Jules, Jeanne et les 3 Jean. Deuxième épisode : Jeanne

Non, ce n’est pas celle de Brassens, quoique, pour certaines personnes, en France, les derniers vers puissent lui convenir…

« Dans ses roses et ses choux n’a pas trouvé d’enfant,
Qu’on aime et qu’on défend contre les quatre vents,
Et qu’on accroche à son corsage,
Et qu’on arrose avec son lait…
(…)

Quand elle est mère universelle,
Quand tous les enfants de la terre,
De la mer et du ciel sont à elle
… »

Il a même chanté le décès de la cane de ladite Jeanne.

Au passage, visionnez cette visio ou encore celle-ci.

Mais notre propos, vous l’avez compris, ne porte pas sur cette Jeanne, mais sur une autre, qui est passée par Le Crotoy et y a séjourné. Hélas pour elle, pas pour les Bains de Mer. Car elle n’y fut point tout à fait libre de ses mouvements. Une photo? Je ne puis. Mais une photo de la statue qui commémore son passage, volontiers…

La reconnaissez-vous? On n’a pas l’habitude de la voir ainsi vêtue, ni si tranquillement assise. Deux détails cependant pourraient vous mettre sur la piste…

Sculpture de Fossé, 1881 (source)

Une dame enchaînée? avec une épée? ça vous dit quelque chose. Manque des animaux, mais ils ne sont pas loin. Ici ce sont des moutons d’estran, mais ils ressemblent un peu à leurs cousins de l’est. Et sa monture n’était sans doute pas un Henson...

Quant au périple qui l’amena sur les terres picardes, il est narré surtout lors de son procès dans la province voisine, la Normandie. Voici une synthèse qui renvoie aux verbatim.

« De Beaurevoir, 0n la mena à Arras, et de là, par Drugy, au Crotoy où elle fut remise aux Anglais par les officiers du duc de Bourgogne (4).
  Pendant qu’elle était au château de Drugy, les dames de Saint-Riquier allèrent la visiter dans sa prison. Au château du Crotoy, où elle séjourna jusqu’à ce que les dernières mesures fussent arrêtées pour son procès, elle ne parait pas avoir subi une captivité bien rigoureuse. Elle était renfermée dans une chambre qui existait encore en 1657. Un prêtre de la cathédrale d’Amiens, Me Nicolas de Guetille, dit un vieil annaliste du Ponthieu, lui administrait les sacrements et disait beaucoup de bien de cette vertueuse et très chaste fille.


  Quelques dames de qualité et des bourgeoises d’Abbeville l’allaient voir comme une merveille de leur sexe. La Pucelle les remerciait de leur charitable visite et les baisait aimablement. « Que veschy un bon peuple, disait-elle en pleurant ; pleust à Dieu, quand je fynerai mes jours, que je puisse estre enterrée dans ce pays(5). »
  Hélas ! ce n’était point là que devait mourir l’héroïne d’Orléans; c’était à Rouen que les Anglais devaient accomplir ce qu’un chroniqueur a appelé « le plus grand crime que les hommes aient commis depuis la mort du Christ. »

  Bientôt arrivèrent au Crotoy les soldats anglais chargés de la conduire dans cette ville. L’escorte devait être nombreuse et bien armée, à cause du péril de la route et du prix que Bedford attachait à ce que la prisonnière ne pût lui échapper à la faveur d’un coup de main. Il est permis de supposer que cette escorte comprenait notamment John Gris, Berwoit et Talbot, qui eurent la garde de la Pucelle dès son arrivée à Rouen (6).
Vers la fin de décembre, Jeanne fut menée en barque, du Crotoy à Saint-Valéry, de l’autre côté de la Somme, et de là, conduite à cheval sous bonne garde, par Eu et Dieppe (7).
« 

Ainsi, ce qui fut refuge inspirant pour Jules fut halte malheureuse pour Jeanne. La ville garde soigneusement mémoire de son séjour.

J’ai été interpellée par l’absence de la préposition sur le panonceau ci-dessous…

Mais l’hommage est clair, sur le socle de la statue ornant la place face à la Baie.

Comme je le soulignais pour Jules, Jeanne a droit aussi aux perversions diverses liées au commerce et à la publicité.

