La qualité littéraire est-elle ce qui prime dans un poème? Ne peut-on lui accorder une valeur autre, quand elle relie les émotions et les plaisirs?
C’est pourquoi ce jour j’ai choisi le poème d’un amateur… de motos. Rien de tel pour s’évader de nos prisons que de rêver de balades en moto, n’est-ce pas, pour qui aime cela… les autres imagineront d’autres balades.
Mais cet article est dédié à une amie qui va souffler ses bougies, ou nettoyer celles de sa moto, à Marseille, isolée dans le confinement de son appartement, reliée au monde par les TIC… Alors ce poème a été choisi pour elle, pour qu’elle puisse se souvenir de ses folles équipées et rêver aux futures…

Source
Plaisirs d’essence
Quand du pouce et l’index je décroche sa clé
Et que, dans le garage, je viens la réveiller
Quand une fois sur deux roues, je la sors en arrière
Cela n’est pas routine mais bien préliminaires.
Encore aucun témoin, posée sur la béquille
Je fais tourner la clé, aiguille et chiffres s’élancent
Enfin bielles et pistons repartent dans la danse
Au coup de démarreur, en elle revient la vie.
Ensuite je la délaisse, la laissant respirer
Vibrer autant qu’elle veut et chauffer à son aise
J’enfile casque et puis gants, pas sûr que ça me plaise
Mais pas de relation, sans être protégé.
Enfin vient le moment d’un contact plus physique
Cet instant du départ, à chaque fois unique
Châssis entre mes cuisses, dans mes mains ses poignées
Accordée à mon rythme dès qu’elle est balancée.
Recherche d’intimité pour vivre une passion
On quitte le centre-ville et la circulation
Sur cette route en sous-bois, à défaut de caresses
S’offrent à nous le bitume, le vent et la vitesse.
Et suivant la manière dont ma main la titille
Tantôt elle ronronne, tantôt elle est furie
Un couple gigantesque nous propulse en avant
Sortir de chaque virage, plonger vers le suivant.
Après je me détends, soulage le moteur
J’admire le paysage, assis tout en hauteur
Sur cette route je plane, à peine à quatre-vingt
La belle tout contre moi, ce que je me sens bien.
Si toi tu as connu ce plaisir sans partage
Qui peut se déguster, même en prenant de l’âge
Tu trouveras, c’est sûr, pour y avoir goûté
Les mots de ce poème, à peine exagérés.
Jacques Bodson
je ne suis pas fan des engins motorisés.Je fais une exception pour les « deux roues » : Normal pour un amoureux de la « petite reine ». Entre la moto (ou le vélo) et nous s’instaure une complicité (« recherche d’intimité », « s’offrent à nous »…). Quand on chevauche un « deux roues », on quitte le quotidien pour « plane (r) ». La machine devient un être humain (« Tantôt elle ronronne, tantôt elle est furie », « La belle tout contre moi, ce que je me sens bien »). La moto franchit vallons et collines comme la biche…
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