
Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis? ton père, ta mère, ta soeur ou ton frère?
– Je n’ai ni père, ni mère, ni soeur, ni frère.
– Tes amis?
-Vous vous servez là d’une parole dont le sens m’est resté jusqu’à ce jour inconnu.
– Ta patrie?
– J’ignore sous quelle latitude elle est située.
– La beauté?
– Je l’aimerais volontiers, déesse et immortelle.
– L’or?
– Je le hais comme vous haïssez Dieu.
– Eh! qu’aimes-tu donc, extraordinaire étranger?
– J’aime les nuages… les nuages qui passent… là-bas… là-bas… les merveilleux nuages!
Baudelaire: Petits poèmes en prose, I (1869)

Je te l’ai dit pour les nuages
Je te l’ai dit pour l’arbre de la mer
Pour chaque vague pour les oiseaux dans les feuilles
Pour les cailloux du bruit
Pour les mains familières
Pour l’œil qui devient visage ou paysage
Et le sommeil lui rend le ciel de sa couleur
Pour toute la nuit bue
Pour la grille des routes
Pour la fenêtre ouverte pour un front découvert
Je te l’ai dit pour tes pensées pour tes paroles
Toute caresse toute confiance se survivent
Paul Eluard
