Hier soir j’ai assisté à une représentation théâtrale hors du commun. Son titre? « Les Rhinos, c’est… »

Le titre aurait dû m’alerter. Mais, comme l’initiative ne venait pas de moi, je n’avais fait que rechercher où et à quelle heure je devais me trouver pour y assister. Et j’ai bien fait, soit dit en passant : ce devait être à l’Amphi Richelieu de la Sorbonne – et je me réjouissais de retrouver ce cher Amphi où j’avais passé tant d’heures jadis. Et je découvris, à peine une heure avant le début, que c’était à l’Amphi 25 de Jussieu. Ne serait-ce que la dénomination, tout est dit! Avouez que l’on préfère retrouver Richelieu que 25! Et d’ailleurs, ce fut un jeu de piste pour le trouver, cet Amphi. Des groupes circulaient dans la tour 25 en quête de sa porte. Cela nous fit monter, descendre, remonter… jusqu’à trouver un jeune « couple » d’étudiant-e-s tranquillement installés au 5ème étage, près de la porte du « LIP6 » (un autre souvenir, d’une équipe d’informaticiennes…), en train de pique-niquer à l’abri des regards. Fort aimables, il et elle nous expliquèrent que c’était l’étage des équipes de recherche, et faire appel à notre logique : l’espace offert par la forme cylindrique de la tour ne permettait nullement d’abriter un lieu aussi vaste qu’un amphi. Ce ne pouvait donc, selon elle et lui, qu’au rez-de-chaussée. Heureusement, nous avions situé l’ascenseur et pûmes redescendre rapidement, car l’heure était dépassée… En bas, pas d’amphi, mais une porte aboutissant dans une cour. « Bibliothèque »… Les personnels devaient savoir où se trouvait le lieu convoité? Dans la cour, une bande de jeunes. Avec des papiers. En train de « répéter », visiblement. La jeune fille dont l’accent faisait penser qu’elle venait d’Europe de l’Est, jeune fille qui avait rejoint notre groupe connaissait l’une des étudiantes. Elles se mirent à parler en russe. En réalité, nous étions tout près, il suffisait… de remonter! un large escalier, en plein air, aux degrés moins élevés. Enfin, nous y voici! Un doute subsiste cependant : si la salle est bien peuplée, la scène, elle, est plutôt vide…

Décor minimaliste s’il en fut! Un homme demande que l’on descende le plus près possible de la scène. « Faute de quoi », dit-il, « vous n’entendrez rien ». Il fallait comprendre le verbe dans le sens de la compréhension, pas de l’audition, comme je m’en apercevrai plus tard, après le discours introductif. Car, après une sorte de ballet pour l’entrée des acteurs et actrices, le sens des mots et des phrases ne fut pas toujours saisissable, loin de là. On ne peut leur en vouloir : comme nous l’apprendrons plus tard, ce sont des jeunes gens venant d’Italie, de Suisse, de Taïwan, de Russie, du Brésil… et j’en oublie…, tous et toutes étudiant-e-s de Français Langue Etrangères, alias FLE.

Un jeu vif, voire endiablé, avec les violentes lumières rouges qui nous éblouissaient. Une étonnante dynamique sur la scène comme dans la salle, sur les gradins où se déplaçaient les acteurs/trices devenu-e-s rhinocéros grâce à des masques… avec becs! si, si, l’absurde jusque dans les accessoires. Et la « danse » des rhinos est un morceau d’anthologie burlesque!

Désolée pour la très mauvaise qualité des photos… mais je n’ai pas résisté! Seule l’une d’entre toutes celles que j’ai prises me plaît, et je ne résiste pas à l’envie de vous la montrer malgré tous ses défauts.

La seconde partie était tout aussi enjouée, mais assez différente : une improvisation à partir de « mots » tirés non d’un chapeau, mais de casquettes, censés composer une « identité ». Une autre jeune troupe, pleine d’entrain, les Sorbiquets.
« Troupe d’improvisation théâtrale de Sorbonne Université. Elle vibrionne depuis sept ans sous la houlette des improvisades et compte à son actif de nombreuses interventions dans et hors les murs de la vénérable institution, n’hésitant pas à transcender les genres et les époques. » (source)

Mais je ne suis pas parvenue à entrer dans leur jeu, voire, parfois, à comprendre le sens des saynètes jouées. Dommage, car cela ne manquait pas d’originalité, en termes d’ « interprétation » de la pièce de Ionesco. Le discours final m’a éclairée : leur professeur n’était pas parti de la pièce, mais s’était appuyé sur la nouvelle éponyme!

Ce que je retiendrai surtout de ce spectacle, c’est l’ambiance étonnante, une forme de symbiose entre scène et salle, et l’enthousiasme partagé. C’est aussi l’extraordinaire actualité de ces textes de Ionesco, en cette période si trouble où l’humour est arme… des pacifistes et partisans de la Liberté.