Place du Monument aux Morts. A gauche l’Hôtel Jeanne d’Arc

On pouvait peut-être y boire la bière brassée non loin de là, à Ronchin, dans le Nord?

La ville continue à célébrer la « Jeanne bergère », ce qu’elle fait depuis bien longtemps…

Du dessin à la pochette…

Voici deux jours, j’évoquais l’injustice vécue par un ami peintre, qui s’était vu accepter une toile au Salon de Versailles, puis refuser celle-ci, au tout dernier moment, sous prétexte qu’elle était « trop grande », alors que d’autres avaient des dimensions bien plus importantes… Comme je lui demandais l’autorisation de publier cette anecdote sur ce blog (ce que je fais toujours avec mes sources), il a complété l’histoire. Je vous la livre donc aujourd’hui.

Un galeriste installé près de Bastille avait organisé une exposition Brassens et réuni les oeuvres de 30 peintres pour ce faire, parmi lesquels l’ami dont il est question. Un jour, le galeriste l’appelle, lui demandant de venir car une personne souhaitait acheter le tableau représentant Brassens et « Le Chat« . Il refuse, car ne veut pas se démunir du tableau. Mais se rend à la galerie. Où l’attend l’acheteur potentiel et une dame. Le premier s’appelle Thomas Sertillanges. La seconde, Kathia David.

J’ignore si ces noms vous disent quelque chose, car les gloires radiophoniques sont souvent éphémères et s’envolent avec les générations.

Pour ce qui concerne le premier, je vous livre une biographie publiée sur Babelio.

« Thomas Sertillanges est passé par le théâtre, la radio officielle à France-Inter, la radio libre avec la création de « Génération 2000″, la première radio pirate commerciale en 1978, le monde de l’entreprise où il a fondé et dirigé une société de conseil en communication événementielle.

Il a ensuite été consultant pour de grands groupes tout en s’adonnant à deux passions, Tintin et Edmond Rostand.

Administrateur des Amis de Hergé pendant quelques années, il a écrit « La Vie quotidienne à Moulinsart », de nombreux articles et donné fréquemment des conférences. Il est à l’origine, avec le député Dominique Bussereau du débat à l’Assemblée nationale, « Tintin est-il de droite ou de gauche ».

À propos d’Edmond Rostand, il réunit la collection la plus complète sur Cyrano de Bergerac, organise des expositions, participe à des conférences, crée le site cyranodebergerac.fr. En 2018, il crée le Festival Edmond Rostand et publie en 2020 la première biographie illustrée du poète.« 

Un sacré personnage ! Que vous pourrez découvrir sur son site

Quant à Kathia David, elle est surtout connue pour avoir longtemps animé « L’Oreille en coin« .

 » L’émission mythique et multifacettes, occupe les auditeurs tous les week-ends de 1968 à 1990. Elle s’étale sur trois demies-journées. Le dimanche matin était consacré aux chansonniers et les samedis et dimanches après-midi étaient plutôt expérimental avec, entre autres, de longs reportages, des canulars élaborés, des jeux d’identité, récits d’aventuriers.« 

Kathia David a fait du théâtre et du journalisme, avant de devenir consultante et formatrice. Mais à l’époque, elle est essentiellement sur France Inter dans une émission à laquelle Thomas Sertillanges n’est pas étranger.

La voici sur une photo empruntée au site de Thomas Sertillanges.

Bref, voici notre peintre face à ces deux personnes, dont l’une veut absolument le dessin original. Il refuse, ne voulant pas s’en défaire, et, ce faisant, suscite la colère du galeriste qui l’accuse de ne pas l’aider à gagner sa vie… Lequel l’emportera quelques temps plus tard, et le dessin sera vendu à Sertillanges. Entretemps, des lithos et des gravures avaient été produits à partir de ce dessin.

Pour la petite histoire, le même galeriste fera plus tard une exposition consacrée à Brel. Le même peintre y exposera un tableau. Le même collectionneur en achètera le dessin original…

Bref, le dessin se trouve maintenant chez Sertillanges. Celui-ci reçoit un jour un certain Monsieur Bourgeois, qui vient de faire graver un disque « Une petite fille chante Brassens » (dont je vous ai déjà parlé).

