En ce 11 novembre, comme je vous le disais, j’avais décidé de me promener, comme j’aime tant à le faire, dans les rues de la capitale. D’habitude, il règne, les dimanches et jours fériés, une joyeuse atmosphère, empreinte d’affection familiale, d’amitié, d’amour… Sans compter la curiosité des touristes, leur air ravi en découvrant les trésors tant convoités, leurs sourires pour les selfies et photos de groupe… Ce jour-là, c’était sinistre. Des fantômes ambulants, masqués, s’éloignant de l’autre lorsqu’ils se croisent, déambulant plus que musant…
Pas moyen d’aller, comme j’aime tant à le faire, explorer en détail un petit bout de quartier un peu éloigné. Je suis donc repassée là dans des endroits déjà bien connus, et ai revu des lieux que je connais déjà bien. Quelques détails cependant ont changé…
Je vous propose donc de suivre cette balade, et de partager avec moi cette tristesse ambiante, que ne rompent que la beauté des édifices et quelques détails plus ou moins artistiques…
Le Pont de la Tournelle m’a conduite sur l’Ile Saint Louis. Personne sur les berges, dont ne profitent que les goélands et les canards.

Pas de file devant Berthillon. On n’a plus droit aux glaces. Pas de musiciens sur le pont qui mène à l’arrière de Notre Dame… le silence n’est rompu que par un hors bord de la police, filant sur la Seine désertée par les bateaux-mouche. Et par le bruit des grues. Car les travaux, eux, continuent, comme je vous l’ai montré dans une photo récemment publiée ici et comme le montre celle-ci.

Me revoici rive gauche… « ma » rive! La rareté des voitures est surprenante à cette heure, et je m’amuse à traverser et retraverser la large rue… Vais-je prendre la rue de Bièvre? Une nouvelle oeuvre l’orne, plutôt inattendue à cet endroit…

J’imagine l’artiste en train de la créer! Comme a-t-il ou elle fait pour déjouer les rondes policières, si fréquentes dans ce coin?
La suite est bien triste… Tout est fermé, déserté, voire grillagé… Les plaisirs sont abandonnés…



La culture est interdite (vous avez déjà vu le magasin de musique Avanti la Musica sis à cet endroit), et les galeries ne peuvent plus jouer leur rôle de promotion de l’art et des jeunes artistes… un beau projet pourtant ?
Et finalement, ce sont les traces du passé qui donnent un peu de « couleur » et de « gaieté » – oh, bien relatives! – à toute cette grisaille… Je retrouve avec plaisir la boutique de calicot qui me ravit, à chacun de mes passages…

Et l’ancienne « Tonnellerie centrale » voisine rappelle à quel point il a pu y avoir de commerces de vins depuis ce lieu jusqu’à Bercy…

Nous sommes 5, rue des Grands Degrés. Peut-être ne savez-vous pas que le bois pour les constructions et productions de tout genre était débarqué tout près de là, comme l’atteste le nom d’une rue proche, la rue de la Bûcherie? (merci au site que je viens de découvrir en recherchant l’origine de cette enseigne, site qui porte un nom qui me correspond « Parislenezenlair« …
En face, les péniches, peu nombreuses, restent sagement amarrées face aux travaux gigantesques de la réfection de la vieille dame.

Me voici arrivée au Square René Viviani – dont le nom rend hommage à celui qui fut au début de sa carrière député socialiste élu deux fois dans le 5ème arrondissement -, square où j’ai passé jadis des heures en attendant que le service des urgences de l’Hôtel Dieu veuille bien me recevoir… Il a changé depuis, car une statue y a été placée en 1996, en hommage à Saint Julien… Elle a remplacé la pelouse sur laquelle je me reposais…

J’en ai fait plusieurs fois le tour, tant pour prendre des photos que pour essayer de comprendre ce qu’elle représentait… Car elle allie des airs de monument aux morts à des tonalités de statues évoquant les plaisirs…

