En ce sinistre dimanche de septembre, où Paris respire tellement bien qu’elle est pratiquement vidée de tous ses passant-e-s, sous un ciel de plomb, entre deux averses et parcourue par une bise glacée, l’idée d’aller voir un concert a été partagée par un certain nombre de personnes, à en juger par la quantité de spectateurs/trices en l’église Saint Louis… J’étais de ce nombre, pour entendre l’ensemble Sarocchi que je ne connaissais que de nom.
Et je n’ai pas été déçue.
Une très grande variété, telle est l’expression qui me vient en tête en revivant ce concert.
Bien sûr, de la polyphonie. Chants sacrés, mais aussi chants profanes. J’ai particulièrement apprécié l’Ave Maris Stella pour les premiers… tout en appréciant l’Introït, le Kyrie Eleison, etc. Et j’en ai profité pour apprendre ce que sont les paghjelle. En voici une présentation sur un site qui répertorie 300 textes de paghjelle…
« La paghjella est une des formes du chant polyphonique traditionnel. C’est le chant de fête par excellence car on l’entonne durant toutes les manifestations festives (fêtes patronales, banquets, noces etc.) Ne pas confondre la paghjella avec d’autres formes de polyphonies qui s’en inspirent dans le style de chant comme les « Terzetti » ou « Terzine » (tercets hendécasyllabiques le plus souvent rédigés en toscan), les « madricali » (chants d’amour à métrique libre en toscan également) et surtout le chant religieux tiré de la liturgie romaine, la plupart du temps en latin parfois appelé « messa in paghjella » (messe en paghjella).
Il s’agit d’une poésie profane composée d’un sixtain d’octosyllabes, certains pensent qu’il s’agit plutôt de 3 vers de seize pieds. »

Mais aussi, des chants traditionnels ou plus « modernes »… Un sacré voyage dans les montagnes corses fleurant bon le thym sauvage… L’Alcudina du sud de la Corse, particulièrement… « L’enclume »… dont je connais surtout Bavella comme beaucoup de « continentaux »… ou les églises des villages, quand un prêtre dénonçait un vol d’instrument agraire en chantant… Ou encore dans les auberges, quand une aubergiste vilipendait l’arrivée du train qui menaçait son activité d’accueil des muletiers dont les chemins se croisaient à sa porte… Vous trouverez les paroles de A canzona di u trenu sur ce site, qui répertorie de nombreuses paroles de chansons traditionnelles. Le violon jadis présent dans le groupe a été remplacé par la contrebasse qui a eu bien du mal à essayer d’imiter le sifflet du train, pour la plus grande joie du public!
Une autre forme musicale typique : le lamento. Celui du berger, U lamentu di u pastore, interprété en solo par un jeune chanteur du groupe, Ghjuvan Petru Pieve. Ou encore celui du bandit d’honneur Ghjuan Camellu Nicolai, assassiné à 25 ans, dont j’ai trouvé une version datant de plus de cinquante ans ici.
« Je suis devenu bandit,
Un bandit à la fleur de l’âge,
Parce que le destin maudit
A frappé mon frère au village… »
Ecouter tout un concert de polyphonie est parfois un peu difficile… Mais permet d’en saisir toutes les facettes. La variété des pièces est un pari un peu risqué. Que j’ai trouvé pour ma part gagné. Car le public était conquis, comme je l’ai été. Les instruments aussi m’ont surprise.

La cetera était accompagnée d’instruments « classiques », mais aussi à un moment donné d’un instrument indien, shruti box…

Une autre originalité du groupe, dont les membres sont au nombre de 4, alors qu’habituellement une polyphonie corse concerne trois voix… (pour les membres du groupe, voir ici).

Et bravo au groupe, et à son fondateur qui a réussi ce pari, de faire rire avec le jeu de la mora, ou pleurer d’émotion à l’écoute de certains morceaux… jusqu’à l’hymne final, réunissant le public et les musiciens…
