Gréolières

Rassurez-vous, ce sera la fin du périple de ce dimanche, qui vous a conduits de la vallée du Var au versant adret, puis à travers cols et clues vers Gréolières, où nous arrivons au couchant. Sans, souvenez-vous, la moindre châtaigne ni le moindre champignon! Et sans la moindre randonnée. Car on ne peut compter comme telles les marches dans les différents villages et bourgs, n’est-ce pas?

En descendant vers notre destination, je ne sais vers où me tourner, et décide de stationner entre les deux points qui ont attiré mon attention.

A gauche, vers le haut, des ruines et une église encore bien visible.

A droite, vers le bas, un village entier, bien conservé, et une autre église – excusez la mauvaise qualité des photos, mais, comme vous le voyez, le soleil a déjà disparu!

Mes fidèles lecteurs et lectrices me connaissent : je n’ai pu m’empêcher d’aller fouiller le net en quête de l’histoire du village, car je ne comprenais pas pourquoi une telle distance (sans compter la différence de niveaux) séparait les deux sites.

Les historiens s’accordent à reconnaître une importance à l’époque romaine, car elle était située sur la voie Vence-Castellane. Certains datent son existence de plus loin dans le temps.

« La commune de Gréolières formait probablement un territoire pré-romain dont le centre devait être constitué par un oppidum placé sur le sommet du Bau de Saint-Jean. La romanisation de cette région a été relativement poussée. D’une part, ce territoire est traversé par une voie romaine aujourd’hui bien étudiée. D’autre part, les traces d’une occupation antique, se poursuivant éventuellement durant le haut Moyen Age, sont relativement nombreuses. Mentionnons pour exemple le site des Champs Gelés. » (source)

Mais alors, pourquoi deux sites? Sans oublier le troisième, sur le Bau de Saint-Jean… Question de terres, semble-t-il.

« Vers 1230 ou peu après, suite à la construction d’un nouveau château sur le territoire de Gréolières (cf. le château de Hautes Gréolières), sans abandon de l’ancien, le fief est partagé. Un autre castrum est créé, mentionné pour la première fois vers 1232 sous la forme de « l’autre castrum de Gréolières  » et en 1232 sous la forme de « Gréolières supérieures ». Celui-ci se développe et en 1315 il est affouagé pour 86 feux de queste, soit beaucoup plus que ceux des Ferres (36) et de Bouyon (56), presque à l’égal de celui de Coursegoules (97) ; celui de Basses Gréolières est affouagé pour 102 feux. Mais, ne disposant que des terres les plus pauvres, situées dans la montagne du Cheiron, Hautes Gréolières résiste mal aux crises du XIVe siècle. Le village est encore affouagé en 1400 et en 1442 ; en 1471 on y compte 15 familles. En 1787, il ne s’y trouve plus que quelques habitants (ibidem). Le cadastre de 1841 mentionne encore 15 maisons, 4 masures, une bergerie et son « courtil », un four et une chapelle : Hautes Gréolières n’est plus qu’un écart. Les 19 bâtiments (maisons et masures) correspondent aux ruines du secteur. »

Mais aussi question de rivalité entre deux branches d’une même famille.

« En fait, de 1322 à 1518, les deux fiefs de Basses et Hautes Gréolières sont détenus par deux branches cousines de la famille de Villeneuve. En 1518, Pierre de Villeneuve, par ailleurs seigneur de Vence, prête hommage une dernière fois pour Hautes Gréolières le 15 janvier. Après quoi il teste, le 8 avril, en faveur de son cousin Antoine, seigneur de Basses Gréolières . C’est probablement cette réunion des deux parties du vieux territoire qui porte le coup de grâce à l’agglomération de Hautes Gréolières, d’autant plus qu’elle a lieu au moment où Basses Gréolières connaît un nouvel essor. On peut donc se demander si la réunion des deux fiefs en une seule main, en 1518, n’était pas partiellement destinée à en favoriser la renaissance. Toutefois la réunion effective n’a pas lieu tout de suite et on distingue Basses et Hautes Gréolières jusqu’à la fin de l’Ancien Régime. »

En fin de compte, le village supérieur n’a disparu que depuis peu… A présent, s’il y a bien toujours deux sites habités, ce sont Gréolières, que vous voyez ici, et Gréolières-les-Neiges, la station de ski qui fête cette année ses soixante ans, car elle a été fondée en 1963.

Quittant le chemin dans lequel s’éclate, au son d’un reggae retentissant, un jeune homme qui y vit dans un superbe camion aménagé, je descends pour enfin aller boire un verre, car j’ai aperçu d’en haut les lumières d’un café qui semblait donc bien ouvert, lui, contrairement aux précédents. Ma soif ne s’était pas éteinte au fur et à mesure du coucher du soleil!

Et je n’ai pas été déçue.

Le Relais… Un de ces lieux comme je les aime. Accueil plein d’humour de l’aubergiste… Au point que nous décidons que la Saint Philippe (c’est son prénom, comme je l’apprends tout de suite) pourrait se fêter non plus le 3 mai, mais le 22 octobre… Quand mon amie demande une citronnade au lieu de la bière pression, il éclate… entre rire et colère simulée : comme il s’apprêtait à fermer, il a nettoyé le presse-agrumes. Elle propose de changer de boisson, mais il refuse et lui prépare un délicieux citron pressé.

En pression, de la Pietra. Rare, en montagne, n’est-ce pas? Je lui demande s’il a des liens avec la Corse. Et j’apprends que, comme c’est son pays, il y part en vacances… le lendemain! En réalité, il ferme pour des congés bien mérités après un été chargé. Nous nous installons en terrasse, Pietra et citron pressé en mains, quand je lève la tête. Et là, que vois-je avec stupeur?

Orval? Ici? En pays grassois, à presque 1000 mètres d’altitude? Alors qu’on a déjà tant de mal à en trouver dans les Hauts-de-France? Voilà qui me conduit à questionner « Philippe ». Et j’apprends qu’il est effectivement ravitaillé par un de ses amis belges, qui lui descend deux caisses chaque fois qu’il vient le voir. Comme l’Orval est peu connue dans le coin, et que les vrais connaisseurs de bière ne sont pas légion, cela lui suffit.

« Dans le long passé d’Orval, il y a probablement toujours eu une brasserie à l’abbaye. En attestent les anciens relevés de plans, une description précise de fabrication laissée par un visiteur franciscain, il y a trois cents ans et un lieu dit « houblonnière » tout proche du monastère. Brasser était, en effet, l’usage dans ces contrées peu propices à la culture de la vigne. La bière était d’abord et avant tout considérée pour ses vertus nourrissantes. On l’appelait le « pain liquide ». (source : le site de l’abbaye)

Si vous souhaitez en savoir davantage sur l’une de mes bières préférées, allez visiter le site des moines, il est remarquablement bien fourni.

Nous échangeons longuement à propos des bières, en particulier des trappistes, et je lui parle de la Saint Sixtus (alias Westvloeteren) qui fait l’objet de nos conversations mersoises et d’équipées régulières vers la Belgique…

Là encore, allez voir le site de l’abbaye... qui ouvre sur cette déclaration :

« Nous ne vivons pas pour brasser. Nous brassons pour vivre.

LES MOINES DE L’ABBAYE DE SAINT-SIXTE »

Il accepte de lancer le défi à son ami. J’espère savoir un jour s’il a réussi à en servir à Gréolières ! En attendant, nous lui souhaitons de bonnes vacances corses et repartons vers la Villa niçoise et les Bières du Comté et Socca Bières…

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