Un lycée que j’aurais aimé fréquenter…

Avez-vous déjà été invité-e dans un lycée pour un vernissage? Moi, jamais. Aussi, poussée par la curiosité, ai-je accepté cette invitation, moi qui ai plutôt tendance à fuir les mondanités… Et je n’ai pas regretté. J’ai découvert un univers scolaire exceptionnel, et une proviseure remarquable de « peps », de dynamisme, et de « professionnalité épanouie », si vous me permettez cette expression.

Imaginez… Vous êtes dans la petite ville royale de Eu, non loin du Château des Comtes (et, voici peu, surtout de la Comtesse) de Paris. Non loin de l’ancien Collège des Jésuites, avec sa chapelle qui, elle, abrite souvent des expositions. Non loin de l’historique glacière, où l’on conservait les pains de glace venus par bateau sur la Bresle. Le long de cette rivière, justement. Verdure. Statues. On se croirait dans un jardin. La bâtisse elle-même n’a rien de très esthétique, même si l’on perçoit la créativité d’architecte en quête de modernisme. Portail : ouvert. Porte : ouverte. Personne à l’accueil. Nous errons en quête de l’espace « Galerie ». Découvrons des murs ornés de photographies, de peintures diverses… Une dame souriante arrive « Je peux vous aider? » et indique le chemin vers la galerie. Il faut sortir de l’autre côté du bâtiment, traverser une cour, longer le second, beaucoup plus moderne, lui, avec de grandes baies vitrées. Espaces verts, encore. Tables en bois évoquant les aires de pique-nique. Une passerelle semble conduire vers la ville. Nous arrivons au bord du canal qui mène du Tréport à Eu. Et trouvons enfin les lieux.

Car oui, dans cet établissement scolaire, le Lycée Anguier, a été créée une galerie d’art, inaugurée le 1er octobre 2021. Le professeur d’arts plastiques n’est autre qu’un ancien artiste, comme il me l’a expliqué, qui a conservé ses réseaux. Jugez-en à partir de ce petit extrait trouvé sur le net, concernant Thibault Le Forestier.

« Administrateur de la Fraap
Membre de l’association Flux Lem et du CRI Haute Normandie
Représentant du CAAP en Haute Normandie
Vice président de l’association des Beaux Arts de Rouen
Professeur d’arts plastiques au Lycée Anguier Eu »
« Administrateur de la Fraap
Membre de l’association Flux Lem et du CRI Haute Normandie
Représentant du CAAP en Haute Normandie
Vice président de l’association des Beaux Arts de Rouen
Professeur d’arts plastiques au Lycée Anguier Eu »

La galerie sert, tout au long de l’année, à exposer les oeuvres des élèves qu’il accompagne. Et, de temps à autres, des oeuvres d’un artiste plus connu. C’est le cas en ce pont du 8 mai. Mais, avant d’en arriver à l’exposition elle-même, je souhaiterais, si vous le permettez, poursuivre sur le lycée. Il offre une option Arts Plastiques de la seconde à la Terminale, et est en lien avec les classes préparatoires aux Ecoles des Beaux-Arts (ce n’est pas tout… il y a aussi photo, théâtre, etc.). En préparant ce texte, j’ai découvert le blog hébergé sur le site du lycée : c’est ici. Soit dit en passant, iels ont aussi un Instagram, bien sûr!

D’autres oeuvres sont exposées dans ce qui ressemble davantage à une salle à manger de restaurant bobo qu’à un réfectoire.

Même la cuisine ne ressemble pas à une cuisine…

Eh oui, ce sont bien les oeuvres de l’artiste exposé à la galerie, que vous voyez sur le mur du fond. L’Art au Réfectoire… Incroyable, non? Et superbe audace de la Proviseure, Sophie Perrat, une femme visiblement exceptionnelle, heureuse, selon elle, dans son travail et dans sa vie dans cette petite ville de Normandie, elle qui a exercé dans des établissements et des villes de plus grande importance.

Les tableaux sont ceux de Jean-Marc Thommen, qui expose ici jusqu’à la fin de l’année scolaire, ou presque.

Il vient de publier un livre, « Les stratégies de débordements », chez un éditeur peu connu EndEdition. Voici une présentation de celui-ci.

