
Abonnée à une Lettre qui me nourrit chaque matin de magnifiques images, j’ai eu le bonheur de découvrir en cette aube ensoleillée une étoile disparue trop vite et une photographe qui, elle, est bien vivante. Alors que le travail m’attend, je ne résiste pas à l’envie de vous le faire partager…
La photographe est Allemande, elle s’appelle Miriam Tölke, a 43 ans et vit à Stuttgart.
L’écrivaine est… je ne sais quoi dire… Jugez un peu. Elle est née en 1924 à Czernowitz. Cette ville était alors située en Bucovine, province longtemps autrichienne, devenue roumaine en 1920, aujourd’hui en Ukraine. Donc… elle est Autrichienne si l’on considère sa famille? Roumaine pour les historiens? Ukrainienne pour les politiques?
Cela vous rappelle peut-être quelque chose, un autre écrivain… Paul Celan, de son nom de naissance Paul Pessach Antschel (en allemand) ou Ancel (en roumain). Il était né en 1920 à Cernauti, dans la même province. Ce poète (et traducteur) est devenu, lui, Français, en 1955, par naturalisation. Lui a eu la chance de connaître « l’après-guerre ». Ce ne fut pas le cas de la jeune Selma Meerbaum – Eisinger, qui mourut du typhus dans un camp de travail ukrainien en 1942. Vous avez bien lu… Elle n’avait que 18 ans… Vous avez deviné pourquoi… Ajoutons qu’elle avait un lien de cousinage éloigné avec Paul Celan, dont les parents sont d’ailleurs décédés dans le même camp.

Un Musée de la Famille nous parle de sa jeunesse et présente, en anglais, le poème dont il est question dans cet article, Crystal (je ne l’ai trouvé écrit ni en allemand ni en français, désolée!). Mais vous pouvez entendre Kristall déclamé par Ole Irenäus Wieröd.
Crystal
All’s calm. And many withered leaves here lie
like brown gold dipped in sunshine.
The sky is very blue
white clouds are rocking by.
Hoar-frost blows brightness on the pine.
Firs are standing fresh and green
lofty tops rising into the height.
The red beeches, slender and keen,
listen to the eagle calling in his flight
and dare go ever higher as heaven were.
Lonely benches standing here and there
and here a patch of grass, now half-frozen,
the sun as its own darling had is chosen.
Selma Meerbaum-Eisinger, 8 décembre 1940

Il nous reste d’elle un recueil de 51 poèmes, en langue allemande. Certains de ses poèmes ont été traduits en français par Paul Segnol.
Pour écouter sa poésie dans la langue d’origine : Fritz Stavenhagen.
J’ai beaucoup aimé aussi, pour ma part, Traüme (« Rêves »), en allemand par le même lecteur, et chanté en yiddish par Ruth Levin, et cette superbe vidéo sur Ich bin der Regen (« Je suis la pluie ») alliant musique, chanson et acrobatie/danse, par Nadine Maria Schmidt & Frühmorgens am Meer.

Je disais donc au début de ce texte que je venais de la découvrir grâce à un article sur une exposition qui devait se dérouler dans une galerie -qui n’a réouvert qu’aujourd’hui12 mai, Bildhalle à Zürich. La galerie a eu la bonne idée de présenter l’exposition en ligne, ce qui nous permet d’en profiter… Voici donc l’oeuvre que son auteure met en lien avec la jeune fille, un collage.

« Je prends tout hors contexte, le réorganise, reconfigure les pièces détachées, mélange les matériaux et les techniques, crée un nouvel ordre hors du chaos de l’abondance. Je suis une randonneuse, je passe la plupart de mon temps en ville et j’adore étudier les gens, les lieux, les gestes et les mouvements. La nature me donne l’horizon devant lequel toutes les parties se rejoignent. » Miriam Tölke, 2019 (Source)

Vous me donnez l’occasion d’évoquer l’intérêt qu’ Edvard Munch portait à la photographie. Il a expérimenté un protocole couramment employé aujourd’hui : Pointer l’objectif vers le visage en tenant l’appareil à bout de bras! Les clichés réalisés montrent un visage déformé par l’effet de bougé. Ce n’est pas sans rappeler l’aspect diaphane des silhouettes dans ses tableaux. Rien à voir avec le narcissisme des selfies : Il vise au contraire l’effacement même de la personne! Toujours la même volonté de retranscrire une vision intérieure.
J’aimeJ’aime