Chez son hôte, il voit le dessin… et aussitôt le veut pour la pochette du disque. Sertillanges organise une rencontre entre Monsieur Bourgeois et le peintre… et l’affaire est conclue. Pour la petite histoire, le disque a eu une certaine renommée, car il a remporté le Prix Charles Cros en 1985….

Et voilà comment un dessin se retrouve en pochette de disque…

De l’eau à l’air en passant par les cendres…

La brume a envahi la campagne en cette aube d’avril, et le murmure de la Pâturette se transforme en plainte, faisant écho à mes tourments. C’est le moment d’évoquer un jeune poète libertaire, Gaston Couté. Pourquoi jeune?, me direz-vous peut-être. Parce qu’il est mort à 31 ans. Eh oui, il n’a même pas atteint l’âge d’un certain Alexandre ni d’un certain Jésus… Un écrivain qui n’a pas renié ses origines, car il a parfois écrit en beauceron, ni sa famille (son père était meunier), comme en atteste la pièce choisie aujourd’hui, dans la mini-série que je consacre cette semaine au linge, à son traitement et à celles (pas trouvé de « ceux »…) qui le traitaient jadis, voire naguère…

Femme lavant du linge, Edouard Paris

Je suis parti ce matin même,
        Encor saoul de la nuit, mais pris
        Comme d’écœurement suprême,
        Crachant mes adieux à Paris.
        …Et me voilà, ma bonne femme,
        Oui, foutu comme quatre sous.
        …Mon linge est sale, aussi mon âme…
            Me voilà chez nous !

Refrain

            Ma pauvre mère est en lessive.
Maman, Maman, Maman, ton mauvais gâs arrive
            Au bon moment !…


        Voici ce linge où goutta maintes
        Et maintes fois un vin amer,
        Où des garces aux lèvres peintes
        Ont torché leurs bouches d’enfer…
        Et voici mon âme, plus grise
        Des mêmes souillures — hélas !
        Que le plastron de ma chemise
            Gris, rose et lilas…


        Au fond du cuvier, où l’on sème,
        Parmi l’eau, la cendre du four,
        Que tout mon linge de bohème
        Repose durant tout un jour…
        Et qu’enfin mon âme, pareille
        À ce déballage attristant,
        Parmi ton âme — ô bonne vieille ! —
            Repose un instant…

        Tout comme le linge confie
        Sa honte à la douceur de l’eau,
        Quand je t’aurai conté ma vie
        Malheureuse d’affreux salaud,

        Ainsi qu’on rince à la fontaine
        Le linge au sortir du cuvier,
        Mère, arrose mon âme en peine
            D’un peu de pitié !


        Et, lorsque tu viendras étendre
        Le linge d’iris parfumé,
        Tout blanc parmi la blancheur tendre
        De la haie où fleurit le Mai,
        Je veux voir mon âme, encor pure
        En dépit de son long sommeil,
        Dans la douleur et dans l’ordure,
            Revivre au Soleil !…

Gaston Couté, La Chanson d’un gâs qu’a mal tourné, 1928

Paysanne étendant du linge, Berthe Morisot (1881)

Le recueil contenant ce poème a eu un succès certain, car il a donné lieu à un nombre d’éditions impressionnant, jusqu’à une époque récente. Il faut dire que son auteur est fascinant, et d’une « épaisseur » et « profondeur » frappantes. Pour découvrir son oeuvre, un site qui lui est consacré. On y trouve aussi un article intéressant sur la langue employée, et une discographie (non exhaustive, est-il précisé). Car ses poèmes ont été interprétés par de nombreux/ses artistes, depuis 1930. Pour ne prendre que celui qui fait l’objet de cet article, on en trouve des versions diverses sur le net. Je ne suis pas parvenue à trouver celle de Brassens, en 1953. Il se trouvait classé parmi « Les poètes maudits », titre de l’album.

Echec aussi pour un certain « Francis Cover », dans l’album Panaches de 1963, dix ans plus tard. Par contre, vous allez pouvoir l’écouter, interprété, la même année, par la belle voix grave de Monique Morelli (1923-1993).