« Jean-Marc Thommen explique dans ce livre, entre autres sa façon autant de se réapproprier l’ébauche en un processus infini que dans la manière immersive de préparer une exposition (à la galerie des Jours de Lune).
Reste toujours une part d’énigme dans une telle approche autant par ce qu’elle fait que par les gestes pour la mobiliser ainsi que les phénomènes qui interrogent le créateur.
Plus particulièrement et comme le souligne Pauline Lisowski, avec Débauche d’ébauches l’artiste invente toute une série de superpositions de découpes pour jouer entre décision et indécision, commencement et recommencement.
Et c’est ainsi qu’une telle œuvre suit son cours. »

Je vous laisse maintenant continuer à découvrir cette exposition, non plus au réfectoire, mais dans la salle dédiée, la Galerie…

Vous l’avez peut-être deviné, la dernière oeuvre présentée est ma préférée… Normal, je travaille en ce moment sur « La Sombritude »…

Henner et la Femme

Vous avez déjà pu voir les femmes proches du jeune Henner… Encore vous ai-je épargné le sinistre tableau représentant sa mère au chevet de l’enfant défunte… Vous avez vu aussi l’Alsace douloureuse incarnée par une jeune femme en costume traditionnel de veuve… Je vous propose de continuer à explorer les diverses facettes de la Femme interprétée par l’artiste.

L’exposition en cours, au moment où j’ai visité le musée, avait pour thématique les portraits (jusqu’au 5 juin 2023). Ce n’est pas ce que j’ai préféré, mais je me dois de vous en présenter quelques-uns, n’est-ce pas?

J’aime particulièrement celui-ci, qui représente Alice Durand-Gréville. La femme du critique d’art, ami de Henner, était écrivaine, sous le nom d’Henry Gréville.

Femme-passion, femme-enfant, femme-symbole… une variété infinie…

« Cherchant l’âme dans le visage, l’expression fugitive et passagère qui met un éclair de splendeur à la plus vulgaire physionomie, le Maître étudie patiemment son modèle, jusqu’à ce qu’il l’ait trouvé. L’instant vient où l’étincelle jaillit. Il la saisit, rapide et fugitive, et la fixe sur la toile, à jamais arrêtée. C’est là un art suprême et c’est ce qui tentera toujours les jolies femmes d’être peintes par Henner.
Vento, 1888″ 

La Femme est séduction, pour l’artiste qui semble avoir résisté à la tentation toute sa vie, d’après ses biographes… Est-ce ce qu’a voulu signifier le/la scénographe en plaçant les deux natures mortes à cet endroit étrange?

Quelle que soit sa posture, et l’environnement dans lequel elle se trouve, la Séductrice est omniprésente, plutôt soumise que dominante… Quoique…

« La Madeleine », alias Marie de Magdala, alias Marie-Madeleine, La Chair et l’Idéal réunis…

Vous l’aurez remarqué, la « roussitude » plaît au peintre. Les longs cheveux roux font peut-être référence à un autre peintre dont nous avons vu des oeuvres dernièrement… Vous souvenez-vous? Celui pour lequel ils représentent le Mal, la Vampire, la Dominatrice?

Mais revenons à Henner, avec les Naïades, dans toute leur nudité et leur lascivité.

Des huîtres, encore des huîtres!

Comme dit dans l’article précédent, nous étions venu-e-s en famille à Lanton pour déguster les huîtres du crû, sur le conseil des « jeunes » qui fréquentent souvent « Le Cabanon ».

Un petit mot d’abord de l’endroit, fort agréable. Niché au bord du petit port de Cassy, il constitue une grande « cabane » (non tchanquée, comme je le disais précédemment, rien que pour utiliser ce mot surprenant), avec une jolie vue sur le port, qui doit être encore plus agréable depuis la terrasse, rendue inutilisable par le fort vent de ce dimanche de mars.

Qu’à cela ne tienne! L’intérieur est spacieux, et notre table reculée permet de ne pas souffrir du bruit. Certes, la vue est limitée. Mais il reste les tableaux. Je préfère nettement celui du fond, ici, aux autres plus colorés.

L’accueil est chaleureux, et nous commençons par ce que l’on nous présente comme « une sangria blanche », ce que personnellement je nomme « marquise ».

La carte est prometteuse, et le prix des huîtres fort raisonnable si l’on compare à ceux qui sont pratiqués ailleurs.

Quatre douzaines sont immédiatement commandées… mais une à une d’autres suivront… nous atteindrons les 7 douzaines, tant elles sont remarquablement délicieuses, charnues à point.

