
Pour pouvoir coudre, il faut la matière. Truisme, me direz-vous… Certes… Qu’elle soit peau de bête plus ou moins tannée ou tissu fabriqué par l’Homme… Peut-être un jour vous parlerai-je de Préhistoire, qui fut une de mes passions. Mais aujourd’hui j’ai envie de parler des fileuses. Vous deviez vous y attendre, si vous savez à quel point cette figure est présente dans la littérature et dans la peinture…

La fileuse
Assise, la fileuse au bleu de la croisée
Où le jardin mélodieux se dodeline ;
Le rouet ancien qui ronfle l’a grisée.
Lasse, ayant bu l’azur, de filer la câline
Chevelure, à ses doigts si faibles évasive,
Elle songe, et sa tête petite s’incline.
Un arbuste et l’air pur font une source vive
Qui, suspendue au jour, délicieuse arrose
De ses pertes de fleurs le jardin de l’oisive.
Une tige, où le vent vagabond se repose,
Courbe le salut vain de sa grâce étoilée,
Dédiant magnifique, au vieux rouet, sa rose.
Mais la dormeuse file une laine isolée ;
Mystérieusement l’ombre frêle se tresse
Au fil de ses doigts longs et qui dorment, filée.
Le songe se dévide avec une paresse
Angélique, et sans cesse, au doux fuseau crédule,
La chevelure ondule au gré de la caresse…
Derrière tant de fleurs, l’azur se dissimule,
Fileuse de feuillage et de lumière ceinte :
Tout le ciel vert se meurt. Le dernier arbre brûle.
Ta sœur, la grande rose où sourit une sainte,
Parfume ton front vague au vent de son haleine
Innocente, et tu crois languir… Tu es éteinte
Au bleu de la croisée où tu filais la laine.
Paul Valéry, Album de vers anciens


Loin de moi l’idée de faire un exposé sur le filage et son interprétation à travers l’Histoire et la Mythologie. Depuis le mythe des Parques jusqu’au conte de Perrault où cela valut 100 ans de sommeil à la Belle, en passant par la triste histoire d’Arachnée narrée par Ovide, on le retrouve à toute époque et quasiment en tout lieu (bon, d’accord, je ne suis pas allée voir chez les Inuits…).

A propos, ou plutôt hors de propos, au moins partiellement… Vous vous souvenez peut-être qu’hier je vous ai défié-e-s de trouver un « couturier » autre que grand dans un tableau… Pour ce qui concerne le filage, j’ai ce qu’il faut… eh oui!

Lorsque j’étais petite, je me suis beaucoup amusée avec le rouet présent dans la pièce à vivre de mes grands-parents, au grand désespoir de ma grand-mère qui craignait de le voir détruit. Il faut dire que le jeu consistait à faire tourner la roue de plus en plus vite, en actionnant la pédale… à la main, jusqu’à être assez grande et forte pour le faire au pied!

Nombreuses sont les chansons qui ont trait au filage… Loin de moi l’idée d’en faire un inventaire exhaustif.
Beaucoup évoquent le temps passé, comme celle qu’interprète le groupe Décibal, ou encore celle de Théodore Botrel, chantée par Louis Bory, illustrée dans ce diaporama par de belles photos de Bretagne, qui fait allusion à l’Ankou. La chanson « Filez la laine » a été reprise par divers chanteurs/euses, dont Isabelle Aubret, et par la chorale à laquelle participe un de mes amis, la chorale Philomèle…. et une voix à fondre, celle de Fabrizio de Andre. Des chansons en langues vernaculaires sont aussi légion. En occitan, Las Fielairas, ici ou là.
Enfin j’aime beaucoup cette chanson de Julos Beaucarne.
En écho au poème de Valéry, ce beau texte de Philippe Soupault chanté par Catherine Sauvage ou la belle voix de Fabienne Thiebault…
J’espère qu’avec tout cela, vous n’allez pas filer « Le Mauvais Coton » (Brigitte Fontaine)… et au contraire passer un bel après-midi en filant… le parfait amour? Mais un petit trait d’humour avant de nous quitter…

Ouah! Quel article!… Sur le thème de la Fileuse, un poème a retenu mon attention : « La fileuse et l’enfant » (Poème de l’enfance heureuse!) de Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) J’appris à chanter en allant à l’école :
Les enfants joyeux aiment tant les chansons !
Ils vont les crier au passereau qui vole ;
Au nuage, au vent, ils portent la parole,
Tout légers, tout fiers de savoir des leçons.
La blanche fileuse à son rouet penchée
Ouvrait ma jeune âme avec sa vieille voix.
Lorsque j’écoutais, toute lasse et fâchée,
Toute buissonnière en un saule cachée,
Pour mon avenir ces thèmes d’autrefois.
Elle allait chantant d’une voix affaiblie,
Mêlant la pensée au lin qu’elle allongeait,
Courbée au travail comme un pommier qui plie,
Oubliant son corps d’où l’âme se délie ;
Moi, j’ai retenu tout ce qu’elle songeait …« Les ramiers s’en vont où l’été les emmène,
L’eau court après l’eau qui court sans s’égarer,
Le chêne grandit sous le bras du grand chêne,
L’homme revient seul où son cœur le ramène,
Où les vieux tombeaux l’attirent pour pleurer. »
— J’appris tous ces chants en allant à l’école :
Les enfants joyeux aiment tant les chansons !
Ils vont les crier au passereau qui vole ;
Au nuage, au vent, ils portent la parole,
Tout légers, tout fiers de savoir des leçons.
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Merci pour votre partage.
J’ai retrouvé, chez ma grand mère, un rouet qui ressemble beaucoup à celui de la peinture. Il sera à sa place dans notre exposition de costumes alsaciens.
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Bonjour, et merci à vous! Quelle exposition? Pouvez-vous la partager?
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