Une interprétation beaucoup plus moderne, par le groupe Le Ptit Crème (le titre figure sur un album de 1976), sera l’occasion pour vous de découvrir une iconographie intéressante sur Gaston Couté. Totalement différente est celle, à peine plus ancienne, de Gaston Pierron. Pour ma part, j’aime aussi beaucoup celle de Loïc Lantoine avec sa belle voix grave un peu éraillée… Pas trouvé celle de Rémo Gary en 2000, mais celles de Gabriel Yacoub, dont YouTube offre diverses versions en live, selon les lieux et les époques. Je terminerai cette énumération qui peut vous paraître lassante par une voix de femme, de nombreuses années après Monique Morelli, dans le disque de La Bergère (2002). Cependant, je ne voudrais pas laisser de côté ceux qui ont joué autant, sinon plus, que chanté les poèmes de Couté. Bernard Meulien a interprété le poème, mais là aussi j’ai fait chou blanc sur le net et ne puis vous proposer de l’entendre que dans une autre oeuvre, Sacré petit vin nouviau. La liste des interprètes est remarquablement longue… Et si vous voulez en savoir davantage, n’hésitez pas à aller voir le site que Bruno Daraquy a monté autour de  » Gaston Couté, l’insurrection poétique « .

Mais revenons à la lessive, de l’eau à l’air (en passant par la cendre… belle symbolique de la vie humaine!)… Plus je recherche sur le net, plus je suis étonnée du nombre incroyable d’oeuvres d’art qui ont eu pour sujet la lessive, dans toutes ses phases, depuis le transport du linge sale jusqu’au moment du repassage final (que je ne fais pas pas entrer dans cette catégorie). Et ce, dans des environnements très divers. Les cartes postales sur ce thème ne manquent pas non plus. Et que dire des affiches! Puisque le poète parle du parfum de l’iris, je vais terminer par une touche d’humour… noir pour rire jaune, avec celle-ci, qu’a peut-être utilisée sa mère, puisqu’elle date de la fin du 19ème siècle (1892).

Parmi les lavandières

Lavenderas de Sienna, Andres di Santamaria

Un texte de Brassens, extrait de « Les amoureux qui écrivent dans l’eau » (1954), texte que je ne connaissais pas du tout, découvert par ce beau matin d’avril alors que je recherchais des poèmes traitant de « lessive », en écho à ce que j’ai publié à l’aube. Bourré de références qu’il vous faudra décrypter, à moins que vous ne préfériez vous laisser aller à l’humour léger pour commencer (ou poursuivre) votre journée…. A déguster avec gourmandise et plaisir…

Un minuscule lavoir rudimentaire qui tombe de vétusté.
Entrent les jeunes lavandières.

Certaines portent le linge à laver sur leur tête, d’autres poussent une brouette.

Elles tournent en rond et chantent.



LE
CHŒUR
DES
LAVANDIÈRES

Maudits les pourceaux qui font
La lessive, la lessive.
Maudits les pourceaux qui font
La lessive du
Gascon.

LAVANDIÈRE
SOPRANE

La lessive, la lessive,

LE
CHŒUR
DES
LAVANDIÈRES

La lessive du
Gascon.

LAVANDIÈRE
CONTRALTE

La lessive, la lessive,

LE
CHŒUR
DES
LAVANDIÈRES

La lessive du
Gascon.





LA
NYMPHE
DE
LA
MER
BALTIQUE

Voici les jeunes lavandières,

Les manieuses de battoirs

Qui de la source à l’embouchure,

De l’étoile de l’aube à l’étoile du soir

Se chamaillent avec la crasse

D’autrui.



LE
CHŒUR
DES
LAVANDIÈRES

Maudits les pourceaux qui font
La lessive, la lessive
Maudits les pourceaux qui font
La lessive du
Gascon.

Elles ont rangé les brouettes et s’arment de leurs battoirs pour se mettre à l’ouvrage.

Entrent en grand désordre les jeunes amoureux qui écrivent sur l’eau.

Les lavandières les entourent; elles dansent en rond autour d’eux.
Elles brandissent leurs battoirs et font mine de les battre.
Elles chantent.



LE
CHŒUR
DES
LAVANDIÈRES

Voici les pourceaux qui font
La lessive, la lessive
Voici les pourceaux qui font
La lessive du
Gascon.