J’avais appris la veille qu’en pays gascon on les sert avec du pâté, ce que je n’aurais jamais imaginé. Donc, essai, bien sûr. Les deux sont bons, mais pour ma part je les préfère séparés…

Un petit vin blanc pour accompagner, bien évidemment. Chance! J’avais déjà apprécié le Graves blanc, rare dans les restaurants. Et il y en a !

Place maintenant au rizotto de coquilles Saint Jacques, pour les uns, aux crevettes, pour les autres, et aux poissons grillés.

J’apprécie une dorade toute simple, accompagnée d’une pomme de terre en robe des champs avec crème légère.

Certain-e-s ont préféré prendre des brochettes de thon, avec cuisson sur demande.

Et iels ont préféré un peu de rouge pour les accompagner. Encore du Graves!

Je vous passe les desserts (et notamment les excellentes crêpes) et le café. Pas de pousse-café, il faut rentrer ! Une promenade dans un vent de plus en plus fort sera bien digestive…

Le Musée Jean-Jacques Henner : la demeure de Guillaume Dubufe

Ce nom vous dit quelque chose? Normal, si vous me suivez… Car vous vous êtes déjà promené-e-s dans une des pièces de cette demeure du 17ème (arrondissement, pas siècle) : le jardin d’hiver. En effet, c’est là que je suis allée écouter le trio dont je vous parlais dans un précédent article. Un peu injuste qu’on nomme ainsi ce musée, alors qu’il s’agissait de la demeure d’un autre artiste, Guillaume Dubufe.

« Issu d’une dynastie d’artistes, dont le père Edouard et le grand-père, Claude-Marie, ont acquis une grande notoriété de portraitistes au fil du siècle, Guillaume Dubufe (1853-1909) se détourne de la tradition familiale pour se lancer dans la grande décoration. Il a ainsi réalisé plusieurs décors monumentaux importants comme certains plafonds du buffet de la gare de Lyon, de la bibliothèque de la Sorbonne et du foyer de la Comédie française, ou encore de la salle des fêtes de l’Élysée.

En 1878, il achète au peintre Roger Jourdain (1845-1918) « un rez-de-chaussée et deux étages sous comble ». Son architecte, Nicolas Félix Escalier (1843-1920), est aussi celui de l’hôtel particulier de l’actrice Sarah Bernhardt, situé rue Fortuny » (site officiel)

C’est lui qui a fait agrandir la demeure, l’a aménagée, a créé le jardin d’hiver, etc. Bref, en a fait, avec une créativité certaine, ce qu’on en voit aujourd’hui, même si cela a été vidé, épuré…

Le quartier était alors très « à la mode », comme on peut le constater en visitant l’ancienne salle de séjour, qui lui est partiellement consacrée, avec des plans papier et numérique. Je me suis d’ailleurs promis d’aller le visiter plus en détail une autre fois.

Autre intérêt de cette salle de séjour : les parements en carreaux de Delft, plutôt inattendus à cet endroit.

La demeure comporte trois étages. Au premier, salons et salle de séjour, ainsi que le jardin d’hiver. Les escaliers qui permettent d’accéder aux trois étages m’ont évoqué un certain Escher…

Les paliers ne manquent pas de surprendre par leur originalité. L’un, par exemple, est ouvert par un moucharabieh.

Des escaliers partent de ci, de là. Deux d’entre eux, sur le dernier palier, mènent à l’atelier qui occupe tout le troisième étage. Pourquoi deux? Dont l’un très étroit… Mystère!

L’atelier est vaste, avec une hauteur de plafond à faire pâlir d’envie plus d’un-e artiste.

Un magnifique tapis, d’une taille tout aussi impressionnante, orne le plancher.

Si vous regardez bien cette photographie de Dubufe dans son atelier, prise autour de 1900, vous pouvez voir le tapis en question… ou un similaire…

Dubufe dans son atelier, par Edmond Benard, 1880-1910 © INHA

Je vais vous laisser sur cette image, car l’atelier a été transformé en lieu d’exposition. Et c’est de celle-ci que je vous parlerai dans un prochain billet. Elle ne concerne pas Dubufe, mais Henner. Laissons donc notre hôte dans ces lieux, en attendant d’y retrouver celui qui les squatte maintenant…

Raza. Episode 2 : rouge… Indien?