J’ai bien sûr cherché par la suite à en savoir plus sur cette statue. En réalité, c’est une fontaine… je ne suis pas perspicace! L’artiste se nommait Georges Jeankelowitsch et l’a créée peu de temps avant sa mort, alors qu’il avait 63 ans. Vous ne le trouverez pas sous ce nom dans les plaquettes touristiques. En effet, il avait modifié son patronyme en « Jeanclos », et, les dernières années, en hommage à sa mère, avait ajouté le patronyme de celle-ci, Mossé. D’où la signature de ses dernières oeuvres « Georges Jeanclos-Mossé ». Un personnage étonnant, visiblement ouvert à différentes cultures, que je me promets de découvrir un peu mieux plus tard… Mais revenons square Viviani…
Ce qui a peu changé, au regard de sa longévité, c’est le célèbre robinier qui va bientôt fêter ses 420 ans.
Bon, d’accord, il n’existait pas encore lorsque Dante ou encore Pétrarque sont venus à l’église voisine… mais quand même, ce n’est pas mal, non? A propos d’église voisine, elle a eu une histoire plus que mouvementée, dont je vous parlerai peut-être un jour où je pourrai y entrer… car en ce moment, elle est aussi victime des interdictions, dont celles de célébrer ensemble en un lieu consacré un culte quel qu’il soit. En l’occurrence, il s’agit de l’Eglise grecque-melkite-catholique. Pour celles et ceux qui seraient comme moi béotiens en matière de religions, je décrypte, grâce à ce que j’ai lu sur un site qui présente la multitude incroyable de rites orientaux. Grec, car les Pères de cette église ont écrit en grec. Melkite (du terme désignant un « empereur »), car lors du Concile de Chalcédoine, en 451, il y eut schisme avec les Monophysites (alors là, ne m’en demandez pas plus pour l’instant!) qui leur donnèrent ce nom. Enfin, catholique, car un nouveau schisme se produisit au XVIIIème siècle et une partie se rattacha à Rome, tandis que d’autres sont orthodoxes. En bref, un culte byzantin mais catholique, dont les textes fondateurs sont en langue grecque, qui se pratique dans ces lieux depuis 1889.
Impossible d’y entrer, disais-je. J’enchaîne donc par la rue Galande, ordinairement si gaie et vivante avec ses boutiques exotiques, ses restaurants qui le sont tout autant – un vrai tour du monde en quelques mètres! – et le fameux studio de cinéma, lui aussi actuellement condamné. Pas un chat. Je suis seule. Comme diraient certain-e-s, c’en est même « flippant »! Et cela perdure jusqu’à la Place Maubert ! Même la boutique Tahnh Binh, où j’allais autrefois acheter mon sac de riz avant de repartir au Maroc, est déserte! pourtant, elle est ouverte, elle! Au passage, je m’interroge à nouveau sur la Société d’Instruction élémentaire. Voici un bon nombre de fois que je me promets de rechercher de quoi il s’agit, mais je ne l’ai toujours pas fait!

M’engageant à nouveau à mener cette enquête, je poursuis ma route et m’aperçois que certains immeubles ont pris des couleurs qui tranchent sur la grisaille environnante…

L’heure est dépassée, et il me reste encore un peu de chemin à faire… Vite, pressons-nous! Ah non, pas tant que cela, car la devanture du traiteur grec m’appelle… Echo à l’église admirée un peu plus tôt? Et… c’est ouvert, en ce 11 novembre à 17h… devinez ce que j’ai fait ? Je suis allée échanger un peu avec le charmant jeune Grec qui tient cette alléchante boutique au nom évocateur, Le Pirée !
Eh oui, délices de l’Hellas… vrai taboulé, hommos et pain azyme, tiropites, aubergine farcie, gâteaux mielleux à souhait… sans oublier vin de Crète et Néméa… tout y est passé… et je dois avouer que ce fut un régal par la suite, en écoutant de la musique grecque, bien sûr. Non, non, pas le sirtaki, mais les Chants traditionnels grecs, interprétés par Vivi Kassou. On s’échappe comme on peut!
Si je peux me permettre, jamais vu de goélands à Paris ! Ce sont des mouettes, rieuses sans doute!
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Merci de cette information de la part d’un expert ! Quant à savoir si elles sont rieuses… sans doute, en voyant traîner lamentablement ces pauvres humains baillonnés!
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