LA
NYMPHE
DE
LA
MER
BALTIQUE

Il serait vain de tirer le rideau,

Ce n’est pas une pierre de scandale,

Les jeunes amoureux qui écrivent sur l’eau

Ont coutume de retourner leur linge sale.



VÉNUS
HOTTENTOTE

Le donner à laver !

YAMUBA-PIED-MENU

Ils sont légers d’argent.

ÉGÉRIE
TOMAHAWK

Et trop bien élevés

Pour confier aux gens

Leurs divers soins de propreté.

LA
NYMPHE
DE
LA
MER
BALTIQUE

Quoique à leur sens les lavandières soient des garces

De fougueuses langues d’aspic.

Quant à s’en occuper eux-mêmes,

Croix de paille ; ils n’ont ni le temps

Ni le courage, ils sont des vic-

Times de la déesse
Flemme…

Le sexe de la grâce au reste

Ajoute encore à ce rustique

Et de pied en cap son costume

Relève de la botanique.

S’avance vers les nymphes
Aline.
Une courte jupe en coquelicot moule ses formes volubiles.



ALINE

Une jupe en coquelicot

«
Ami, aimons-nous au plus vite »

Une jupe en coquelicot

«
Ami, aimons-nous au plus tôt ».

Mademoiselle
Trois-Etoiles s’avance à son tour vers les nymphes.
Elle est coiffée d’un béret de lierre.



MADEMOISELLE
TROIS-ETOILES

Une coiffe en lierre pistache

«
Ami je meurs ou je m’attache »

Une coiffe en lierre pistache

«
Ami je m’attache ou je meurs ».

Entre
Fanchon.
Elle est vêtue d’un corsage en pervenche.
Un sein déborde le corsage.

FANCHON

En pervenche le canezou «
Ami c’est à vous que je rêve »
En pervenche le canezou «
Ami je ne rêve qu’à vous ».

LE
CHŒUR
DES
LAVANDIÈRES

Maudits les pourceaux qui font
La lessive, la lessive
Maudits les pourceaux qui font
La lessive du
Gascon.

LE
FACTOTUM
DES
JEUNES
AMOUREUX
De quoi vous mêlez-vous, gâteuses de rivière ?

LE
CHŒUR
DES
LAVANDIÈRES

Nous nous mêlons de nos affaires…
Que laveraient les lavandières
Si chacun suivait votre exemple !

LE
FACTOTUM

Baste, elles ne laveraient pas ;

Il y a dans le ciel d’autres choses à faire.



LE
CHŒUR
DES
GOUTTES
D’EAU

Elles nous laisseraient tranquilles.

Du pied du col de la
Furka jusqu’en
Camargue

Des
Pyrénées espagnoles jusqu’à
Royan

De
Saint-Germain source
Seine jusqu’à
Honneur

Et du mont
Gerbier-de-Jonc jusqu’à
Saint-Nazaire,

Ainsi que de n’importe où jusqu’à n’importe où

Nous nous promènerions toujours fraîches et pures.

LE
CHŒUR
DES
LAVANDIÈRES
Mais alors que mangeraient-elles ?

LE
FACTOTUM

Baste, elles ne mangeraient pas ;

Il y a sous le ciel d’autres choses à faire !

LE
COQ
BRAHMAPOUTRE suivi de la majeure partie des poules de l’endroit.

Nous pourrions conserver nos cuisses et nos ailes
Et mourir de mon naturelle.

LE
CHŒUR
DES
LAVANDIÈRES

Mais alors comment vivraient-elles ?

LE
FACTOTUM

Baste, elles cesseraient de vivre

Il y a sous le ciel d’autres choses à faire…

LE
CHŒUR
DES
MÈTRES
CUBES
D’AIR

Des poumons de moins à gaver !



LE
CHŒUR
DES
LAVANDIERES

Que deviendraient alors les demoiselles smart
Les généreuses demoiselles smart
Qui changent souvent de chemise
Et nous en confient la lessive !

LE
CHARMANT
DISCIPLE
D’APELLE

Elles feraient ce que les autres font

La lessive tout court ou celle du
Gascon.

HUON-DE-LA-SAÔNE

Et demain quand viendra l’usage
De retourner son linge sale
Pour paraître up to date on les érigerait
En élégantes d’avant-garde…

LE
CHŒUR
DES
CRASSEUX
OPINIÂTRES
Oh, l’agréable compagnie !