Je vous ai entraîné–e-s hier dans les premières décennies de la vie de Raza, durant lesquelles on le voit tenter, essayer, voyager à travers sa vie mais aussi sa peinture. Il est cependant un élément que l’on retrouve tout au long de celle-ci : le rouge. Vous l’avez vu dans l’un de ses premiers tableaux, qui représentaient de jeunes femmes d’Inde, puis dans ses paysages bien « français », et enfin dans des peintures plus abstraites. Plus on avance dans sa carrière, plus cette couleur va devenir prégnante, au point que l’on pourrait considérer qu’elle caractérise l’artiste à partir d’une certaine époque.

Je ne suis pas parvenue à trouver ce qu’il utilisait comme matériau pour que ce rouge soit si éclatant. Mais je suis allée chercher si cette couleur avait en Inde une signification particulière. Oui, elle évoque la joie, le bonheur, l’amour. C’est d’ailleurs la couleur du mariage. Considérant l’aspect pragmatique, le rouge dit « indien » est un oxyde de fer naturel, provenant des sols de latérite rouge. Mais il n’est pas dit que cela soit la composition utilisée par Raza. Car son rouge est si éclatant qu’il me paraît autre. Et car il est bien d’autres « rouges »… Voir par exemple les pigments proposés sur ce site. A ce propos, un joli carnet de voyage en « couleurs ». Bref, si l’un ou l’une d’entre vous sait ce qu’utilisait Raza pour son rouge si lumineux, merci de le mettre en commentaire!

Pour en revenir à l’exposition, même si l’on peut considérer que cette couleur constitue un « fil rouge » (c’est le cas de le dire!), elle devient plus présente lorsque Raza s’intéresse à l’histoire de la peinture de son pays, en lien avec la religion et la philosophie. En témoigne ce tableau, moderne par sa structure, mais relié par le texte à une tradition ancienne (pardon pour la mauvaise qualité!).

Dans certaines oeuvres, le rouge intervient en force parmi d’autres teintes. En voici un petit florilège, commençant par les « transparences », continuant avec les « dégoulinures » (j’ignore le terme technique, excusez-moi!), pour finir en « force »… jusqu’au dernier de ces « extraits » où c’est lui qui domine, dans un panel de nuances qui s’opposent tantôt aux déclinaisons de noir, tantôt aux variations de jaune.

Les salles progressivement sont ainsi envahies par la couleur rouge, qui devient omniprésente et, de discrète, se fait rayonnante, éclatante.

Une explosion de rouge à la fin du parcours, dont je vous parlerai dans l’épisode 3. Juste, avant de nous quitter, un avant-goût avec indice de ce que sera sa thématique.

Raza. Episode 1 : de l’Inde à la France

Encore une belle lacune dans ma culture : je ne connaissais pas Raza. Pourtant, en visitant l’exposition qui lui est consacrée au Centre Pompidou, je me suis aperçue que j’avais déjà vu des tableaux de lui. Difficile de rendre compte d’une exposition aussi riche. J’ai fait le choix de vous proposer un triptyque, dont voici le premier volet.

Nous commençons en Inde, en 1948, avec une sélection de deux tableaux très différents, comme vous pouvez le constater.

L’engagement dans l’art n’est pas un isolement, comme on peut l’observer tout au long de l’exposition; il milite, se bat, et crée avec d’autres. A cette époque, au sein du PAG (Progressive Artists Group), qu’il fonde à 25 ans.

On le retrouve une dizaine d’années plus tard en France. D’abord à Paris. Les tableaux de l’époque font émerger un style tout en trahissant la recherche du jeune artiste.

Il commence à être remarqué, à remporter des prix…

Une série d’oeuvres « informelles », si j’ose dire, montre qu’il dessinait finement, sur n’importe quel support, comme sur ce journal, en 1953.

C’est aussi à ce moment qu’il rencontre l’artiste qui va l’accompagner jusqu’à la fin de sa vie… et s’installer avec elle dans un village que mes fidèles abonné-e-s connaissent bien, car je leur en parle au moins une fois par an, en aficionada de ce petit bourg perché au-dessus de Menton, que j’affectionne particulièrement, Gorbio. A ce propos d’ailleurs, je me demande pourquoi il n’y est pas fait état de la présence de ce peintre?

L’hétérogénéité de son oeuvre jusqu’aux dernières décennies n’a pas dû rendre aisée la scénographie. Mais je l’ai trouvé très réussie, riche et épurée, toute en finesse.

