et laissait voir un décor rouge foncé, trois fauteuils Voltaire, et un candélabre à trois branches, diffusant une lumière rouge. Au-dessus de la scène, un large écran orné d’une oeuvre picturale : de larges tâches rouges sur fond blanc.

Je fus bien agréablement surprise d’assister à un spectacle qui, tout en respectant l’idée, voire le texte, était dynamique et, par instant, plutôt drôle. Cela aurait-il plu à Jean-Paul? Pas sûr… Mais quoi qu’il en soit, réussir à rendre dynamique l’attente éternelle dans un Enfer partagé, voilà qui me semble un véritable challenge. Et un challenge réussi, en l’occurrence. Bravo donc à la metteure en scène, qui était aussi l’une des actrices sur les planches, en ce soir d’avril, à la Comédie de Paris.

Magnifique dans son étonnant costume (pantalon de cuir noir très serré, agrémenté de bandes rouges sur les côtés, et son chemisier-chasuble en pointe, d’un rouge vif), Joyce Franrenet a tout de suite réveillé l’auditoire fatigué par sa journée de travail ou de tourisme. Volontairement à l’opposé, Mathilde Mosnier incarnait Estelle, grands yeux bleus et bouche pulpeuse, avec tous les poncifs de la féminité. Mais des deux, qui est la plus « forte »?

Le troisième défunt à commencer sa vie éternelle dans « l’enfer, c’est les Autres » était joué par Tanguy Mendrisse, entre violence intériorisée et charme dévastateur.

Leur hôte, interprété par Alexandre Tessier, était aussi sombre, froid, inquiétant qu’énigmatique. A faire frissonner de peur…

Un jeu enlevé, parfois limite burlesque, des répliques qui fusent, une alternance de jeu de séduction et de violences, symboliques ou physiques… Pas question de s’ennuyer un seul instant! Et j’ai beaucoup apprécié l’exploitation de l’écran suspendu : les visions intérieures des personnages qui se remémoraient leur passé ou « voyaient » le présent dont ils étaient absents mais aussi (trop?) présents étaient traduites en jeu d’ombres chinoises sur fonds jaunes ou bleus, ce qui était une sorte « d’ouverture » pour cet « huis clos », mais une ouverture aussi factice que fugace…

« L’enfer c’est les autres ” a été toujours mal compris. On a cru que je voulais dire par là que nos rapports avec les autres étaient toujours empoisonnés, que c’était toujours des rapports infernaux. Or, c’est tout autre chose que je veux dire. Je veux dire que si les rapports avec autrui sont tordus, viciés, alors l’autre ne peut être que l’enfer. Pourquoi ? Parce que les autres sont, au fond, ce qu’il y a de plus important en nous-mêmes, pour notre propre connaissance de nous-mêmes. Quand nous pensons sur nous, quand nous essayons de nous connaître, au fond nous usons des connaissances que les autres ont déjà sur nous, nous nous jugeons avec les moyens que les autres ont, nous ont donné, de nous juger. Quoi que je dise sur moi, toujours le jugement d’autrui entre dedans. Quoi que je sente de moi, le jugement d’autrui entre dedans. Ce qui veut dire que, si mes rapports sont mauvais, je me mets dans la totale dépendance d’autrui et alors, en effet, je suis en enfer. Et il existe une quantité de gens dans le monde qui sont en enfer parce qu’ils dépendent trop du jugement d’autrui. Mais cela ne veut nullement dire qu’on ne puisse avoir d’autres rapports avec les autres, ça marque simplement l’importance capitale de tous les autres pour chacun de nous. » (Sartre, Entretien avec Moshé Naïm, 1964)

Jeux de mots jeux de morts

Une invitation « surprise » : je ne savais pas ce que j’allais voir. Et je n’ai pas cherché à le savoir. Bien m’en a pris. Car ce fut une belle surprise, effectivement, que ces moments passés en compagnie de Pierre-Louis Calixte. Mais ce ne fut pas un monologue, comme annoncé sur le programme.

Le (524ème) sociétaire de la Comédie Française a fait revivre son grand-père (et j’avais envie de dire « la canne de son aïeul »), un metteur en scène et un comédien… et toutes sortes d’autres personnes/ages, depuis les petites mains du costumier jusqu’au Roi Soleil, en passant par Musset et Brassens… Sans compter bien sûr Molière – pardon, Jean-Baptiste Poquelin -, le prétexte de ce que j’ai envie de qualifier de « performance » pour la belle polysémie de ce mot.

J’utilise souvent le terme « co-incidence », volontairement orthographié de cette manière, pour désigner ces conjonctions de sensations, d’affects, d’évènements, qui tout à coup éclairent notre vie d’une lumière profonde, la mettent en abîme, la transcendent.

C’est une succession de ces co-incidences qui fait revivre les quatre personnes évoquées plus haut, dans un tourbillon éblouissant de « jeux » d’acteur qui, là aussi, rend hommage à Molière. Je ne veux pas trop en parler, pour ne pas déflorer ce qui est plus qu’une pièce…

Je discutais avec des amis hier soir du sens du terme « interpréter » en musique. Avec ce spectacle, j’ai appréhendé toutes les facettes de ce que peut être « l’interprétation » d’un acteur seul sur scène, je crois. Ce fut époustouflant – mot que j’utilise rarement, mais le seul capable de traduire ce que j’ai éprouvé.

Avec toute la gamme des sentiments. Avec tout l’éventail de ce que peuvent produire la voix humaine (merci Cocteau) et le corps agile…

Un petit mot encore pour la mise en scène – j’avais envie d’écrire l’auto-mise en scène, voire mise en jeu de soi. Sobre et d’une richesse incroyable, grâce aux livres et aux costumes de scène.

« Singulis », est-il écrit dans le titre. Singulier mais pas seul, entouré des morts et de tous les acteurs et personnels de la Maison de Molière, sur laquelle j’ai appris beaucoup.

Et j’ai compris le reste du titre au fur et à mesure du déroulé du spectacle, y compris le x entre parenthèses : Molière / Matériau(x).

J’ai regretté alors de ne pas avoir vu le premier des spectacles, avec Danièle Lebrun, Le Silence de Molière. Et cela m’a donné envie de voir le dernier du triptyque, Ex-traits de femmes, par Anne Kessler. « « Louison, Agnès, Armande, Henriette, Arsinoé, Célimène, Elvire, Madame Pernelle, Dorine… toutes si différentes mais qui viennent d’un seul et même cœur, celui de Molière. »