Dans le précédent article, qui vous a fait voyager dans les Cieux, je faisais allusion à l’église Saint Julien le Pauvre. Vous la connaissez, si vous lisez ce blog depuis longtemps, car j’en ai déjà parlé ici. Pour les autres, c’est cette jolie petite église plus ou moins romane, blottie dans le petit parc -jardin Viviani – qui fait face à sa grande soeur, Notre-Dame, de l’autre côté de la Seine, et fait angle avec la rue Galande.


Une église qui a vécu une histoire pleine de rebondissements (histoire que j’ai déjà narrée, je n’y reviens donc pas), et est maintenant consacrée au rite grec melkite catholique. Une petite visite, mais limitée au côté droit… je n’ai pas pu me promener dans l’église avant le concert! Et le manque de luminosité explique la mauvaise qualité des photos…

Les Grecs (ainsi dénommés non par leur origine géographique mais parce que c’est la langue grecque qui est utilisée) Melkites Catholiques sont des catholiques de rite byzantin. Ce qui explique la présence de nombreuses icônes.



Cela explique aussi la présence de l’iconostase où se trouvent, entre autres, les peintures représentant les 4 évangélistes et leurs symboles, sujet de ma verve d’avant-hier… Observons-le de haut en bas (pour la petite histoire, le haut avait disparu à une certaine époque!)…



Quel lien avec l’Opéra et l’Amour? Tout simplement, cette église accueille très souvent des concerts, dont celui qui fait l’objet de mon discours ce jour. Vous l’aviez peut-être compris, si votre regard s’est porté sur le piano de la photographie ci-dessus!
En ce jour de fête commerciale, rien de tel, pour contrecarrer les visées économiques, que de se nourrir de musique et de chants, n’est-ce pas? Et ce fut un régal.
Le pianiste est remarquable. Il faut dire que Philippe Alègre a une carrière riche, qui l’amène à jouer régulièrement dans les salles célèbres comme Cortot et Gaveau.

« Parallèlement à sa carrière de concertiste, il est depuis 2003 le fondateur et directeur artistique des « Nuits musicales du Rouergue », festival d’été au cœur de l’Aveyron. Il est également directeur artistique de « Piano Passion », série de concerts tout au long de l’année à l’église Saint-Julien -le-Pauvre à Paris. » (source)
C’est donc, si je comprends bien, l’instigateur de ce concert. Voilà qui explique le fait qu’il s’agisse à la fois d’un récital de piano, avec des morceaux interprétés en soliste, et d’un récital d’airs chantés par deux artistes, Clémence Lévy et Matthieu Justine.
Le public attend encore quand s’élève une voix du fond de l’église. Vêtue d’une longue robe rouge, la couleur symbolique de cette fête, une jeune femme s’avance, doucement, s’arrêtant de temps à autres pour créer une connivence avec le public, tout en continuant à chanter… Lorqu’elle arrive au choeur, le changement de sonorité est surprenant et fait comprendre comment l’acoustique est modifiée par l’architecture. Elle est ensuite rejointe par son comparse, et l’on saisit très vite une entente étonnante entre les deux artistes, qui semble aller bien au-delà du duo de chanteur/euse…
Je ne vais pas détailler le programme, ma mémoire n’est pas assez performante et il n’y a pas eu de document écrit. Mais il fut d’une extrême variété, allant de Franck Sinatra à un Ave Maria… Cette diversité fut pour moi un peu difficile à accepter, je dois bien l’avouer, même si la thématique était claire : l’Amour, comme l’indiquait le titre du concert. Mais voir swinguer sur le « Maria » de West Side Story dans une église, alors que quelques minutes plus tôt et plus tard on était envoûté par des airs d’opéra, demandait une certaine adaptabilité. Et il a fallu toute la dynamique du trio, et surtout de la jeune femme, pour que cela constitue au total un spectacle exceptionnel, avec une mise en scène bien réglée.
Lorsque j’ai cherché à en savoir davantage sur le duo, j’ai compris. D’abord, que mon hypothèse était juste : Clémence Lévy et Mathhieu Justine forment bien un couple à la ville comme sur la scène. Ils ont d’ailleurs tourné pendant le confinement une vidéo que je vous conseille de regarder.
Toujours pendant le confinement, lorsque celui-ci s’est un peu « ouvert », ils n’ont pas craint d’aller chanter et jouer en plein air. D’autres vidéos, sur leur site officiel, les montrent dans un décor de cités.
Cela correspond à leur engagement citoyen, explicité dans ce texte:
« L’émotion au cœur.
La voix comme drapeau.
L’opéra est universel, il n’a pas d’âge, de couleur, de frontière.
Amener l’opéra et la musique classique là où on ne s’y attend pas.
Faire un pas vers celles et ceux qui pensaient ne pas y avoir accès.
Partager, toucher, vibrer ensemble aux sons des relations humaines dans une cité, une grange d’un petit village de campagne ou une école.
C’est notre engagement aujourd’hui.
Oui l’opéra et la musique classique sont accessibles à tous et l’accueil du public nous le confirme, concert après concert.«
On saisit mieux dès lors le nom de leur ensemble : Opéra en Liberté. Et sa devise : « L’opéra partout. L’opéra pour tous ». Car la soprano et le ténor se produisent aussi dans des contextes plus « classiques », comme on le voit sur cette vidéo.

Le public a suivi. Il a aimé. Il a vibré. Moi aussi. Vous savez, ces instants où tout à coup votre corps est parcouru par des picotements, comme une « chair de poule » généralisée? Et ceux où les larmes vous viennent aux yeux tant l’émotion est forte? Et ceux où vous vous surprenez à sourire en permanence (derrière votre masque) tant vous vous sentez heureux/euse?
Le public a applaudi. Ovations qui se sont terminées debout après deux « bis », ou plutôt deux nouveaux airs offerts.