Impossible, bien sûr, de rendre toute la richesse de cette exposition. Voici une petite sélection des 20 années suivantes. D’abord avec l’émergence de ce rouge si intense qui caractérise une partie des oeuvres.

Puis avec les jeux de superposition et la transparence extrême de certains tableaux, en particulier dans une série datant des années 60, dont celui-ci dont j’ai photographié un extrait.

D’autres « extraits » de ses voisins, pour clore ce premier volet.

La rencontre du Geste et de l’Esprit (2)

Je vous ai déjà présenté Young-sé Lee, et ne vais donc pas recommencer. Par contre, je ne vous ai pas encore parlé de la « démonstration » qu’il fit de son art, en ce samedi 18 février 2023. Vous avez pu lire hier quelques explications concernant la calligraphie, à partir d’une vidéo sur un autre peintre célèbre. Tout cela, j’ai eu le bonheur de le vivre « en vrai », « en direct », « en live », comme disent les franglophones…

La « palette » (objet qui brille par son absence, soit dit en passant…) est beaucoup plus réduite que celle de son prédécesseur. Les trois couleurs primaires. Du bleu, du jaune, et du cinabre. Couleur que je ne connaissais pas. Et dont j’ai appris depuis qu’il est utilisé depuis l’Antiquité, que jadis en Chine seuls les empereurs pouvaient l’utiliser, et qu’il provient d’un minéral en lien avec le souffre.

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Et surtout du noir. De la « suie » issue du charbon de bois.

«  Le bâton d’encre est, avec le pinceau, le papier de riz et la pierre à encre, un des quatre trésors du lettré, instruments de la calligraphie et de la peinture de lettré chinoise, coréenne et japonaise.

Le liant originel de l’encre de Chine proprement dite, en bâton, est une colle de protéine, colle de peau ou colle de poisson

La préparation de l’encre, qui précède l’exécution d’une calligraphie ou d’une peinture de ce style, consiste à moudre le bâton d’encre sur la pierre à encre, avec de l’eau. La proportion d’encre et d’eau détermine l’intensité de l’encre, et permet d’aménager des contrastes ; notamment dans la peinture de paysages3«  (source)

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Ce que vous voyez au premier plan, c’est le rouleau de papier coréen, fait d’écorce de mûrier. S’il vous intéresse de voir comment est fabriqué ce type de papier, vous pourrez le découvrir ici, ou, en vidéo, là, très pédagogique...

Un seul pinceau pour l’ensemble des oeuvres qui seront créées devant nous. Le peintre m’expliquera à la fin que c’est pour lui très important, comme une gageure, un signe d’expertise en quelque sorte, en tout cas une fierté, et qu’il y tient. Mais que d’autres ont tout un panel de pinceaux de tailles divers et surtout aux configurations de poil différentes. Il ajoute que la qualité du pinceau est extrêmement importante, et qu’il n’est pas toujours aisé de trouver l’objet idoine. Il faut absolument que ce soit du poil de chèvre pur.

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La phase de préparation est donc assez longue; de même que la phase de concentration avant le premier geste. Cela sert, comme je le disais, l’aspect spirituel de la création artistique.

Et voici l’oeuvre achevée, présentée par l’assistante du peintre.

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Elle va rejoindre, malheureusement sur le sol (je vous ai parlé de l’incroyable inorganisation de la séance!), les autres productions récentes.

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Chacune a permis de voir des facettes différentes de cet art… La première (ananas et pommes), notamment, comment on obtient des nuances de couleurs très fines et comment le blanc façonne les formes. La seconde, comment on travaille les courbes et comment l’on dessine finement à l’aide de « points » en pressant plus ou moins le pinceau. J’ai été particulièrement séduite, dans la suivante, par la manière dont les spécificités des bambous étaient rendues, juste par la manière de presser ou non le pinceau, plus ou moins encré, dans un trait sans interruption aucune. Admirez…

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J’étais cependant un peu frustrée car, si vous vous souvenez bien, j’attendais ce que bêtement je considérais comme de la calligraphie (sans doute en lien avec mon expérience d’immersion en pays de culture arabe) : de l’écriture. Aussi fus-je ravie de voir cette attente comblée dans la deuxième phase… Les mêmes mots, en quatre styles différents.

