Ce matin je voyage en poésie, tant à travers l’espace qu’à travers les époques.
Je voulais vous parler de M’Ririda N’Aït Attik, mais il me faut trouver une version libre de ses poèmes… Je vais m’y atteler ce jour.
Aussitôt m’est venue en tête une autre femme, avec qui, je trouve, elle a bien des points communs : Psapphô.
C’est pourquoi aujourd’hui je vous propose la seule oeuvre d’elle qui nous soit parvenue entière, après plus de 2600 ans… et qui continue à faire chanter la voie de cette femme extraordinaire.
A Aphrodite
Toi dont le trône étincelle, ô immortelle Aphrodite, fille de Zeus, ourdisseuse de trames, je t’implore : ne laisse pas, ô souveraine, dégoûts ou chagrins affliger mon âme,
Mais viens ici, si jamais autrefois entendant de loin ma voix, tu m’as écoutée, quand, quittant la demeure dorée de ton père tu venais, Après avoir attelé ton char,
de beaux passereaux rapides t’entraînaient autour de la terre sombre,secouant leurs ailes serrées et du haut du ciel tirant droit à travers l’éther.
Vite ils étaient là. Et toi, bienheureuse, éclairant d’un sourire ton immortel visage,
tu demandais, quelle était cette nouvelle souffrance, pourquoi de nouveau j’avais crié vers toi,
Quel désir ardent travaillait mon cœur insensé : « Quelle est donc celle que, de nouveau, tu supplies la Persuasive d’amener vers ton amour ? qui,
ma Sappho, t’a fait injure ?
Parle : si elle te fuit, bientôt elle courra après toi ; si elle refuse tes présents, elle t’en offrira elle-même ; si elle ne t’aime pas, elle t’aimera bientôt, qu’elle le veuille ou non. »
Cette fois encore, viens à moi, délivre moi de mes âpres soucis, tout ce que désire mon âme exauce-le, et sois toi-même mon soutien dans le combat.
Mais pour vraiment l’apprécier, il faut le lire en grec, car les épithètes homériques dont ce texte est truffé sont toujours un peu « lourds » dans les traductions… Prenez par exemple le premier mot de ce texte, « poïkilothroné »… plus musical que « toi dont le trône étincelle », non? « dolopoké », ensuite : « ourdisseuse de trames »… Je vous suggère donc d’essayer de le lire, même si vous ne comprenez pas tous les mots, afin d’en saisir la poésie pleine et entière…
εἰς Ἀφροδίτην
Ποικιλόθρον᾽ ἀθανάτ᾽ Ἀφρόδιτα,
παῖ Δίος δολόπλοκε, λίσσομαί σε,
μή μ᾽ ἄσαισι μηδ᾽ ὀνίαισι δάμνα,
πότνια θῦμον·
ἀλλὰ τύιδ᾽ ἔλθ᾽, αἴ ποτα κἀτέρωτα
τὰς ἔμας αὔδας ἀίοισα πήλοι
ἔκλυες, πάτρος δὲ δόμον λίποισα
χρύσιον ἦλθες
ἄρμ᾽ ὐπασδεύξαισα· κάλοι δέ σ᾽ ἆγον
ὤκεες στροῦθοι περὶ γᾶς μελαίνας
πύκνα δίννεντες πτέρ᾽ ἀπ᾽ ὠράνω αἴθε-
ρος διὰ μέσσω.
αἶψα δ᾽ ἐξίκοντο, σύ δ᾽, ὦ μάκαιρα,
μειδιαίσαισ᾽ ἀθανάτωι προσώπωι
ἤρε᾽, ὄττι δηὖτε πέπονθα κὤττι
δηὖτε κάλημμι
κὤττι μοι μάλιστα θέλω γένεσθαι
μαινόλαι θύμωι. «τίνα δηὖτε Πείθω
μαῖσ᾽ ἄγην ἐς σὰν φιλότατα, τίς σ᾽, ὦ
Ψάπφ᾽, ἀδίκησι;
καὶ γὰρ αἰ φεύγει, ταχέως διώξει, αἰ δὲ δῶρα μὴ δέκετ᾽,
ἀλλὰ δώσει, αἰ δὲ μὴ φίλει, ταχέως φιλήσει
κωὐκ ἐθέλοισα.»
ἔλθε μοι καὶ νῦν, χαλέπαν δὲ λῦσον
ἐκ μερίμναν, ὄσσα δέ μοι τέλεσσαι
θῦμος ἰμέρρει, τέλεσον, σὺ δ᾽ αὔτα
σύμμαχος ἔσσο.
Psapphô (612 av.J-C? 557 av.J-C?)