Se révolter ou accepter ?

Ryan Heywett

En ce matin du 11 mai, beaucoup de personnes autour de moi hésitent et ne savent plus que penser. Alors que la sphère commerciale, à l’exception des secteurs encore interdits d’activités, comme bars, restaurants… et culture, pousse à se réjouir, les citoyen-ne-s qui réfléchissent se demandent comment agir et réagir… L’heure est aussi aux bilans. Deux mois, si brefs dans une vie, mais si importants quand il n’en reste plus beaucoup à vivre… Qu’en avons-nous fait? En quoi nous ont-ils modifiés et ont-ils ou vont-ils changer le cours de notre vie ? Mais cessons là. Comme vous l’avez remarqué, depuis deux mois j’ai tenté au travers de ce blog de « survivre intellectuellement » et de distraire celles et ceux d’entre vous qui étaient isolé-e-s, découragé-e-s, parfois en manque de « société » tout simplement. Aujourd’hui, je vais consacrer mon dernier article « quotidien » – mais peut-être le resteront-ils, qui sait? – à l’un des « cadeaux » qui m’ont été offerts par les un-e-s et les autres, au travers des échanges qui se sont multipliés grâce à Internet.

Lasar Segall

Le poème du jour, qui sera le dernier de la séquence « La Poésie pour clef« , m’a été transmis par une amie, qui l’a enregistré et m’a envoyé une vidéo… que je ne parviens pas à placer ici pour l’instant. Promis, dès que je le pourrai, je le ferai.

Emiliano di Cavalcanti

Acceptation

É mais fácil pousar o ouvido nas nuvens

e sentir passar as estrelas

do que prendê-lo à terra e alcançar o rumor dos teus passos.

É mais fácil, também, debruçar os olhos nos oceanos

e assistir, lá no fundo, ao nascimento mudo das formas,

que desejar que apareças, criando com teu simples gesto

o sinal de uma eterna esperança.

Não me interessam mais nem as estrelas, nem as formas do mar, /nem tu.

Desenrolei de dentro do tempo a minha canção :

não tenho inveja às cigarras : também vou morrer de cantar.

Cecilia Meireles

Comme vous ne lisez peut-être pas couramment le portugais, en voici la « traduction » en français – si vous me lisez souvent, vous savez ce que je pense de ces interprétations, même si elles sont très bien pensées… d’où la présence du texte original…

Il est plus facile deposer l’oreillesur les nuages

et sentir se déplacer les étoiles

que la fixer au sol et percevoir le son de tes pas.

Il est plus facile, aussi, de plonger les yeux dans les océans

et d’assister, là, au fond, à la naissance silencieuse des formes,

que vouloir que tu apparaisses, créantavec ton simple geste

le signe d’une espérance éternelle.

Je ne m’intéresse plus aux étoiles ni aux formes de la mer, ni à toi.

J’ai déroulé de l’intérieur du temps ma chanson :

Je n’envie pas les cigales : je vais, moi aussi, mourir d’avoir trop chanté.

Traduction Jacky Lavauzelle

A luna, Tarsilo di Amaral (1928)

Je ne connais pas bien la littérature brésilienne, c’est un doux euphémisme. Et j’ai ainsi découvert l’écrivaine remarquable qu’a été Cecília Benevides de Carvalho Meireles, décédée en 1964 à 63 ans. Sa poésie est vivante et forte, trace de la personnalité de cette femme qui s’est adonnée non seulement à la poésie, mais aussi à l’enseignement et au journalisme. Vous pourrez trouver quelques oeuvres traduites ici.

J’ai aimé entendre ses poèmes lus, comme Retrato par Paulo Autran, sans fond musical ou avec, ou encore Recado aos amigos distantes par José-António Moreira. D’autres ont été mis en musique et chantés, comme Motivo par Fagner. D’autres enfin ont donné lieu à une mise en images avec accompagnement musical (à l’esthétisme plus ou moins réussie), comme Nem tudo é facile ou O Tempo. On en trouve même dansés en un lent tango, comme le même O Tempo. A voir absolument!

Renova-te, Cecilia Meireles (source)

3 commentaires sur “Se révolter ou accepter ?

  1. Je partage votre enthousiasme et celui du critique , Paulo Ronai, pour l’oeuvre de Cecilia Benevides de Carvalho Meireles (1901-1964 Brésil) : « Aucun autre poète ne peut égaler son détachement, sa fluidité, sa simplicité, sa préciosité…,car, Cecilia, elle seule, s’intéresse à notre poésie primitive et à notre lyrisme spontané ( Que l’on retrouve dans les tableaux des peintres brésiliens). » Cette poésie aérienne se retrouve dans sa prose : « Le printemps viendra, même si personne d’autre ne connaît votre nom, ne croit au calendrier ou n’a de jardin pour le recevoir. La pente du soleil marque d’autres ombres; et les habitants de la forêt, ces créatures naturelles qui circulent encore dans l’air et sur le sol, commencent à préparer leur vie pour le printemps à venir.

    De minces clarins que nous n’entendons pas doivent sonner de l’intérieur de la terre, dans ce monde confidentiel de racines, – et des hérauts subtils éveilleront les couleurs et les parfums et la joie de naître, dans l’esprit des fleurs.

    Il y a des bois de rhododendrons qui étaient verts et qui sont tous roses maintenant, comme les palais de Jeipur. De nouvelles voix d’oiseaux commencent à répéter les airs traditionnels de leur nation. De petits papillons blancs et jaunes se précipitent dans l’air, – et ils parlent certainement: mais si doucement que vous ne comprenez pas.

    Oh! Des sources lointaines, après l’hiver blanc et désertique, lorsque les amandiers ouvrent leurs fleurs, joyeusement, et que tous les yeux cherchent dans le ciel le premier rayon de soleil.

    C’est un printemps différent, avec les forêts intactes, les arbres couverts de feuilles, – et seuls les poètes, parmi les humains, savent qu’une déesse arrive, couronnée de fleurs, avec des robes de fleurs brodées, les bras chargés de fleurs, et venez danser dans ce monde chaleureux, de lumière incessante… Alors qu’il y a du printemps, ce printemps naturel, portons attention au chuchotement des jeunes oiseaux qui embrassent l’air bleu. Écoutons ces voix qui marchent dans les arbres, marchons le long de ces routes qui conservent encore leurs anciennes émotions: des manacás violets et blancs se tissent lentement; et l’euphorbe devient pulquérrima, dans chaque couronne rouge qui se déplie. Les cocons blancs des gardénias s’enroulent toujours autour du parfum. Et les fleurs sauvages se réveillent dans leurs vêtements de guépard multicolores.

    Tout cela pour briller un instant, juste pour être lancé dans le vent, – par fidélité à la graine sombre, à ce qui vient, dans la rotation de l’éternité. Saluons le printemps, propriétaire de la vie – et éphémère.  » Nous ne pouvions pas mieux terminer cette période de confinement!

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