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Vous avez remarqué que, cette fois, le pinceau est tenu bien droit, la main placée assez haut…

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Si, si, je vous assure, ce sont bien les mêmes mots… Hélas, je ne me souviens plus exactement lesquels, mais ils ont un rapport avec « lumière » et « printemps ». Et en voici deux autres interprétations (calli)graphiques.

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Comme je vous le disais, j’ai eu l’honneur de discuter avec l’artiste à la fin, et il m’a fait une démonstration « personnelle ».

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Une journée de rencontres. Episode 2 : l’encre en mouvements

Cet article fait suite au précédent, puisque nous allons retrouver 4 des personnes qui y étaient évoquées.
Mais avant d’en venir à elles, je souhaite vous faire partager tout l’intérêt que j’ai pris à la visite de l’exposition « L’encre en mouvement » qui se déroule actuellement au Musée Cernuschi.

Une chance incroyable! Une place de parking juste en face de l’entrée du musée! Dirigeons-nous donc vers lui…

Certains titres d’expositions sont un peu trompeurs, voire « propagandistes »… Ce n’est pas le cas ici. Et le terme « mouvement » est aussi riche que les perspectives qu’il permet. Vous remarquerez que, dans le titre, j’ai ajouté un « s », pour marquer la pluralité de ces dynamiques. Mouvements artistiques. Mouvements sociétaux. Et mouvements de la main des calligraphes… Tout est présent dans cette exposition qui explique bien comment les calligraphes asiatiques ont investi un art traditionnel et assez strict, s’en sont emparés, et l’ont adapté à leur créativité. Bref, une belle synergie entre passé et présent, entre tradition et création, entre culture et individualité…

Je ne peux pas vous montrer tout ce que j’y ai découvert, bien sûr, mais je peux vous présenter un petit florilège, avec encore toutes mes excuses pour la mauvaise qualité des photos. Elles n’ont ici comme prétention que celle d’un « reportage », pas d’une valeur artistique autre que celle de l’oeuvre photographiée.

Vous l’aurez deviné, c’est un ordre chronologique qui a été adopté pour la scénographie de cette exposition, qui présente des artistes du 20ème au 21ème siècle. Elle commence par la calligraphie au sens premier du terme (la « belle écriture »).

Mais qui était la Dame Qiao? Suis allée chercher sur le net… Merci Wikipédia!

« Da Qiao (entre 175 et 186 – entre 220 et 229) fut une épouse du seigneur de guerre chinois Sun Ce ainsi que la fille de Qiao Xuan lors de la fin de la dynastie Han en Chine antique.« Da Qiao (entre 175 et 186 – entre 220 et 229) fut une épouse du seigneur de guerre chinois Sun Ce ainsi que la fille de Qiao Xuan lors de la fin de la dynastie Han en Chine antique.

On raconte qu’elle était, avec sa petite sœur Xiao Qiao, la plus belle dame du royaume de Wu. On disait que la beauté de Da Qiao faisait tourner la tête à la Lune et même rougir la plus belle des fleurs.

Elle eut une fille avec Sun Ce, Sunshi, qui se maria avec le célèbre général Lu Xun du royaume de Wu, et qui eut pour enfant Lu Kang.« 

Mais l’encre ne sert pas qu’à « écrire ». Et, dans la plupart des oeuvres présentées, « écriture » et « peinture » se complètent. Les guillemets traduisent toutes mes réserves sur la distinction entre les deux, je pense que vous me comprenez… et comprendrez encore mieux en voyant les quelques oeuvres ci-dessous. Comme je n’ai pas l’intention de reproduire l’exposition ni de faire oeuvre de pédagogue, je ne vous présenterai pas les artistes concernés. Mais je pourrai répondre à vos questions, si vous le souhaitez.

La première oeuvre (Wang Zhen, 1922) représente le moine bouddhiste Huaisu, qui vécut au 8ème siècle. Ce célèbre calligraphe chinois aurait planté des bananiers autour de son ermitage pour pouvoir utiliser leurs feuilles comme support d’écriture.

Ce sont donc d’abord des caractères seuls qui sont présentés, puis on découvre comment ils viennent « compléter » (mais lesquels complètent les autres?) des « peintures » figuratives, plus ou moins esquissées, plus ou moins détaillées.

Plus on avance dans le temps, plus on a l’impression que les caractères s’effacent. Ainsi, la découverte des peuples de l’ouest, lorsque les artistes ont fui Pékin, a poussé certains à reproduire ce qui les étonnait.

