Avez-vous déjà pratiqué 7 heures de tête à tête en visio par Teams avec une personne? une expérience inoubliable pour la nomade que je suis!!! 7 heures scotchées à mon siège, face à un écran, pour des échanges qui habituellement sont faits d’interactions en présence, de véritable dialogue, de collaborations, et de mouvements… 7 heures à ne communiquer que partiellement. Car l’oral n’est pas notre seul mode de communication!! Et cette épreuve se renouvelle, suite au diktat du « télétravail » qui, certes, peut (peut-être) convenir pour certains métiers, mais pas pour le mien, car il transforme et le contenu et la forme. En ce qui me concerne, il pervertit même l’ensemble, dans la mesure où le média induit une modification de l’andragogie, et va à l’encontre des principes qui sont au fondement de mon engagement professionnel…
Mais vous n’êtes pas ici pour que je vous fasse part de mes états d’âme professionnels, je le sais.
Après cette rude journée vécue hier, je suis allée marcher dans Paris, pour me défouler.
Triste spectacle. Des rues quasi-désertes. Quelques boutiques éclairées et ouvertes, noyées dans la « sombritude » des autres devantures, bars, restaurants, cinémas, théâtres, salles de sport, fermées.
Un tour chez Gibert pour essayer de me réconforter? Sous prétexte d’aller chercher un livre sur Sextus Empiricus… Mais peu de monde, des employés désoeuvrés (avantage : ils se sont mis en 4 quand je leur ai demandé une information, au point que c’est moi qui ai dû abréger!), de rares chalands…
J’ai donc continué vers le Carrefour de l’Odéon, habituellement si vivant et animé en fin d’après-midi… La statue de Danton sert de point de rendez-vous aux amateurs de bars, de sorties nocturnes, de balades au crépuscule, d’after-works – je détestais ce mot jusqu’à maintenant, mais depuis qu’on n’a plus droit qu’au « work » et pas à l' »after », je commence à lui donner du sens! Personne aux pieds du tribun. De rares fantômes masqués passant rapidement le long du Boulevard… quelques bus… quelques voitures… à 18h, c’est incroyable!
J’ai alors emprunté le Passage du Commerce, un de mes lieux préférés dans le quartier. Lui aussi, d’ordinaire si vivant, ressort davantage en ce moment d’une ruelle coupe-gorge que de l’espace convivial qu’il est en d’autres temps…
Au débouché de la ruelle désormais obscure, la rue Saint André des Arts est certes illuminée par la Ville, mais tout aussi déserte, malgré les quelques commerçants qui continuent à vouloir survivre… Plus de spectacles, qu’ils soient culturels comme au cinéma éponyme – un des cinémas indépendants qui ont réussi à résister jusqu’à maintenant, ou érotiques comme le théâtre Chochotte…
La Place elle-même est sinistre, et ce n’est pas mieux devant la Fontaine, qui, asséchée lors de la dernière canicule au grand dam de la population qui aurait pu s’y rafraîchir, pleure maintenant inlassablement les passant-e-s, les touristes, les musicien-ne-s ou autres artistes de rue, et les manifestant-e-s de tout poil qui l’animaient naguère… sans compter les ami-e-s, les bandes de copains/copines, les couples d’amoureux/euses ou d’amant-e-s pour qui elle constituait (elle con-statuait, allais-je écrire) un lieu de rendez-vous idéal…
