
Je te salue, ô Terre, ô Terre porte-grains,
Porte-or, porte-santé, porte-habits, porte-humains,
Porte-fruits, porte-tours, alme, belle, immobile,
Patiente, diverse, odorante, fertile,
Vestue d’un manteau tout damassé de fleurs
Passementé de flots, bigarré de couleurs.
Je te salue, ô coeur, racine, baze ronde,
Pied du grand animal qu’on appelle le Monde,
Chaste espouse, du Ciel, asseuré fondement
Des estages divers d’un si grand bastiment.
Je te salue, ô soeur, mere, nourrice, hostesse
Du Roy des animaux. Tout, ô grande princesse,
Vit en faveur de toy. Tant de cieux tournoyans
Portent pour t’esclairer leurs astres flamboyans ;
Le feu pour t’eschauffer sur les flotantes nues
Tient ses pures ardeurs en arcade estendues ;
L’air pour te refreschir se plait d’estre secoux
Or’ d’un aspre Borée, or’ d’un Zephyre doux ;
L’eau, pour te destremper, de mers, fleuves, fonteines
Entrelasse ton corps tout ainsi que de veines
Hé ! que je suis marri que les plus beaux esprits
T’aient pour la plupart, ô Terre, en tel mépris :
Et que les coeurs plus grands abandonnent superbes,
Le rustique labeur et le souci des herbes
Aux hommes plus brutaux, aux hommes de nul prix,
Dont les corps sont de fer, et de plomb les esprits …
Guilhem Sallusti deu Bartàs (1544-1580)

Que faire quand on ne sait plus de quoi sera fait l’avenir et qu’on ne peut plus faire tout ce que l’on aime? Nous assistons en ce moment, pour une partie de la population, à un vrai retour à la terre. Celles et ceux qui ont fui dans les campagnes se réfugient dans les plaisirs – corvées ou corvées – plaisirs de la culture. Retour aux sources ancestrales? Besoin de se sentir « vivant-e-s », en accord avec Gé, la Terre Mère? Activité démontrant l’utilité, sinon sociale, du moins personnelle? Défoulement individuel, à défaut de fêtes collectives? Toujours est-il que nous sommes, je pense, un certain nombre à bêcher, piocher, biner, sercler… tous mots plus ou moins oubliés, qui ressurgissent de nos passés de descendant-e-s d’agriculteurs, de fermiers, de propriétaires terriens, de cultivateurs en un mot. Nomade redevenue par force et contrainte policière sédentaire, je n’échappe pas à cette vogue…

Et le cadeau d’anniversaire offert par mes jeunes ami-e-s et voisin-e-s m’y a encore plus poussée : plants de framboisiers, de groseillers, et de fraisiers… Vous l’avez deviné, j’aime les fruits rouges! Sans compter un paquet joliment emballé du fumier de leurs équidés et un autre de paillage. Le moment de renouer avec l’enfance, quand j’aidais ma grand-mère dans son vaste jardin. Et de me dire « Mais comment faisait-elle pour entretenir tout cela et nous régaler ainsi de fraises de diverses espèces, depuis la petite fraise des bois jusqu’aux juteuses grosses fraises, de groseilles blanches, roses, rouges et à maquereaux? de liqueur de cassis, de cerises à l’eau de vie et de poires au chocolat? » Elle dont ce n’était ni le choix, ni la vie rêvée… Pas plus que la mienne, soit dit en passant…

Et de repenser à l’un des écrivains qui a nourri mon adolescence et que j’ai tenté de faire aimer à de plus jeunes, Voltaire… Ne sommes-nous pas toutes et tous un peu « Candide » en ce moment ? Et puis, « germinal », « floréal », « prairial », quels jolis noms pour désigner un temps qui est, serait ou pourrait être perdu… Germinal est fini, nous sommes entré en Floréal…

1 | 20 avril | Rose |
2 | 21 avril | Chêne |
3 | 22 avril | Fougère |
4 | 23 avril | Aubépine |
5 | 24 avril | Rossignol |
6 | 25 avril | Ancolie |
7 | 26 avril | Muguet |
8 | 27 avril | Champignon |
9 | 28 avril | Hyacinthe |
10 | 29 avril | Râteau |
11 | 30 avril | Rhubarbe |
12 | 1er mai | Sainfoin |
13 | 2 mai | Bâton-d’or |
14 | 3 mai | Chamérisier |
15 | 4 mai | Ver à soie |
16 | 5 mai | Consoude |
17 | 6 mai | Pimprenelle |
18 | 7 mai | Corbeille d’or |
19 | 8 mai | Arroche |
20 | 9 mai | Sarcloir |
21 | 10 mai | Statice |
22 | 11 mai | Fritillaire |
23 | 12 mai | Bourrache |
24 | 13 mai | Valériane |
25 | 14 mai | Carpe |
26 | 15 mai | Fusain |
27 | 16 mai | Civette |
28 | 17 mai | Buglosse |
29 | 18 mai | Sénevé |
30 | 19 mai | Houlette |
A ce propos, avez-vous lu l’étonnant rapport de Fabre d’Eglantine (un nom prédestiné!!!) ? Il est accessible en ligne, jetez-y un oeil…
Je vous invite donc, si vous participez au grand décompte national, d’utiliser ces noms de jours… plus beaux que les chiffres, non ? en attendant « Fritillaire »… Mais au fait, savez-vous ce qu’est une fritillaire?
Volonté d’enracinement ? « Elle déclame du Claudel, du Claudel, j’ai bien dit… » Mon connivence avec Brassens ne m’empêche nullement de me méfier des idées reçues ! Pourquoi ce bourru de Paul Claudel a ma sympathie : » Je me revois à la plus haute fourche du vieil arbre dans le vent, enfant balancé parmi les pommes… » …Rare sont les écrivains qui nous font pénétrer dans une cour de ferme (Jammes,Giono,Bosco…): « Voir les vaches et les lapins, la menotte de ses petites filles dans chacune de ses mains…remplit le coeur de joie. » Alors Claudel toujours « chat huant empaillé »? Son hommage à l’arbre ne se résume pas au pommier (Olivier,cocotier,banyan… et « cette glycine extravagante : ses cents lignes se lacent,s’emmêlent, se nouent, se nattent (en un) câble tordu qui lançant le long serpent de ses bois s’épanouit sur la treille en un ciel épais de grappes mauves… »…Claudel, un ascète ? Le meilleur vin, « c’est celui de la côte qui est entre Beaune et Dijon : Une terre sèche et grumeleuse comme du lait caillé, et pleine de petits cailloux calcaires qui gardent la chaleur comme des briques afin que la grappe lourde et dormante cuise des deux côtés (Protée II,355) »…A son dernier repas, le jour du Mardi Gras, il mangera en gourmet des andouillettes et des crêpes !
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