Puis vint l’époque où les peintres s’intéressèrent aux nus. Telle cette artiste, Pan Yuliang (1895-1977) dans cette oeuvre intitulée « Nu assis au qipao rouge ». Un qipao, c’est une robe longue et ample, qui était autrefois de mise à la cour des Mandchous, avant de se rétrécir, se répandre et se populariser dans les années 1920.

Nous en arrivons à la naissance de l’abstraction, et aux artistes dont certains ont connu une renommée internationale. Je ne citerai que Zao Wou Ki, dont j’ai déjà parlé dans ce blog. Il ne pouvait être absent de cette exposition, bien sûr.

Dans la même salle, j’ai cru reconnaître Soulages, à ma grande surprise… Que faisait-il là? Mais non, ce n’était pas lui, mais un artiste chinois. Avouez que la méprise est explicable?

L’exposition se termine par des oeuvres récentes, dont celles-ci, que j’ai appréciées parce que, selon moi, elles poursuivent la tradition tout en innovant, dans des « styles » très différents.

Une journée de rencontres. Episode 1 : Young-sé Lee

Il est des journées qui commencent de manière assez ordinaire, mais se transforment par enchaînement de faits ou d’échanges… Tel fut ce samedi de février, qui a mis sur ma route des personnes capables de redonner sourire et espoir.

Deux d’entre elles sont arrivées en France depuis les contrées lointaines de l’Asie. Elles n’ont que cela de commun, outre leur force intérieure perceptible. Les 7 autres venaient hier du Vexin pour 2, de l’Est de Paris pour 3, de Paris pour la 6ème et environ de Corte pour la dernière. Mais oublions les considérations géographiques et revenons aux faits.

J’avais décidé de découvrir un des musées parisiens dans lequel je n’ai jamais mis les pieds: le Musée Cernuschi. S’y déroule actuellement une exposition sur l’utilisation des encres, thème qui m’avait alléchée. En outre, il était annoncé une démonstration de calligraphie. Moi qui m’y intéresse depuis ce stage organisé par le Ministère de la Coopération, voici bien longtemps, où j’avais eu la joie de rencontrer Hassan Massoudy – dont bien sûr nous ignorions qu’il allait devenir aussi célèbre! Donc, déjeuner vite expédié, à « l’heure des vieux », voiture, stationnement dans l’enceinte jouxtant le Parc Monceau (une chance!), Musée à 13h15, le seul créneau disponible sur le net le matin même. Une inorganisation assez remarquable, il faut l’avouer. Impossible de télécharger les billets. Un seul guichet pour les renseignements, la librairie, l’achat de billets et leur retrait (mon cas). Et pas moyen de réserver pour la calligraphie, alors qu’on nous annonce à peine une quarantaine de places pour l’événement dont nous apprenons qu’il aura lieu… à 15h30. Sachant que les trois quarts du Musée sont fermés et qu’il n’y a pas de café, l’attente va être longue! Mais le personnel est charmant, et la dame préposée à l’entrée promet de me faire garder deux places. J’aurais pu ajouter le personnel dans les rencontres donnant espoir… Car, par la suite, ils et elles ne furent pas moins de 7 pour gérer avec une amabilité certaine l’inorganisation qui a fini par le stationnement de l’ensemble du public sur un palier où les nouveaux arrivants les doublaient pour aller se mettre à la porte de l’auditorium, d’où le personnel était obligé de les renvoyer vers la queue. Vous pensez bien que deux sont quand même parvenus à « griller » tout le monde, y compris deux personnes âgées qui heureusement avaient apporté leurs sièges! Quant à moi, fort gentiment, il m’en fut apporté un par un charmant jeune homme. Enfin, après cette longue attente, La Rencontre. Celle de Young-Sé Lee.

Je ne saurai en réalité qu’après la séance qui il est. Car nulle présentation. Pas un mot. Aucun organisateur pour nous dire qui nous fait l’honneur de cette démonstration. Et, par la suite, aucun commentaire jusqu’à la fin où, enfin, se noue le dialogue avec l’artiste. Je comprends la nécessaire concentration du peintre, du calligraphe. Ce silence dans lequel il médite, conçoit, crée, avant de situer très précisément le pinceau à un endroit déterminé du « papier ». Mais au moins une affiche aurait pu nous informer sur l’artiste… Bref, tout ce que je vais maintenant vous dire de lui est né de la conversation qu’il m’a accordée à la fin de la démonstration. Et je souhaite le partager avec vous, car vous pourrez ainsi le découvrir. Pas seulement lui. Ses parents aussi.