LE
CHŒUR
DES
LAVANDIÈRES faisant mine de battre les jeunes amoureux.

Y songez-vous, tas d’enragés
Les demoiselles smart contraintes
De décrasser leur linge
Ou de n’en pas changer.

LAVANDIÈRE
SOPRANE
Leurs purs appas couverts de malpropre linon ?

LAVANDIÈRE
CONTRALTE

Leurs phalanges rongées par la potasse ?



LE
CHŒUR
DES
LAVANDIÈRES

Ah non !

LE
CHŒUR
DES
FRÈRES
ET
SŒURS
CADETS
DES
JEUNES
LAVANDIÈRES

Ah non, car de ce fait leurs mains seraient plus dures
Et plus durs leurs va-te-laver sur nos figures…



LE
VIEUX
PROPHÈTE
DE
CORMEILLES

Elles inciteraient leurs pères cacochymes
A fabriquer plus de laveuses mécaniques.

Surgissent quatre ou cinq carrosses dorés.
Ce sont les demoiselles smart.
Leurs valets de pied s’empressent d’ouvrir les portières.

Les demoiselles descendent de voilure.
Elles sont accompagnées des meilleurs parfumeurs qui pour annihiler les effluves tenaces de la savonnette à vilain pulvérisent de l’opopanax dans leur sillage.



LE
CHŒUR
DES
DEMOISELLES
SMART aux jeunes lavandières.

A la bonne heure nécessaire,
Pour avoir pris notre défense
Contre ces personnes sans branche,
Ces personnes de basse source,
Vous laverez en récompense
Deux chemises supplémentaires
Que nous souillerons dans ce but.

Comme une seule, toutes les lavandières se jettent à plaît-il maîtresse aux pieds des généreuses demoiselles smart.



Elles font le chien couchant.
Fanatiquement elles baisent les semelles de leurs maîtresses.

LE
CHŒUR
DES
LAVANDIÈRES

Dieu vous bénisse, généreuses demoiselles,
A jamais pour vous notre zèle.

LE
FACTOTUM

Ainsi soit-il ; à votre guise
Rien n’est au reste plus grisant
Que le spectacle d’une esclave agonisant
Sous le talon d’une marquise…

LE
CHŒUR
DES
JEUNES
AMOUREUX

…………
DES
VOLATILES

…………
DES
MÈTRES
CUBES
D’AIR

…………
DES
GOUTTES
D’EAU

…………
DES
CRASSEUX
OPINIÂTRES

De-Ca-ra-bas.
De-Ca-ra-bas.
De-Ca-ra-bas.

Entre une troupe de lévriers de bourreau armés jusqu’aux dents.

Ils sont guidés par les valets de pied des généreuses demoiselles smart.

LE
VIEUX
PROPHÈTE
DE
CORMEILLES aux valets de pied.

Sycophantes à vos moments ?

LE
CHARMANT
DISCIPLE
D’APELLE
Quand les pots de chambre sont vides.



HUON-DE-LA-SAÔNE
Et que les bottes sont cirées.

ROBIN-PÉCHE-EN-EAU-DE-BOUDIN
Et les écuries nettoyées.

LES
LÉVRIERS
DE
BOURREAU

aux jeunes amoureux.

Circulez, circulez, circulez, circulez.

Ils brandissent leurs matraques.
Les jeunes amoureux s’échauffent.

LE
FACTOTUM

On leur lance des épluchures à la tête ?

Les jeunes amoureux opinent du bonnet.
Ils se munissent de cailloux et marchent vers les lévriers de bourreau.

Les nymphes s’interposent et pacifient les jeunes amoureux d’un geste.

Ils font alors des ricochets avec leurs projectiles.

LE
CHŒUR
DES
JEUNES
AMOUREUX

Les nymphes ont raison
Les nymphes ont raison.
On ne s’amuse pas à mettre
Flamberge au vent devant des sbires
Quand on a les grandes eaux de
Versailles
Dans la tête.

Entre le nain
Onguent-Miton-Mitaine.
Il va et vient en chantonnant d’un groupe à l’autre.





Parmi les lavandières, Brassens




Lavenderas de La Varenne, Martin Rico y Ortega
Source