En effet, Young-sé Lee est fils de deux artistes qui se sont rencontré-e-s en 1949 au Salon des Beaux-Arts de Séoul. Son père, Lee Ungno (décédé en 1989), est présenté en ces termes lors d’une exposition:

« Lee Ungno (1904-1989) est l’un des peintres asiatiques les plus importants du XXe siècle en raison de son rôle pionnier dans la fondation d’un art coréen contemporain, de sa participation au mouvement de l’art informel en France ainsi que de son enseignement de la peinture à l’encre qui inspira plusieurs générations d’artistes. »

Quant à sa mère, In-kyung Park, elle expose actuellement à la Galerie Vazieux, rue du Louvre. Elle avait 23 ans lorsqu’elle fut exposée au Salon où elle rencontra celui qui allait devenir son époux.

« Artiste dès son plus jeune âge, In-kyung Park expose en 1949 au Salon National des Beaux-Arts de Séoul où elle obtient le premier prix de peinture. « 

« À près de 97 ans, sa flamme créative continue de briller. Installée dans une petite maison baignée de lumière, Park In-kyung travaille quotidiennement, entourée par les arbres et la végétation. Le souffle du vent, un rayon de soleil, des feuilles déchues ou des pétales de rose, les éléments naturels sont pour elle une source d’inspiration inépuisable.

Assise au bord d’une table ou allongée sur le sol, l’artiste fait danser son pinceau et glisser l’encre noire sur la surface lisse du papier hanji. De ses mouvements fluides et ses touches assurées naissent des formes simples, presque abstraites, qui viennent chanter son ode à la nature. » (source)

La photo qui suit la montre à une époque récente, toute à son art.

Les deux artistes se sont installés définitivement en France en 1960. Le jeune Young-sé avait donc 4 ans lorsqu’il est arrivé à Paris. Pas étonnant qu’il maîtrise parfaitement le français, comme l’ont découvert les spectateurs/trices qui, au départ, pensaient avoir affaire à un allophone. Car nulle présentation n’a été faite de l’artiste qui allait oeuvrer pendant deux heures devant elles et eux… on en revient à l’organisation!

Artistes Young-sé Lee - Galerie Sabine Vazieux

Ce que je viens de vous dire est possible grâce à la gentillesse de celui-ci, qui a accepté des échanges avec le public – et en particulier avec moi – à la fin de sa démonstration. Il m’a entre autres dit qu’il était en train de refaire son site, et que je n’y trouverais rien. Ensuite, je me suis renseignée sur Internet…

« Artiste d’origine coréenne né en 1956 à Séoul, Young-Sé Lee, arrive très jeune à Paris où il s’initie à la peinture dans l’atelier de son père Ungno Lee, avant de fréquenter la grande chaumière, puis l’École des Beaux-Arts.

Son œuvre, résolument moderne, trouve ses racines dans la tradition asiatique. La nature, traduite de manière informelle, mêle végétal, minéral, eau, terre et lumière, et dialogue avec la richesse des matières et des techniques utilisées par l’artiste. » (source)

« Études à Paris à l’École d’Art Graphique (1974-1975), à l’École d’Art Appliqué (1975-1976), à l’Académie de la Grande Chaumière (1976-1978), et à l’École des Beaux-Arts (1980-1984). Young-Sé Lee participe à plusieurs expositions collectives de peintures depuis 1971 à Séoul, Londres, Paris (Asian Avant-garde, Paris, Salon des Réalités Nouvelles), Francfort (Foire Internationale de Francfort) et également à des expositions personnelles à Séoul, San Francisco, Strasbourg, Paris… Depuis 2010, parallèlement à son travail de peintre, il s’intéresse à la photographie. » (source)

C’est ainsi que j’ai appris que ce peintre et calligraphe avait une autre corde à son arc. En voici un exemple.

Ce fut un vrai plaisir de découvrir cet homme, au travers de sa création, mais aussi des commentaires qu’il voulut bien faire à la fin, à destination d’un public plutôt novice en la matière. Et je me suis promis d’aller à la galerie Vazieux, et d’essayer de trouver ses oeuvres picturales et photographiques dans les galeries et musées…